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 1897 - huit mois déjà et il ressurgit du passé (PV Jean)

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Louison Delorme
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants, dans tes jupons remplis de parfums.
Louison Delorme

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MessageSujet: Re: 1897 - huit mois déjà et il ressurgit du passé (PV Jean)   1897 - huit mois déjà et il ressurgit du passé (PV Jean) - Page 2 EmptyDim 9 Juin - 19:03

J'aimais parler avec une certaine légèreté, ne serait-ce que pour oublier que la vie parisienne n'avait pas été jusque-là à la hauteur de ce que j'en attendais, c'est le moins que l'on puisse dire. Cette vie avait pourtant pris au cours de cette soirée un tournant que j'appréciais et qui, à mes yeux, m'ouvrait de nouveaux horizons. L'expérience du fumoir avait aussi libéré en moi le trop plein de réserve qui s'était accumulé. Les effets de l'opium s'étaient certes à peu près totalement estompés mais j'en étais malgré tout ressortie une autre femme.

Et mon commentaire sur la croqueuse d'hommes, précédée de quelques réminiscences littéraires qu'une jeune fille de bonne famille n'aurait sans doute pas dû emmagasiner, avait visiblement mis Jean en joie. Il rit et je pris ce rire comme un encouragement et un compliment. Il me demanda si je jouez et je dois dire que la question me prit quelque peu de court. Et, tandis qu'il tenait un instant mon menton dans sa main, je me mis à réfléchir à cette question que je ne m'étais jamais posée en fait. J'avais sans doute envie de jouer avec la vie ... avec les hommes. Et cette existence qui s'ouvrait devant moi ne serait peut-être pas un choix par défaut. Plaire aux hommes, les séduire, oser braver certains interdits, m'amuser et profiter des plaisirs de la vie ... n'était-ce pas là des aspirations enfouies en moi depuis mon adolescence et que les circonstances, aussi sordides furent-elles parfois, avaient peu à peu mises en lumière.

"Ne faut-il pas prendre la vie comme un jeu mon ami ? ... et je suis décidée à la prendre ainsi. On ne gagne pas à tous les coups mais je vous suis reconnaissant de m'avoir aidée à comprendre que ... cette année passée à la Reine Blanche était un mal ... nécessaire..."

La bougie s'étant éteinte, nous étions maintenant de nouveau dans l'obscurité de cette nuit si importante et pas encore achevée. J'entendais que Jean cherchait les allumettes et pestait de ne pas pouvoir mettre la main dessus.

"Le petit souffle de liberté que j'ai senti ce soir me plait beaucoup ... et je sais que je ne dois pas avoir honte de plaire aux hommes ... de les séduire. Je ne vous choque pas Jean ..."

Question ou affirmation, le doute pouvait être permis dans mon intonation. Mais je savais que je ne le choquais pas. Je savais aussi qu'il ne lui déplaisait pas que je sois là, dans son lit. Je ne connaissais pas vraiment sa vie, s'il avait de la famille ou pas. Je ne connaissais de lui que l'homme qui fréquentait les milieux un peu troubles de la vie parisienne. Mais n'était-ce pas le lot de beaucoup d'hommes de cette ville. Et cela m'ouvrait quelques perspectives intéressantes. Jean venait de reconnaître que les hommes aimeraient être croqués par Salomé, la danseuse, et je perçus dans sa voix qu'il se classait dans cette catégorie. Comme je perçus aussi dans sa voix qu'il ne regrettait pas de ne pas trouver les allumettes. Nous étions dans le noir et la chaleur de mon corps nu à ses côtés avait réveillé en lui quelques désirs bien naturels. Louise avait définitivement disparu, retournée dans les oubliettes de sa province natale. Louison, ou Salomé, la sensuelle courtisane allait déployer tout son art pour que ce moment reste gravé dans le souvenir de celui dont je partageais le lit en cette nuit... Je pressai ma cuisse contre lui, mon visage se pencha sur lui, dans l'obscurité et mes lèvres coururent, légères et brûlantes, sur la poitrine de Jean, cherchant un instant sa bouche, s'y attardant un moment avant de redescendre lentement. Je constatai à quel point il brûlait d'un désir à assouvir. Et je m'y employai.
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Jean de Fréneuse
J'ai bu le lait divin que versent les nuits blanches
Jean de Fréneuse

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MessageSujet: Re: 1897 - huit mois déjà et il ressurgit du passé (PV Jean)   1897 - huit mois déjà et il ressurgit du passé (PV Jean) - Page 2 EmptyMar 11 Juin - 4:41

Ne faut-il pas prendre la vie comme un jeu, mon ami ? Jean eut un pauvre sourire, un peu triste, lorsqu'il entendit cette question. Cela le tentait, bien sûr... Mais à présent, les dés étaient jetés et il était trop tard, n'est-ce pas... ? Il resterait aliéné à sa belle petite vie, avec son épouse, ses enfants et la somme de ses obligations sociales. A rebours, Louison, qui semblait si prisonnière - de son destin, de sa condition - semblait libre à jamais. L'étrange et triste paradoxe... ! L'heure, pourtant, n'était point à la philosophie, et la jeune femme l'avait bien compris.

- Non, fort étrangement, vous ne me choquez pas, répliqua-t-il.

Et puis il la laissa faire et, fort étrangement, la conversation mourut, au profit d'autre chose... Singulière chose que le désir, qui vous laisse pantelant, presque sans conscience... Le noir et le silence de la maison les accompagnèrent, dans leurs luttes et leurs caresses... Sans doute brisèrent-ils un peu trop la tranquillité de la vieille maison car, soudain, la tuyauterie résonna de quelques coups bien sentis et l'on entendit une voix, étouffée, qui venait du dessus :

- C'est pas bientôt fini ? J'vais appeler les mœurs, moi ! Débauché !

Jean laissa crier, Louison dans ses bras... Ce ne fut que lorsqu'ils s'écroulèrent de nouveau dans le lit qu'il lâcha, après un temps de silence :

- Vous êtes délicieuse... et nous gênons les voisins. Mais qu'ils se rassurent, cela ne devrait plus durer. Hélas ! cette chambre appartiendra bientôt à un autre. Fini l'appartement de célibataire ! je me marie... - Et pour rassurer la jeune femme il ajouta, sans y songer - Mais je viendrai assister à vos débuts au music-hall, bien entendu. Vous irez loin, je crois - je l'espère pour vous... Vous semblez prête à prendre tous les risques.

Il fit mine de se lever mais se ravisa.

- Nul besoin de bougie, voyez. L'aube ne va pas tarder, il doit être près de cinq heures...

Et, une main s'égarant dans les cheveux dénoués de la jeune femme, il ajouta, baissant la voix :

- Je crains qu'il ne soit bientôt temps de vous ramener... Mais avant, vous vous rafraichirez un peu... Puis je sonnerai François bientôt et il apportera deux chocolats, vous voulez bien ?

Au loin, un coq chanta.
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Louison Delorme
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Louison Delorme

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MessageSujet: Re: 1897 - huit mois déjà et il ressurgit du passé (PV Jean)   1897 - huit mois déjà et il ressurgit du passé (PV Jean) - Page 2 EmptySam 3 Aoû - 5:01

C'était si différent des relations que j'avais eues avec des hommes depuis des mois. Ces moments d'étreinte charnelle avec Jean me faisaient tellement de bien. Il m'avait fallu attendre si longtemps mais je n'étais pas déçue et je crois bien que cet homme si mystérieux ne l'était pas non plus. Ce fut une succession de cavalcades effrénées qui transforma le lit en un vaste champ de bataille et fit résonner la chambre de soupirs et de gémissements, chacun de nous deux répondant à l'autre dans un plaisir totalement partagé. Les échos devaient aller bien au-delà des murs de la garçonnière car il y eut bientôt des coups répétés sur la tuyauterie et quelques éclats de voix réclamant silence et retenue. Cela ne mit pas fin à nos effusions qui durèrent encore un moment avant que nos corps ne s'écroulent, épuisés.

Je reprenais doucement mon souffle, mon corps luisant d'une fine pellicule de sueur, tellement je m'étais donnée. J'écoutais la voix douce de Jean qui m'annonça, presque innocemment, qu'il allait bientôt se marier. Je découvrais ainsi qu'en fait il ne l'était pas, étant restée dans le doute complet au sujet de sa situation familiale depuis que je l'avais rencontré. J'avais eu tellement d'hommes mariés à la reine Blanche que je savais que tout était possible dans les milieux parisiens. J'éprouvais cependant une pointe de tristesse, prenant en un premier temps cette confidence comme un achèvement de notre relation. Pourtant il prit aussitôt soin, pour ma plus grande joie, de venir assister à mes débuts au music hall, aux Folies Bergères. Et il le fit en termes élogieux pour moi ce qui me combla encore plus d'aise. Ses doigts courraient dans ma chevelure, avec cette douceur et ce respect qui caractérisaient bien le personnage. Jean me proposa de me faire reconduire après que nous ayons pris un chocolat préparé par son domestique.

"Jean vous êtes décidément merveilleux et je regretterais presque que vous soyez bientôt marié... Mais vous méritez vraiment d'être heureux. J'espère seulement que cela ne m'empêchera pas de vous faire ... visiter le logement que je pourrais louer dès que j'aurais gagné un peu d'argent... C'est à vous que je dois ce tournant dans ma vie et ... je vous en resterez durablement débitrice ..."  

Il est vrai qu'une nouvelle vie s'ouvrait devant moi et j'étais bien décidée à saisir ma chance. J'étais certaine que l'argent gagné à danser aux Folies Bergères et à recevoir à mon compte quelques messieurs favorablement impressionnés par mes formes et mes prestations de danseuse me permettrait de me faire une petite place.

Je sortis du lit pour aller me rafraichir comme me l'avait proposé mon hôte. Tandis que je marchais calmement dans la pièce, je devinais le regard de Jean ne quittant pas ma silhouette qu'aucun vêtement ne venait cacher à ses yeux. Je revins, après quelques ablutions, et nonchalamment je cachais ma nudité avant que le domestique ne vienne nous apporter les chocolats promis. Il n'y eut pas trop de nostalgie alors que mes yeux observaient le jour naissant à travers le carreau de la fenêtre. Et nous continuâmes à deviser sur un ton que je qualifierais de léger et serein, nos voix par moments entrecoupés de mon rire cristallin et primesautier. Je sentais venir le moment où le cocher serait bientôt dans la rue, attendant de me ramener une dernière fois dans la maison où je venais de passer des moments qui ne seraient bientôt plus qu'un lointain souvenir de ma première vie parisienne.

[HJ : désolée pour mon silence un peu long]
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