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| [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... | |
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Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Mar 23 Avr - 4:55 | |
| | Ces dames semblaient apprécier l'Opéra et M. Bonjour put se féliciter d'avoir réussi à détourner la conversation. Il décela d'ailleurs dans le regard de ses voisines un certain intérêt pour son intervention et sa moustache en frémit de plaisir ! Il laissa ensuite parler Madame Champmézières et hocha la tête vigoureusement lorsqu'elle parla des deux premiers actes de Thaïs. Quelle femme intelligente que cette couturière ! Il renchérit :
- Comme vous avez raison, Madame ! Dans tous les cas, j'aurai soin d'aller voir vos costumes. Les chanteuses sont-elles faciles à vivre, d'ailleurs ? Suivent-elles volontiers vos avis ou font-elles des caprices ? C'est que ... - il jeta un regard à la jeune Constance - ces dames-là ont souvent fort caractère.
On continua un peu sur le sujet, jusqu'à ce qu'il soit l'heure de sortir de table et de se rendre au salon. Monsieur Bonjour présenta alors son bras à Angélique et la conduisit à un fauteuil. Il tenta de lui faire la conversation plus librement qu'au début du repas, échauffé par le vin et par les succès qu'il avait eus à table, mais la mégère demeurait de marbre et M. Bonjour en vint à attendre avec impatience le moment où les hommes se retireraient au fumoir... ou de trouver quelque expédient pour délaisser sa boudeuse compagne et retrouver compagnie plus charmante, par la suite. | ~ * ~ | Angélique de Carmoran, respectable marquise
La belle Angélique hochait la tête, pensivement, aux propos de Madame d'Elmées. A vrai dire, elle commençait à trouver que son interlocutrice en faisait un peu trop. Elle ne se fit d'ailleurs pas prier pour lui faire remarquer, tout en douceur :
- Vous avez raison, Madame, en ce qui concerne les beaux hôtels particuliers du quartier du Marais ou les églises parisiennes d'autrefois. Oh, elles sont souvent bien discrètes par rapport aux monuments gigantesques que l'on érige aujourd'hui... mais ô combien plus raffinées ! En revanche, tous ces boulevards semblables... Et cette tour Eiffel qu'ils avaient promis de retirer après l'Exposition et qui défigure toujours le Champ de Mars... Paris n'est, hélas, plus aussi beau qu'il l'a été.
Propos un peu passéiste, certes, mais qui ne dirait pas cela après qu'une ville ait tant changé de visage... ? |
Mais alors qu'on servait les fruits frais, M. Pentois et M. Hasard réapparurent. Angélique ponctua leur retour d'un sourire distrait qui en disait long. Elle quitta ensuite la table au bras de M. Bonjour, qui avait un peu trop brillé à son goût. Lui adressant quelques propos ironiques, elle prit une tasse de thé qu'elle porta délicatement à ses lèvres. Elle profita enfin de la remarque de Madame d'Elmées pour renchérir : - Ce morceau est d'ailleurs tout à fait charmant ! Le pianiste adressa un sourire à la jeune femme mais continua à jouer pour l'heure... ~ * ~ | Fichtre... ! M. Hasard, que l'on savait si impassible d'habitude, revint fort préoccupé à son tour. Il ne sut d'ailleurs pas entamer la conversation avec sa charmante voisine, et fut très reconnaissant à Madame de Carmoran de le faire à sa place... Madame d'Elmées se tourna pourtant vers lui, sans doute soucieuse de l'intégrer de nouveau à la conversation. Il acquiesça :
- Ce serait assurément un grand dommage ! Mais heureusement, l'incident est passé et nous pouvons dès lors nous occuper de la soirée et d'elle seule.
C'était faux. Il était soucieux. Cela ne l'empêcha pas de présenter son bras avec un soin charmant à sa cavalière et à la raccompagner au salon quand il fut temps.
- Dois-je vous ramener à votre frère ou revendiquez-vous votre indépendance, chère Madame ?
Et ce faisant, il faisait signe à Ludwig von Herzfänger, qu'il invitait d'un regard sévère à le rejoindre. Il eût souhaité s'entretenir avec lui en privé quelques instants, mais les convenances lui interdisaient d'abandonner la charmante Adélaïde. | ~ * ~ | Mme Forestier était restée étonnamment discrète tout au long du repas. A vrai dire, elle n'appréciait pas vraiment la place qu'on lui avait attribuée, en bout de table, auprès de gens qu'elle estimait bien peu dignes de profiter de sa présence. La balourdise de son mari lui était aussi un peu restée sur le cœur. Cela expliqua son silence, bien surprenant de la part d'une telle femme... Oh, bien sûr, elle échangea quelques mots bien sentis avec son mari et ses voisins de table, mais rien de piquant ni de mémorable, comme on aurait pu s'attendre de sa part. De même, elle ne fit pas immédiatement de remarque quand M. Pentois dut s'absenter, ce qui sans doute étonna nos convives et leurs hôtes. Mais il faut se méfier de l'eau qui dort... Anne-Marie attendait son heure.
Elle regagna d'un pas digne le salon où elle s'installa bien en vue de tous, et prit une tasse de thé que lui tendait une domestique. Le thé et les petits gâteaux étaient bons, d'ailleurs... mais inexorablement classiques. Alors que Madame Pentois passait près d'elle, Anne-Marie lança gentiment - bien qu'on devinât très bien le fond de sa pensée :
- Je vous admire, Marie-Gilbert, pour faire fi à ce point de convenances. Un dîner en l'honneur d'une personne qui s'absente pour la moitié du repas, c'est assurément nouveau et osé, moi-même je n'avais jamais osé dans mes réceptions. Inutile de dire que je m'inspirerai grandement de vous pour mes prochains salons... | Il fallait évidemment comprendre tout le contraire. Marie-Gilbert respirait par les convenances, vivait par les convenances. Lui faire remarquer ce manquement énorme, même voilé par un faux compliment, la mortifierait, Anne-Marie en était parfaitement consciente. Les mots avaient un tel pouvoir... Ils blessaient si sûrement, malgré les apparences... Rejoignant son mari, Madame Forestier ajouta, de son air le plus affable : - Qu'avez-vous donc prévu pour la suite ? J'ai fort hâte de découvrir votre surprise, dont Madame - elle désigna Adélaïde - parle avec tant d'enthousiasme.Inutile de dire qu'après la surprise du départ précipité de M. Pentois, toute autre surprise s'en trouvait affaiblie... ~ * ~ | M. Pentois profita du passage au salon pour se mettre un peu à l'écart et reprendre ses esprits un instant. Fort heureusement, il raccompagnait la princesse de Fréneuse, qui n'était pas du genre à se formaliser de ce genre d'entorses à la mondanité. Sa présence avait d'ailleurs quelque chose de rassurant, avec cette blondeur presqu'effacée, cette voix grave et douce et ce regard perdu dans le lointain... Mais ses mots le touchèrent en plein cœur. Dans un geste instinctif, incontrôlé, M. Pentois posa la main sur le bras de la princesse de Fréneuse (qui le dépassait presque tellement elle était grande) et s'y appuya un instant.
- Ah, Madame ! Croyez-vous que je l'ignore ? Ma pauvre Marie est sans doute fort blessée de mon silence... mais ce serait bien pire si je lui parlais de ce qui me préoccupe.
Il se pencha vers la princesse et ajouta, sur le ton de la confidence :
- Puis-je compter sur votre discrétion... ? Marie-Gilbert vous fait confiance, j'ose croire que c'est à raison. |
Et après s'être assuré qu'ils étaient assez isolés pour qu'on ne les entendît pas, il reprit : - Vous qui êtes mère, vous pouvez me comprendre mieux que tout autre. Que feriez-vous si l'on menaçait de s'en prendre à vos enfants... ?Mais il sembla soudain prendre conscience de ce qu'il venait de dire... Pâlissant, il reprit le ton mondain qu'on lui avait connu depuis le début de la soirée, et s'empressa d'ajouter : - Mais vous avez raison et je divague. Il ne faudrait pas faire de la peine à Marie-Gilbert. Si vous voulez bien m'excuser, je vais retourner sur le devant de la scène et faire honneur à sa réception, comme il se doit. Vos conseils sont d'or, Madame... - Il fit un pas, se ravisa ... - Suivez-moi si cela vous fait plaisir.Et M. Pentois vint rejoindre son épouse, souriant comme il pouvait, à disposition des invités. ~ * ~ | N'en déplaise à Madame Forestier et aux grincheux de tous poils (oh ! fi de la correction un instant, l'heure était grave !) Marie-Gilbert occupa ses invités du mieux qu'elle put. Elle hocha vigoureusement la tête lorsque Madame Champmézières parla de Thaïs et promit, à la suite de M. Bonjour, d'aller admirer son travail au palais Garnier. Elle releva les réponses des Spéret avec recul et philosophie et leur donna raison avec une modestie exemplaire, enjoignant le couple Mauperché et M. von Herzfänger à se prononcer sur la question. Il fallait à tout prix faire oublier l'incident ! Il fallut ensuite passer au salon, comme nous l'avons dit. Marie-Gilbert surveilla du coin de l’œil Ludwig von Herzfänger qui choisit non sans discernement d'accompagner Mademoiselle Saintoin jusqu'au domestique qui devait la conduire ailleurs... Elle adressa un signe de tête encourageant au jeune homme, comme pour s'excuser de l'avoir privé de cavalière pendant un temps. Elle dut ensuite faire face aux sarcasmes de la Forestière, qu'elle supporta plutôt bien et auxquels elle répondit par des remerciements un peu froids...
Arrivée au salon, elle salua le pianiste et répondit à l'exclamation de Madame d'Elmées - ignorant volontairement la remarque de Madame Forestier. | - Vous devinez sans doute de quoi il s'agit, Adélaïde. Vous aurez remarqué que la timide jeune fille qui était à notre table a disparu tandis que nous quittions la table et qu'un pianiste de talent nous berce de tendres mélodies. Je me suis dit qu'il serait plaisant d'entendre un peu de musique - dont M. Pentois est friand. Quelques morceaux de chant seulement, car je sais que vous n'êtes pas venu dans ce salon pour parler d'art... Juste assez pour nous ravir les sens et oublier un instant les soucis du monde... Notre interprète devrait arriver dans quelques minutes, et je profite de ce bref instant pour vous présenter notre pianiste : M. Louis Morel, du conservatoire de Paris.L'artiste termina sa phrase musicale par un accord doux qui s'estompa, et se leva pour saluer l'assistance. Il se garda bien de faire résonner le son de sa voix, cependant, mais ses signes de tête étaient plein de retenue, de déférence... et d'un peu de fierté. Malgré son air arachnéen dans son costume noir serré, il semblait assez agréable. Il se réinstalla bien vite au piano où il commença une valse légèrement mélancolique. Monsieur Pentois en profita pour lancer, d'un ton léger : - Dommage que ce salon soit trop petit, Marie, je vous aurais volontiers offert cette danse ! Madame Pentois eut un large sourire, et Constance réapparut, blanche de peur. Une fine gouttelette de sueur perlait à son front parfaitement fardé. Elle s'avança vers le piano, sans un mot ni un regard pour ceux qui l'avaient amenée ici ou recommandée (le trac, sans nul doute) et après quelques instants, le temps que tout le monde eût choisi sa place et que le silence s'installât... Elle entonna d'une voix cristalline trois airs courts : Il était un roi de Thulé et L'Air des bijoux de Faust, la Séguedille de Carmen et L'Heure exquise de César Franck. Le pianiste l'accompagnait avec talent, laissant parfois la voix au premier plan et reprenant parfois le pas, d'un doigté virtuose. Amateur de musique ou non, l'on pouvait se laisser séduire : l'instant fut plein de grâce. Entre deux morceaux, M. Bonjour en profita d'ailleurs pour rejoindre Madame Champmézières et lui glisser avec un sourire, avant de continuer à écouter : - Cette demoiselle... Est-ce sa voix qui la rend si belle, ou lui avez-vous confectionné une robe à elle aussi ?Bientôt la voix de Constance mourut sur une note douceâtre, enveloppée des accords du piano. Les deux artistes se levèrent et saluaient, tandis que Madame Pentois s'était levée et enjoignait tout le monde à reprendre du thé et des douceurs...
Dernière édition par Pierrot Lunaire le Ven 3 Mai - 3:53, édité 1 fois |
| | | Lise ChampmézièresElle court, elle court, la cousette !
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Dim 28 Avr - 8:06 | |
| Ainsi, la Providence avait choisi d’amener à elle le couple Canard-Mauperché. Lise cacha sa surprise et accueillit Raymonde avec un sourire bienveillant et Octave avec un signe de tête aimable. Lorsque Raymonde évoqua l’affaire, la couturière eut d'ailleurs un petit geste apaisant qui signifiait : c’est oublié, voyons ! Et son sourire s’épanouit encore aux compliments de l’affable madame Canard.
« Oh, je vous remercie, c’est très gentil à vous. Mais asseyez-vous, je vous en prie ! »
Et de la main elle l’invita à s’installer à côté d’elle.
A quelques pas se tenait l’odieux Prussien. Si Lise avait noté que le couple de libraires avait été placé juste en face de lui au dîner, l’altercation lui avait totalement échappé, occupée qu’elle était avec monsieur Bonjour. C’est pourquoi elle osa questionner Raymonde sans arrière-pensée, désignant Elke d’un geste discret :
« Savez-vous qui est ce jeune homme ? J’ai l’impression de le croiser sans cesse sans que nous ayons jamais été présentés… »
Pendant ce temps, Constance s’installait… Et sa voix surprit Lise qui n’avait pas assisté à son entrée. Elle tourna vivement la tête vers la cantatrice… et ne put s’empêcher de la détailler de haut en bas. Dieu qu’elle était charmante… ! Un peu pâlotte, un peu tendue, bien sûr. Mais sa robe lui allait à merveille (évidemment) et elle avait une grâce à la fois enfantine et féminine. Et, comme si cela ne suffisait pas, elle chantait bien. Les pinces de la jalousie revinrent serrer le cœur de Lise. Spontanément, elle chercha Charles-Armand du regard. Il devait se ravir du spectacle, comme tous les hommes de l’assistance.
Quelques mots glissés à son oreille la firent cependant se retourner… et rencontrer le sourire de monsieur Bonjour, qui venait de tirer un fauteuil tout près d’elle. Elle l’observa un instant sans répondre, tandis que lui-même fixait toujours tranquillement la petite chanteuse. Voulait-il la flatter ? Mais pourquoi alors ses mots résonnaient-ils si désagréablement à l’oreille de Lise ? Était-ce une simple maladresse, ou bien monsieur Bonjour était-il définitivement un coureur ?
« Vous êtes perspicace, Monsieur, la robe sort bien de ma Maison. » répondit-elle à mi-voix.
Un peu amère, elle détacha son regard de l’homme en contemplation et le reporta doucement sur la chanteuse avant de poursuivre sur le même ton :
« Mais Mademoiselle Saintoin n’a pas besoin de mes services pour que rayonne sa beauté. Le charme de sa personne et de sa voix n’échappe à personne, je suppose… »
Les dernières notes de César Franck s’évanouirent alors, et Lise applaudit avec les autres. A l’invitation de madame Pentois, elle trempa les lèvres dans une tasse de thé avant d’adresser un sourire un peu ironique à monsieur Bonjour :
« Quant à savoir si elle présente le fort caractère des chanteuses que vous évoquiez tout à l’heure, je ne saurais vous répondre. » |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Jeu 2 Mai - 3:49 | |
| Quel homme, ce Monsieur Pentois ! Il semblait tout bouleversé, aussi mal à l’aise que la jeune mère dans le monde. Catharina garda son sourire affable et son air d’un naturel un peu triste mais amical. Cependant, elle se raidit lorsqu’il posa une main contre son bras. Tentant la subtilité, elle roula des épaules pour retrouver son petit espace personnel et faire tomber la vilaine main qui s’était abattue sur elle. Elle hocha la tête, pour lui assurer que la confiance de Marie-Gilbert ne tombait pas en de mauvaises mains.
« Hva ? »
La question l’avait surprise et elle porta une main à ses lèvres. Ciel ! Si l’on menaçait ses enfants… Elle plissa les yeux, suspicieuse et vint pour répondre mais fut coupée. Visiblement, Boniface préférait changer de sujet, se rendant compte de la pesanteur de ses mots. Elle trouvait que Monsieur agissait de manière curieuse, depuis son retour.
Plutôt que de le suivre, n’ayant pas l’impression d’être de bonne compagnie pour lui –et ne désirant pas se le faire reprocher par Marie-Gilbert, Catharina tourna sur elle-même et chercha Lise. Lise, Lise, qu’elle avait à peine saluée depuis le début de la soirée. Lise, de qui, pour faire changement, elle ne portait pas la robe mais, pour lui faire honneur, avait opté pour quelque chose de pas trop passé de date. Catharina s’apprêtait à la rejoindre, lorsqu’elle se souvint de la petite Marie-Madeleine, préoccupée par sa grossesse. Elle tourna encore et vint rejoindre la tout jeune femme, posant une main maternelle derrière son épaule.
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| | | Elke von HerzfängerUn jour je serais, le meilleur dandy, je moustach'rai sans répit
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Jeu 2 Mai - 11:44 | |
| Le garçon s’était un peu repris lorsqu’on avait parlé d’opéra allemand, à l’autre bout de la table. Il avait suivi la conversation tant bien que mal mais n’avait pu y prendre part. Les évènements ensuite s’étaient tous enchaînés avec la fluidité exemplaire du merveilleux théâtre mondain. Les invités se disloquèrent, abandonnant leur place convenue pour une qui leur saillait mieux. Au fond de son cœur, la tempête faisait encore rage, mais il tâchait de se ragaillardir et de comprendre un peu mieux l’agitation qui avait bouleversé le repas. Ses états d’âme pourraient attendre après tout, n’était-il pas plus intéressant de s’enquérir un peu des extrémités qui avaient poussé Monsieur Pentois à s’absenter ? Et s’il était trop tard pour cela – n’aurait-il pas fallut s’en occupé un peu plus tôt, au lieu de fanfaronner ? – n’y avait-il pas possibilité de regagner un peu l’estime de Madame l’hôtesse ?
Dans le salon, nouvelles places, nouvelle attraction. Elke se laissa envouter par la musique, trouvant dans cette ivresse un moyen plus sûr de contrôler ses limites – l’alcool peut si insidieusement vous surprendre ! Cela était ravissant, sans nul doute. Au loin, il regardait Madame Champmézières, dont la voix ne semblait vouloir quitter son esprit. Elle le hantait, comme un fantôme étrange et pourtant familier. Il aurait presque voulu aller lui l’entretenir quelques instants mais il souffrait assez mal en réalité de l’éclat dont elle jouissait. Même en ayant raté le coche, on ne pouvait rater le rayonnement qui émanait d’elle et qui happait l’attention de tous à son endroit. Il se refusait à faire comme tous ces chiens.
Mais il ne pouvait se résoudre à rejoindre Désiré non plus. Il avait bien remarqué l’ordre silencieux qu’il lui avait donné, mais il profitait, pour l’heure, que son mentor fut accaparé par Madame d’Elmées. Il osa plutôt aller toucher un mot aimable à madame de Pentois, avec une réserve qui contrastait fort avec son impulsion précédente. A vrai dire, il ignorait si ce mouvement n’était pas risqué et s’il n’allait pas s’enfoncer davantage, mais l’élan lui vint de ce qu’il pensait ne pouvoir tomber plus bas.
« Madame, je dois bien confesser, je ne sais pas si j’irai moi-même entendre Wagner, mais assurément, je voudrais entendre Madame Saintoin par le futur. » Tout en parlant, et particulièrement sur sa dernière phrase, il regardait tour à tour le couple Pentois. Il parlait certes plutôt à Madame – et ne savait trop que dire à Monsieur - mais il tentait au possible de s’adresser au couple, n’était-ce que par un simple jeu de regard.
« Et, à ce propos, Madame Forestier, continua-t-il sur un ton naïf, faisant mine de ne pas avoir compris la pique de la salonnière, aurait grand raison de s’inspirer de votre connaissance : la voix de Madame Saintoin, sur le jeu de Monsieur est un surprise très délicieux. »
Alors que les dernières notes languissaient, il s’effaça quelque peu – ciel, il ne voulait plus paraître inopportun à présent – et se contenta d’applaudir sans trop faire de bruit.
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| | | Octave Canard-MauperchéEncore une victoire de canard !
Messages : 62
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Ven 3 Mai - 2:36 | |
| Raymonde ne se fit pas prier et s'installa aux côtés de Madame Champmézières. Octave fit de même. Le couple déchanta bien vite quand la couturière fit glisser la conversation au sujet de l'allemand. Raymonde eut un regard d'incompréhension et c'est Octave qui, grognon sous sa moustache, releva l'étrangeté :
- Je ne sais, Madame Champmézières, mais son comportement me semble loin d'être recommandable. Ne vous souvenez-vous donc pas... ?
Raymonde le fit taire d'un regard impérieux. Quelle lourdeur toute bourgeoise ils avaient, de s'attarder sur un incident que cette dame si élégante avait daigné oublier déjà... !
- Je puis dire, en tout cas, que j'ai à peu près cette même impression. Ce jeune homme est partout et il n'a pas la retenue que l'on attend de la jeunesse, glissa Madame Mauperché d'une voix douce.
Puis elle se tut, légèrement intimidée, à l'arrivée de M. Bonjour et de Madame de Fréneuse. Ce fut Octave qui reprit, voyant la blonde scandinave qu'il avait déjà rencontrée, lors d'une étrange séance de spiritisme chez Madame Forestier, tourner autour d'eux... avant de partir vers une autre direction :
- Je suis heureux de voir que Madame de Fréneuse, qui semble se porter à merveille depuis notre rencontre avec les esprits. Vous aussi, d'ailleurs, Madame... je n'avais pas fait le lien tout de suite, mais vous étiez là également. Nous, le jeune allemand là-bas... On rencontre toujours les mêmes personnes, dans le monde !
Il avait dit cela d'un ton neutre, presqu'indifférent, comme on parle de la pluie et du beau temps. Il ne manqua pas, d'ailleurs, d'applaudir Constance et de se servir une tasse de thé qu'il dégustait lentement, avec ce même flegme de vieil oiseau fatigué. |
| | | ThalieMademoiselle Clairon
Messages : 542
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Ven 3 Mai - 3:41 | |
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Son époux était resté silencieux au sujet de ce qui préoccupait Monsieur de Pentois. Marie-Madeleine n'avait eu droit qu'à un "Les affaires, ma chère, l'économie est chose si complexe !" qui remettait toute femme à sa juste place : celle de demeurer épouse souriante et naïve. La réponse ne plaisait guère à Marie-Madeleine mais que faire, sinon se taire pour ne pas déranger cette soirée déjà bien mouvementée ?
Au bras de Monsieur Gervais, Marie-Madeleine assista à l'intermède musical, n'appréciant que vaguement la voix de Constance et le génie du pianiste. Son esprit était bien trop occupé par ses inquiétudes au sujet de son père.
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La jeune mère accueillit le geste de Madame de Fréneuse avec un sursaut, ne s'y attendant guère. Tout le monde s'était levé, sauf elle, mais personne ne s'en était inquiété; il était normal qu'une femme enceinte demeure encore assise.
— Madame, vous m'avez bien l'air inquiète...
Un sursaut d'instinct féminin s'empara de Marie-Madeleine. Posant sa main sur celle de Catharina qui s'était glissée sur son épaule, la jeune femme chuchota :
— Sauriez-vous ce qui préoccupe Père ? De grâce, répondez !
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| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
Messages : 2896
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Sam 4 Mai - 5:03 | |
| | M. Bonjour sentit le trouble de Madame Champmézières, mais se méprit sans doute sur son origine. Il répondit tout aussitôt, soucieux de préserver son image :
- Certes, Madame. Ce n'était qu'une façon maladroite, sans aucun doute, de louer votre talent.
Pour ce qu'il se souciait de la jeune chanteuse, qui plus est... ! Elle était sans nul doute ravissante et talentueuse, mais elle était aussi fort jeune et, malgré ses atours fort parisiens, avait des manières encore quelque peu provinciales... Afin de changer habilement de sujet, Casimir Bonjour pointa M. Louis Morel, pianiste, qui s'était levé pour saluer et semblait ne plus savoir où se mettre :
- Pauvre artiste, perdu dans ce salon où tout le monde se connaît !
Puis, voyant sa couturière occupée, M. Bonjour prit poliment congé d'elle pour se rapprocher du couple Pentois et de M. et Mme Forestier, laissant ces dames - et M. Canard - à leur conversation. | ~ * ~ | M. Leduc était, sans nul doute, injustement délaissé. Il dégusta son repas tranquillement, ses bésicles glissant régulièrement le long de son nom, et s'installa avec bienveillance dans le salon où il écouta - non sans un peu d'ennui - la démonstration de musique. A vrai dire, il pensait bien plus aux soins dont la petite chanteuse devrait entourer ses cordes vocales, si elle voulait qu'elles durassent, qu'à la beauté purement artistique de sa prestation... Mais, tandis que l'on pouvait voir la jeune Marie-Madeleine se reposer un instant sous l'aile de Madame de Fréneuse, les plus attentifs remarquèrent que le Dr Leduc s'était approché du mari de la demoiselle, M. Gervais, pour lui parler à voix basse. Des conseils purement médicaux, sans aucun doute ! |
~ * ~ | Désiré Hasard surveillait toujours du coin de l’œil les allées et venues de son protégé. Il le vit s'aventurer du côté des hôtes et, tout en conversant avec Madame d'Elmées, s'approcha sensiblement du groupe qui se formait, peu à peu, autour de M. et Mme Pentois. Par ailleurs, il adressait des regards fort graves à Boniface, en une forme de soutien muet. | ~ * ~ | Bien entendu, Madame Pentois ne releva pas l'ironie tranchante de la pique -ni la réponse si correcte du jeune invité à l'accent allemand, qui semblait vouloir se faire bien voir. Anne-Marie adressa un vague signe à son mari et lui demanda si elle connaissait ce jeune homme... Celui-ci hocha la tête négativement, prouvant une fois de plus, s'il était possible, son inutilité en ce genre de situations. Anne-Marie ne soupira point, ne leva point les yeux aux ciels - elle savait se tenir, que diable ! - mais elle eût été chez elle, seule ou entourée de ses fidèles domestiques, que son agacement eût éclaté au grand jour. Mais soit... D'ailleurs, le programme musical n'était pas mauvais, et il n'avait pas été mal interprété. Dommage, simplement, que le choix des morceaux ait été tout aussi prévisible. Elle ne manqua point de le faire remarquer, toujours avec cette légèreté souriante qui empêchait le monde de l'accuser de perfidie ou de mauvais esprit, et qui lui permettait de dire les choses telles qu'elles étaient - l'interdit premier du milieu bourgeois :
- Je dois dire, Monsieur - bien que je n'ai point l'heur de vous connaître - que je suis tout à fait d'accord avec vous. On sent d'ailleurs, Marie-Gilbert, que vous avez choisi vos morceaux avec soin. On sent la délicate attention de ne pas trop perdre M. Pentois qui revient d'un long séjour à l'étranger. |
Elle ajouta cependant, avec un peu moins d'ironie : - Le morceau de M. Hahn était très appréciable, cela dit. J'en faisais donner dans mon salon il y a quelques saisons. A présent, Madame, Messieurs, si vous voulez bien m'excuser...Et elle alla s'installer souverainement dans un sofa, à une place où elle pouvait embrasser l'assistance de son œil attentif et attraper au vol les conversations si l'envie lui prenait, heureuse d'avoir retrouvé une place qui convenait mieux à son rang et à son importance. M. Forestier, quant à lui, avait le teint fort rouge et les doigts un peu crispés, sur la porcelaine pâle. Après toutes ces années, ne s'était-il donc point habitué au caractère de sa femme... ? ~ * ~ | M. et Mme Pentois étaient enfin réunis, comme à la première heure de cette réception : la boucle était bouclée et chacun avait retrouvé sa place. Madame Pentois jeta un regard plein d'incompréhension à son mari, mais ils ne purent d'échanger le moindre mot, car un des invités s'avançait vers eux. Madame Pentois sourit aux compliments de Ludwig von Herzfänger.
- Monsieur von Herzfänger, je suis vraiment ravie que ce petit spectacle improvisé vous ait plu. Je vous crois exigeant en matière d'art, car vous sembliez débattre avec passion du sujet tout à l'heure, et remporter vos suffrages est donc doublement flatteur.
Elle le gratifia d'un petit sourire, difficilement suivi par M. Pentois qui jouait l'hôte parfait sans plus réussir à donner illusion. Celui-ci répliqua tout de même :
- Mais avez-vous goûté aux liqueurs ? N'hésitez pas à vous servir ! Et dans le cas où vous souhaiteriez fumer, je puis vous accompagner au fumoir quelques instants, cela va sans dire. Je suis bien distrait de ne point encore l'avoir proposé à ces Messieurs, d'ailleurs... Permettez...
Et, s'éclaircissant la voix, il demanda tout haut si ces Messieurs souhaitaient profiter d'un cigare offert par leur hôte. M. Hasard jeta un regard perçant à son protégé. Ces dames auraient ainsi le temps de discuter un peu de choses et d'autres, loin des échos de la politique, de l'économie et de l'actualité, sans doute bien désagréables à leurs oreilles, n'est-ce pas... ? Si M. Bonjour se déclara de la partie, ainsi que M. Leduc et M. Gervais. A moins d'une bonne excuse, les hommes de l'assemblée se devaient de suivre... |
Ces Messieurs...Ils passèrent par le grand hall de la demeure, où un lustre brillait de la lueur chaude de l'éclairage au gaz. Ensuite, ils durent emprunter le grand escalier où un tapis impeccablement brossé donnait à la marche de ces messieurs partis fumer un son presque feutré... La salle réservé aux hommes était décorée dans des motifs orientaux et agrémentée de bibelots africains - le goût bourgeois aimait les mélanges hétéroclites. Une chicha était posée au milieu des fauteuils, vraisemblablement là davantage pour la décoration que pour la consommation. Une porte-vitrée menait à un balcon pour les hommes un peu sensibles à l'étouffement, qui pouvaient prétexter d'avoir besoin de se rafraichir... M. Pentois, en hôte attentionné, présenta à ces messieurs une boîte remplie de cigares ainsi que des cigarettes d'Orient fort prisées. Des liqueurs plus fortes étaient également présentées sur un petit bar tournant, dans un coin de la pièce. Loin des femmes et de leur émotivité, les langues se délièrent...
Ces dames... De l'autre côté, au salon, les petits fours et le thé allaient bon train. Les hommes étaient partis. Tous ? Non... M. Louis Morel, le petit pianiste, presque entièrement dissimulé derrière les plantes vertes, avait réussi à se faire oublier. Il se demandait à présent comment sortir de ce pétrin et finit par rejoindre sa chanteuse à pas de loups, espérant ne pas trop attirer l'attention sur lui. Pendant ce temps, dans l'assemblée spécifiquement féminine (ou presque), les langues se déliaient... |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Lun 6 Mai - 14:26 | |
| Catharina, ne voulant pas forcer la jeune femme enceinte à se lever, se tira une chaise pour s’y poser tout près d’elle. L’inquiétude partie pour laisser place à un air plus avenant. Elle murmura un faible « Tout va bien. » à son intention et sourit lorsque la petite vint lui prendre sa main. Qu’est-ce qu’elles en avaient passé des après-midis chez Marie-Gilbert à ne rien faire ni dire de constructif ! Parfois, la norvégienne se demandait jusqu’à quelle point elle avait pollué l’esprit de la jeune Pentois, avec ses idées nationalistes et sa manière excentrique d’élever ses enfants.
« Mon cœur, ne vous agitez pas autant, voyons… »
Elle s’inclina vers la petite et sourit doucement. Elle paraissait toujours si innocente, même mariée ! Il serait fâcheux de lui confier les horribles mots qu’avait dits son père précédemment. Catharina prit donc un moment pour réfléchir et, parlant encore moins fort qu’à son habitude, lui confia sur le ton de la confidence :
« J’en sais très peu, mais je le crois plus fatigué qu’il ne veut l’admettre. »
Elle inspira et leva les yeux pour regarder l’animation floue du salon mais ramena son attention assez rapidement sur Marie-Madeleine. Sans lâcher la main de celle-ci, elle serra ses doigts doucement. Catharina désigna de coup de menton le ventre proéminent de la petite Pentois.
« Comment vous sentez-vous ? »
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| | | Jules SpéretLa perfection n'existe que dans mon miroir
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Jeu 9 Mai - 12:01 | |
| Oh là là, ce que ça pouvait s'éterniser... Plus la soirée se prolongeait, et plus Jules Spéret se rappelait pourquoi il ne prisait pas tant que ça ces soirées mondaines. Pas que les assistants y étaient, pour l'immense majorité, d'un rare ennui. Pas que les conversations manquaient cruellement de sel. Pas que l'ambiance y était amidonnée au possible. Il ne les prisait pas, parce qu'elles étaient longues, si longues, tièdes et monotones qu'il s'ennuyait à peine arrivé au plat. Il avait pourtant fait un effort notable, en s'y rendant avec sa femme, puis en veillant à rester tout à fait urbain pendant... disons, la première heure. Après, son attention avait commencé à faiblir, quelque part aux alentours du fromage... ou peut-être était-ce avant ? Une fois que l'Allemand avait un peu calmé le jeu, qu'on avait fini de parler de Beethoven et compagnie... Une idée à retenir ? Bof...
Lorsqu'enfin on avait pu se dégourdir les pattes en quittant la table, il avait évidemment fallu attendre que toute la crème de la société s'en allât la première et effectuât les quelques pas qui la séparait du... salon. Ce que cette soirée pouvait manquer d'action, nom de nom ! Lorsque ce fut leur tour, Jules offrit son bras à sa femme avec un demi-sourire, celui du gars satisfait d'avoir réussi à surmonter son antipathie naturelle pour les soirées huppées et qui avait enfin réussi à lui faire plaisir, à se comporter correctement en société, bien qu'il ait été assez taiseux à la fin... En espérant que son malaise ne se soit pas trop fait remarquer !
L'on passa donc dans la pièce attenante, et l'on écouta la charmante petite demoiselle - oui, celle-là même que l'Allemand avait agacée tout à l'heure - chanter un air tout à fait classique, tout à fait banal, d'une jolie voix. Bien que très sensible à l'art et d'un goût sûr, l'éditeur ne goûta que médiocrement le récital, estimant que la petite aurait bien pu consacrer avec énormément de succès sa jolie voix à d'autres airs, plus modernes... enfin, on ne refaisait pas le monde, et l'opéra Garnier valait bien ce qu'il valait... On n'allait tout de même pas demander à madame Pentois d'engager Erik Satie et Alfred Jarry, n'est-ce pas ? Par civilité, il complimenta chaleureusement mais sans enthousiasme la prestation. Un peu à côté, M. Pentois proposait à M. von Herzfänger de prendre un cigare, puis étendait l'invitation à toute l'assemblée.
Enfin, un peu de répit !
Jules Spéret n'eut donc aucun scrupule et confia sa femme aux mains des autres dames, non sans un petit mot de salut cordial - mais qu'aurait-il bien pu dire ? de toute façon, il savait bien qu'elle ne serait que plus à l'aise débarrassée de son pataud de mari, non ? Il suivit le cortège des messieurs à travers le hall, jusqu'au fumoir. Décor bourgeois déconcerté, un peu exotique, avec un narghilé, notamment. Mais les cigares et cigarettes que présentait M. Pentois étaient nettement bien plus conventionnels, quoique très raffinés. L'éditeur accepta un cigare, remercia, battit le briquet et y bouta le feu. Que ça pouvait faire du bien, de fumer un peu !
Il n'ouvrit cependant guère la bouche... Que dire ?
Tout d'un coup, l'absence de sa femme lui parut nettement plus déstabilisante. Mazette... Il était en plein milieu d'une réunion mondaine, à fumer un cigare avec les grands de ce monde, dans un endroit dont les portes ne lui auraient jamais été ouvertes s'il n'avait pas été le mari de son épouse... et Séraphine n'était plus là. Il lui faudrait donc faire attention à ses actes et à ses paroles, mine de rien, ne fût-ce que par respect pour elle... Heureusement, il ne devait pas être le seul homme peu habitué aux mondanités : son vieux camarade Canard, lui, au moins, comprendrait... C'est donc tout naturellement que l'éditeur rejoignit le libraire.
« Fameux, tout cela !... », fit-il simplement. |
| | | Lise ChampmézièresElle court, elle court, la cousette !
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Sam 11 Mai - 7:02 | |
| L’air renfrogné de monsieur Canard-Mauperché alerta Lise… et au Ne vous souvenez-vous donc pas ? qu’il lui adressa d’un ton de reproche, elle se rappela. C’est que, finalement, elle avait bien peu vu l’Allemand dans cette librairie, par rapport aux autres fois… Mais c’était, et il lui faudrait s’en souvenir, l’une des seules fois où leurs regards s’étaient croisés au grand jour, sans la médiation de la voilette.
Madame Canard-Mauperché répliqua à la suite de son mari avec une discrétion exemplaire, et Lise approuva d’un mouvement de tête. Le sujet prussien était clos.
Tandis que les hommes désertaient la pièce pour se retrouver entre semblables et discuter politique, économie ou femmes, les conversations féminines glissèrent sur des sujets… féminins. Telle tenue qui avait fait sensation, tel fils que l’on mariait dans le monde (et la future bru était si charmante ! avec de jolies joues roses que l’on espérait retrouver dans la descendance)…
Lise s’avisa soudain de la présence discrète du pianiste et les paroles de monsieur Bonjour lui revinrent en mémoire. Ne lui avait-il pas quasiment confié le soin de s’occuper de l’artiste esseulé ? Le jeune homme avait d'ailleurs un certain charme mystérieux malgré sa gaucherie, ou à cause d’elle peut-être, et un nez admirable. Aussi, se penchant légèrement en avant pour capter le regard d’un Louis Morel dissimulé derrière une plante verte, lui sourit-elle gentiment :
« Monsieur le pianiste, ne voudriez-vous pas nous rejoindre ? Le langage du monde est sans doute bien fade à côté de celui de la musique, mais… »
Elle eut un geste qui pouvait signifier : que voulez-vous, nous autres mortels parlons avec des mots !
Cherchant l'assentiment parmi les femmes qui l'entouraient, son regard s'arrêta sur la cavalière du vicomte. Elle la fixa un instant, comme si la contemplation du joli visage pouvait la renseigner sur sa véritable nature : sœur ? amie (hum) ? maîtresse ? Seuls les yeux, d'un bleu lonsayen, lui donnaient une raison d'espérer...
« Madame d'Elmées, » - ah, ce nom-là, elle l'avait retenu ! - « je suis confuse, nous n'avons guère eu le temps de discuter ! Votre éloignement ces dernières années ne nous a pourtant pas permis de nous rencontrer avant aujourd'hui, je crois... Je connais davantage monsieur de Lonsay. Quelles... »
... sont vos relations avec Charles-Armand ?
« ... Quel dommage. »
Elle rougit imperceptiblement, rattrapée par sa maladresse, et préféra ne rien ajouter de peur d'empirer les choses. D'ailleurs, n'était-ce pas plutôt à la femme de plus haut rang d'entamer la conversation si elle le souhaitait ? |
| | | ThalieMademoiselle Clairon
Messages : 542
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Dim 12 Mai - 5:52 | |
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— Pour sûr qu'il doit être fatigué, il s'est à peine remis de son voyage... (La jeune mère ajouta plus bas, ne voulant pas paraitre présomptueuse) Je ne remets pas en doute les choix de Mère, mais une réception si peu de temps après son retour... Pensez, c'est la première fois que je le revois !
Enfin, ce qui était fait est fait. Nul besoin de se lamenter. Il y avait plus urgent, et Mme de Fréneuse le lui rappelait. Ah cet enfant ! Il n'était pas encore né que déjà il rendait la vie folle à sa mère.
— Il bouge beaucoup, c'est même parfois dur de se reposer. Mais pour manger... Ce qu'il est difficile. Parfois je ne peux rien avaler, et d'autres moments je prendrais de tout...
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Le départ de ces messieurs et ses confidences à Mme de Fréneuse semblaient redonner des couleurs à Marie-Madeleine. On ne peut mieux se sentir qu'entourée de ses semblables, après tout. Observant l'agitation typiquement féminine qui embrasait les lieux, la jeune mère ne put s'empêcher de se lancer dans les commérages.
— Voyez-vous Mme Forestier, elle se prend pour une reine même chez les autres. Enfin elle le peut, elle en l'allure quoique légèrement passée de mode...
Ils sont ainsi les jeunes gens, toujours à mépriser les anciennes générations.
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| | | Adélaïde d'ElméesLorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays.
Messages : 23
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Dim 12 Mai - 6:50 | |
| Ma conversation avec Madame de Carmoran se poursuivit, et elle évoqua bientôt la situation actuelle de notre ville, l'opposant à la situation passée. J'avais vécu dans cette ville recréée par Haussmann peu avant ma naissance. Je n'avais donc jamais connu l'ancien Paris. Mais effectivement, cette tour Eiffel était nouvelle dans ce paysage, et ayant été absente pendant plusieurs années elle ne m'était pas familière.
- Vous avez tout à fait raison, cette tour n'est pas à sa place ici. Mais savez-vous que l'on en parle dans tous les pays ? Certains disent que c'est le symbole de notre belle ville, je peux vous l'assurer ! Quel ennui pour nous...
Elle parla ensuite du morceau que l'on jouait. Je hochai la tête d'un air entendu : oui, ce morceau était charmant.
Monsieur Hasard m'assura que l'incident était passé et que nous pouvions à présent pleinement profiter de la soirée. Il me conduisit bientôt jusqu'au salon et nous nous approchâmes de Madame Pentois et du groupe formé autour d'elle. Madame Forestier eut une remarque acerbe envers elle, femme de toutes les convenances. Madame Pentois préféra l'ignorer et me répondre en m'expliquant que la surprise serait musicale : la jeune fille silencieuse présente à la table allait nous chanter quelques morceaux, accompagnée du pianiste.
- Du conservatoire de Paris ? Eh bien je peux vous dire que cela s'entend. Les musiciens des rues ont bien moins de doigté, alors que Monsieur Morel ne fait aucune fausse note. Je vous félicite pour votre choix, chère Marie-Gilbert.
Bientôt, ce fut l'heure pour les hommes d'aller fumer le cigare à l'écart des dames. Monsieur Hasard me quitta, Charles-Armand suivit le groupe. Nous restâmes entre femmes, dégustant le thé et les petits fours qui nous étaient servis. Nous parlions de la mode et d'autres choses, lorsque Lise Champmézières s'adressa à moi, assez timidement me sembla-t-il. En effet, nous n'avions pas eu l'occasion de beaucoup discuter, et je ne l'avais sans doute jamais rencontrée auparavant. Elle m'apprit connaître Charles-Armand, et elle ajouta que c'était dommage de ne pas avoir fait plus ample connaissance avec moi.
- En effet, j'ai beaucoup voyagé en suivant mon mari. confirmai-je en me tournant vers elle. - Vous savez ce que c'est ! Lorsque les hommes ont une idée en tête, leur épouse ne peut rien y faire.
Je lui souris, espérant l'avoir mise un peu plus à l'aise – je l'avais vue rougir après avoir entamé la conversation. Certes, ce n'était pas tout à fait convenable qu'elle l'ait fait, car son rang était bien inférieur au mien, mais le fait qu'elle connaisse mon frère m'intriguait. De plus, je me devais de faire honneur aux invités de Madame Pentois : si elle était ici, c'est qu'elle y avait sa place. N'est-ce pas ?
- Vous connaissez donc Charles-Armand ? Il ne m'a jamais parlé de vous. Comment vous êtes-vous rencontrés ? lui demandai-je pour en apprendre plus sur elle. Il était rare que mon frère fréquente le monde, et encore moins les dames, quel que soit leur rang.
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| | | Charles-Armand de LonsayDandynosaure
Messages : 167
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Dim 12 Mai - 15:28 | |
| Et toute une partie de cette soirée s'effaça, sans aucun intérêt pour quiconque - et surtout pas pour le narrateur.
Ce n'était pas que les conversations sur les fleurs exotiques plaisaient particulièrement au vicomte, pas plus que les règlements de compte dans un coin de la table. De plus, son devoir d'hôte le plus titré de la maisonnée l'obligeait à faire la conversation à madame Pentois, ce qui ne lui plaisait pas au plus haut point... Heureusement que ces dames étaient là ! Bref, pendant la plus grande partie du repas, Charles-Armand de Lonsay s'en tint à des phrases de pure courtoisie, quelques mots lâchés çà et là, faisant tout à fait honneur à sa réputation de personne laconique... bien que l'absence soudaine de M. Pentois ne lui échappât pas. Mais la curiosité et lui, lorsqu'elle n'était pas intellectuelle... Quoi qu'il en soit, M. Pentois revint et l'on finit le repas plus tristement qu'il avait commencé. Une raison supplémentaire de se taire.
On quitta la table, on rejoignit le salon, et l'on écouta mademoiselle Saintoin chanter. Un observateur avisé aurait pu voir le visage du vicomte s'éclairer légèrement au son de la voix de la jeune fille, qui se sortit tout à fait honorablement de l'épreuve. Sans trop se départir de sa réserve ordinaire, il lui adressa un léger compliment - après tout, n'était-il pas son mécène ? Et l'on retomba dans les conversations ordinaires, avant que ces messieurs ne quitassent la pièce. Le vicomte était du nombre, quoique légèrement soucieux : lui et la fumée ne faisaient pas bon ménage, mais il fallait bien se plier aux conventions sociales, n'est-ce pas ? Il ferait donc un effort. Et puis, l'absence de ces dames - et surtout celle de madame Pentois, il se l'admettait tout de même - le mettrait quelque peu plus à l'aise, d'autant plus qu'il connaissait bien la plupart de ces messieurs.
L'hôte offrit des cigares et de l'alcool. Notre vicomte, poussé bien plus par l'instinct d'imitation que par un quelconque désir, accepta une fine cigarette - sous le regard lourd de menaces du docteur Leduc, d'ailleurs, qui pressentait déjà la crise d'étouffement... Bah ! on s'y ferait. Un peu impressionné quand même, le vicomte n'alluma pas tout de suite sa cigarette, préférant la tenir du bout des doigts alors qu'il amorçait une aimable conversation avec ce très distingué M. Hasard et, par voie de conséquence, avec son protégé, le jeune M. von... euh... Ertsfegner ? Quelque chose comme cela ? Si le jeune homme semblait encore mal dégrossi, s'il avait été tout à l'heure désagréable à l'égard de sa protégée, il paraissait avoir du goût et de la repartie, ce qui n'était pas pour déplaire au vicomte et à son esprit un peu hors du temps. L'opinion qu'il s'en faisait était donc tout en contraste. Au fur et à mesure de l'échange, l'on en vint à parler musique.
« Mais vous-même, Monsieur, fit-il alors en s'adressant directement à l'Allemand, que pensez-vous du choix de Louise Grandjean dans le rôle de Maddaleine* ? Je crains que le rôle soit difficile pour une si jeune femme... La musique de votre compositeur national est si puissante !» C'est vrai qu'à bien y songer, Wagner ne faisait pas vraiment dans la dentelle...
*Magdalena... Mais Charles-Armand a l'habitude - encore fréquente à l'époque - de franciser les noms, en plus d'avoir un certain accent parisien. ^^ |
| | | Octave Canard-MauperchéEncore une victoire de canard !
Messages : 62
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Lun 13 Mai - 4:48 | |
| L'on passa à la meilleure partie de la soirée, pour sûr ! M. Mauperché prit soin, cependant, de glisser quelques mots rassurants à Raymonde avant de s'éclipser, et de jeter un regard à Lise, l'air de dire "Je vous la confie !" Il suivit ensuite la marche, de son pas nonchalant... Précisons même qu'il finit la montée du grand escalier les joues passablement rouges et le souffle court... Il se reprit cependant bien vite, et se servit joyeusement (liqueur et cognac) avant de retrouver son vieil ami Spéret, avec lequel il n'avait pas encore eu l'occasion de s'entretenir. C'est donc avec joie qu'il lui répondit, reprenant soudain toute son aisance et toute sa familiarité :
- Vous parlez des cigares ou de la soirée, mon ami ?
Il lui adressa un sourire.
- Tout de même, pourquoi diable sommes-nous montés dans cette galère... Que ne ferait-on pas pour sa douce épouse, n'est-ce pas ?
Il exprimait ainsi, certes de manière bien indirecte, son étonnement de croiser Jules au bras de sa femme dans une soirée de ce genre ... et de se retrouver lui-même dans une situation similaire, par la même occasion... !
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| | | Elke von HerzfängerUn jour je serais, le meilleur dandy, je moustach'rai sans répit
Messages : 358
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Lun 13 Mai - 12:31 | |
| Elke regarda La Forestière s’imposer, éprouvant à l’égard de la salonnière une vive fascination : c’est qu’il y avait un raffinement tout artistique à être ainsi garce, assurément ! Et alors même qu’il était à peine admis chez une bourgeoise, il se prenait d’une folle envie d’aller plus haut encore, plus fort, et plus vite. Mais hélas, il ne put échanger avec Madame Forestier. Il se jura de trouver l’occasion de se faire remarquer – mais cette fois-ci, de le faire correctement.
D’ailleurs, l’audace ne lui avait-elle pas sourit ? Monsieur Pentois l’enjoignait déjà à goûter les liqueurs que l’on distribuait là. Le jeune homme essuya un sourire de circonstance et pris un verre à la volée. Cela pourrait toujours lui donner contenance, après tout... Puis cela lui flanquerait un peu de baume au cœur avant de se jeter dans la fausse aux lions !
Rejoint par Désiré, dont le silence était plus douloureux que le couperet de ses iris, Elke préféra se ranger du côté du Vicomte, et délaisser les cigares – d’une esthétique si disgracieuse ! – pour une fine cigarette qu’il alluma sans attendre. Lequel comte - et non pas le cigare - entama d’ailleurs la discussion :
« Mais vous-même, Monsieur, que pensez-vous du choix de Louise Grandjean dans le rôle de Maddaleine ? Je crains que le rôle soit difficile pour une si jeune femme... La musique de votre compositeur national est si puissante !»
Maddaleine…? Elke lança un coup d’œil très bref vers Désiré. Sans appel. Or très vite, un enchaînement d’idées lui vint et il reprit un équilibre satisfaisant. Wagner, Grandjean… Il eut une folle envie de soupirer. Dieu merci, il ne s’agissait pas ici de parler franchement ; mais le garçon, qui trouvait Wagner aussi digeste qu’une weißwürste*, dû néanmoins reconnaître l’effort que le Vicomte faisait, lorsqu’il émit une opinion favorable vis-à-vis de l’Allemagne.
« Je vous remercie, Monsieur, » Répondit-il, assez satisfait de pouvoir s’adresser à l’invité de marque. Au fond de son crâne, une envie de dire que la musique de Wagner était à la naturelle hauteur du pays. Mais il se contenta de le penser, avec amusement, et parce qu’il aurait d’abord fallut qu’il fût d’accord avec cette idée. Aussi reprit-il, mondainement chaleureux :
« Mais il n’y a pas d’intérêt à s’inquiéter : Paris étincelle des véritables bijoux… qui sont parfois mis au grand jour dans des circonstances semblables. Mais pour Madame Grandjean, elle donnait déjà un très bel interprétation de l’œuvre Wagnerienne cette année dernière, si vous avez vu Lohengrin ? » |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
Messages : 2896
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Dim 19 Mai - 12:09 | |
| ~ Entre fumerolles et alcool, du côté des messieurs ~ | Désiré Hasard avait à coeur sa réputation, et il se trouvait que cette réputation passât par celle de M. von Herzfänger, le jeune Teuton qu'il avait pris sous son aile. Et parce que le regard courroucé qu'il avait lancé audit Allemand n'avait peut-être pas suffi, ou du moins méritait sans doute une petite explication - on est tuteur ou on ne l'est pas ! -, il avait résolu de lui en toucher un petit mot, à voix basse, pendant qu'on ne faisait pas trop attention à eux. Cela dit, entre la théorie et la pratique, il y avait un monde, celui des mondanités, et ce monde-là... n'était pas vraiment au sommet lorsqu'il était question de rester discret !
Fort heureusement, Désiré Hasard avait réussi à placer quelques mots à son protégé entre la prise des cigares, celle de l'alcool et l'arrivée de M. de Lonsay. L'explication avait été rapide, mais efficace... ou du moins, il l'espérait. « Mon cher ami, lui dit-il, il n'est guère séant de faire de l'esprit sans connaître la maisonnée. Aussi fin fût-il, votre sarcasme ne pouvait qu'entraîner la désapprobation. » Un temps, histoire de laisser passer la nouvelle. Le regard du dandy s'adoucit notablement. « Du moins vous êtes-vous honorablement tiré de ce mauvais pas. Qu'il vous serve de leçon, et n'en parlons plus. » |
Arriva alors M. de Lonsay, et l'on parla de théâtre. Si M. Hasard prisait tant le théâtre, c'était moins pour y voir que pour y être vu, en dépit de ses grandes prétentions artistiques, et il se fit muet comme carpe durant le brin de conversation sur la Grandjean et son rôle de Madeleine. Les rejoignit alors M. Pentois... ~*~ | Après avoir, comme il se devait, présenté des cigares à tout le monde et proposé des liqueurs, M. Pentois rejoignit l'un des deux groupes qui se formaient dans le fumoir. Heureux d'échapper à la compagnie des dames pour se retrouver en plus petit comité, ou simplement soulagé de ne plus avoir à troubler sa femme par l'urgence de ses affaires, il alluma son cigare et échangea quelques mots avec Désiré Hasard. Puis, se tournant vers l'entièreté du petit groupe, auquel se joignit en outre MM. Forestier, Leduc et Gervais : « Ah ! soupira Boniface Pentois, si seulement tout pouvait être aussi simple qu'à l'Opéra... »
Une intervention qui dut surprendre nos deux mélomanes, MM. de Lonsay et von Herzfänger, mais qui ne sembla pas faire plus d'effet que ça à M. Hasard. Sans doute celui-ci vouait-il à la politique (et à son ami) un intérêt plus grand que la plupart des assistants. Aussi l'incita-t-il à poursuivre. « Cette affaire est épuisante !... » Un temps, encore. « Vous n'êtes pas sans savoir les tristes événements qui secouent Madagascar... Ah ! heureusement, la fin de mon travail est imminente. Sans cela... »
Un peu nerveusement, il tira deux bouffées de cigare et but une lampée d'alcool. | ~*~ | Quant à M. Bonjour, il n'eut pas tout de suite à coeur de se joindre au groupe majoritaire : c'est que le second groupe, celui des éditeurs, outre d'être un peu moins huppé que celui du reste des mondains, était aussi plus sympathique... et plus près de la cave à liqueurs. Ce qui constituait un argument de choix. Lorsqu'il entendit parler de femmes, il eut un petit sourire en coin, l'air de dire "Au moins, vous, vous n'avez pas été snobé de haut en bas par une petite bégueule de marquise dont on vous avait pourtant dit le plus grand bien... et les tendres inclinations !" Fort heureusement pour lui (car au fond, c'était lui, la dupe), il n'en dit rien. « Tout de même, Messieurs, se rendre à une réception mondaine n'est pas le plus haut sacrifice qui soit ! » dit-il plutôt, avec un sourire amusé. « Écoutez-les parler politique... Comme si nous n'avions pas déjà eu suffisamment l'expérience du pire... » Le sujet ne semblait pas passionner outre mesure M. Bonjour.
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~ Dans un océan de douceurs, du côté des dames ~
| Coincé. Et repéré. Lui qui aurait bien voulu se fondre dans le décor, comme un quelconque bibelot d'inanité sonore après la musique ! Ou une plante verte, ou quelque chose y ressemblant ! Louis Morel n'eut pourtant d'autre choix que de répondre à la question posée par la dame qui lui avait souri si gentiment et dont il ignorait le nom. « Oh, non, Madame... C'est un plaisir que d'être ici... » dit-il, mal à l'aise et un peu rosissant - une araignée en noir qui rougit, ça devait faire un sacré spectacle, d'autant plus qu'il avait à peine osé poser le bout d'une fesse sur un sofa. Déjà qu'il n'avait pas eu la trempe de suivre ces messieurs ! Qu'allait-il faire, maintenant ?... Se taire, sans doute, c'était le meilleur moyen de garder sauve sa fierté. Ah ! si seulement il avait pu retourner au piano ! | ~*~ | Quelle soirée ! Madame Pentois accueillit presque avec soulagement le départ des hommes vers le fumoir. Au moins ces dames ne partiraient-elles point dans de gênantes digressions... ! Elle remercia chaleureusement Madame d'Elmées qui semblait fort apprécier la soirée : les paroles de cette charmante femme mettaient Marie-Gilbert plus à l'aise. Elle eut un léger doute, cependant, quand Adélaïde parla de musiciens des rues. Était-ce naïveté ? Madame d'Elmées semblait être assez au courant des façons du monde et des réalités de la vie, alors c'était peu probable... Ironie ? Elle n'avait point l'air de chercher l'affrontement ou le rapport de force, pourtant... Maladresse ? Cela ne semblait pas son genre non plus. Mystère... Madame Pentois ponctua cela d'un sourire doux, qui pouvait tout dire... et ajouta, avisant du coin de l’œil Louis Morel :
- D'ailleurs M. Morel a étrangement choisi de rester avec nous, vous pourrez lui exprimer vous-même votre goût pour son interprétation. |
Et elle laissa la comtesse aux doux soins de Madame Champmézières, en profitant pour s'approcher de Catharina et de sa chère fille. Elle eut le temps, pendant ce moment d'accalmie, de demander à la jolie Marie-Madeleine : - Vous avez l'air épuisé, mon enfant. Si vous souhaitez rester ici ce soir, dans le cas où le retour à la maison vous semblerait trop éprouvant, votre chambre est toujours prête... Si votre époux est d'accord, bien évidemment.Mais hélas, il suffisait de laisser un court instant ses invités... et il digressaient dramatiquement. Voyez plutôt... ~*~ | Allongée plus qu'assise dans un sofa, ayant répandu ses jupes autour d'elle avec la prolixité d'une déesse du printemps, l'harmonie d'un Boldini et le drapé d'un Fragonard, manipulant l'éventail avec désinvolture, la Forestière semblait régner sur le salon, tout à la différence de la véritable hôtesse. À croire qu'elle savait mieux recevoir qu'être reçue ! Reposant finalement son éventail - c'est que la musique donne tant d'émotions ! surtout quand on veut faire semblant de s'y intéresser au dernier point, étant donné que ces pièces étaient... tristement communes, dirait-elle - pour prendre un petit gâteau du bout des doigts, avec raffinement, et en porter un morceau à ses lèvres. Eh ! elle n'allait pas se priver, quand même ! Et puis, manger était sans doute l'une des rares compensations à l'ennui que lui causait cette réception... sans parler des conversations entre les dames, qui manquaient tout à fait de sel ! Tiens, et si elle en rajoutait un peu, sur tout ce sucre ? « Au fait, l'avez-vous appris ? Une autre jeune femme a disparu, une de plus... N'est-ce pas inquiétant, toutes ces volatilisations ? » En tout cas, sa mine légèrement affectée et son attitude générale laissaient bien voir qu'elle ne se sentait pas concernée le moins du monde par cette affaire... Fichtre, elle avait passé l'âge ! | ~*~ | Le départ des messieurs avait sonné le glas de la gêne d'Angélique, qui sembla subitement bien plus à l'aise débarrassée de son monsieur Bonjour. Il était heureux qu'il n'ait pas insisté, en tout cas ! Comment aurait-elle réagi, si tout Paris avait su qu'elle avait été importunée par ce monsieur... donc, qu'on aurait eu de quoi la considérer comme galante ? Bref, l'affaire était close. Elle se promit de faire un peu moins la tête à son offenseur à la fin de la soirée... et se mêla, sans plus tergiverser, aux conversations. Mais la phrase de la Forestière la fit sursauter : évidemment, pour une femme qui n'avait que des fils, elle n'avait guère de tracas à se faire, celle-là ! « Oh, Madame, répondit-elle doucement, il n'y a rien de léger là-dedans... Les pauvres enfants ! » |
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| | | Séraphine SpéretC'est à coups de mépris public qu'un mari tue sa femme ; c'est en lui fermant tous les salons.
Messages : 32
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Jeu 23 Mai - 0:49 | |
| Madame Spéret avait passé une soirée tout à fait agréable, même si elle n’avait guère pu échapper au cercle restreint de conversations qui s’était tenu autour d’elle et dont la composante essentielle semblait avoir été une agressivité latente consciencieusement alimentée par Elke von Herzfänger. Quel ennui ! Le moment avait tout de même été embelli par les efforts manifestes effectués par Jules pour se conduire correctement en société. Séraphine lui en savait infiniment gré.
Et puis hommes et les femmes se séparèrent. Mme Spéret devait avouer qu’elle était soulagée d’échapper aux provocations constantes de Mr de Herzfänger. Elle s’assit non loin de Mme de Champmézières, sursautant légèrement lorsque le pianiste émergea de derrière une plante verte. Eh bien ! Voilà qui était inhabituel ! Le pauvre diable ne devait guère goûter les conversations d’hommes, mais il ne semblait guère plus rassuré de se trouver entouré de femmes.. Armée de sa décontraction habituelle, Mme de Champmézières l’invita à les rejoindre.
La conversation roulait cependant sur des sujets dangereux. Mme Spéret ne put s’empêcher d’être un peu affolée, quoique prodigieusement intéressée, lorsqu’une Mme de la Forestière effondrée théâtralement dans un sofa évoqua les disparitions de jeunes filles. Elle se redressa légèrement, affectant un raidissement qui pouvait être interprété comme de l’inquiétude ou de la désapprobation.
« Quelle affreuse affaire ! On pourrait se demander combien de jeunes femmes devront disparaître avant que le coupable ne soit trouvé... » s’interrogea-t-elle à voix haute.
Il ne s’agissait pas, cette fois, de s’exclure du cercle des conversations.
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| | | ThalieMademoiselle Clairon
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Sam 25 Mai - 10:36 | |
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La proposition de Mme Pentois fut favorablement accueillie par sa fille.
— Dès que mon époux sera libre, je lui en toucherais deux mots. J'avoue que me reposer dans le foyer familial me ferait du bien...
Et alors que son coeur s'apaisait à l'idée de retrouver la douceur de la famille, les femmes troquaient les conversations futiles mais douces, à celles des faits-divers. On aurait cru entendre des conversations d'homme, parlant politique et économie. Mais l'ennui était ici remplacé par la peur, et le goût du scandale. Marie-Madeleine ne put s'empêcher de s'exprimer un peu fort pour se faire entendre :
— Mesdames, je comprends que l'affaire vous bouleverse, je le suis de même mais... Ne pourrions-nous pas changer de sujet ? Tout ceci me donne des chaleurs...
| Le coeur de Marie-Madeleine palpitait; ces enlèvements lui faisaient craindre d'en connaitre un. En tant que femme enceinte, elle était une proie facile, son père était connu... Que d'arguments pour s'attaquer à elle ! La jeune femme serra la main de Catharina de Fréneuse dans la sienne.
— Mon amie, pourriez-vous aller me quérir une boisson fraiche ? Ces histoires me bouleversent...
On n'a donc aucune pitié pour les futures mères !
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| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Dim 26 Mai - 11:24 | |
| Catharina, toujours en gardant la petite et frêle main de Marie-Madeleine entre les siennes, se contenta d’hausse les épaules. Marie-Gilbert était une bourgeoise modèle, on ne pouvait lui en vouloir de faire une réception pour célébrer le retour de son mari. Il aurait été inutile d’en faire une plus tard, puisque la nouvelle ne serait plus à jour et passée. La mère se pencha sur la jeune femme et, presqu’amusée par les caprices d’un bébé qui n’était pas encore né, murmura :
« C’est la maternité qui vous dépossède. Vous devrez subir les gouts exigeant de votre enfant pendant encore un temps. »
Épaule contre épaule, Catharina n’accordait que très peu d’importance aux conversations et agitations de la soirée. Son attention allait aux petits doigts de Marie-Madeleine, qu’elle pliait et dépliait avec une précieuse concentration. La princesse ne fut pas choquée par les propos tenus par sa petite protégée. La jeune Pentois –Gervais- émit son commentaire sur l’attitude d’Anne-Marie Forestier et cela arracha un sourire à Catharina. La norvégienne jeta un regard amusé à Marie-Madeleine et lui répondit, enjouée :
« Si j’aurais la beauté et la prestance de cette femme, moi aussi je me comporterais comme une reine. »
Elle n’interrompit pas l’échange entre la mère et sa fille, ayant autre chose pour s’occuper sans avoir à s’interposer sur une question qui ne la regardait pas. Une nuit chez ses parents ne feraient que du bien à la future mère et celle-ci pourrait passer un peu de temps avec son bien-aimé père. Puis, elle fronça les sourcils. Une jeune fille encore enlevée ? Affreuse affaire ? Catharina leva le nez vers celles qui avaient prononcées ces horribles nouvelles mais abandonna bien vite, elles étaient trop loin pour être vues. La princesse de Fréneuse n’était pas au courant des évènements qui se produisaient dans tout Paris. Ça ne l’intéressait pas et ses enfants –ainsi que son mari, soyons francs- l’inquiétaient suffisamment, fallait-il rajouter des enlèvements de jeunes filles en plus ?
« Hai, meg Hjertet, pensez à des chatons pour vous ressaisir, le temps que je revienne. »
Catharina leva sa haute silhouette et lâcha –presqu’à regret- la main de Marie-Madeleine et se dirigea vers les boissons. Elle attrapa un verre et, alors qu’elle s’apprêtait à retourner auprès de sa protégée, la princesse fut interpelée par… Des gâteaux. Quelques pas sur le côté suffirent à réduire l’écart qui les séparait d’elle et la jeune mère en prit un –ou peut-être d’eux- et les dégusta. Elle en ramena un à jeune fille avec sa boisson.
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| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Lun 3 Juin - 22:17 | |
| | La réaction ne manqua pas et, ciel, que cela valait le coup ! Un mince sourire se dessina sur les lèvres d'Anne-Marie, qui reprit son éventail pour jouer nonchalamment avec, en écoutant avec bien plus de plaisir le concert d'indignation de ces dames plutôt que ces morceaux déjà fort galvaudés - à part Franck, peut-être... Quand Madame Spéret renchérit, d'un ton un peu moins niais que les autres, Madame Forestier rétorqua :
- Mais dès que cela nous touchera d'un peu trop près, j'imagine ! D'ici là... D'ailleurs, Mesdames, vous pouvez faire avancer l'affaire, pressez-vous, faites entendre vos plaintes et tout cela ne sera plus qu'un mauvais souvenir.
Mais qui ferait ça ? La peur du ridicule faisait mourir bien des pauvres femmes - donnez à cela le sens que vous voulez ! |
~ * ~ | Les conversations allaient bon train, de part et d'autre, et tandis que ces Messieurs abordaient, tranquillement, les rivages de la politique et de la vie publique, ces dames s'égarèrent joyeusement sur l'actualité criminelle. Pour la défense de Madame Pentois, celle-ci ne voulut point frustrer ses invitées et les laissa deviser, en bonne hôtesse. Elle en profita pour s'approcher de sa fille adorée, la douce Marie-Madeleine :
- Ma chère amie, je vous remercie de protéger ainsi ma petite Madeleine... Petite Madeleine, ajouta-t-elle, avec un sourire, à l'attention de sa fille, qui ne devrait point reprocher aux invités leurs sujets de conversation et laisser à l'hôtesse le rôle de modérer les conversations de la soirée.
Elle caressa doucement l'épaule de sa fille et lui glissa, d'une voix douce :
- J'ai demandé à Marie de préparer votre chambre. Vous pouvez monter vous reposer si vous le souhaitez, la soirée touche à sa fin et on ne vous en voudra pas, vu votre état. Nous savons toutes ce que c'est...
Et, disant cela, Madame Pentois ne put empêcher son regard de se poser, tristement, sur la jolie Madame Spéret... | ~*~ | M. Pentois attendit tranquillement que le débat qui naissait entre ces Messieurs mourût, se laissant lui-même oublier, avec ses problèmes. Au bout d'un temps jugé raisonnable, il annonça :
- Le fumoir reste à votre disposition, Messieurs, mais je propose que nous rejoignions ces dames pour le café.
Et on retourna un temps à ces dernières mondanités, un peu languissantes, des fins de soirées. La pendule sonna bientôt minuit, et les convives, uns à uns, prirent congé. Angélique de Carmoran fut la première, bientôt suivie de M. et Mme Forestier et de M. Bonjour. Les autres invités s'attardaient un peu, terminant leurs échanges, prenant quelques contacts... Mais l'heure est venue, et c'est bientôt à votre tour de saluer les hôtes, reprendre vos effets et retourner chez vous - ou dans quelque endroit noctambule... | - Citation :
- Et c'est le dernier tour de jeu ! Sentez-vous libre, mais n'oubliez pas d'adresser un petit mot de remerciement à M. et Mme Pentois avant de partir !
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| | | Lise ChampmézièresElle court, elle court, la cousette !
Messages : 355
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Ven 7 Juin - 7:50 | |
| - Spoiler:
Avec plein d'excuses pour le retard, mes chers partenaires de jeu !
Quelle gifle ! Sous ses apparences de douceur, madame d’Elmées était aussi mesquinement vexante qu’Anne-Marie Forestier. Lise accusa le coup et répondit avec une amabilité feinte : « Oh, monsieur de Lonsay – Charles-Armand ! Peste, elle l’appelait Charles-Armand ! – a la bonté de venir parfois jeter un œil sur les pièces que je reçois… Son goût est sûr et son avis, précieux. » Et elle préféra clore ici la discussion, avec un sourire qui, pour qui ne la connaissait pas, pouvait sonner juste. Ah, pourquoi le mari avait-il eu la fâcheuse idée de revenir s’installer à Paris ? Ne pouvait-il maintenir son épouse à une distance décente ?! Il y avait, heureusement, nombre d’autres occupations pour la couturière. Madame Canard-Mauperché, en premier lieu, que son époux avait laissée avec un regard éloquent et vaguement inquiet, comme s’il craignait que la scène de la librairie se reproduisît… Lise se tourna vers elle et lui adressa quelques mots gentils et insignifiants (probablement quelque chose comme « cette-soirée-est-délicieuse-n’est-ce-pas-le-repas-était-exquis-la-chanteuse-chantait-bien »…). Il y avait aussi, bien sûr, le pianiste. Celui-ci était venu bien gentiment s’installer près de leur groupe, et Lise le couva un instant du regard – son nez, surtout ! –, l’enjoignant à prendre un gâteau. Puis, voyant qu’il n’y avait guère de chance de délier la langue de Louis Morel, Lise crut bon de le sauver : « Savez-vous, Monsieur, vous seriez un ange si vous pouviez nous jouer un air… ! Un air pour dames… Tenez, du Brahms, par exemple ! J’adore Brahms ! » annonça-t-elle joyeusement à la cantonade (et au risque, sans doute, de s’attirer le mépris de La Forestière). « Oh, si seulement je savais jouer, je vous aurais volontiers accompagné ! Tenez, nous aurions joué des valses à quatre mains, ç’aurait été charmant ! … Allons mesdames, mesdemoiselles, n’y a-t-il personne pour accompagner notre pianiste ? » Oh, comme elle eût aimé jouer de la musique ! Comme elle regrettait l’éducation raffinée qu’elle n’avait pas eue ! ... Bref. Tandis que le piano se remettait à chanter (ou pas), la discussion volait déjà vers de lugubres sujets. La mine de Lise s’assombrit brusquement et elle cessa ses bavardages. Elle approuva gravement l’intervention de madame Spéret… et resta perplexe face à la proposition de madame Forestier. Que proposait-elle exactement, d’ailleurs ? Lise fronça les sourcils et son regard s’attarda sur Anne-Marie, portant une question muette. Tout exaspérante qu’elle était, La Forestière était terriblement intéressante, et son charisme suscitait l’admiration de la couturière. Pendant quelques secondes, Lise se laissa bercer par l’idée d’un soulèvement féminin contre le climat de terreur qui s’installait dans la ville. Elle murmura même quelques mots, songeuse : « Eh, mais pourquoi pas… ? S’il le faut… ». La soirée s’achevait cependant, et après avoir échangé quelques mots avec la plupart des convives, Lise se dirigea vers le couple Pentois pour prendre congé dans les règles de l’art. Elle ne manqua pas de les remercier chaleureusement et d’adresser toutes ses félicitations à Marie-Gilbert pour la réussite de l’événement. Emportée par la convivialité des fins de soirées, elle lui glissa même un « Vous étiez très élégante... » complice mais respectueux. Le sourire qu’elle eut pour Boniface fut, lui, teinté d’un peu de tristesse. Que cette crème d’homme fût sujette à tant de tourments, c’était une pitié ! Elle voulut lui proposer de passer à la Maison Champmézières pour se faire tailler un beau costume, puis songea que peut-être cela ne suffirait pas à le consoler, et renonça. Et puis il fallut s’en aller. C’était toujours un peu triste, ces fins de soirées… Quand le bruit et les rires se laissaient engloutir par le silence, ponctué seulement par les bruits de sabots sur le pavé… Et elle allait retrouver sa grande maison vide, noire, silencieuse et endormie… Et elle se coucherait dans son grand lit froid. Seule. |
| | | ThalieMademoiselle Clairon
Messages : 542
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Mer 12 Juin - 3:03 | |
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L'eau fraîche arracha presque un soupir à Marie-Madeleine qui le retint, se rappelant les bienséances. Le gâteau fut de même promptement avalé; le sucre sur la langue rappelant tel une madeleine de Proust de beaux souvenirs d'enfance à la jeune femme. Que l'on regrette l'innocence de l'enfance lorsqu'on est adultes !
Le retour des hommes poussa Marie-Madeleine pour deviser avec son époux. Un bref échange et les deux époux se quittèrent, laissant Marie-Madeleine retourner auprès de sa protectrice.
— Excusez-moi, je faisais part à mon époux de mon souhait de rester ici pour la nuit. Cela semble l'arranger, il m'a dit vouloir discuter avec mon père.
| La nouvelle n'était pas forcément des plus positives; la soirée en famille risquait d'être pleine de récits d'économie et de politique entre les deux hommes. Ce serait le prix à payer pour pouvoir profiter d'une chambre !
Prenant une des mains de Madame Fréneuse entre les siennes, Marie-Madeleine demanda comme une petite fille :
— Madame, me permettez-vous de vous laisser seule ? Je sens la fatigue me reprendre, et m'éloigner me serait bien profitable. Mais cela me gêne de vous abandonner ainsi.
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| | | Adélaïde d'ElméesLorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays.
Messages : 23
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Mer 19 Juin - 1:25 | |
| - Spoiler:
Je m'excuse pour la longueur de ma réponse, je suis complètement HS (et il fait malade de chaud xD)
Lise répondit à mes questions en m'informant du fait que mon cher frère se rendait parfois chez elle (ou ailleurs, elle ne le précisa pas) pour « jeter un œil sur les pièces qu'elle recevait ». J'avais cru comprendre, écoutant les conversations durant la soirée et les jours précédents, qu'elle était couturière. Charles-Armand aimait assez la mode pour avoir ce genre de passe-temps. Je lui souris, même si le fait qu'elle coupe court la conversation me donna une plutôt mauvaise image de la jeune femme : elle manquait quelque peu de politesse. Mais après tout, elle n'était pas issue du même monde que nous, il fallait le lui concéder... La fin de soirée approchait tout doucement. Les messieurs nous rejoignirent bientôt pour prendre un dernier café ensemble. Je me dirigeai vers mon frère afin de lui glisser quelques mots à l'oreille. - Il faudra que vous me parliez de cette charmante jeune femme qui trouve votre goût sûr et votre avis précieux, mon cher frère. Il me semble que mon absence m'a tenue éloignée de bien des sujets intéressants ! Sur ce, nous nous mîmes en peine de saluer ceux qui étaient encore présents, et nous remerciâmes nos hôtes pour cette agréable soirée.
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| | | Elke von HerzfängerUn jour je serais, le meilleur dandy, je moustach'rai sans répit
Messages : 358
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Mer 19 Juin - 6:28 | |
| Or, il était déjà l’heure de partir. L’allemand n’avait pas vu le temps passer, et la conversation qui avait fini par prendre une tournure politique intéressante n’avait finalement apporté aucun renseignement plus précieux que la surprenante sortie de table de Monsieur Pentois plus tôt dans la soirée. Regrettable… Le garçon songea que peut-être la liqueur n’avait pas réussi à délier suffisamment les langues… Il faudrait apprendre, sans nul doute, à s’y escrimer sans dépendre de ce spiritueux bien ingrat. Bienséant, l’hôte offrit tout de même que ce beau restât encore un peu : - Le fumoir reste à votre disposition, Messieurs, mais je propose que nous rejoignions ces dames pour le café.Mais, entendu, Désiré prenait déjà congé et Elke emboita le pas, étonnamment docile. Était-ce la retombée des évènements ; le coup de l’émotion, peut-être ? Il tâcha d’être raisonnable et charmant, et se fendit même d’un mot amical à Boniface : « Puisse vos affaires, Monsieur, s’arranger bientôt. » Gratiné d’un sourire mondainement affectueux. En descendant, le couple * pu observer les convives s’en aller, plus ou moins révérencieusement. Elke suivit le départ de Madame de Champmézières avec attention, celui de "Madame de Fréneuse" avec le désagréable remord de n’avoir pu lui signifier à quel point son teint se marier à ravir avec les délicieuses plantes du salon. Quant à La Forestière, ils partirent avant elle, et à cette pensée, l’allemand fut ému. Une brûlure d’ambition en son sein ; douleur qu’il commençait à connaître intimement. Il serait temps, à présent, de l’apprivoiser. *(hihi !) |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
Messages : 401
| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... Mar 25 Juin - 12:24 | |
| Catharina fut abandonnée par sa charmante Marie-Madeleine qui était partie deviser avec son époux. Elle demeura seule, suivant du regard la jeune femme comme elle put mais baissa rapidement les yeux vers ses genoux. La Princesse de Fréneuse devrait se lever et se promener, parler aux autres mondains comme la Forestière ou Monsieur Hasard. Hélas, la norvégienne n’accordait de coup d’œil à personne. Elle aurait accueilli Lise avec un grand sourire, peut-être même lui aurait-elle envoyé un signe de main mais, Madame Champmézières se trouvait beaucoup trop loin pour que la princesse puisse la voir. Et ce que Catharina ne voyait pas, Catharina ne s’y intéressait pas –façon de parler, bien entendu.
Lorsque la petite Madame Gervais revint, Catharina leva le bras et attrapa sa main. Les deux femmes échangèrent quelques mots encore discutant à voix basse de tout et de rien. Lorsque Marie-Madeleine s’excusa et désira partir, la jeune mère lui répondit avec un doux sourire, nullement dérangée.
« Ne vous inquiétez pas. Allez plutôt vous reposer, vous en avez besoin. »
Catharina fit une discrète accolade à la jeune femme tout en lui souhaitant un bon rétablissement. Elle lui glissa, au passage, quelques rassurantes paroles sur son état mais, qui pouvait vraiment se vanter d’avoir réussi à rassurer une femme qui portait un enfant ?
Peu de temps après le départ de sa protégée, Catharina rejoignit le couple Pentois et leur fit ses salutations. Une bribe de conversation commença à naitre avec Marie-Gilbert mais la princesse sut aisément l’arrêter et, toute respectueuse qu’elle était, quitter la soirée en voiture pour retourner vers ses enfants. |
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| Sujet: Re: [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... | |
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| | | | [Intrigue] M. et Mme Pentois ont le plaisir de vous convier à ... | |
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