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| Revue de presse n°2 - fin février 1897 | |
| Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Revue de presse n°2 - fin février 1897 Ven 30 Nov - 2:50 | |
| Revue de presse - mi-février 1897
ÉCHOS Un premier gagnant pour la Chasse au trésor ! L'heureux découvreur du premier dépôt de 5000 francs, que nous avions placé dans l'immense et élégant Bois de Boulogne, est un ramoneur honnête du nom d'Antoine Viret. Si la modernité artistique et littéraire ne semble pas son fort, il a néanmoins trouvé bien joli le texte laissé pour indice place de l'hôtel de ville. Alphonse Daudet sait toujours parler aux âmes simples ! En tout cas, La Revue mauve a voulu faire œuvre d'art ... et a donné à ce bonhomme ses 5000 francs. Qu'il courre à la première gare venue pour respirer l'air sain de la province ou qu'il paye son loyer en toute simplicité, qu'importe ! Voilà qui satisfera les tenants de l'art social ! La Revue mauve, 22 février 1897
POÉSIE : Pantoum C'est un petit jardin, désolé comme un champ, L'herbe rousse frémit sous un vent monotone, A l'ombre des vieux murs que le lierre festonne. Au fond des cieux plombés, baigne un soleil couchant.
L'herbe rousse frémit sous un vent monotone ; Un oiseau près de moi file en s'effarouchant : Au fond des cieux plombés, saigne un soleil couchant, Dans les bassins, la voix des grenouilles détonne.
Un oiseau près de moi file en s'effarouchant, Le Chat Noir aux yeux verts, là-bas se pelotonne, Dans les bassins, la voix des grenouilles détonne ; Les ombrages rouillés ont un funèbre chant !
Le Chat Noir aux yeux verts, là-bas, se pelotonne. Il me fixe d'un œil satanique et méchant ; Les ombrages rouillés ont un funèbre chant Je t'aime, ô symphonie étrange de l'automne Louis Le Cardonnel, La Revue mauve, 22 février 1897 Agitation dans la capitale La chasse au trésor organisée par Messieurs Spéret et Pérenchon a bouleversé tout Paris. Tour à tour, le Bazar de la Charité, la place de l'Hôtel de Ville et le bois de Boulogne ont vu apparaître une population mêlée de bohèmes, miséreux et autres artistes, appâtés plus par la promesse de trouver quelque argent que par les plaquettes et les gravures de qualité vantés par nos éditeurs. Aucun incident n'est à regretter, mais c'est un miracle, et le ton est souvent monté entre gens de peu et bourgeois désireux de jouer à ce petit jeu. Nous espérons que les facéties des gens de l'art ne donneront pas de grain à moudre aux anarchistes et autres gagne-petits du crime, qui profiteraient trop honteusement du manque flagrant de sécurité déployé à cette occasion. A se demander si les hommes de la Sûreté n'étaient pas partis chercher leur trésor à leur tour... Dans tous les cas, nous déconseillons à nos lecteurs de se prêter à cette mascarade ridicule : si 5000 francs représente une somme confortable pour de menus plaisirs, cela ne vaut pas le coup de se rompre le cou ou de supporter la promiscuité des femmes de chambre et des commis en permission. Paul Leclercq, Le Matin, 20 février 1897
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| Sujet: Re: Revue de presse n°2 - fin février 1897 Ven 30 Nov - 2:51 | |
| CONTE En première
– Une première, Paris. – Je regrette beaucoup, madame, répondait l’homme d’équipe, mais il n’y a plus de train pour Paris. – Comment, plus de train ? Mais celui de 9 h 12 ? – Celui de 9 h 12, madame, passe maintenant à 8 h 47. – Depuis quand ? – Depuis avant-hier, madame, c’est le service d’été. – Mais c’est horrible ! C’est horrible ! L’homme d’équipe esquissa un geste vague, comme pour protester de sa parfaite innocence dans le changement d’heure des convois. – Et quand le prochain train ? – Demain, madame, à 6 h 14... Il y a bien un express qui va passer tout à l’heure, mais il ne s’arrête pas ici. – Pourtant, en demandant gentiment au mécanicien... – Non, madame, vous n’auriez seulement pas le temps de l’apercevoir. La situation était réellement ennuyeuse. La pauvre jeune femme se laissa choir sur un banc et ne fut pas bien loin de pleurer. Neuf heures à passer dans cette petite gare idiote ! Le village était loin d’une bonne lieue. Il pleuvait à verse. Quelle situation ! Alors elle entra dans une violente colère contre elle-même et contre tout le monde. C’était trop bête aussi d’être venue dans ce pays ridicule, sur l’invitation de cette grue d’Éléonore. D’abord, si Éléonore l’avait invitée, c’était bien parce qu’elle s’ennuyait, dans ce trou perdu, et aussi pour poser, pour l’épater. Son château ! Son parc ! Ses écuries ! Elle ferait bien mieux d’avoir un indicateur de chemin de fer un peu frais. Et puis, cet imbécile de cocher qui la ramène à la gare et qui file sans seulement attendre que le train soit arrivé. Si on l’assassinait, dans cette petite gare isolée ? Le village est loin, la pluie tombe si fort qu’on n’entendrait pas ses cris. Elle est toute seule avec l’homme d’équipe. Ce dernier semble assez embarrassé de sa position. Évidemment, il allait se coucher, quand Berthe est arrivée. Berthe commence à avoir le trac. Elle examine l’homme à la dérobée. C’est un grand jeune garçon, admirablement découplé. Il a des yeux très doux, la bouche est fine. – Tiens, tiens..., fit Berthe, qui s’y connaît, mais il n’est pas mal du tout, ce garçon-là. Non, il n’est pas mal, mais il semble de plus en plus gêné. – Mon ami, reprend Berthe de sa voix la plus aimable, que me conseillez-vous de faire jusqu’à demain 6 heures. – Madame, il y a justement sur la voie de garage un wagon de première qu’on a retiré d’un train ce matin à cause d’un accident à l’essieu... Si vous voulez y passer la nuit, vous serez toujours mieux que dans la salle d’attente. La proposition est acceptée. Le jeune homme prend sa lanterne et conduit Berthe. Les coussins s’entassent dans un compartiment et forment un moelleux sofa. – C’est très bien, fait Berthe, mais je vais avoir une peur mortelle, toute seule, sur cette voie. – Si madame veut, je vais coucher dans le compartiment à côté. Berthe accepta la proposition de grand cœur, mais dans le courant de la nuit, sans doute dominée par l’effroi, elle exigea que le jeune homme vînt habiter son propre compartiment. L’humble prolétaire parut enchanté de la proposition. (Il est inutile, a dit Scribe, de porter une redingote pour qu’un cœur généreux et galant batte dessous.) Que se passa-t-il dans le compartiment ? Il est probable qu’on eut beaucoup de peine à s’endormir (la nouveauté de la situation, vous savez). Au petit jour, rien ne bougeait dans le wagon. Le chef de gare, un peu inquiet, cherchait son homme. Un grondement sourd vint du lointain. Alcide (l’homme d’équipe avait eu l’occasion de dire à Berthe qu’il s’appelait Alcide), Alcide, dis-je, sauta sur ses pieds : – Nom d’un chien ! s’écria-t-il, le train de 6 h 11 ! Berthe s’étira voluptueusement comme une grande chatte lasse : – Déjà ! fit-elle. Alphonse Allais, En première.
CHRONIQUE La mauvaise santé de la Bohème
De plus en plus de jeunes gens s'essaient, en toute bonne foi, à la vie de Bohème chère aux artistes parisiens. Etape nécessaire pour les jeunes artistes encore peu reconnus, disent les sceptiques ... Cependant, c'est ignorer le désastre sanitaire qui s'ébauche devant nos yeux : combien de ces jeunes gens décèderont d'un excès de romantisme ou d'une maladie à la mode ! Tandis que M. Rodolphe Salis se meurt d'épuisement, Laurent Tailhade et Jean Lorrain traînent leur pauvre corps malade ... Et c'est cela, le monde artistique parisien, que le monde entier nous envie ? Allons bon, c'est de santé que devraient s'enivrer nos jeunes gens et non d'absinthe ! Lorsque l'influence des cabarets ne sera plus aussi mauvaise pour les sens, nous daignerons évoquer les efforts d'art qu'on y déploie. Ernest Landrun, L'Entre-midi, 23 février 1897
Fait divers Un fou Incident boulevardier : Un pauvre excentrique, Charles D... très connu sous le nom de "Vide bouteilles", a été conduit en une maison de santé, et investi de la camisole de France. Fils d'un riche industriel de Reims, il s'est jeté dans le boulevardisme ; il nourrissait des bohèmes, se nourrissait d'anecdotes, et faisait tantôt l'homme ivre, tantôt l'homme aux bonnes fortunes, bien que malade. Il ne pouvait boire, dit-on, que du lait. Mais on le montrait en disant : Voilà l'intrépide "Vide bouteilles". Il tenait à ce nom. C'est au milieu de cette gloire que ce héros de nuit fait parler de lui une dernière fois. La Croix, 23 février 1897. Bons et publicités |
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