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| Revue de presse n° 5 - Mi-avril 1897 | |
| Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Revue de presse n° 5 - Mi-avril 1897 Mer 5 Juin - 7:01 | |
| Revue de presse - mi-avril 1897
Un criminel derrière les barreaux : les derniers éléments de l'affaire de l'Opéra On se souvient tous, hélas, de la triste histoire de l'attentat perpétré il y a plus d'un an à l'Opéra Garnier. Mais si l'anarchiste qui avait prémédité le crime a payé sa dette à la société, il était de notoriété publique qu'un complice avait déposé la bombe à sa place : Lionel Sylvande n'était-il pas sur scène, le soir où tout est arrivé ? Après de longues recherches, le bras qui a servi Sylvande a été retrouvé. Cela s'est fait grâce au carnet d'un jeune noctambule, retrouvé mort aux alentours des Funambules, détroussé par des voyous : un message codé y révélait l'identité du complice. Ce carnet a été déposé devant un commissariat de police, sans mention de l'envoyeur. Un feuillet révélant la clé du mystère a été simplement glissé à l'intérieur... Qui a eu le cœur d'attendre aussi longtemps avant de confondre le coupable ? Comment le jeune homme au carnet, dont nous garderons l'anonymat par respect pour sa mémoire, s'est-il procuré ces informations ? La réponse était-elle à chercher, depuis le début, autour des cabarets et des Funambules ? Toujours est-il que les services de police sont aussitôt allés trouver l'auteur du crime. Celui-ci n'est autre que M. d'Ardennes, musicien limogé de l'orchestre de l'Opéra en raison de sa vieillesse, et qui avoua bien vite sa vengeance. Incarcéré à la prison Sainte-Pélagie, il sera jugé par la cour d'ici quelques jours. Nous ne déplorerons jamais assez les ravages de l'ambition et du ressentiment sur lesquels les anarchistes savent jouer comme personne, pour menacer l'ordre établi, et nous bénissons les héros du quotidien, comme ce jeune homme au carnet, qui auront contribué, parfois au prix de leur vie, à maintenir l'ordre public. N'oublions pas, cependant, que c'est à la Police de mener l'enquête : que les citoyens s'en réfèrent aux agents qu'ils rencontrent, la mort du jeune homme au carnet, le renoncement silencieux de son héritier sont la preuve que faire justice soi-même n'est pas exempt de dangers et de dilemmes moraux... La Presse, 13 avril 1987 CHRONIQUE DES SPECTACLES Le Grand-Guignol Au fond de l'Impasse Chaptal ouvre un nouveau théâtre sous le direction d'Oscar Méténier. Les pièces représentées sont celles du Théâtre Libre. Mademoiselle Fifi, notamment, qui sera le sommet du spectacle, avait déjà été menacée par la censure, ce qui avait entraîné son retrait de la programmation du Théâtre Antoine. Nous sommes curieux de découvrir ce qu'Oscar Méténier nous concoctera, à présent qu'il sera en pleine liberté. La soirée s'annonce intéressante, avec deux pièces de M. Courteline, deux pièces de Lorrain et Mademoiselle Fifi, avec une jeune actrice débutante, Mlle Bianchon, dans le rôle de Rachel, l'héroïque prostituée. Espérons que M. Méténier ne fasse point trop dans la démesure ! Le Modéré, 13 avril 1897 CHRONIQUE DES SPECTACLES Mademoiselle Fifi au Grand Guignol Tout le monde se souvient de Rachel, la prostituée héroïque de Mademoiselle Fifi. Elle prenait vie sous la plume de Maupassant, seule entre tous, pauvre fille tombée, pour sauver l'honneur de la France contre la rudesse des Prussiens. Cette œuvre émouvante a été portée au théâtre, avec beaucoup de respect, par M. Méténier. Après avoir été donnée au Théâtre Libre, parmi d'autres pièces naturaliste, elle a été retirée du programme : voir un Prussien assassiné sur scène, voir même cette pauvre fille sur scène choquaient les spectacteurs, pourtant venus voir la réalité, dans toute sa crasse, sur les planches. Qu'importe ! M. Méténier tient bon et présentera sa pièce lors de l'inauguration du Grand-Guignol et dans les soirées qui suivent, accompagnées de comédies et drames de Mrs Courteline et Lorrain. La soirée sera également l'occasion de voir les début sur scène d'un ancien petit rat de l'Opéra, Mlle Bianchon, qui a réussi à se faire remarquer. Cette véritable fleur des faubourgs, poussée trop vite, conviendra parfaitement au rôle de Rachel. Nous lui souhaitons un retentissant succès. La Revue mauve, 13 avril 1897
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| Sujet: Re: Revue de presse n° 5 - Mi-avril 1897 Mer 5 Juin - 7:01 | |
| FAIT DIVERS Une héroïne est née Le fait a eu lieu dans un petit village de l'est de la France, proche de la frontière prussienne. Il montre combien même chez les petites gens l'amour de la patrie peut s'éveiller. Nous tairons le nom de la femme, celle-ci ayant voulu garder l'anonymat, de même que le village. Bergère, Mme *** menait son troupeau comme chaque matin dans les champs aux alentours du village. Entendant des voix inconnues, Mme *** va voir, se cachant parmi les arbres. Une troupe de prussiens se rend vers son village ! N'écoutant que son courage, la femme amène son troupeau accourir vers les prussiens et les bombarde de boules de neige. Ne comprenant pas ce qui leur arrive, les soldats reculent et repartent, ne voyant pas qui les touche ainsi, et harassés de voir leurs vêtements grignotés par des moutons curieux. C'est là un petit acte mais qui a sauvé un village des Prussiens. Madame, espérons que d'autres suivront votre exemple ! Le Petit Journal, 13 avril 1897 ROMAN-FEUILLETON La Chambre Interdite – épisode 37.
Dans les précédents épisodes, la petite Faustine Brisset a été engagée en tant que bonne à tout faire chez Monsieur du Goupil, riche notaire parisien. Elle a pris ses fonctions et découvre peu à peu que des choses étranges se passent dans cette grande maison proche du parc Monceau : Pourquoi Madame du Goupil ne quitte-t-elle jamais sa chambre ? Pourquoi l’accès à cette pièce de la maison est-il interdit à notre héroïne ? Qui est ce drôle de bonhomme qui rend visite à Monsieur tous les jours, le visage caché sous un masque de tragédie effrayant ? Que complotent Marcelin Claudiquant et Piccolo Blafardu, deux domestiques au regard sournois, lors de leurs conciliabules nocturnes dans le jardin d’hiver ? Qui a essayé d’ouvrir la porte de la chambre de Faustine, la nuit dernière ? Les révélations vont se succéder : la jeune femme n’a pas fini d’être surprise !
Faustine ne ferma pas l’œil de la nuit. Dans la pénombre, elle surveillait la poignée de sa porte, craignant qu’elle ne frémisse à nouveau. Aux premières lueurs de l’aube, elle déploya ses rideaux et observa la cour intérieure, de sa fenêtre. Monsieur du Goupil, en robe de chambre, déplaçait un pot de fleurs en lançant des regards furtifs çà et là. Sous le pot en question se trouvait une missive, que le maître de la maison saisit subrepticement, l’air méfiant.
La jeune fille s’habilla rapidement, décidée à mettre au clair les nombreux mystères qui embaumaient l’air de cette demeure. Elle descendit les escaliers sur la pointe des pieds et elle entendit la porte du bureau de Goupil se refermer. Elle rejoignit la cour intérieure et lorgna le pot de fleurs un instant. Hélas, l’ingénue n’avait pas remarqué qu’elle-même était épiée par Marcelin, qui riait doucement sous le porche, les bras croisés. Faustine sursauta au son de ce rire diabolique, et elle trembla lorsque le jeune homme posa sa main sur son épaule.
- En voilà une qui est un peu trop curieuse ! s’exclama-t-il. Qu’est-ce que tu cherches ici ?
Faustine blêmit et essaya de se détourner, mais Marcelin la retint, s’emparant de son bras avec force, et il répéta sa question, plongeant ses petits yeux marrons dans ceux de son interlocutrice.
- Rien du tout ! Répondit-elle, sur la défensive.
- Allez, reprit le vilain domestique, tu as vu quelque chose, tu te poses des questions, tu peux me le dire…Si tu veux que je te donne des renseignements sur une chose qui te turlupine, je suis ton homme ! Tout ce que je te demande en échange, c’est…
- Merci, je n’ai besoin de rien ! Coupa la jeune femme avant même que Marcelin ne finisse sa phrase, effrayée sans doute des paroles qui auraient pu suivre.
Elle écrasa le pied du domestique et elle s’enfuit aussi vite que possible dans le hall, tombant nez à nez avec Monsieur du Goupil qui renversa sa tasse de café en heurtant la petite qui courrait comme une dératée. Une goutte de café glissait sur la pointe de sa moustache grisonnante. La bonne à tout faire s’excusa poliment, haletant en scrutant ses chaussures, gênée.
- Pourquoi cette débandade matinale ? demanda le notaire en ouvrant de grands yeux.
- J’ai vu une souris dans la maison, mentit Faustine, hors d’haleine.
- Toute cette énergie dépensée au service d’un pauvre animal inoffensif…
A cet instant, un canard en costume du dimanche sortit du bureau de Monsieur. Le canard portait un masque de tragédie grecque terrifiant, et la jeune femme reconnut aussitôt le masque de l’homme qui venait visiter chaque jour du Goupil. Existait-il un lien entre ce canard et cet homme ? Le canard fit un clin d’œil à Faustine et lui caressa le mollet, puis il tendit l’aile droite vers le maître de la maison, dissimulant quelque chose entre ses plumes.
- En parlant d’animal, bonjour Paperasse, murmura Monsieur en saisissant discrètement l’objet que lui confiait l’animal (une petite clef).
Du Goupil saisit son canard masqué et endimanché et tous deux disparurent en un éclair. Faustine fronça les sourcils. Décidément, quelle drôle de maison ! La tension devenait insoutenable. Il lui fallait découvrir ce qui clochait. Armée de son courage, elle gravit les escaliers et se dirigea vers la pièce qui lui était formellement interdite… La chambre de Madame.
Elle ouvrit la porte d’un geste décidé, et tomba dans un gouffre sans fond dans lequel tournoyaient des pelles à tarte, des palettes d’aquarelle, des instruments de musique extraordinaires mais criards et des serpentins multicolores. Curieusement, ça sentait la vinaigrette. Une chaise passait par là, alors Faustine décida de s’asseoir et d’attendre que les choses se calment. « Je m’attendais à quelque chose de moins… de plus… », songeait-elle en s’acagnardant sur cette chaise furieuse modelée dans un bois exotique, qui bougeait de droite à gauche, visant à désarçonner la jeune fille. Un lit à baldaquin richement décoré se dirigeait vers elle en ondulant comme un serpent. Quelqu’un reposait à l’intérieur ! Une femme avec des tranches de concombre sur les yeux… oui ! Cela expliquait la vinaigrette ! Tout était clair maintenant ! C’était surement madame du Goupil ! Faustine sauta sur le lit et découvrit…
La Presse, 13 avril 1897
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