[Chasse au trésor] Paris ! si poétique au printemps...

La première fois, il n'était pas à Paris mais sa curiosité avait été piquée. La deuxième fois, il était occupé jusqu'au col entre affaires de régiment et soirées. Cette fois ci, il était tout disponible pour la chasse aux trésors dont on parlait tant.
Un petit tour dans les journaux lui avait soudainement donné l'envie de se balader. Oh pas loin, le quartier latin. Et tiens ! La petite librairie de Monsieur Mauperché ! Qui sait ce qu'on pourrait y trouver ?

Enlevant son chapeau, le colonel poussa la porte et entra. La librairie était vide, à ce qu'il pouvait en juger, et le couple Mauperché invisible. Nul doute que monsieur ou madame se montrerait sous peu. En attendant, Dominique inspecta les rayonnages.

MP envoyé par Thalie.

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Yann se promenait rarement au quartier latin, mais ce soir là, il avait rendez-vous devant la Sorbonne. Il avait, l’avant-veille au soir, au Chat Noir, réussi le tour de force d’obtenir un rendez-vous avec une institutrice du quartier. Celle-ci lui avait proposé de le rejoindre à la sortie de l’école et de lui faire visiter le quartier, son quartier. Alors Yann, enthousiaste comme toujours en pareille circonstance, s’était levé tôt et avait mis son beau chapeau melon pour l’occasion. Ainsi il avait pu finir plus tôt son travail et avait foncé directement vers la place de la Sorbonne*, lieu du rendez-vous. Mais il était en avance. Alors, en attendant la dénommée Martine, Yann fit le tour du pâté de maison et lorsqu’il passa devant une librairie (« La Chimère »), se rappela que la nouvelle Revue Mauve devait être sortie de presse et décida d’aller voir à l’intérieur de la librairie, si celle-ci s’y trouvait. S’il n’avait pas vraiment l’intention de l’acheter, peut-être y trouverait il tout de même le premier indice de la dernière chasse au trésor…

Yann entra donc dans la librairie, salua la seule personne présente (un militaire ! S’était il perdu ?) et se hâta donc (il n’avait qu’une petite demi-heure d’avance) de chercher la fameuse revue artistique.

Quelle ne fût pas sa surprise de la voir là, posée sur le comptoir vers lequel il se dirigeait instinctivement ! Elle devait apparemment constituer, et c’est bien légitime, une lecture de choix pour le propriétaire de l’enseigne. Il l’ouvrit et y lu un court poème dont un mot le laissa coi : Chimère.

Comme le nom de cette librairie !

Il alla demander au militaire ce que signifiait ce mot qui, décidément, l'interpellait !

Excusez-moi monsieur, vous savez ce que ça veux dire « chimère » ?

Il montra du doigt le mot dans le poème de la revue au militaire et ajouta :

Z'avez vu, c’est le nom de cette librairie !

Au moment où il fit cette dernière remarque, Yann se demanda s'il ne venait pas de toucher du doigt le premier indice de cette nouvelle chasse !

Spoiler:

MP envoyé par Pierrot !

Non seulement il n'y avait personne, mais il n'y avait rien, RIEN, dans cette librairie. Enfin, si, il y avait des bouquins et des revues un peu partout, mais là n'était pas le propos. Et d'ailleurs, il y avait quelqu'un puisqu'un jeune homme venait d'entrer. Mais, mis à part un très bref hochement de tête en guise de salut, le militaire s'en fichait comme de ses premières guêtres.
Un moment, il avait été tenté de partir, et pourtant, il continuait de laisser errer son regard sur les reliures. Avec beaucoup moins d'attention, il fallait l'avouer.

C'est que, il y a quelques temps, une discussion chez madame Forestier tournait sur un ouvrage. Ouvrage sur lequel on arrivait pas à se mettre d'accord. Ouvrage dont le colonel n'avait jamais entendu parler. Dieu merci, ces messieurs s'étaient échauffés entre eux, ne pensant pas le moins du monde à faire entrer le militaire dans leur querelle littéraire. Mais tout de même, si il pouvait jeter un coup d’œil sur ce texte, pour sa culture personnelle et au cas où...

Tandis qu'il cherchait, le jeune homme s'était approché et l'interpellait.
« Une chimère ? Mais certainement. La chimère est un animal mythologique avec une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent. Charmante bestiole. C'est aussi quelque chose d'irréaliste, d'improbable. Hummm, voyager sur la Lune par exemple, c'est un projet chimérique.
Et oui, c'est aussi le nom de la librairie de monsieur Canard-Mauperché. Ah ben tenez : monsieur Mauperché au comptoir de sa librairie : une vision chimérique !»

Oui parce que force était d'avouer que monsieur était rarement dans sa boutique. En même temps, si c'était pour y prendre des coups...

MP envoyé par Thalie.

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Une vision chimérique ! Ah c'est ce qu'on allait voir... ! ... Dans les faits, par chance pour M. Lebrun, M. Canard-Mauperché n'avait pas entendu son sarcasme. Il était occupé à déménager des cartons et feuilleter les nouveautés - imprimées par lui-même ou venant des collègues. A vrai dire, il se sentait de mauvaise humeur : la nouvelle livraison de la Revue mauve sortait ce matin - Jules était venu lui en apporter quelques unes il y a peu, profitant de l'occasion pour railler gentiment son vieux collègue, peu ravi de la tournure des choses... Il avait feuilleté quelques éditions de l'Arétin en passant, agrémentées de gravures nouveau style, et s'était éclipsé tout aussi vite, tandis qu'Octave fumait la pipe, l'air sombre... La journée avait suivi son cours, et les clients avaient été rares. C'était aussi, assurément, de vrais clients, qui étaient tous venus acheter ou chercher quelque chose... L'idée de laisser de nouveau des malandrins envahir sa librairie et y semer le chaos mettait Octave hors de lui : il n'était plus question d'autoriser cela. Quelle idée de... enfin, vous voyez la question. La clochette de la porte tinta cependant, tandis que notre librairie s'était plongé dans ses cartons. Entravé dans ses mouvements, il appela "Raymooooonde !" mais celle-ci ne descendit pas... Peut-être était-elle sortie ! Octave pesta donc et se fraya un chemin en enjambant tant bien que mal les cartons et les piles mal arrangées de livres. L'une d'entre elle s'effondra et il laissa échapper une flopée de jurons exotiques en la remettant en place... avant d'apparaître enfin, une goutte de sueur au front, à son comptoir.

- Messieurs ! Que puis-je faire pour vous ?

Et son air grognon était tout... sauf chimérique.

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Le militaire lui expliqua avec une précision très … militaire (!) la définition du mot.

Merci bien monsieur, je crois que je comprends mieux maintenant !

Et Yann tourna les talons… Il entendit alors un « Raymooooooooonde ! » au loin. Il se dirigea donc vers le comptoir pour reposer la revue. A ce moment il y découvrit un morceau de papier. Il le mit dans sa poche et posa le journal sur le comptoir. C’est là que celui qui semblait être le patron arriva en faisant tomber une pile de livre qui traînait sur son chemin !

Que puis-je faire pour vous ?

Bonjour, je cherche un petit livre sur ... euh, sur … un petit livre de poésie ! Vous auriez ça ?

Sacré Le Guélec ! Il avait sorti la première chose qui lui était passé par la tête, pressé par le temps. Mais finalement, un peu de poésie ne lui ferait pas de mal. Et il saurait certainement faire bon usage des beaux mots qu'il pourrait y trouver ! Idée chimérique ?

MP envoyé par Pierrot.

Epatant ce que peut faire le hasard parfois. Le « Raymoooooonde » suivi d'un bruit étrange suivi lui-même d'une bordée de mots plus ou moins fleuris annoncé... et oui qui l'eût cru ? Monsieur Mauperché.
Cette annonce plutôt remarquée de la présence du patron avait coupé court à l'échange entre les deux hommes. Mais, sincèrement, qu'aurait-il eu d'autre à se dire ? Rien, certainement, aussi l'homme remercia et tourna-t-il les talons rapidement tandis que Dominique se dirigeait en direction opposée.
Le « Raymooonde » avait bien sur détourné son attention vers l'arrière-boutique. Mais déjà, le patron était là.

Et encore une fois, le hasard. Entre la paroi d'une étagère et un livre, un petit morceau de papier, soigneusement plié et visiblement récent attendait sagement celui qui viendrait fureter par là. Pourquoi Dominique furetait par là ? Parce que monsieur Mauperché avait fait du bruit dans son arrière-boutique. Et comment le colonel put-il tranquillement prendre le papier, le déplier et le ranger rapidement sans attirer l'attention ? Parce que le jeune homme avait précipitamment répondu, lui évitant de répondre lui-même. Tiens ! Que cherchait-il d'ailleurs ? Un livre de poésie ? Voilà qui était... Mais enfin peu importait. Il laissa le libraire avec sa nouvelle pratique.

Il ne restait plus qu'à lever le camp. Mais entre lui et la sortie, il y avait le libraire et son air, disons renfrogné. Peut-être qu'en s'approchant discrètement de la sortie, sans se faire remarquer...
Mais pour être franc, l'idée de s'éclipser discrètement et rapidement semblait être... chimérique oui.

Spoiler:

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Un petit livre de poésie... ? Grumph, un petit livre de poésie ?! Les sourcils broussailleux d'Octave décrivirent un étrange ballet, qui exprimait tour à tour l'étonnement, la circonspection et la méfiance... Il marmonna un peu dans sa barbe, en remontant ses précieuses bésicles sans lesquels le monde n'était qu'un vaste tableau impressionniste, et répondit à son premier client :

- Eh bien Monsieur, tout dépend. Des petits livres de poésie, mais j'en ai plein, mais je n'ai qu'ça ! Que souhaitez-vous ? Da la poésie symboliste, du mysticisme, du naturisme*, du spiritualisme, de l'essentialisme, des poésies réalistes (c'est idiot mais ça existe), des chansons poétiques... ? Y'a bien quelques ouvrages torcheculatifs dans le lot, alors faut savoir... Êtes-vous exigeants ? Voulez-vous ... de la bonne vieille tradition (on n'en a pas beaucoup) ou de la nouveauté ? Je vous écoute, Monsieur !

Le jeune homme comprit-il quelque chose à l'ésotérique discours du libraire... ? Il avait bien plus l'air d'un oison qui s'était échappé trop tôt du nid et se retrouvait coincé dans la tanière du renard. Cependant, l'oeil d'Octave fut attiré par un lent mouvement en arrière-plan. Cornegidouille, son deuxième client s'éclipsait ! Il se précipita vers lui, furieux de découvrir le stratagème.

- Eh bien, Monsieur, vous partez déjà ? Je ne peux donc rien faire pour vous ? Peut-être voudriez-vous, également, un petit livre de poésie ?

Pris la main dans le panier, rien de moins. Octave était d'ailleurs assez peu commerçant : est-ce que cela se faisait d'embêter ainsi les clients aussi directement... ? Il passa la main dans ses cheveux grisonnants, rajusta ses lunettes : était-il bien temps de jouer au tabellion rigoriste et à l'inspecteur sévère ? Il tendit alors la main vers un recueil de Corbière, pas loin, et le présenta au militaire.

- Les poésies de Tristan Corbière, un pauvre hère mort trop jeune et qui aurait révolutionné la poésie s'il avait continué. Vous pourriez apprécier... Avec les compliments de la maison.

Et ses yeux de vieil hibou s'illuminaient d'une étrange lueur, qui lui donnait presque l'air d'un fou ou d'un sorcier.

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Le jeune avocat regarda la place du Panthéon avec un profond sentiment de nostalgie. Fichtre ! Il en venait presque à regretter les barbons sévères qui furent ses professeurs à la faculté de Droit. Il sourit malgré lui en repensant à son professeur de droit romain -matière qu'il exécrait plus que les autres-, qui radotait dans une langue morte les textes juridiques les plus assommants de la glorieuse république latine. D'années en années les anciens élèves racontaient bien des histoires aux nouveaux à propos de cet être à la peau parcheminée. La plus colportée étant que le professeur était une momie d'un élève de Cicéron revenu à la vie après qu'un archéologue eût ouvert son tombeau. D'autres légendes avaient circulé, mais elles n'avaient pas la même saveur mystico-orientale.

Maître Rabantin lança un dernier regard vers le bâtiment de la Faculté de Droit puis s'enfonça dans les petites rues qu'il connaissait si bien. Le nez en l'air à s'en faire craquer les cervicales, il regardait les fenêtres des chambres des étages en se souvenant de sa garçonnière : une chambre minuscule et puante qu'il avait dû partager avec des rats pour colocataires. C'était un véritable taudis, mais c'était là qu'il avait vécu ses premiers instants de liberté, libéré du joug parental. Un premier chez-soi, cela ne s'oublie pas.

Il croisa des bandes d'étudiants désœuvrés attablés aux terrasses des cafés. C'était là qu'il avait vécu les meilleurs moments de sa jeunesse. Les blagues, les rires, les chansons, les discussions politiques ou polémiques, les bagarres et les réconciliations, refaire le monde autour d'un verre... La faculté lui avait appris le cadre traditionnel dans lequel évoluaient ses austères aînés. Mais l'avenir juridique et politique était dans la rue, bouillonnant, bruyant mais bien vivant.

Outre ses cafés, le quartier est reconnu pour ses librairies bien achalandées. Le jeune avocat les connaissait bien, combien de fois avait-il dû rechercher un obscur traité dans les rayonnages aux boiseries vermoulues ? Cette fois sa quête serait bien plus extraordinaire que la découverte d'un opuscule de Jean Domat. Aristide entra de plein pied dans l'aventure en franchissant le seuil de la librairie.

La Chimère... Quel animal légendaire allait-il rencontrer ? Il se heurta presque à un homme brusque brandissant un livre devant un militaire qui semblait s'être perdu dans le quartier. Finalement le nom de l’échoppe devait être un avertissement pour les pauvres clients qui avaient le malheur de pénétrer dans l'antre de la bête. Cette situation plut beaucoup à l'avocat. Son visage se fendit d'un large sourire et il porta la main à son chapeau pour saluer poliment l'assistance.

"Messieurs, bien le bonjour. Si vous me permettez, je vais aller de ce côté." fit-il en désignant un rayonnage à proximité. Il ajouta également quelques mots aimables à l'attention du libraire."Ne vous dérangez pas pour moi, j'attendrai que vous ayez fini avec ce monsieur."

MP envoyé par Thalie.

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Le libraire donna à Le Guélec une réponse qui le laissa légèrement perplexe. Que pouvait bien être de la poésie symboliste, du mysticisme, du naturisme, etc. ? Ayant trop de définitions à demander, il se lança dans une improvisation comme lui seul savait en faire :

Et bien je … Voyez, je n’y connais pas grand-chose, c’est pour offrir à une jeune femme… Donc, quelque chose de… comment dire… Peut-être que les chansons poétiques pourraient convenir ! Pouvez-vous m’en montrer un exemple ?

Alors que les broussailleux sourcils du libraire s’agitaient d’une manière parfaitement désordonnée suite à cette réponse à laquelle il ne semblait s’attendre, Yann jeta un œil à l’horloge. Elle lui indiqua qu’il n’avait que 5 minutes avant l’heure du rendez-vous. Il n’aurait pas le temps de trop hésiter !

Un homme entre et salua le propriétaire et les clients. Le Guélec se retourna et hocha la tête avec un léger sourire pour lui rendre la politesse…

Allez, dépêchez vous maître Canard…

MP envoyé par Pierrot.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le propriétaire avait une conception bien à lui du commerce. Une conception très... interventionniste auprès du client, dirons-nous. Dominique n'avait pas eu le temps de dire un mot que déjà, on voulait lui vendre de la poésie. Et alors qu'il lui mettait un Corbière sous le nez, son regard bleu s'embrasait d'une lumière bizarre. Derrière ses bésicles, le libraire dégageait une impression étrange qui n'était pas sans rappeler à Dominique d'anciens souvenirs de sa folle jeunesse. Des souvenirs à base de devoirs pénibles et de vieux professeurs. Et souvent, les deux étaient associés.
Monsieur Lecointe, professeur tyrannique, vous tombait toujours dessus au moment où vous ne l'attendiez pas. Et toujours avec une question dont vous n'aviez pas la réponse. Et si par miracle, vous l'aviez, il était persuadé qu'on vous l'avez soufflée. L'insouciance d'une vie d'étudiant, et l'insouciance tout court d'ailleurs, s'envolait comme hirondelle au printemps devant monsieur Lecointe.
Cette désagréable réminiscence n'atténuait bien évidemment pas pour Dominique la brusque intervention du libraire.

« Tristan Corbière... huum... de la poésie... »

Le colonel hésitait : prendre le Corbière et rompre au plus vite ou s'amuser un peu et trimbaler monsieur Mauperché dans toute sa librairie ? Après tout, si il voulait être au petit soin avec ses client, il pourrait être servi !
Mais, déjà, un nouvel arrivé entrait. Et à fondre d'un client à l'autre, il avait laissé le jeune homme à la poésie patienter. Si l'idée de s'amuser des travers de monsieur Mauperché était tentante, il n'était guère poli de le faire au détriment de ses autres clients. Et puis honnêtement, il n'avait guère le temps pour ça. Un autre jour peut-être.

« Je ne connais pas vraiment Corbière... mais pourquoi pas ? Vous permettez que je jette un œil le temps que vous finissiez avec monsieur ? »

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Arriva un troisième homme, fort civilisé au demeurant. Octave répondit à son bonjour, l'invitant d'un geste à aller inspecter les rayonnages tranquillement. Il était assez curieux, au fond, de se dire qu'Octave n'avait jamais fait autant attention à ses clients que lorsque ceux-ci n'avaient rien demandé et auraient sans doute préféré qu'il demeure derrière son comptoir à ronchonner, comme à son habitude... L'esprit de contradiction, peut-être... ? Le libraire revint donc à ses premiers clients.

- Tout à votre loisir, Monsieur, répondit-il au colonel. Je vous recommande avant tout Le Poète contumace... Mais c'est une appréciation personnelle, bien entendu.

Puis il retourna au jeune homme à la poésie.

- Pour offrir à une jeune femme, dites-vous ? répéta-t-il d'un air incrédule.

C'est que ce n'était pas réellement le style de la maison... Il fouilla du regard les rayons puis, soudain, une idée lui vint.

- Ah j'ai trouvé ! attendez...

Il se mit à fouiller les rayonnages, tournant le dos à ses clients, mit un peu plus le bazar dans la boutique déjà bien chaotique... Puis, les bésicles de travers, le cheveu en bataille, il brandit un petit livre à la couverture rosâtre, orné du portrait d'une femme du début du siècle.

- Voilà ce qu'il vous faut. Marceline Desbordes-Valmore revient à la mode, et c'est tout à fait adapté à ces demoiselles. Voyez - il feuilleta le livre vite fait, tomba sur un poème au hasard - c'est assez... traditionnel... et c'est chouinard, je dois bien vous l'avouer, mais cela pourra émouvoir ces demoiselles. Le livre coûte 2 francs, ce n'est pas grand chose.

Pas grand chose ? Cela dépendait pour qui... Et se tournant vers le troisième homme, M. Mauperché ajouta d'un air affable :

- Avez-vous besoin d'assistance, Monsieur ?

Après tout, en plaçant une étape de la chasse au trésor dans sa librairie, Jules Spéret n'avait-il pas voulu l'aider à renflouer les caisses de La Chimère... ?

Spoiler:

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Yann lut Les roses de Saadi. Certes il le comprenait, certes ces histoires de roses enivrantes étaient charmantes, mais, quelque chose lui déplaisait. Peut-être était-ce effectivement ce coté « chouinard ». Peut-être était-ce justement le fait que le libraire l’ait ainsi qualifié ! Toujours est-il que Yann n’était pas convaincu.

Mais il était pressé le goéland… Alors il tourna rapidement quelques pages en espérant trouver un poème plus convainquant.

Spoiler:

Encore des fleurs mais y’m’plait plus déjà c’ui là !

Il feuilleta encore...

Spoiler:

Et ce dernier poème finit de le convaincre. Il l’aimait sans trop expliquer pourquoi. Peut-être simplement le fait de s’y retrouver… Retrouver son envie de retour en Bretagne, quand la vie parisienne lui semblait trop dure, trop chère pour lui.

Et d’ailleurs le prix du petit livre lui semblait bien élevé… mais c’était la première fois qu’il achetait un livre et il n’avait donc pas grande idée de leurs prix. Repensant alors à son rendez-vous, au temps qui avançait et à Martine qui ne l'attendrait peut-être pas, il accepta.

« Tenez » dit-il en tendant la pièce de 2 francs et en observant le visage du commerçant, pour essayer d’y détecter un éventuel sourire de contentement, qu’il aurait interprété comme le signe d’une arnaque. Mais de sourire il ne vit point. Alors il salua le commerçant et les deux clients et partit rapidement en direction de la grande place, devant la façade de la Sorbonne, celle avec les grandes portes et la gigantesque horloge… qui lui indiqua qu’il avait une minute ou deux de retard. Il regarda autour pour voir si Martine était là…

Et pendant que le propriétaire tentait de dénicher la perle rare de la poésie pour jeune homme cherchant à plaire, Dominique parcourait en diagonale son Corbière. L'ouvrage n'avait pas de table des matières et le poète contumace ne se montra pas.
A côté, monsieur Mauperché revenait de sa bataille, triomphant, cheveux au vent, ladite perle à la main. Bon, ça n'était finalement pas la perle de la poésie - c'était même chouinard, de son propre aveu.
Ah ! Et tiens ! Le voilà qu'il était passé, le fameux poète contumace. Dominique revient quelques pages en arrière.

Le poète contumace.
« Sur la côte d’ARMOR. — Un ancien vieux couvent,/ Les vents se croyaient là dans un moulin-à-vent » Patati...
« Les femmes avaient su — sans doute par les buses —/ Qu’il vivait en concubinage avec des Muses ! … » Patata...
« Non moins fidèle était, triste et doux comme lui,/ Un autre compagnon qui s’appelait l’Ennui. » Moui joli.
« Attendre quoi… le flot monter — le flot descendre —/ Ou l’Absente… Qui sait ?/ Le sait-il bien lui-même ? … » ...
Quelques strophes, quelques rimes avaient plu : allez hop ! Embarqué ! Il serait toujours temps de le remiser dans un fond de tiroir si, finalement, le reste était mauvais.

Le jeune homme à la poésie chouinarde était parti. Le colonel en profita pour s'approcher du libraire.

« Votre poète contumace m'a convaincu. Même si ma première idée n'était pas vraiment à la poésie... »
Mais à la Chimère, il fallait parfois s'en remettre aux bons conseils du chef et goûter la « spécialité maison » du jour. Et pourquoi pas se laisser aller au hasard ? Un livre de plus ou de moins dans le budget... Le colonel, comme souvent les hommes de rigueur et d'ordre, aimait se laisser surprendre par l'inattendu dans ses occupations.

« Donc pour aujourd'hui, je vous prend Corbière. Néanmoins, je repasserai vous voir pour un autre type d'ouvrage... Je n'ai ni l'auteur ni le titre en tête, et malheureusement pas le temps ce soir pour m'en enquérir. Mais je repasserai monsieur Mauperché. »

La transaction faite, Dominique se retrouva dans la rue, bristol en poche et Corbière en main. Direction : la rue Servandoni où il aurait tout le loisir de jouer au chercheur de trésor devant un morceau de poulet et une bonne bouteille.

Mademoiselle Clairon Messages : 542

Marie-Madeleine Gervais, Jeune mariée

Dans la librairie, ne restaient que le maître des lieux et un avocat. Autrement dit un public assez maussade, prompte à l'ennui. L'arrivée de la jeune femme fut donc comme un éclat de lumière, la librairie perdit sa poussière et son silence. La jeune femme était entrée avec un "Bonjour" claironnant non pas pour manifester sa présence mais simplement pour saluer l'assistance en toute politesse. De ses pas menus, elle se présenta à Monsieur Canard-Mauperché.

— Monsieur, auriez-vous des livres pour jeunes femmes ? Des ouvrages point trop savants, de quoi faire rêver ?

Drôle de requête mais Marie-Madeleine n'aimait que les feuilletons d'amour. Les grandes histoires pleines de passions, d'aventures et de fins heureuses. Laissant le pauvre libraire se débrouiller, elle s'adressa à l'avocat.

— J'ai entendu parler d'une drôle de chasse. Une chasse au trésor. On se croirait dans un roman d'aventure !

Ce monsieur chassait-il le trésor ? En tout cas il n'avait pas la carrure d'un aventurier !

Citation :: Je signale que tout le monde peut rejoindre la chasse au trésor ! Ici pour plus d’informations et d'éventuelles questions.

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