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| Calendrier de l'Avent Félix Faure | |
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Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Mer 12 Déc - 1:36 | |
| Pour ce 12 décembre, un peu de littérature, avec une nouvelle humoristique d'Octave Mirbeau : Le Concombre fugitif. - Spoiler:
Je vous dirai que j'aime les fleurs d'une passion presque monomaniaque. Les fleurs me sont des amies "silencieuses et violentes", et fidèles. Et toute joie me vient d'elles. Mais je n'aime pas les fleurs bêtes car, si blasphématoire que cela paraisse, il y a des fleurs bêtes, ou plutôt des fleurs, des pauvres fleurs à qui les horticulteurs ont communiqué leur bêtise contagieuse. Tels les bégonias, dont on fait, dans les jardins, aujourd'hui, un si douloureux étalage. Au point que toute autre fleur en est exilée, et que toute la flore semble se restreindre à cette stupide plante dont on dirait que les pétales sont découpés à l'emporte-pièce, dans quelque indigeste navet. Pulpe grossière, artificielle couleur, formes rigides, sans une grâce, sans une fantaisie, tiges molles et gauches, sans une jolie flexion dans la brise, nul parfum ne monte d'elle, et son âme est pareille à celle des poupées : je veux dire qu'elle n'a pas d'âme, ce qui est à peine croyable. Au Mexique, où il pousse librement, on assure que le bégonia est charmant. Que ne l'a-t-on laissé là-bas ! Oh ! les jardins d'aujourd'hui, comme ils me sont hostiles ! Et quel morne ennui les attriste ! A quel rôle abject de tapis d'antichambre, de mosaïque d'écurie, de couvre-pieds de cocottes, les jardiniers, mosaïculteurs et cloisonneurs de pelouses, n'ont-ils pas condamné les fleurs ! Tout ce qu'elles peuvent avoir, en elles, de personnalité mystérieuse, tout ce qu'elles contiennent de symboles émouvants et de délicieuses analogies, tout l'art exquis qui rayonne, en prodiges de formes éducatrices, de leurs calices, on s'acharne à le leur enlever. On les oblige à disparaître, taillées, rognées, ébarbées, nivelées par un criminel sécateur, dans une confusion inharmonique, dans une sorte de tissage mécanique et odieux. Elles ne sont plus tolérées dans les jardins, qu'à la condition de dire la suprême sottise du jardinier, d'étaler par des chiffres et par des noms la richesse et la vanité du propriétaire. Les hommes exigent qu'elles descendent jusqu'à leur snobisme, jusqu'à leur vulgarité. Rien n'est triste comme des fleurs asservies. Les fleurs que j'aime sont les fleurs de nos prairies, de nos forêts, de nos montagnes. Je vais demander à l'Amérique septentrionale la miraculeuse beauté de ses composées, la majesté de ses hélianthes et de ses sylphiums. Au Japon, je cherche l'obscène candeur de ses lis, l'exubérante et fastueuse joie de ses pivoines, la verve folle de ses ipomées. L'Orient m'apporte toute la diversité innumérable de ses bulbes, l'extraordinaire chiffonnage de ses pavots, de ses anémones, de ses renoncules. Et que dire de la Suisse, où de chaque pente de rocher sort une merveille de vie végétale, où le caillou est hospitalier à la petite graine qui se confie à lui, où la neige couve et prépare les ardentes soirées printanières ? Quel plaisir - et je le dirai, quelque jour, ce plaisir, et je dirai aussi tout ce que les fleurs contiennent non seulement de rêve, de beauté, mais d'excitation intellectuelle et d'éducation artistique - quel plaisir de rassembler, en un jardin, tous ces êtres de miracle et de leur donner la terre qu'ils aiment, l'air dont se vivifient leurs délicats organes, l'abri dont ils ont besoin, et de les laisser se développer librement, s'épanouir selon leur fantaisie admirable et dans la norme de leur bonté ; car les fleurs sont bonnes et généreuses pour qui sait les chérir. *** Il y a bien longtemps que je désirais une merveilleuse plante, qui s'appelle le Sylphium albyflorum. En vain, je l'avais demandé partout, aux horticulteurs, aux collectionneurs, aux muséums, aux jardins botaniques. En vain, je l'avais réclamé de l'Angleterre, de l'Amérique, de la Belgique, et même de ce botaniste, passionné et charmant, de Genève, M. H. Correvon, qui cultive, dans ses curieux jardins de Plainpalais, tout ce que la Flore universelle peut donner de plantes révélatrices de beauté. Comme je me désolais de l'inutilité de mes recherches, quelqu'un me dit : - Je connais un bonhomme qui l'a, peut-être, votre plante. C'est une espèce d'original, très amusant, et dont la coquetterie est de posséder des fleurs que personne ne possède. Il en a, paraît-il, d'extraordinaires ; allez le voir. Il habite Granville et, par une prédestination singulière, son nom est Hortus. Le lendemain, j'étais à Granville. Je trouvai le père Hortus dans son clos. C'était un vieux petit bonhomme, très rouge de peau, très blanc de cheveux, et qui, en manches de chemise, le chef couvert d'un chapeau de paille, en forme de tente, jouait du cornet à pistons devant un hibiscus. - Je crois que ça y est, me dit-il, en m'apercevant... Cette fois, je le tiens, le gredin... Et, comme je paraissais intrigué par cet accueil, le père Hortus m'expliqua : - Voilà... Moi, je n'aime que les plantes qui font des blagues... Seulement, je suis aussi rosse qu'elles... et je les embête... Savez-vous ce que je viens de faire ?... Je viens de féconder un hibiscus... L'hibiscus déteste la musique... Eh bien ! je lui joue du cornet à pistons, juste au moment de la fécondation... Ça l'embête, ça le dérange... ça le met en rage... ça lui fait perdre la boule... et il va se féconder de travers, c'est-à-dire qu'il va me donner des graines d'où sortira une espèce de monstre cocasse, qui sera un hibiscus sans en être un, qui sera une plante comme on n'en a jamais vu... Je le félicitai vivement de ce procédé de culture et lui expliquai le but de ma visite. - Moi, je n'ai pas ça, me répondit le père Hortus... ou du moins je ne sais pas si je l'ai... car j'ai un tas de plantes dont je ne sais pas le nom... Mais j'ai autre chose de bien plus curieux que tous vos sylphiums... c'est le concombre fugitif... Je vais vous le montrer... Et il m'engagea à le suivre. L'enclos était vaste, divisé en carrés rectilignes, et traversé par de larges allées herbues. Jamais, même dans un jardin abandonné, je ne vis pareil désordre. Les plates-bandes, les planches, picturées, jamais rajeunies par la bêche ou l'humble binette, offraient l'indescriptible spectacle de plantes emmêlées les unes dans les autres, au point qu'il était impossible de les reconnaître. Et tout cela, jauni, roussi, jonchant la terre dure, disputant aux herbes folles le peu de fraîcheur resté dans le sol brûlé par le soleil. - Ah ! vous allez rire, me dit le père Hortus... Il s'arrêta devant une planche, se baissa, écarta quelques tiges séchées de phlox. - C'est là ! fit-il... Ah ! c'est un concombre impayable que le concombre fugitif !... A le voir, il n'a rien de particulier... Mais dès qu'on veut le prendre... il fiche le camp... il s'en va au diable... impossible de le manier... Le père Hortus cherchait toujours, à travers le lacis des tiges jaunies qu'il écartait d'une main brutale. - Mais, je ne le vois pas, cet animal-là... Où est-il ?... Il est à se balader, bien sûr... C'est toujours la même chose... Quand on vient pour le voir, il n'est jamais là... Et se tournant vers moi, il me dit : - Est-ce curieux, tout de même !... Un concombre !... Attendons un peu, il ne va pas tarder à revenir. Je ne savais pas si le père Hortus était véritablement fou ou s'il voulait me mystifier, et je me disposais à interrompre ma visite, quand, tout à coup, le bonhomme se précipitant à plat ventre, dans la planche de fleurs, cria : - Ah ! gredin ! Ah ! misérable ! Et je vis sa main noueuse cherchant à étreindre quelque chose qui fuyait devant elle, quelque chose de long, de rond et de vert, qui ressemblait, en effet, à un concombre et qui, sautant à petits bonds, insaisissable et diabolique, disparut, soudain, derrière une touffe. Le Journal, 16 septembre 1894
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| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Mer 12 Déc - 2:01 | |
| Fleuuuuuuuuuurs (Et concombre) ! |
| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Mer 12 Déc - 6:48 | |
| Très étrange cette nouvelle (mais je retiens l'expression "l'obscène candeur de ses lis" ) |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 13 Déc - 4:57 | |
| Ah les métaphores bizarres avec des lys, il y en a plein dans la littérature décadente. Dans le genre délires végétaux, mais en malsain, je vous recommande La Princesse aux lys rouges et, surtout, Narkiss, deux nouvelles de Jean Lorrain. Ou encore Le Jardin des supplices de Mirbeau, si vous avez le coeur bien accroché. Et pour ce 13 décembre, un curieux tableau d'un peintre académique, Jean-Léon Gérôme : - Spoiler:
La Vérité sortant du puits armée de son martinet pour châtier l’humanité, 1896
Aïe la vérité. x) |
| | | Léopold Garnier-BrissacNaturalisme pas mort !
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 13 Déc - 5:41 | |
| Qu'est-ce qu'elle est pâle ! La vérité ne sort visiblement pas souvent et son expression fait un peu flipper... haem. |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 13 Déc - 23:37 | |
| Oui, elle me fait un peu peur aussi xD La surprise de ce 14 décembre, ce sera une affichede 1897 pour Yvette Violette, une chanteuse qui semble vouloir profiter de la mode créée par Yvette Guilbert et ses longs gants noirs : - Spoiler:
La proximité des deux noms est elle-même assez troublante ... |
| | | La Pie Lazuli
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 13 Déc - 23:40 | |
| Hiiiiiiiiii du Gérôme pour ma fête *sautille partout* La vérité est une maîtresse dom ! \o/ *révéllaatiiiooon*
EDIT 14 decembre : Ouais, ça fait beaucoup d'Yvette tout ça ! |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Dim 16 Déc - 1:51 | |
| Oooh le vilain Pierrot qui a sauté un jour ! Vous aurez donc deux chocolats aujourd'hui, pour rattraper le coup ! Voici celui du 15 décembre, avec une étrange illustration parue dans Jugend (Jeunesse), revue d'avant-garde viennoise : - Spoiler:
Das neue Strahlen, Jugend 1896, tome 1, page 81.
Rendez-vous plus tard dans la journée pour la curiosité du jour ! |
| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Dim 16 Déc - 2:42 | |
| Je trouve ça assez joli en fait |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Dim 16 Déc - 7:31 | |
| Et pour le calendrier du jour, ce 16 décembre, quelques recettes d'époque. Aujourd'hui, des soupes (et vous verrez qu'on déguste le pain dans la soupe d'une autre façon qu'aujourd'hui) : La soupe aux cerises Prenez de belles cerises noires bien fraîches et enlevez les tiges. Coupez des tranches de pain et faites-les griller dans du beurre fondu ; retirez-les, puis jetez dans ce même beurre les cerises avec du vin et de l'eau, quantité égale de l'un et de l'autre, sucre, cannelle. Lorsque les cerises sont cuites, versez le tout sur le pain grillé. Les personnes qui veulent avoir le pain plus tendre, le mettent cuire une minute avec les cerises. Soupe à l'oignon
Épluchez un oignon que vous coupez en tranches, et le faites jaunir dan le beurre destiné à la souple ; mettez un peu de farine, remuant jusqu'à ce qu'elle soit d'un jaune clair. Délayez avec de l'eau chaude en tournant activement et versant l'eau petit à petit ; ajoutez l'eau nécessaire à la soupe et laissez cuire une demie-heure. Versez ce bouillon sur le pain où vous aurez mis de la crème. Soupe aux pommes de terre et aux fines herbes
Pelez et coupez des pommes de terre en tranches assez grosses, mettez-les dans une casserole avec tout le beurre nécessaire pour la soupe. Quand elles sont à moitié cuites, ajoutez échalotes, oseille, épinards, cerfeuils hachés et un peu de farine ; écrasez les pommes de terre quand elles sont cuites, et terminez avec de l'eau, sel, poivre. Avant de dresser, mettez de la crème sur le pain. Et bon appétit, bien sûr ! :)
Dernière édition par Pierrot Lunaire le Lun 17 Déc - 21:11, édité 1 fois |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Lun 17 Déc - 3:09 | |
| Une photographie de jolie fille pour ce 17 décembre. C'est vraisemblablement anglo-saxon, on est d'accord, et je ne saurai vous dire le nom du modèle, mais l'image reste plaisante : - Spoiler:
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| | | GalatéeVierge d'ivoire
Messages : 143
| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Lun 17 Déc - 3:13 | |
| (J'aime bien le Copyright sur la gauche)
Je la trouve très jolie ! Même qu'elle tient un chat *__* |
| | | Éléonore LoisonDe tulle - illusion perdue
Messages : 12
| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Lun 17 Déc - 10:17 | |
| Je déteste la soupe donc les recettes ne sont pas pour moi :p (par contre, sauf erreur de ma part, il y a marqué 2 fois "soupe à l'oignon", la deuxième est plutôt "soupe aux pommes de terre" non ? ) J'adore la photo !! Superbe cliché ! J'adore aussi le dessin paru dans le magasine, c'est typiquement le genre de truc que je pourrai dessiner *^* |
| | | ArmideCaméléon psychopathe - Incarnation de l'Efficacité
Messages : 791
| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Lun 17 Déc - 18:19 | |
| Ouch c'est quoi ce bestiau ? Ca m'a tout l'air d'être un petit fauve... oO |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Lun 17 Déc - 21:55 | |
| Un lionceau, il me semble ? (Et merci d'avoir signalé l'erreur, Eléonore !) D'ailleurs, comme il n'y a pas que le potage dans la vie, quelques autres recettes pour ce 18 décembre 2012. J'ai essayé de sélectionner des recettes qu'on peut toujours plus ou moins faire, car on travaille la viande très différemment (ils nous expliquent comment plumer, saigner, couper, etc. des volailles entières et les abats sont bien plus cuisinés qu'aujourd'hui ... d'ailleurs il est question dans une des recettes citées de battre le veau pour qu'il soit plus tendre ! ). On remarquera l'omniprésence du pain dans l'alimentation ... et celle du beurre dans les recettes. - Spoiler:
Gâteau de carottes Prenez des carottes cuites à l'eau ou dans le pot-au-feu, passez-les dans le presse-purée, ajoutez, pour un plat de 4 ou 5 personnes, 3 œufs, 5 ou 6 cuillerées de jeune crème, un peu de beurre frais, sel et poivre. Mettez dans le plat de service, saupoudrez de chapelure, et parsemez de quelques petits morceaux de beurre frais ; faites cuire entre deux feux et servez chaud. On peut aussi cuire le gâteau dans un moule beurré que l'on renverse sur un plat pour servir, si l'on met du papier beurré dans le fond du moule, le gâteau se détache plus facilement. Croquettes de viande
Hâchez des restes de viandes quelconques avec échalotes, persil, ail ; ajoutez sel, poivre, un peu de jeune crème ; prenez des oeufs dont vous séparez le blanc du jaune, jetez ceux-ci dans le hachis. Mettez un bon morceau de beurre frais dans une casserole sur le feu, de la farine autant que le beurre peut en contenir, remuez constamment ; quand cette bouillie est épaisse, mélangez-la avec la viande que vous prenez par cuillerée ; roulez les boulettes en petits cônes et les tournez légèrement dans la farine, puis dans les blancs d’œufs battus en neige et enfin dans la mie de pain. Chauffez un peu de graisse, et faites-y griller les croquettes des deux côtés. (Note, on peut fourrer de la pâte brisée avec cette farce, la dorer à l'oeuf et la cuire au four ou la frire. On obtient alors des rissoles.) Côtelettes de veau à la mie de pain
Trempez ou non les côtelettes dans de l'huile d'olive ou du beurre chaud, après quoi tournez-le dans la mie de pain à laquelle vous avez mêlé sel, poivre, persil, échalotes, ail hachés, et, si l'on veut, lard hâché ausi. Mettez alors les côtelettes dans une tôle ou une tourtière au four, et faites-les cuire doucement, les arrosant de temps en temps d'un peau d'eau ou de bouillon. Lorsqu'elles sont cuites, dressez-les ; détachez la sauce de la tôle en y mettant un peu de bouillon ou d'eau chaude, ajoutez des cornichons coupés par petits morceaux et un fil de vinaigre ou de verjus. Grenadines de veau
Coupez de la rouelle de veau en tranches aussi minces que possibles ; battez-les pour attendrir la viande. Mettez un peu de graisse dans une poêle sur le feu, faites griller dans cette graisse des tranches de pain de même grandeur que les tranches de viande ; retirez le pain, mettez la viande en place. Quand elle est rôtie et cuite, dressez-la sur le pain, et saucez le tout d'une blanquette* où vous avez mis le jus que la viande a jetée en rôtissant. Recette de la blanquette selon le même livre : Tournez de la farine dans du beurre sur le feu ; ajoutez échalotes hachées, mouillez de bouillon gras, du sel ce qu'il en faut. Laissez cuire 10 minutes et ajoutez une liaison de jaunes d’œufs avec ou sans crème, un morceau de beurre frais, plus ou moins selon la bonté de la sauce, jus de citron si vous voulez. Tiré de Cuisine pratique, ou Recueil de procédés culinaires faciles et économiques, avec les meilleures recettes pour la pâtisserie et la confiserie ; suivi de Quelques renseignements utiles dans le cas de maladies ordinaires, édité à l'abbaye de Flavigny-sur-Moselle en 1890.
Reste plus que les desserts, mais ce sera pour un autre jour ! |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Mer 19 Déc - 11:51 | |
| Juste à temps ! Picasso peignait déjà dans les années 1890. Voici un portrait de sa mère réalisé en 1896 : - Spoiler:
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 20 Déc - 22:23 | |
| Et deux calendriers pour le prix d'un aujourd'hui, vu que j'ai sauté le pas hier ! Nous commencerons par un dessin humoristique paru dans la presse en 1867. Version cynique ou désabusée de la scène entre le Zozio et Eugénie, peut-être ... ? - Spoiler:
Crafty, « Un drame sous un parapluie. Dessins sans légendes », La Lune, 3 novembre 1867. http://topfferiana.free.fr/?paged=5
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| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 20 Déc - 22:56 | |
| Et pour ce 21 décembre, une fois n'est pas coutume, un calendrier interdit aux moins de dix-huit ans. Point de pornographie, évidemment, mais un choix de recettes de cocktails d'époque (la grande mode ! la classe américaine, oserais-je même dire) notées par Alphonse Allais sous le masque du capitaine Cap. Parfois inspirant, parfois assez fou. - Spoiler:
American-lemonade. L’american-lemonade se fabrique comme la limonade ordinaire, sucre, jus de citron, eau-de-seltz. La seule différence est qu’on y doit ajouter une petite quantité de porto rouge. Brandy shanteralla. Le brandy shanteralla, peu recommandé au sexe frêle, se prépare ainsi : dans glace en morceaux, versez une cuillerée à bouche de curaçao, une de chartreuse jaune, une d’anisette, complétez avec bon cognac. Corpse reviver. Cette consommation, d’une si originale fantaisie, est assez difficile à préparer, les produits qui la composent étant eux-mêmes de densités fantaisistes. Il s’agit de verser à l’aide d’une petite cuiller, avec infiniment de précaution pour ne pas les mélanger, les 12 liqueurs suivantes : grenadine, framboise, anisette, fraise, menthe blanche, chartreuse verte, cherry-brandy, prunelle, kummel, guignolet, kirsch et cognac. On avale d’un seul coup. Gin cling. Pour obtenir un gin cling, faites chauffer moitié gin, moitié eau, ajoutez sucre en poudre et jus de citron, versez et buvez avant que cela ne refroidisse. Gin-flip. Dans de la glace en petits morceaux, deux cuillerées de sucre en poudre, un jaune d’oeuf bien frais, petite quantité de crème de noyaux, finir avec du Old Tom Gin. Agitez, passez, versez, saupoudrez de muscade. Excellent stimulant au cours des températures rafraîchissantes que ce gin-flip ! Thunder. Bon réconfortant que le thunder : glace en petits morceaux, demi-cuillerée de sucre en poudre, un oeuf entier bien frais et un verre de liqueur de vieux cognac, une forte pincée de poivre de Cayenne. Frappez, passez, buvez. Whisky stone fence. Le whisky stone fence, autrement dit barrière de pierre du whisky, n’est autre que d’excellent cidre sucré et frappé dans lequel vous ajoutez un verre d’irish ou de scotch whisky. On peut remplacer ces spiritueux par du calvados. Alphonse Allais/Capitaine Cap, Breuvages (morceaux choisis)
Dernière édition par Pierrot Lunaire le Mar 17 Sep - 22:44, édité 1 fois |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Ven 21 Déc - 21:57 | |
| Plus que trois jours ! Pour ce 22 décembre, un petit texte. Je me suis dit qu'un extrait de roman-feuilleton serait à la fois curieux et instructif, alors voilà le feuilleton La Pocharde...!! de Jules Mary, "épisode" du 24 décembre 1897, paru dans Le Petit Parisien. - Spoiler:
DEUXIEME PARTIE : LE FILS DU MEDECIN V. (suite) Goniche - Serrurerie d'art
Ce fut seulement lorsque la malade fut hors de danger que Gauthier voulut savoir quelle avait été l'intervention de son père en tout cela et comment il avait pu être l'auteur, sans aucun doute involontaire, de ce danger. Goniche gardait contre Marignan une rancune profonde. Ainsi qu'il le lui avait dit, le bienfait d'autrefois était effacé. Aux premiers mots de Gauthier, le serrurier répondit : - Ma vie allait être brisée, aussi sûrement qu'on brise d'un coup de marteau une vieille serrure rouge de rouille... Vous me l'avez remise à neuf... Vous pouvez me demander ce qui vous fera plaisir... Je n'ai rien à vous refuser... - Comment mon père a-t-il pu rendre votre femme malade ?... Cette émotion si forte dont vous m'avez parlé et à laquelle vous faites remonter la cause de l'accident qui a failli lui être fatal ?... - Votre père, le jour où je vous ai vu, est accouru chez nous... Et il a exigé impérieusement mon départ... - Pour quelle raison ? - Ah ! je l'ignore. - Cette raison doit être bien grave. - C'est ce que je me dis ... Je cherche... je ne trouve pas. D'autant plus grave même que votre père m'indemnisait de tous mes frais d'installation de la rue Corneille, de tous les frais d'une nouvelle installation loin d'ici, payait mes billets en cours, offrait de me dédommager de mon temps perdu, etc., etc. Je crois que si je lui avais demandé la moitié de sa fortune, il me l'aurait donnée, sans trop faire la grimace. - Voilà qui est étrange. - N'est-ce pas? Quand j'ai annoncé la nouvelle à ma femme, elle est tombée raide. Vous savez le reste... - Comment avez-vous fait la connaissance de mon père ? - Je vous dirai tout. Du reste, je vous en ai déjà touché quelques mots. Il y a douze ans, je traversais ce pays, en quête d'ouvrage, et j'avais sur le dos mes outils de serrurier. Du côte d'Azay, en face du village de Sache, j'ai rencontré une maison de bonne apparence, mais qui paraissait abandonnée... J'ai eu une mauvaise pensée me rendra malheureux et honteux pour le restant de mes jours... Avec mes outils j'ai forcé la porte et je suis entré... Sur un mouvement de répugnance de Gauthier, il se hâta d'ajouter : - C'est mal, très mal... Ne me méprisez pas. J'ai passé mon existence à m'en repentir... Et je vous jure que je n'ai rien à me reprocher.. - Continuez !... - Il paraît que votre père, malgré l'heure avancée, passait justement devant la maison... Qu'est-ce qu'il venait faire là ?... Il vous le dira, moi je n'en sais rien... Mais le plus curieux de la chose, ça n'est pas ce que je viens de vous raconter. c'est ce que je vais vous dire... J'étais à peine entré dans la maison que tout à coup je me suis senti tout drôle. Les tempes me battaient et j'avais le front d'un lourd, d'un lourd. comme si j'avais porté sur la tête un poids de cent kilos. D'abord, je me dis "Eh! vieux, c'est l'émotion. On voit que tu manques d'habitude..." Mais ce n'était pas l'émotion du tout... Les battements des tempes devenaient plus forts, me déchiraient la cerveau. Je ne pouvais plus respirer... On aurait dit que quelqu'un de plus fort que moi m’étreignait la gorge, et je ne pouvais pas me défendre... Et puis, des nausées, des nausées... Enfin, je m'en allais, quoi, pour de bon... J'ai voulu me sauver... Impossible de marcher... mes jambes étaient molles, comme les fois où j'avais trop bu, et tout à coup je suis tombé, tout d'une pièce ; mais je devinais bien que c'était grave et que J'allais passer l'arme à gauche... D'instinct, je me mis à hurler je ne sais quoi... J'appelai au secours... Et je me traînai jusque vers la porte. et je perdis connaissance. Goniche s'arrêta, essuya son front. Il était angoissé, à douze années d'intervalle, par le souvenir du danger qu'il avait couru. Gauthier ne comprenait pas. Sa jeune expérience se heurtait à un mystère encore inexpliqué : il n'attendait qu'un mot, un éclair, mais jusque-là c'était la nuit complète dans son esprit. Mais il écoutait le récit de Goniche avec une sorte de passion douloureuse, parce qu'il devinait, d'instinct, que son père allait y jouer un rôle... Quel rôle ? II demanda, sans penser, presque machinalement : - Comment s'appelait la maison abandonnée où vous étiez entré ? - Maison-Bruyère. Gauthier eut un serrement de cœur. C'était là que s'était passé le drame de la Pocharde... qui le préoccupait tant !... ce drame dont le souvenir, peu à peu, malgré lui, prenait possession de son esprit ... dont les détails revenaient sans cesse a sa mémoire, singuliers, inquiétants, troublants... - Votre père m'avait vu entrer. Il se trouvait là, juste à point, sur la petite terrasse de la maison, pour m'entendre crier au secours... Et il est venu à mon aide... Il m'a soigné... Il m'a sauvé... Et, pour me permettre de redevenir un honnête homme, il m'a donné sa bourse et il m'a promis de ne jamais parler à Âme qui vive de ce qu'il avait vu... Là-dessus, je n'ai rien à lui reprocher, puisqu'à vous-même, son fils, il n'en arien dit. - Jamais ! Et c'est tout? - C'est tout. - Mais. ce danger mortel que vous avez couru... je ne le comprends pas encore... Mon père a dû, tout en vous soignant, vous l'expliquer sans doute ?... Goniche haussa les épaules avec mépris. - Soit-dit sais vouloir vous offenser, monsieur Gauthier... maintenant que votre père m'a fait de la peine, je peux parler... Eh ! bien, entre nous. je crois qu'il n'est pas très malin, votre père... et que si vous aviez la fantaisie de vous mesureur avec lui, il ne vous irait certainement pas jusqu'à la ceinture... Gautier rougit un peu. Peut-être était-ce l'intime pensée du fils sur son père. Il répliqua toutefois, affectant du dédain pour ce qu'il venait d'entendre : - Et peut-on savoir, monsieur Goniche, d'où vous vient cette opinion sur un homme qui a passé toute sa vie dans l'étude et en qui tout le monde se plait à reconnaitre le meilleur médecin du pays ?... - C'est moi qui lui ai expliqué le danger que je venais de courir. - Comment cela ? - Une fois, aux environs de Paris, je m'étais rendormi cote à côte avec la cheminée d'un four à plâtre. J'avais ressenti les mêmes symptômes d'asphyxie et j'ai bien failli y laisser mes os. J ai été des semaines et des semaines malade, et pendant longtemps j'avais les jambes si molles et le cerveau si détraqué que les camarades croyaient que je buvais, même quand j'avais rien pris ... et me traitaient de soûlot, de poivrot, de pochard... Et je ne le méritais pas, je vous le jure, monsieur Gauthier, aussi vrai que je vous aime comme un Dieu, vous qu'avez sauvé ma petite femme... - Comment peut-il se faire que voua ayez ressenti de pareils symptômes ?... - Je ne sais pas... Je ne vous expliquerai pas le fin du fin. mais c'est peut-être tout bonnement, parce que d'un côté de la roche, de l'autre côté de laquelle était bâtie Maison-Bruyère, il y avait un four à plâtre qui brûlait. - Un four à plâtre! - Oui... Et ça, de trop près, c est dangereux, j'en sais quelques chose... Il est probable que ce poison s'infiltrait du four dans la maison... la chambre où je venais d'entrer devait en titre pleine. et moi je respirais le poison à tire-larigot... D'autant plus que, comme Maison-Bruyère était inhabitée et fermée, le poison du four, qu'on appelle je ne sais plus de quel nom qu'ils disaient devant mon lit, à l'hôpital Lariboisière ?... - L'oxyde de carbone. - C'est cela, l'oxyde de carbone devait s'y emmagasiner à son aise... Voilà ce que votre père ne comprenait pas... Et pourtant, il le connaissait bien le four à plâtre qui était là ... il était visible, ce four à plâtre... et c'est pourquoi je dis que votre père ne doit pas être aussi malin qu'on croit. Gauthier se rappelait maintenant un détail du drame qu'il avait souligné, un jour, d'un coup de crayon : La déposition du chaufournier Langérôme ; "Je venais de rallumer... J'allais éteindre..." Et personne n'y avait pris garde, ni parmi les avocats, ni parmi les jurés, ni parmi les juges... personne ! Pas même le médecin, son père ! Goniche se trompait peut-être... Peut-être le four à plâtre n'était-il pour rien dans le danger qu'il avait couru... Peut-être n'était-il pour rien dans la conduite honteuse reprochée à Charlotte... pas plus que dans la mort du petit Henri !... Peut-être !... Gauthier se disait cela. Mais c'était l'inconnu, cela. Et si le four à plâtre était le coupable... l'empoisonneur ?... Alors, c'était effroyable, l'erreur qu'on avait commise ! Et devant ce crime de la justice des hommes, Gauthier trembla de toutes ses forces, les mains sur son front, et redisant sans savoir, sans plus prendre garde à Goniche : - Non, non, cela n'est pas cela... cela est impossible... c'est affreux... (à suivre.)
A vous d'imaginer la suite à présent ... ou de lire l'ouvrage, numérisé sur Gallica, si la curiosité vous taraude ou que le ton vous amuse. |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
Messages : 2896
| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 27 Déc - 22:45 | |
| Ah là là, toutes mes excuses, mes chers amis, pour ce vilain retard ! Voici tout de même deux curiosités fin-de-siècle pour terminer ce calendrier de l'Avent ! Pour le 23, l'affiche pour Olympia, Rêve de Noël, pantomime écrite par Jean Lorrain (écrivain en vogue à cette époque) et jouée aux Folies Bergère et dans laquelle s'illustra (par sa beauté plastique plutôt que par son jeu, disait-on) la courtisane Liane de Pougy : - Spoiler:
Et pour le 24, une remarquable mystification littéraire qui eut lieu un peu avant notre contexte. Connaissez-vous la collection Chasles à la Bibliothèque nationale de France ? Michel Chasles était un éminent mathématicien, membre de l'Académie des sciences. Il ne dédaignait pas la culture, mais envisageait la littérature et l'histoire avec beaucoup plus de naïveté que la géométrie ... Un faussaire détecta le filon et commença à lui vendre de faux manuscrits, pièces autographes et livres signés. On compte donc dans cette collection des ouvrages prétendument signés par Montaigne, La Bruyère, Galilée, Racine, etc. Mais le plus drôle reste les lettres. Denis Vrain-Lucas lui a en effet vendu des lettres de ... Jules César, Charlemagne, des apôtres, de Jeanne d'Arc, etc. toutes écrites dans un simili vieux français ! Ainsi cette lettre de Jules César aux gaulois : - Citation :
- July Cesar au chief des gaulois.
jenvoy deven toy un mien ame qui te dira le but de mien voyage je veus covrir de mes souldats la terre qui ta veu naistre. cest en vain que tu la vouldras defendre tu es braves je le say mais aussy je ferai s’il playt aus dieux ains[i] rend moy tes armes ou prepare toy à combatre Ce VI des Kal. de jullius July César La collection s'élevait à 27 320 autographes et 105 ouvrages avec de fausses annotations ou ex libris. Michel Chasles a versé environ 150 000 francs or à Vrain-Lucas en moins de huit ans. La plupart des pièces délictueuses ont été détruites, mais Michel Chasles a fait don de certaines d'entre elles à la Bibliothèque nationale. Les ouvrages dénaturés sont désormais à la Réserve des livres rares, les lettres regroupées dans un recueil au département des manuscrits. Pour savoir tous les détails de l'affaire Étonnant, non ?
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| | | Lise ChampmézièresElle court, elle court, la cousette !
Messages : 355
| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Jeu 27 Déc - 23:29 | |
| Enorme cette affaire !! Ce cher Chasles :') Le faussaire avait l'air rudement doué, quand même… étonnant quand on lit sa lettre d'indignation à la révélation de la supercherie (à la toute fin du document proposé par Pierrot), où l'homme ne brille pas par son talent littéraire... ! Merci Pierrot pour toutes ces petites perles de l'Avent !! |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
Messages : 2896
| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure Mar 1 Jan - 23:40 | |
| En fait, le faussaire était justement assez peu regardant... Quand on compare avec des lettres des intéressés (quand on en a), ça ne ressemble pas du tout ! Mais il est vrai qu'à nos yeux de non-initiés, ça fait "vieux", déjà, et ça peut suffire à faire illusion. Merci pour vos commentaires en tout cas et à bientôt peut-être pour de nouvelles curiosités ! |
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| Sujet: Re: Calendrier de l'Avent Félix Faure | |
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| | | | Calendrier de l'Avent Félix Faure | |
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