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 Mais n'te promène donc pas toute nue !

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Dominique Lebrun
Être homme ? tu le peux. Va-t'en, guêtré de cuir
Dominique Lebrun

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MessageSujet: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyJeu 1 Aoû - 10:37

Comédie en un acte

Personnages :
Lise Champmézières : créatrice de mode en vogue
Dominique Lebrun : colonel de cavalerie
Antoine Viret, dit le Zozio : ramoneur
Pauline Mapelaut : jeune femme de santé fragile miraculeusement devenue veuve, ancienne maîtresse du colonel

Lieux :
Une chambre d'ouvrière à l'étage de la maison Champmézières

Prologue

Un homme et une femme. Seuls. Dans un petite chambre mansardée. Avec la pluie qui frappait encore par intermittence aux vitres. C'était un peu cliché.
L'homme était officier ; la femme grelottait, elle était trempée. En cheveux, elle avait enlevé son chapeau dégoulinant d'eau. D'ailleurs elle a enlevé son léger manteau aussi. Alors forcément, l'imagination pouvait aller vite.
Mais ce n'était que de l'imagination.
Alors pourquoi donc en cet orageux jour d'avril 1897 le colonel Lebrun se retrouvait dans cette équivoque situation, à l'étage de la maison de couture Champmézières ?

Et bien tout bêtement. Le colonel était simplement passé pour une visite de courtoisie. « Madame est sortie pour l'après-midi » lui avait-on dit, entre deux coups de tonnerre. Et il s'apprêtait à partir quand la pluie éclata. Peu désireux de se mouiller, il prit la décision d'attendre que le grain passe. Avril et son temps capricieux, n'est-ce pas.
Sur ce une dame fit son entrée. Trempée des pieds à la tête, elle venait chercher refuge sous le premier toit accueillant. Toit qu'elle connaissait, car quelle femme ne connaissait pas encore le salon froufroutant de madame Champmézières ? Peut-être même était-elle sa couturière, mais cela, le colonel l'ignorait. En revanche, un coup d’œil lui suffit pour reconnaître la naufragée. Un peu plus de réflexion fut nécessaire pour lui associer un nom mais bon, il y avait longtemps que leur liaison était finie
Martine... non Pauline... rahh petite chose fragile, toujours pâle, souvent souffrante. Elle était partie prendre le soleil dans le sud après une suspicion de tuberculose et elle avait prolongé son séjour pendant son veuvage.
« Madame ! Vous ici ! Mais l'air du sud vous a réussi ! » et autre bavardage.
En attendant, elle avait l'air trempée jusqu'à l'os et sa santé fragile, air du sud ou pas, allait avoir du plomb dans l'aile.
Le colonel s’enquérit donc auprès d'une petite bonne si madame... Vagelot ?.. bref, si madame pouvait se sécher quelque part. La patronne ne tolérerait pas que l'on prenne froid, ou Dieu sait quoi d'autre, dans sa maison.
Une chambre à l'étage ? Oui pourquoi pas. Si on pouvait y monter une serviette ce serait bien. Mais la cheminée ne fonctionne pas ? Ah. Et bien un petit poêle fera l'affaire. L'essentiel étant que madame échappa à une pneumonie.

C'est donc par un hasardeux concours de circonstance que madame... Mapelaut ! voilà, Mapelaut se retrouvait dans une petite chambre avec le colonel Lebrun. Et jusque là, vous conviendrez qu'il n'y a rien à y redire.

Didascalie:
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Dominique Lebrun
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Dominique Lebrun

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyJeu 1 Aoû - 11:37

Scène 1
Le colonel, madame Mapelaut

Les travaux de la chambre mansardée étaient juste finis. Elle n'était pas grande mais bien arrangée : une table, une chaise, un lit, un coffre, ect. Tout ce qu'on trouve d'ordinaire dans la chambre d'une ouvrière comme il faut. Lise Champmézières en aménageait quelques unes dans sa maison pour ses employées.
Assourdis par la distance, on entendait le bruit de l'habituelle animation de la maison de couture. Le colonel, connaissant la maison, avait accompagné son ancienne amie jusqu'à la chambre indiquée, laissant la bonne poser une serviette sur la chaise et s'occuper du reste.


« On va vous apportez de quoi vous sécher. De mon côté, je vais vous laisser...
- Ohhhh déjà capit... colonel. C'est vrai que le temps à passer depuis, et les galons se sont dorés. »

On redécouvre toujours une personne quand on ne l'a pas vu depuis longtemps. Et cela faisait bien quatre ans qu'ils avaient rompu. Et n'échappant pas à cette règle, Dominique la redécouvrait par petite touches.
Là par exemple, c'était son rire insupportable qui résonnait dans la pièce.

« Restez donc un moment colonel. Parlons du temps perdu, parlez-moi de Paris, je suis restée si longtemps en province.. »
Et là c'était son sourire éclatant et son maintien impeccable.

« Soit. Mais même en province, les nouvelles de Paris vont vite. Je crains de ne pas vous apprendre grand chose. Vous en revanche, Nice vous a donné de belles couleurs ! Racontez-moi, comment était-ce ? »

Avez-vous déjà vu une jolie femme raconter ces dernières années à son ancien amant ? Oui ? Non ? Et bien la chose n'est pas des plus passionnantes. D'autant que ces années se sont passées en province. Nous passerons donc tout ceci sous ellipse.
Et donc un quart d'heure plus tard.

« Aaatchou.. Oh excusez-moi. Je crois que malgré tout je vais m'enrhumer. L'idéal serait de me changer. Je suis complètement trempée. Vous m'aideriez à ôter ma robe ? Au moins, elle pourrait égoutter un peu et enroulée dans la serviette, je sécherai aussi. 
- Heu...
- Il serait dommage que je sois obligée de retourner me refaire une santé à Nice à peine rentrée.
- Et bien heu... oui ce serait dommage oui. »

Et là c'était son air de ne pas y toucher.
Oui la ficelle était un peu grosse mais après tout, il fallait effectivement qu'elle se sèche. Quelques nœuds défaits plus tard, madame Mapelaut était délestée de sa robe pesante d'eau.
Enroulée dans la serviette, elle souriait au colonel.

« Je vais vous laisser. Madame. »


Sous cette serviette, tout le monde aura compris qu'elle se trouvait en jupon et cache-corset, eux-mêmes collant plus que de raison par l'humidité imprégnée de la robe.
Et on comprendra aisément que le colonel s'attarda dans une pièce qu'il aurait du quitter à l'instant.
Il mit certes un moment que la morale réprouve, mais il finit par tourner les talons. Et c'est presque au pas de la porte qu'il fit demi-tour. L'imagination agitée ? La nostalgie de jours révolus ? La petite flamme des yeux de madame qui semblait promettre plus que de raison ?

« Mais nous pourrions finir de parler du temps passé après. Vous êtes libre ce soir ? Nous pourrions dîner en ville.»

Voilà. Donc dans une petite chambre mansardée, un officier pas spécifiquement connu pour son flegme tout sourire devant une jeune femme un brin dénudée. Il faudrait vraiment avoir l'esprit tordu pour imaginer que...

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Lise Champmézières
Elle court, elle court, la cousette !
Lise Champmézières

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyJeu 8 Aoû - 22:38

Scène 2
Les mêmes, Lise Champmézières

On entend à peine un grincement de plancher dans le couloir. Et blam, la porte s'ouvre à la volée. La couturière apparaît. Elle porte un grand tablier noir de travail par-dessus sa robe de ville ; quelques mèches s'échappent de sa coiffure. Visiblement, elle ne s'attendait pas à croiser quelqu'un.

Lise interrompit son geste et demeura sur le seuil de la porte, une main sur la poignée, un pied dans la pièce déjà, figée comme une statue de sel en équilibre précaire.

Son regard, immense et surpris, passa lentement sur les différents éléments de la scène. Pauline Mapelaut enroulée dans une serviette qui peinait à masquer sa nudité. Les yeux brillants, les lèvres tendues. La robe jetée sur une chaise sans soin, comme avec précipitation. Et le colonel Lebrun, en mouvement vers la jeune femme.

Il ne fallait pas spécialement avoir l'esprit tordu pour comprendre ce qu'il se passait.

Les pensées se bousculèrent dans la tête de Lise. Les sentiments firent de même, du côté de son cœur. Ses joues se colorèrent lentement.

Puis, se reprenant, Lise pénétra tout à fait dans la chambre et se tint très droite. Fait inhabituel, ses yeux ne reflétaient plus du tout son agitation intérieure ; ils fixèrent chacun des deux protagonistes tour à tour avec une expression étonnée et un peu dure.

« Eh bien ? » finit-elle par dire, assez sèchement.
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Dominique Lebrun
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyDim 11 Aoû - 8:05

Le colonel s'est vivement retourné en entendant la porte. Une expression de profonde surprise s'est répandu sur son visage en reconnaissant madame Champmézières qu'il croyait devoir être absente pour l'après-midi.

Ah ça ! Madame ! La couturière les regardait avec un air au moins aussi surpris que lui. Puis elle se reprit, ses belles couleurs lui revinrent et elle entra.
Quelque chose chez elle n'allait pas aujourd'hui. Elle ne sautillait pas comme à son habitude, son regard ne dansait pas comme à l'ordinaire. Sans doute était-elle contrariée. Peut-être que sa sortie en ville ne s'était pas passé comme elle l'aurait voulu et qu'elle avait abrégé ? Peut-être qu'elle n'appréciait pas de voir la robe dégouliner son eau sur le parquet refait ? Peut-être était-elle fatiguée ? Peut-être...
Le colonel cessa là de se perdre en conjecture. La maîtresse de maison le regardait avec un air d'étonnement et de légère (?) réprobation. Le ton de la voix était dans le même style.

« Oh oui bien sûr, pardonnez-moi. »


Évidemment. Il manquait à la plus élémentaire courtoisie. Sous l'étonnement de l'arrivée de madame et de son trouble, il avait - le croirait-on d'un homme comme lui ? -, il avait fait preuve d'une négligence impardonnable. On avait frôlé le manque de savoir-vivre. Aussi s'était-il bien vite repris pour faire les présentation de ces deux dames.

« Madame Champmézières, permettez-moi de vous présentez madame Mapelaut. Elle revient d'un long séjour en province qui a rétabli sa santé.
(Puis se tournant vers Pauline Mapelaut) Madame Champmézières crée les plus belles compositions vestimentaires de la capitale. C'est assurément vers elle qu'il faut vous tourner pour mettre du neuf dans votre garde-robe. »

Parce que après un veuvage et un long séjour en province, et bien oui, il fallait rafraîchir sa garde-robe n'est-ce pas ?
Voilà, les présentations étaient faites. On allait pouvoir passer à autre chose. Aussi revint-il vers la nouvelle venue.

« Une de vos petites fourmis m'a dit que vous étiez en ville pour l'après-midi. Vos projets ont été contrariés ? »


Il s'inquiétait de l'humeur mécontente qu'il devinait chez la modiste. Comme toujours. Il avait pour elle, pour ses ennuis, ses soucis, ses tristesses parfois, une oreille attentive. Le sentiment de n'avoir rien à se reprocher et l'humeur chiffonnée de madame Champmézières lui voilait totalement l'incongruité de sa propre situation.

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Lise Champmézières
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Lise Champmézières

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyDim 11 Aoû - 21:27

Un instant, la dureté s'était effacée du visage de Lise pour laisser toute la place à la stupéfaction. Quel toupet ! Quel toupet, vraiment ! Se pouvait-il que le colonel, qu'elle croyait si bien connaître, fût en réalité un tel goujat ? Un voile de déception tomba doucement sur les traits de la couturière.

Mais le rire de Pauline Mapelaut la surprit dans son silence. Rire un peu gêné. Madame était visiblement moins douée que son amant pour la dissimulation et le flegme.

« Je connais madame Champmézières, voyons, Colonel ! Lise, je suis ravie de vous revoir ! Après si longtemps ! Je venais justement... »

Mais la raison de sa visite dut lui échapper, puisque sa phrase resta inachevée. Pour compenser, Pauline voulut s'élancer au-devant de la couturière et lui tendre une main amicale. Hélas, le mouvement qu'elle fit entraîna un glissement inopiné de la serviette.

Silence.

Lise se pencha, ramassa le linge fuyard et le tendit à la malheureuse madame Mapelaut.

« Vous allez prendre froid, Madame. » dit-elle simplement. « Naturellement, si vous avez besoin d'une robe... » - et visiblement, elle en avait besoin - « ... je serai heureuse de vous aider. Néanmoins les essayages se font en bas, au salon, comme vous le savez. »

Elle se tourna ensuite vers Dominique et, si sa voix était neutre, presque amicale, son regard dégageait autant de chaleur que la banquise en hiver.

« Vous avez dû prendre vos renseignements auprès de Berthe, j'imagine. Vous saurez à l'avenir que Berthe fournit rarement des renseignements fiables. »

Son masque se fendilla un instant, son regard vacilla - elle était si peu habituée à porter un regard dur sur Dominique ! Puis tout se remit en place et elle ajouta sans plus chercher à dissimuler sa froideur :

« Je vais vous laisser, j'ai du travail, comme vous voyez. » Elle désignait son tablier. « Mais je vous saurai gré de vous donner rendez-vous ailleurs que dans ma maison, la prochaine fois. »
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Dominique Lebrun
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Dominique Lebrun

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMar 13 Aoû - 4:34

« Oh c'est très aimable à vous madame ! En bas oui oui je sais, mais j'étais dans un tel état en arrivant que le colonel m'a très galamment trouvé cette chambre. Oh il s'est parfaitement occupé de moi... parfaitement.»

Parfaitement, pensez-vous. Il s'était souvenu d'elle, en avait pris soin, l'avait aidé. Elle avait senti ses mains délacer sa robe comme autrefois, elle l'avait vu sourire comme autrefois. Il l'avait invité à dîner, comme autrefois. Ils se reverraient. Comme autrefois.

« Je n'aurai voulu aucune autre que vous Lise, aucune autre, pour mes toilettes, pensez bien. Je me demandais justement si une robe bleue... »

Pauline Mapelaut, toute sourire se voyait déjà dans une robe Champmézières dernier cri. Décidément, cette journée ne serait pas perdue : le colonel, la robe. Ou bien la robe, le colonel... elle ne savait plus bien. Bah ! Sans importance puisqu'elle aurait probablement les deux.

Pendant que madame Mapelaut se perdait dans sa rêverie, l'atmosphère s'alourdissait un peu plus dans la pièce. Le colonel en avait bien conscience. Jamais la femme d'Edmond n'avait posé un tel regard sur lui. Mais la raison de ce comportement restait obscure.
Après tout, elles se connaissaient. Et madame ne pouvait lui en vouloir de son initiative, puisqu'elle venait elle-même de dire à Pauline qu'elle allait prendre froid. Nul doute que si elle l'avait vue dégoulinante d'eau en arrivant, elle aurait agit de même. La robe laissait encore tomber, de temps à autre, de grosses gouttes. C'est dire si on pouvait juger de son état à l'arrivée à la boutique.

Le colonel la regardait, cherchant à deviner ce qui pouvait ainsi l'agiter. Elle lui parlait de Berthe. Certes oui, à l'avenir il saura et aura garde de ne plus prendre ses renseignements à cette source. Mais au diable Berthe ! Pourquoi si peu de chaleur là ou brillaient toujours d'habitude de petits pétillements dansants ?  Qu'avait-elle à lui reprocher de si grave ?

Un instant, Dominique crut retrouver la Lise Champmézières qu'il connaissait. Et puis non. Elle lui parlait comme à un parfait inconnu. Pire. Elle lui parlait comme elle le faisait parfois avec ce gratte-papier de Victor. Enfin, c'est ce qu'il lui semblait.

Ah ah ! Finalement, le morceau était lâché ! « Vous donner rendez-vous ailleurs que dans ma maison la prochaine fois ». Le colonel arqua un sourcil d'interrogation. Voilà donc ce qui la contrariait autant ? Que le militaire ait donné rendez-vous chez elle ? Mais il n'avait jamais été question de rendez-vous dans cette affaire, où donc était-elle aller chercher cela.
Et au fur et à mesure que le sourcil reprenait sa place, l'indignation montait.

Comment Lise pouvait-elle imaginer qu'il oserait donner rendez-vous à ce genre de relations chez elle ! S'afficher au théâtre, en ville, c'était une chose. Mais donner rendez-vous, à elle (il jeta un regard à Pauline) chez elle (puis à Lise) ! De plus, il était nettement plus pratique de se retrouver directement au lieu choisi.

« Oh un instant madame ! (il se rapprocha d'elle).
Donner rendez-vous chez vous ? Mais je m'abstiendrai à l'avenir soyez-en certaine, il n'est nul besoin de me le dire. Je m'abstiendrai à l'avenir comme je m'en suis toujours abstenu. Toujours.
Paris offre suffisamment de lieux pour ça. Croyez bien que notre présence à tous deux dans votre maison est un pur hasard. A fortiori notre présence dans cette pièce. »


Voilà. Levons le malentendu. Il n'aimait pas être en froid avec elle.

« Vous n'avez pas vu madame à son arrivée. Son état. Avec ses antécédents, la pauvre ne pouvait attendre plus longtemps. J'étais arrivé quelques instants plus tôt pour vous voir et allais repartir. La pluie seule a retardé ce départ. Et je me suis retrouvé seul à pouvoir l'aider. Aurai-je du refuser ? Voyez que rien de tout cela n'était prémédité.»

Voilà. Il allait repartir. Elle arrivait avec de la pluie jusqu'à l'os comme en attestait la robe encore trempée. Avec sa santé fragile, elle ne pouvait rester comme cela. Et voilà. La force des choses. Tout simplement.


Dernière édition par Dominique Lebrun le Mar 13 Aoû - 10:32, édité 1 fois
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Antoine "Le Zozio" Viret
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Antoine

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMar 13 Aoû - 10:30

Scène 3
Les mêmes, le ramoneur

Un énorme vacarme. Un nuage de fumée noir en provenance de la cheminée. La forte toux d'un petit homme couvert de suie et mouillé par la pluie. Il semble surpris et un peu embêté, une corde cassée rattachée à sa ceinture. Il est fort probable que cette entrée fracassante n'était pas exactement prévue...

- Je... Et bien, bonjour monsieur, madame... Mme Champmézières ! V'z'êtes revenue vite, dites-moi ! Mais j'ai une bonne nouvelle, c'était la dernière cheminée !

Le ramoneur ramasse à la hâte sa brosse et les morceaux de corde.

- J'dois avouer qu'celle-là m'a donnée pas mal d'fil à r'tordre ! C'est rare, maintenant, de d'voir monter là-d'dans pour nettoyer, avec toutes ses brosses perfectionnées !

Il jette un oeil à la pièce.

- Oups. Ca a fait plus d'dégâts qu'prévu, c'te suie ! V'voulez que j'nettoie, madame ?

Le ramoneur n'a pas l'air de vouloir partir de suite. Il regarde tour à tour le colonel, la créatrice et la veuve joyeuse S'il pouvait sourire sans risquer de vexer sa patronne, il le ferait.

-Ou v'voulez p'têtre qu'j'vous laisse ? Z'avez l'air d'parler d'choses sérieuses, je r'passerai plus tard !

Et il fait mine de s'en aller...

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Lise Champmézières
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Lise Champmézières

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMar 13 Aoû - 22:59

« Oh il s'est parfaitement occupé de moi... parfaitement.
- Je n'en doute pas. » avait répondu Lise avec - faut-il le préciser ? - une ironie un peu acide.

Elle avait écouté les justifications du colonel avec une impassibilité remarquable, haussant simplement les sourcils en entendant que Paris offrait suffisamment de lieux pour ça. Pour ça. Très bien. Dominique, avec un sang-froid digne de l'officier qu'il était, s'évertuait à se présenter en chevalier servant victime du hasard. Pauvre victime du hasard... Mais il n'y a pas de hasards, n'est-ce pas, il n'y a que des rendez-vous.

Lise continuait donc à le toiser froidement, avec même un peu de mépris. Eh bien, certes, ils ne s'étaient sans doute pas donné rendez-vous chez elle. Mais fallait-il croire que le colonel s'était retrouvé le seul à pouvoir aider la pauvre madame Mapelaut, dans une maison remplie de bonnes et d'ouvrières ? Et fallait-il croire que cette chambre isolée sous les toits, où personne ne venait encore jamais, était l'endroit le plus approprié pour faire se changer une dame ?

Ah ça, mais il la prenait pour une imbécile ?!

La moutarde lui montait au nez, colorant ses pommettes d'un rouge de plus en plus vif - ce devait être une moutarde au raisin.

« Vous... »

Un énorme vacarme. Elle sursaute et s'interrompt. Un nuage de fumée noire en provenance de la cheminée. Elle ouvre de grands yeux effarés. La forte toux d'un petit homme couvert de suie et mouillé par la pluie. Il semble surpris et un peu embêté, une corde cassée rattachée à sa ceinture.

Le premier moment de stupeur passé :

« Mais qu'est-ce que vous faites là, vous ? »

C'était assez clair, en fait. Le ramoneur avait probablement été surpris dans son travail par l'arrivée des deux autres et, plutôt que de redescendre et signaler sa présence, il s'était immobilisé dans le conduit et avait laissé traîner ses oreilles, silencieux au bout de sa corde... jusqu'à ce qu'elle lâchât. Attitude indigne s'il en était, et en temps normal Lise lui eût passé un savon - ce qui n'eût d'ailleurs pas été du luxe vu la noirceur qui recouvrait le bonhomme. En temps normal, donc. Mais dans les circonstances du moment, il fallait avouer que monsieur Viret tombait à pic. Mal et à pic à la fois.

Sévèrement :
« Oh oui vous nettoierez tout ce bazar que vous avez fait - a-t-on idée de travailler aussi salement ?! »

Elle jette un regard sévère sur la suie qui s'est déposée un peu partout, y compris sur la robe trempée gisant sur la chaise. Néanmoins sa colère est trop vive pour qu'elle s'attarde sur des considérations ménagères.

Avec autorité :

« Mais vous n'allez certainement pas nous laisser. »

Elle pose les mains sur ses hanches et porte un regard dur sur chacun des protagonistes avant de s'exclamer finalement, exaspérée :

« Peut-on enfin savoir ce qui se passe dans cette satanée chambre ? »
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Antoine "Le Zozio" Viret
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Antoine

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptySam 17 Aoû - 6:12

- Oh oui vous nettoierez tout ce bazar que vous avez fait - a-t-on idée de travailler aussi salement ?! Mais vous n'allez certainement pas nous laisser.

Le ramoneur ramasse un de ses chiffons noircis et commence à frotter le sol. Il semble plus étaler la suie que vraiment la nettoyer. Il grommelle doucement.

- ...n'y peut rien... La suie, c'est sale...fait c'qu'on peut... mais... dégâts collatéraux... forcément, pfff...

-Peut-on enfin savoir ce qui se passe dans cette satanée chambre ?

Le ramoneur ne fait pas attention. Il fronce les sourcils en observant son travail, ôte son chapeau, se gratte la tête, perplexe.

- Va m'falloir un aut'chiffon. [se tournant vers les protagonistes tour à tour] V'z'en auriez pas un, par hasard ?

Pauline veut tendre sa serviette au Zozio, mais le colonel la retient à temps. La dernière réplique se meurt sur sa fin à la vue de l'état de colère avancée de la couturière. Le ramoneur précipite ses paroles dans un flot ininterrompu.

- Et bien, madame, c'qu'il s'passe, c'est qu'j'faisais bien tranquillement mon travail, comme demandé par madame, à frotter c'te cheminée et à me prendre l'eau qu'a décidée d'tomber dru au m'vais moment... Quand ces m'sieur-dame sont entrés dans la chambre. Et madame a ôté son chapeau. Et monsieur a déshabillé madame. Et monsieur a suggéré de se remémorer le passé d'agréable façon. Et moi, je savais pas trop où me mettre, donc je suis resté dans la cheminée. Les parois 'taient trop glissantes avec la pluie, j'pouvais pas remonter, et j'pouvais pas descendre, visiblement, j'voulais pas gêner ! Donc, voilà ! C'pas ma faute ! J'fais juste mon travail ! J'suis un honnête homme, moi !

Le ramoneur baisse la tête et commence à triturer son chapeau. On lui donnerait le bon Dieu sans confession.
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Dominique Lebrun
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Dominique Lebrun

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMar 20 Aoû - 9:09

Le colonel s'était élancé vers Pauline. Non mais, qu'avait-elle dans sa jolie tête ? Certes, l'arrivée du ramoneur s'était faite dans un nuage de suie qui avait tenu à bien se déposer partout. Certes, à le voir étaler les dégâts plus qu'autre chose, on pouvait avoir pitié de lui. D'autant que le regard sévère de madame Champmézières n'annonçait rien de bon. Mais enfin, de là à proposer le seul morceau de tissu encore sec qui la recouvrait, non vraiment, qu'avait-elle dans sa jolie tête ?
L'officier avait donc interrompu son geste d'une main d'autant plus vive que la situation commençait à doucement l'agacer.

Autant dire que la réponse de l'intrus acheva de l'énerver définitivement.

« Eh bien ! C'est qu'on en voit des choses, finalement, coincé dans une cheminée. »

Ses yeux auraient pu tuer tant ils y passaient des éclairs.
Non mais de qui se moquait-on ? Dans un conduit, sous la pluie, il avait entendu – parce que voir, il ne fallait même pas y songer -, il avait donc entendu madame enlever son chapeau ? Dominique tirer sur un bout de ruban ? Allons !

« Un honnête homme, vous? Un honnête homme aurait signalé sa présence plutôt qu'espionner discrètement ce qui se passait. Et un honnête homme ne donnerait pas son avis sur une situation dont il n'a rien vu, qu'il a manifestement mal entendue malgré tous les efforts dont il a fait preuve pour l'écouter, mais remarquez : sous la pluie et dans la suie, ça peut se comprendre... Enfin une situation dont il ne connaît rien. Et qu'aurait donc fait l'honnête homme une fois madame seule dans la pièce, puisqu'il vous aura peut-être échappé que l'évocation du passé devait de faire autour d'une bonne table en ville ? Hum ?»

Parce que monsieur je-laisse-tranquillement-traîner-les-oreilles se permettait de le juger en plus ? Alors ça... un honnête homme, lui.


Scène 4
Les mêmes.
Le colonel Lebrun s'est rapproché de madame Champmézières, de manière à pouvoir lui parler plus bas, dans une discussion un peu plus privée. Mais Pauline et Viret, laissés en arrière, peuvent tout à fait les entendre pour peu qu'ils tendent l'oreille.

« Évidemment madame. J'allais sortir pour que madame Mapelaut se sèche, puis nous serions aller en ville, dîner, voilà tout. Vous ne me croyez tout de même pas assez... irrespectueux de votre personne pour avoir une liaison sous votre toit tout de même ?... Madame ? Vous me connaissez mieux que cela non ? »

Se disant, il regardait la couturière dans les yeux, fixement, cherchant dans le fond de son regard la certitude que son amie le croyait.


Dernière édition par Dominique Lebrun le Mer 4 Sep - 9:53, édité 2 fois
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Lise Champmézières
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMar 20 Aoû - 21:58

Lise est restée parfaitement impassible pendant les révélations du ramoneur. Comme indifférente. Ses bras sont retombés doucement le long de son corps, son visage semble s'être détendu. En fait, sa colère a disparu, noyée dans un assourdissant silence intérieur.

Dominique réagit à l'inverse. L'officier ironise, tempête, bref, défend son honneur. Lise écoute avec détachement.

Et puis il s'approche. Il est grand, bien plus grand qu'elle, et son corps fait écran par rapport au reste de la pièce. Elle se sent coincée contre la porte. Elle ne voit plus que lui mais il est à contre-jour et ses yeux, si bleus d'habitude, paraissent sombres. Les mots qu'il dit passent sans se fixer dans le cerveau de Lise, viennent se noyer à leur tour dans l'océan immense et aride qui a remplacé sa pagaille émotionnelle.

Elle soutient son regard, ne sait pas quoi penser, ne sait pas quoi répondre. Finalement, elle glisse une main dans son dos, actionne la poignée et s'échappe par l'ouverture de la porte.

« Berthe ! ... Berthe ! »

Elle crie dans le couloir, en direction de l'escalier. Des petits pas précipités se font entendre. La bonne apparaît (« Madame ? ») et suit Lise qui pénètre à nouveau dans la chambre. Berthe ouvre de grands yeux en découvrant la scène, mais ne dit rien.

Lise a un regard vers Pauline.
« Emmenez Madame qui est en train de prendre froid. Vous l'aiderez à se sécher et à se changer. »

Un regard vers le ramoneur.
« Et vous m'enverrez quelqu'un pour aider Monsieur à nettoyer. »

Un regard vers Dominique. Une hésitation.
« C'est bon, Berthe, vous pouvez y aller. N'oubliez pas la robe de Madame. »

Et elle semble prête à sortir à son tour, sans ajouter un mot de plus.
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Dominique Lebrun
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMer 4 Sep - 10:40

La petite Berthe trottine vers la sortie, chargée de la pesante robe. Madame Mapelaut, après avoir remercié Lise, salue tout le monde et la suit. Sent-elle l'indifférence polie du militaire ou ne pense-t-elle déjà plus qu'à ses nouveaux froufrous ?

Elle avait l'apparence de madame Champmézières. Mais ce n'était qu'une impression, qu'une poupée à son effigie. Derrière l'illusion de son amie, il ne semblait y avoir plus que du vide. Et puis sans un mot, sans un battement de cils, presque mécaniquement, elle s'échappa. C'est cela. Elle s'échappait, appelant Berthe à la rescousse. Elle s'enfuyait, loin de lui. En silence.

Le colonel soupira et laissa son regard se perdre. Les choses devaient-elles se finir ainsi ?

Mais elle revint. Elle fit sortir madame Mapelaut ; demanda de l'aide pour le ramoneur. Le regard bleu revint sur elle, attendit le « vous demanderez une voiture pour que le colonel ne rentre pas sous la pluie » ou autre « vous raccompagnerez monsieur Lebrun » qui sonnerait le glas entre eux.

Il ne vint pas. Elle avait hésité. Peut-être avait-elle voulu prononcer ses mots. Mais elle ne le fit pas.
En revanche, elle semblait vouloir s'échapper. Loin, vite. Sans rien dire. Comme pour l'oublier.

Il avait l'impression de la perdre. De la voir s'éloigner dans une brume de plus en plus grise, de plus en plus épaisse. Il ne voulait pas la laisser partir comme ça ; il ne le pouvait pas.

Madame Champmézières est sur le départ quand le colonel lui saisit le bras.

« Lise... »

C'était murmuré, presque un souffle. Inhabituel. Dominique ne se permettait que très rarement l'usage de son prénom.

« Madame, je ne vous imposerai pas une présence importune. Mais de grâce, dîtes-moi un mot ! »
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptySam 7 Sep - 12:14

Le ramoneur est en train de nettoyer le sol en arrière-plan. Pendant toute la durée de la scène, ses marmonnements se font entendre, mais pas par les protagonistes.

-... Pas b'soin d'être Pasteur pour d'viner... Un chapeau dans un coin... Suffit d'faire l'rapprochement avec les bruits... J'suis pas sourd... Et puis ces robes-là, impossible à mettre ou enlever tout seul, et c'pas faute d'avoir d'jà essayer... Et pis d'abord, un resto, moi j'appelle ça une sortie agréable... Moi aussi j'aim'rai bien qu'on m'emmène au resto... Ou plutôt j'me le paierai moi-même, tiens... Et même que j'emmènerai ma douce...

Quelqu'un vient l'aider dans sa tâche, il remercie d'un geste de la tête. Le travail se finit vite. Le ramoneur se retourne, voit la couturière et le colonel, s'avance vers eux.

- Lise... Madame, je ne vous imposerai pas une présence importune. Mais de grâce, dîtes-moi un mot !
- EUHEUM !

Le ramoneur est à côté et vient de tousser "discrètement". Il attend une réaction.

- Pardonnez encore l'dérang'ment, madame, mais j'ai fini, et y a M'sieur Athys qui doit s'impatienter, je devrais déjà être en route.

Il tend son chapeau, en attente, petit sourire innocent aux lèvres.
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyLun 9 Sep - 3:45

Il lui saisit le bras et elle s'immobilise.

« Lise... »

Elle a un battement de cils un peu lent, un peu difficile.

« Madame, je ne vous imposerai pas une présence importune. Mais de grâce, dites-moi un mot ! »

Cette fois, elle tourne la tête vers lui, cherche son regard. Ses lèvres s'arrondissent et elle paraît prête à le prononcer, ce mot qu'il implore...

Mais la toux du ramoneur la fait sursauter. Elle l'avait presque oublié, celui-là ! Ses marmonnements se fondaient dans un bruit régulier et rassurant qui berçait la petite chambre.

Dans un même mouvement, assez doux, elle dégage son bras et se tourne vers monsieur Viret. Monsieur Athys, oui, naturellement. Il est peu probable que monsieur Athys soit en train de languir après son ramoneur, mais cela n'a pas d'importance. La couturière inspecte la pièce, d'un large coup d’œil. La suie a été plus facile à éliminer que prévu.

« Très bien. Je vous remercie, monsieur Viret. »

Elle fouille sous son tablier, dans la poche de sa robe de travail, pour en tirer quelques pièces qu'elle dépose non dans le chapeau tendu - est-il mendiant, pour quêter avec son chapeau ? - mais dans la main noircie qui le tient.

« Je vous rappellerai dans quelques mois, probablement... Et d'ici là nous nous reverrons sans doute... Puisque vous avez l'art de vous trouver partout où l'on ne vous attend pas. »

C'est dit sans animosité, comme une simple observation. Il a été d'une indiscrétion déplorable, certes. Il a semé la pagaille, certes. Il est beaucoup moins innocent qu'il ne veut le faire croire, certes. Mais après tout, son rôle a été mineur : celui d'un faisceau de lumière qui vient éclairer une scène déplaisante. Peut-on en vouloir à un faisceau de lumière ?
Elle le congédie d'un signe de tête.

Reste Dominique.

Scène 5
Lise Champmézières, le colonel Lebrun
L'intermède a été bénéfique : Lise a recouvré quelques couleurs. Elle fait un pas vers le colonel mais ne va pas jusqu'à poser la main sur son bras, comme elle a semblé en avoir l'intention au début.

« Pardonnez-moi... » Elle hésite, répète : « Pardonnez-moi... C'était ridicule de ma part de réagir ainsi. Vous comprenez, je... »

Mais tandis qu'elle veut tenter une explication, l'émotion refait surface. Elle détourne le regard, fait un geste pour indiquer que cela n'est rien, puis reprend courageusement. Au début elle fuit encore les yeux du militaire, puis au fur et à mesure qu'elle parle elle revient les trouver et, s'il ne peut comprendre tous les sentiments qui s'agitent là-dedans, il peut néanmoins être sûr d'avoir retrouvé la Lise qu'il connaît. Celle dont l'âme monte à fleur de peau.

« J'ai été surprise, voyez-vous. Vous avez toujours été si... si correct avec moi... Je veux dire, vous menez la vie que vous voulez, bien sûr. Simplement, vous m'aviez habitué à... à de la... délicatesse. » Un petit sourire, comme pour dire "c'était ridicule de s'y habituer, n'est-ce pas ?".

Ce qu'elle ne dit pas, ce qu'elle ne comprend peut-être même pas encore, c'est que des souvenirs amers, des souvenirs douloureux ont été réveillés et qu'ils ne sont pas pour rien dans l'intensité de sa réaction.
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyLun 9 Sep - 10:15

L'intermède du ramoneur était passé. Dominique avait fini par l'oublier, mais il s'était rappelé à eux. Toujours au bon moment, décidément...

Enfin, ils étaient maintenant seuls. La Lise qui lui faisait à présent face avait retrouvé un semblant de vie. En fait plus qu'un semblant. Après le calme, la tempête, dit-on...
Et bien voilà. La couturière semblait abriter une tempête d'émotions, agitée par des courants profonds, insidieux. Elle doutait, elle tergiversait, détournait les yeux, revenait. Pour un peu, on croirait qu'elle se sentait coupable de quelque chose. Que c'était à elle de se justifier.

Dominique ne comprenait pas. Les raisons de ce trouble extrême lui étaient aussi obscurs que l'absence d'émotions un peu plus tôt. Et surtout, le passage si rapide de l'un à l'autre l'intriguait.

Alors, sans la lâcher du regard, les mains croisées dans le dos, il attendit qu'elle eut fini de parler. Surprise, correction, délicatesse : tout ceci sonnait comme un reproche. Un regret. Était-ce cela qui provoquait un tel tumulte dans son âme ?

« Madame... »


Lui aussi se met à hésiter.Car sur le fond, que rétorquer ? Il avait été léger dans sa conduite, incorrect envers elle. Peut-être, sûrement même. Il avait eu le tort certain de la blesser. Après tout, il aurait pu laisser madame Mapelaut aux soins d'une quelconque petite main. Qui, il n'en avait pas la moindre idée tant tout le monde semblait avoir quelque chose à faire quelque part mais enfin. Il aurait pu.

« Vous n'avez rien à vous faire pardonner. En revanche, ma conduite... même si je ne pensais pas à mal soyez-en sûre... a été d'une... d'une légèreté qu'on ne peut excuser passer les vingts ans. Aussi je vous présente mes excuses pour avoir mal jugé de la situation... et pour vous avoir froissée. »


Il était sincèrement mortifié. Le petit sourire qu'elle avait eu lui, les mots qui avaient précédé, lui pesaient sur le cœur. Il en serrait les poings, derrière son dos.
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyLun 9 Sep - 21:25

Froissée... Le mot danse, pendant quelques secondes, dans les pensées de la couturière. Froissée... Comme une étoffe mal repliée par les plus jeunes ouvrières de la Maison. Comme une lettre sans importance que l'on oublie, que l'on jette. Comme la surface d'un lac effleurée par la brise. Est-elle froissée ainsi... ?
Non. Si elle est froissée, c'est au sens médical. Comme un muscle qui a fourni un effort inattendu et inadapté. Comme les ailes brisées d'un insecte entré par erreur dans une maison, et qui se heurte sans fin aux murs, aux vitres. Comme des feuilles mortes qui crient en se froissant sous des pas indélicats.

Oui, quelque chose est brisé dans la confiance qu'elle mettait en lui, dans l'amitié qu'elle lui offrait. Lise sent bien, pourtant, combien le colonel est sincère. Elle veut lui adresser un sourire pour le lui exprimer, mais elle doit se forcer un peu. Le résultat ressemble à une petite grimace triste.

« Vous êtes mon meilleur ami, vous savez... Le seul, peut-être... »

Elle s'interrompt une fraction de seconde, tourne la tête sur le côté et fixe un point au sol, quelque part sur le parquet. Elle ajoute, plus bas :

« ... depuis la mort d'Edmond. »

Un silence fragile.

Les mots d'une vieille lettre s'imposent à ses pensées. Mon enfant, ma sœur...

Elle finit par relever les yeux sur lui.

« L'ami de cœur... C'est ainsi que l'on dit ? Edmond était avant tout cet ami précieux, ce frère. » Elle a un sourire pas vraiment joyeux, à nouveau : « Quand on confie son cœur à des mains un peu rudes, il faut accepter qu'elles le malmènent, sans doute... Il vaut mieux cela que de ne pas le confier du tout, n'est-ce pas ? Il se flétrirait tout seul jusqu'à devenir aussi sec qu'un pruneau... Bien la peine de l'avoir préservé ! »

Et, cette fois, le petit froncement de nez qui accompagne ses mots a quelque chose de gai.
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyJeu 19 Sep - 9:53

Le pauvre sourire qu'elle tentait de lui adresser en disait long sur la lourdeur du cœur de la couturière. Il n'y avait que l'évocation du pruneau à la mode d'Agen qui parut ramener un semblant de gaieté dans son expression. Un semblant. Parce que se réjouir d'avoir un ami un peu rustre plutôt que rien du tout, ce n'était pas vraiment l'image d'une allégresse débridée.
Et puisqu'elle évoquait son mari, qu'aurait-il penser de son attitude cavalière d'aujourd'hui ? Se serait-il offusqué de voir son ami se conduire ainsi ? Ou lui aurait-il adressé un petit sourire de connivence tout en assurant à Lise que ce n'était rien, qu'il fallait laisser les militaires agir à la hussarde de temps à autre ? Dominique pouvait en fait voir d'ici le clin d’œil mi-réprobateur, mi-complice d'Edmond.

En attendant, Edmond n'était plus là, Lise était chagrine et lui s'en voulait de l'avoir déçue. Comme un enfant mal dégourdi à qui on aurait confié quelque chose de beau et fragile et qui l'aurait cassé avec ces grosses mains gauches.

Le colonel tente un sourire en réponse au froncement de nez. Un sourire sans joie, qui prend acte d'une réflexion triste mais la confirme.

« C'est une leçon pour chaque homme je suppose : apprendre à mettre des gants sur ses brusqueries pour épargner les attachements qu'on lui voue. Je tacherai de m'y employer à l'avenir.»

Il imaginait Edmond, un verre de cognac à la main, lui dire ces mots sous forme de conseil : « Mon ami, croyez-en mon expérience, tout homme devrait apprendre... ».

Edmond... Edmond...

Il avait naturellement pris ces mots pour lui au vu de la situation mais... en y repensant, qu'avait-elle dit ? Qu’Edmond était cet ami précieux. Et elle avait enchaîné sur le reste. Pour bien lui signifier que feu son mari, lui, ne se serait pas permis ou au contraire, la situation réveillait-elle quelques vieux griefs ?
A bien y réfléchir, Dominique n'était plus très sûr. Elle avait confié son cœur à des mains visiblement trop rudes pour ce délicat présent, c'était certain. Mais les siennes ? Celles de l'industriel ? Les deux ?
Une situation similaire déjà vécue avait-elle fondue, sous le coup de l'émotion, les deux coupables ensemble ? Cela expliquerait les rapides variations d'humeur et leur violente amplitude.

Ce nouvel éclairage des choses laissait le colonel circonspect. Que lui dire, à présent ? Comment prendre ses mots ?

« Edmond... il tenait énormément à vous. Je puis vous l'assurer. Il vous évoquait toujours avec un attachement qui ne peut se feindre. »


Ses mains quittèrent le refuge de son dos pour venir machinalement tirer les pans de la veste.

« Votre amitié comptait pour lui. C'est un point que nous avons en commun.»
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyVen 20 Sep - 9:39

Et les mots de cette lettre qu'elle connaît par cœur défilent par bribes dans sa mémoire en même temps que les mots du colonel descendent délicatement jusqu'à elle.

Mon enfant, ma sœur...
Je meurs.
Ne riez pas, j'en suis le premier surpris.
Je meurs. Je l'écris encore pour m'habituer à l'idée. Et dire que je vous imaginais dans trente ans (vous dites vingt ? vilaine !)... prenant soin du vieillard farceur que je serais devenu... M'auriez-vous mis au régime, comme font les bonnes épouses, m'auriez-vous condamné à la soupe de poireaux et à la limonade ? Je le crains... Mais j'aurais eu, vous l'auriez su, ma réserve secrète de cognac, vous auriez fermé les yeux... Ah, quel couple épatant nous aurions fait, dans la vieillesse !
Quel couple épatant nous avons formé, Lise !
La morphine m'endort doucement. Je pars... Ah, je n'entendrai plus votre rire délicieux... ! Je ne verrai plus ce froncement de nez que vous avez pour me bouder... ! Je meurs seul, loin de l'amie que la vie m'a donnée. Suis-je coupable ? ... Oui, je le suis, et j'implore votre pardon. Gardez surtout, Lise, gardez cette âme d'enfant qui est la belle âme que j'aime.
...


Les mots qui suivent, Lise n'aurait pu les évoquer sans rougir devant le colonel.

La tempête menace d'inonder les yeux bruns mais ils viennent se planter dans ceux de Dominique.

« Est-ce qu'Edmond me trompait lorsqu'il était... vous savez... à Pondichéry ? »

Une hésitation, et elle reprend d'une voix si faible que le colonel doit sans doute tendre l'oreille pour saisir les mots. Mais le regard, lui, ne tremble pas. Veut savoir.

« Est-ce qu'il est mort de ce que l'on attrape avec les filles de là-bas ? »
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptySam 21 Sep - 6:08

Les mains tenant toujours les pans de la veste, Dominique s'interrogeait. La tempête, qui semblait apaisée, repartait de plus belle, prête à emporter les dernières défenses, fragiles. Mais qu'arrivait-il à Lise ? Quelque chose de bien  moins superficiel que madame Mapelaut (mais était-ce difficile?) la bouleversait. Mais quoi ?

Elle vint ficher dans les siens des yeux au bord des larmes. Et les mots qu'elle prononça, d'une petite voix frêle, lui firent l'effet d'un boulet. Plus exactement, du vent du boulet. Du souffle inattendu qui plonge dans un état de stupeur et de léthargie.

Que lui répondre ?

Pour le coup, les mains lâchent la veste, sans pour autant se trouver une autre occupation. Le regard du colonel est toujours posé sur la couturière, mais il s'est vidé. Non pas par absence d'émotion, mais au contraire par trop plein. Surprise, embarras, émotion... Une chape de coton l'entoure.

Pourtant, il dut lui répondre quelque chose. Et si possible, pas n'importe quoi.

« ... »

Mais il ne trouva pas les mots.
Dans cette petite chambre mansardée, où la pluie avait recommencé à pianoter les ardoises du toit, le temps s'était brusquement contracté. Il y avait elle, devant lui, suspendue au bord d'un gouffre ; il y avait lui, seul dans une pièce de cette même maison tendue de noir, sous une pluie semblable, quelques années plus tôt ; il y avait les mots de ses lettres qui dansaient en filigrane...

« Mon cher,

Je rentre à l'instant à Pondichéry. Je dois vous avouer que la déception et le soulagement se battent pour savoir lequel des deux régnera sur mon âme.
Je suis retourné dans ce village, vous savez, celui dont je vous avait parlé dans ma dernière lettre. Heureusement (ou malheureusement), cela n'a rien donné. Je vous conterai cela à mon retour.
Mais enfin, j'ai tout de même pu visiter ces champs de coton qui borde les chemins. Après des jours de pluie qui m'ont forcé à m'attarder plus longtemps que je ne l'avais prévu, le soleil a fait une magnifique rentrée. Tellement belle que je crois bien avoir un début d'insolation.
[...] »

« Mon cher ami,

Que vous dire ? Toujours cette maudite fièvre, ces maux de tête, ces vertiges... Je pensais à une insolation. Mais ce doit être autre chose. Je me suis mis au lit et le médecin doit venir... Il est parfaitement inutile d'inquiéter ma femme pour l'instant...
[...] »


Il eût été utile d'inquiéter madame. Ou peut-être que non, finalement, cela n'aurait rien changé.
Mais cette question... Ne savait-elle donc pas de quoi était mort son mari ? Personne ne le lui avait donc dit ? Ou avait-elle un doute ?
Oui. Sûrement ça. Le cousin d'Edmond avait géré les papiers et les formalités. Il avait du lui en parler.

Le colonel prend sur lui et s'approche, prend doucement les mains de la jeune femme.

« Lise... Vous savez bien qu'Edmond... vous savez bien que... sa mort n'a rien à voir avec ça. Qu'une fièvre tierce... Qu'est-ce qui vous fait dire de telles choses ? »

Et quant à sa première interrogation...
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyDim 22 Sep - 7:38

Il est sous le choc et elle respecte son désarroi. La pluie berce leur silence. Il a un nouvel épi dans ses cheveux courts, là, près de la tempe.

Ses mains froides se perdent dans les siennes, plus grandes, plus chaudes. Le geste fraternel l'apaise.

« Vous tergiversez, Colonel... » reproche-t-elle gentiment.

Pauvre Dominique... Elle le regarde avec tendresse, à travers ses larmes. Comme pour lui laisser un moment de répit, pour lui laisser le temps de prendre courage, elle ajoute :

« Je suis une grande fille, vous savez. J'ai peu d'intelligence pour comprendre ce que l'on me cache, mais j'ai de l'intuition... Ce que je vous demande aujourd'hui, je ne vous l'ai jamais demandé avant. Et si vous ne voulez pas me répondre, je ne vous le demanderai plus. »

Une lumière grise éclaire la pièce, baisse, bientôt il fera sombre. Il y a des choses que l'on ne dit que dans le secret d'une petite chambre mansardée, dans la pénombre.

« Je ne vous retirerai pas non plus mon amitié. » Elle chuchote presque, à nouveau. « Mais maintenant, au nom de cette amitié, je vous demande la vérité. »

Savoir, enfin, ce pour quoi elle a accordé le pardon aveugle qu'implorait un mourant.
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyLun 23 Sep - 10:14

Il y avait des choses relativement simples à dire...

« Edmond a contracté la malaria dans un village près de Pondichéry. Il a tardé à se faire soigner, pensant à quelque chose de banal : une insolation puis une grippe. On lui a fait prendre de la quinine, de la morphine contre la douleur. Mais la fièvre... »

… Et il y en avait d'autres plus délicates.

« Pour le reste... »

Il lâche son regard, pose le sien sur le côté, derrière elle et soupire.
Ce qu'Edmond lui avait confié à demi-mot, il y a si longtemps de ça, pouvait-il le révéler à Lise maintenant ?
Il replonge ses yeux dans les siens.

« Pour le reste, vous savez bien qu'il n'a jamais passé son temps à courir les jupons. Je ne vois pas pourquoi il s'y serait mis subitement là-bas. »

Pourtant.
Pourtant, Dominique n'était pas très à l'aise, coincé entre les demi confidences d'un défunt et les demandes claires d'une amie.

Il a laissé la phrase en suspens, cherchant à surprendre dans son regard un début de satisfaction. Mais il sait qu'elle ne se contentera pas d'une demi-réponse. Doucement, il lâche ses mains et fait quelques pas dans la pièce. Un moment, et il s'arrête devant une fenêtre imaginaire.


Il pourrait se taire, bien sûr, saisir l'occasion de se démettre qu'elle lui offrait. Mettre de côté les interrogations de Lise, mettre un voile sur ses angoisses, ses questions laissées sans réponses depuis tant d'années. Oublier l'agitation extrême qu'elle vivait. Affecter de ne pas savoir que vivre avec ces doutes éroderait son âme petit à petit.
Il songea qu'Edmond n'approuverait pas ; qu'il n'aimerait pas savoir sa femme dans cet état.

Alors sans bouger, sans la regarder, il se lança.

« Mais puisque vous voulez la vérité... Il ne me l'a pas écrit explicitement, il ne s'est confié qu'à demi-mot...Mais... il est possible qu'il... qu'il ait eu une aventure. »

Il se retourna, constata que le crépuscule avait gagné du terrain. Si elle était encore dans la faible lumière, lui devait être dans l'ombre.

« Rien de sérieux, un instant de faiblesse. Il se le reprochait. Comme je vous le disais, il tenait à vous. Ne... ne lui en tenez pas rigueur. »
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMar 24 Sep - 22:32

La malaria, oui. Les premiers mois, Lise avait passé des nuits entières à imaginer son mari sur son lit de mort, seul, angoissé, souffrant. Cela ressemblait si peu à Edmond... ! Son cœur se serrait, elle se mordait la lèvre jusqu'au sang en pensant qu'elle n'avait pas été là pour passer un linge sur son front, pour lui donner sa main à broyer entre les siennes, pour le faire sourire et rire, peut-être.
C'était la nuit, surtout, que l'absence d'Edmond la torturait. Pendant la journée, elle continuait à virevolter, à faire sortir des robes étincelantes de son atelier, à bavarder et à rire. Et puis le soir, lorsque l'agitation de la maison retombait, un petit coup au cœur la prévenait, lui rappelait : mon Dieu, elle était seule, Edmond ne rentrerait pas. Elle lui en voulait presque ; sa mort soudaine était une trahison.
Et puis... le temps avait passé, elle s'était habituée. Les cernes mauves sous ses yeux s'étaient estompés. Elle avait ressorti de ses armoires les robes les plus colorées.

La révélation de Dominique achevait, peut-être, le processus de deuil. Elle reçut l'aveu avec calme, indifférence presque. Comme si elle y avait été préparée depuis des années.
Curieusement, c'est le colonel qui lui parut le plus à plaindre. Il semblait fragile, touché, chancelant.

Doucement, presque sans bruit, elle fit quelques pas et s'assit sur le petit lit.

« Merci. »

Son propre calme l'étonnait. Elle se rendit compte qu'elle savait, depuis longtemps, et qu'elle avait pardonné depuis longtemps aussi, comme il le lui avait demandé dans sa lettre d'adieu.

« Je ne lui en veux pas, vous savez... »

Elle hésita à en dire plus, y renonça. Avec l'apaisement de sa tempête intérieure, elle retrouvait la pudeur qui caractérisait ses relations avec l'officier. Elle fixait son dos, immense, enveloppé dans le crépuscule qui prenait possession de la chambre. Elle sourit tendrement.

« Vous allez me manquer, Dominique... » murmura-t-elle.
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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyMer 25 Sep - 10:16

On lui avait dit un jour que les tempêtes en mer ne mourraient pas ; qu'elles ne faisaient que se déplacer loin des yeux des marins, laissant une mer calme, offrant l'illusion de leur disparition. Mais elles resurgissaient toujours quelque part, jouant avec de nouveaux bateaux, avec de nouveaux marins.

Elle ne lui en voulait pas. Et un moment, il crut qu'elle allait ajouter autre chose, mais non. Il la regarda, tenta un sourire apaisant, le rata, se retourna.
Elle avait l'air plus sereine maintenant. Au bruit, il savait qu'elle ne s'était pas mise à pleurer, qu'elle s'était doucement assise sur le lit. Étonnement calme. A croire que la nouvelle n'en était pas une. Qu'elle ne cherchait que la confirmation d'une intuition, qu'elle savait inconsciemment depuis longtemps.
Dominique en fut soulagé, un instant. Un instant seulement.

Parce que les tempêtes ne disparaissent jamais.
Parce que, si la vérité qu'il lui avait promise avait apaisé Lise, ses questions avaient loin d'avoir eu le même effet sur lui.
Bien entendu, il était un peu confus d'avoir dévoilé une confidence – mais Edmond l'aurait compris, il n'en doutait pas – mais pas seulement. C'étaient principalement ses doutes, ses spéculations, ses hypothèses sur la présence de son ami dans ce village infesté qui s'étaient réveillés.
Devait-il en faire part à Lise ?

Il se mordille la lèvre, tranche rapidement le problème. La tempête s'éloigne, à la recherche d'autres pantins à ballotter.

Non. Elle voulait la vérité, il la lui avait donné, tout le reste n'était que supputation. Et quand bien même aurait-il raison, à quoi bon ? Heureusement (ou malheureusement), cela n'a rien donné... Alors pourquoi souffler sur les braises d'un sujet qu'il devinait brûlant et toujours sensible ?

Il sursaute.

Elle n'avait pas parlé fort, mais il l'avait parfaitement compris. Il allait lui manquer. Pourquoi ? Il allait devoir partir de Paris quelques temps, inspecter son régiment, mais ça ne serait que quelques jours. Alors, avait-elle un voyage de prévu qu'il aurait oublié ?

Il s'avança un peu, s'approcha d'elle.

« Vous manquer ? Vous m'en voyez flatté. Mais... il ne me semblait pas que nous devions nous séparer si longtemps pour que je vous manquasse. »
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Lise Champmézières
Elle court, elle court, la cousette !
Lise Champmézières

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Mais n'te promène donc pas toute nue ! Empty
MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyDim 29 Sep - 22:38

L’imparfait du subjonctif résonna drôlement dans la pièce, y flotta un instant.

Lise regarda le colonel s’approcher, sourit et lança, avec une pointe de défi :

« Eh bien oui, je pars. »

Une fraction de seconde, puis elle enchaîna, volubile :

« Vous vous souvenez des Lefébure, mes bons amis du boulevard Saint-Germain ? Ils sont en Amérique depuis plus d’un an à présent – vous le saviez ? Et Charlotte ne cesse de m’écrire pour me vanter les charmes de New-York, elle est tellement persuadée que je raffolerai du Nouveau Monde… ! Et le voyage en paquebot, et la statue de la Liberté (il paraît qu’on peut monter dans sa tête, vous imaginez… ?!), et les magasins de Broadway, et le mouvement perpétuel, la modernité… »

Elle s’interrompit, rêvant déjà à cet incroyable pays tout entier tendu vers la nouveauté…

« Alors oui, j’y vais. Je fuis l’été parisien, à moi l’Amérique ! »

De bravache et enthousiaste, son ton devint un peu hésitant :

« Enfin, rassurez-vous… je reviendrai. Les fantaisies parisiennes me manqueront, certainement. Et puis, il y a la Maison… » Elle eut un geste qui englobait le bâtiment où ils se trouvaient. « Marguerite gérera très bien les commandes classiques, et nous déclinerons les plus ambitieuses. Mais, évidemment, cela sera temporaire. Quelques semaines... Le temps de me changer les idées, de prendre la température outre-Atlantique. »

Elle cessa enfin de gesticuler, et conclut, avec un sourire taquin :

« Ne vous croyez pas débarrassé de moi pour autant, je compte bien vous écrire. »
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Dominique Lebrun
Être homme ? tu le peux. Va-t'en, guêtré de cuir
Dominique Lebrun

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MessageSujet: Re: Mais n'te promène donc pas toute nue !   Mais n'te promène donc pas toute nue ! EmptyLun 30 Sep - 0:53

Interdit, déconcerté. Partagé. Elle partait, le Nouveau Monde, New York, Broadway et autre. Comme ça. Mais en même temps, quand elle en parlait, on revoyait la Lise de toujours, joyeuse et pétillante. Retour à la normale donc avec ce départ. Ne restait à espérer que la tempête ne se soit pas égarée sur l'Atlantique.

« Je vous demande pardon? »

Le colonel la regarda, surpris d'abord mais devant cet enthousiasme, comment résister ?

« Enfin, c'est si soudain. »

Un sourire. Elle allait lui manquer. Vraiment. Beaucoup.

« Mais cela vous ressemble tellement. Et vous rend visiblement si heureuse ! »

C'était bien là le principal.

« M'écrire, à moi ! Mais j'y compte bien, j'y compte bien. Vous me racontez ces merveilles. Mais nos parisiennes, que feront-elles ? Ah ! L'été arrive et Paris va se dépeupler mais tout de même ! »

Il s'approcha, lui reprit les mains, lui offrit un sourire mi-complice mi-protecteur.

« Vous ferez attention à vous, n'est-ce pas ? Pas d'imprudences hein. Revenez-nous vite Lise, votre absence va être longue. »

Une idée, d'un coup.

« Oh ! Et ne tomber pas sous le charme d'un fanfaron d'Américain. Passer la nouveauté, il ne reste que leur côté matamore bravache. »

Idée ridicule. Lise était-elle du genre à se laisser prendre par ces apparences ? Un temps, peut-être , mais guère plus.

« Quand partez-vous alors ? Vous aurez bien le temps pour une dernière soirée au moins ? »

Elle allait partir. Des semaines. Loin. Il était content pour elle puisqu'elle semblait en être si heureuse.
Lui était déjà parti par le passé, des semaines, loin. Mais le vide est toujours moins prenant quand on part que quand on reste. Le colonel le savait-il ?
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