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| Sujet: Saint Bleu Lun 25 Juin - 4:09 | |
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Tout esprit profond s'avance masqué
Description physique & psychologique : C'est une silhouette austère, constamment soulignée par le noir de ses tenues qui font comme un trou dans les tapisseries. C'est, au sommet, une tête à la raie soignée, aux reflets de cendre, de ces pilosités qui ont dû être blondes. C'est une peau à la pâleur point trop accentuée, rosâtre, ce sont deux yeux bruns aux nuances tourbeuses -rien de bleu. Cela se tient très droit, quoique sans raideur, et déambule sur les tapis à pas tranquilles, comme si le tempo des souliers intimait au corps une souplesse qu'il peine à avoir. Monsieur est correct, et d'une remarquable constance vestimentaire. Barbe et moustache, également bien taillés, ne semblent pouvoir être soustraits au visage. Le front, un peu protubérant, le nez, flasque, forment quelque saillie sur la tête -de diamètre médiocre. Il dispose -cela n'est pas donné à tout le monde- d'un cou, hiératiquement perché entre des épaules étroites. Il est pourtant trapu ; une carrure paysanne, mais ses manières policées ont depuis toujours sculpté l'engin. Ses mains d'aristocrate, c'est-à-dire dont l'épiderme tendu sur l'ossature ne s'offre qu'aux morsures de la plume, ces mains sont carrées, leurs articulations grossièrement marquées ; elles ont quelque chose de convulsif. Lui paraît économiser le mouvement – pas qu'ils soient rares, mais il a cette façon de se placer dans l'espace qui leur confère une espèce d'intelligence. Monsieur se meut de manière métaphysique.
Avec une régularité d'horloge, il extrait de la poche gauche son mouchoir blanc, en fait coïncider les bords puis le range à nouveau. Ses regards ne sont pas plus hautains qu'obséquieux, point froids, mais dénués d'éclat ; s'il lui arrive d'être piqué au vif, c'est tout les nerfs de la face qui s'animent en réseau. La bouche, plus vivante, se pique aux commissures de sourires fréquents, dispensés eux aussi avec modération, comme on le ferait de telle denrée dont on mesure la valeur -mais ils sont rarement hypocrites. C'est enfin une voix au débit peut-être plus rapide que ne le laisse présager l'air tranquille de son possesseur, aux intonations suffisamment variées pour n'être point trop monocorde. De ces figures, en somme, qui peuplent les salons.
Saint Bleu s'y promène avec l'aisance de celui qui s'y trouve chez lui. C'est un mondain, nul ne le conteste ; il n'a probablement jamais perçu la société comme contraignante. Il joue des apparences comme il se doit, sans avoir la naïveté de les trouver artificielles. Il est poli, propre, fréquentable, fort attaché aux convenances et à la morale déclinante de ce triste siècle. On le sait pieux -trop, au goût de ceux qui jugent la religion telle qu'il la conçoit comme intransigeante et quelque peu désuète. Ils en est qu'il a gratifiés de sermons, qui lui en ont voulu -plus jeune, il était coutumier de tels impairs, le temps l'a rendu moins tranchant. L'on n'est pas sans savoir qu'il se destinait à la prêtrise mais qu'il a quitté le Grand séminaire avant terme pour des raisons assez floues, possiblement sur l'ordre de ses parents. Peut-être est-ce là l'origine de ce surnom, que lui auraient forgé quelque moderniste voyant en lui un ecclésiastique raté -à moins qu'il n'ait été choisi par ces dames dévotes, qui considèrent un tel déni de la vocation comme un coup de poignard dans le dos du Seigneur ? Cela est peu probable.
C'est de ce surnom qu'il eut fallu parler avant tout: il est le personnage même, ce qui le justifie, qui semble donner au son de ses piétinements dans les salons une dimension téléologique. La couleur, neutre si elle eut relevé d'un véritable patronyme, ne contraste-t-elle pas avec les teintes ternes du bougre, comme si l'on avait voulu retoucher le tout en un souci capricieux, esthétique ? Ce surnom, donc, est presque devenu un pseudonyme -car Monsieur a préféré l'accepter de bonne grâce, se vexer eut été ridicule, d'autant plus qu'il ne signifie pas grand-chose. Sa polysémie laisse libre cours aux interprétations, et beaucoup de relations n'en ont cure : il est toujours moins périlleux de prononcer à la suite deux mots somme toute simples qu'une suite de noms barbares, qu'il refuse de franciser. Si le 'Saint' raille sans doute ses dérives ecclésiastiques, voire sa rigueur morale, on dit que la couleur est politique. Bleu roi ou bleu république ? Tout dépend du degré d'ironie que l'on accorde au sobriquet -n'importe, c'est peu clair. Lui s'intéresse vivement à tout ce qui regarde l'actualité, aux ressorts concrets des gouvernements -ce n'est pas un homme à systèmes, mais s'attache à brouiller ses opinions par leur exposition même. Il ne peut toujours s'empêcher d'en parler, et ce sont alors des allers-retours rhétoriques qui laissent percer des prises de position qui semblent fermes, mais incompatibles, ce sont des gestes compliqués de la main qui balayent, érigent et contredisent ce qui vient d'être avancé. On le croit monarchiste, et il laisse échapper quelque incongruité républicaine. C'est un homme binaire : quoi qu'il pense, on ne sait s'il y croit, mais, malgré son idéologie nébuleuse, on a tendance à le tenir pour fervent. Il est radical, ou sceptique.
Monsieur a également entrepris des études de médecine mais s'est arrêté avant d'obtenir son doctorat -qu'importe, il est oisif, c'est là tout ce qui convient. S'il est moins impétueux qu'au temps de sa jeunesse folle, il lui arrive encore d'éclater d'une juste colère, au nom de la vertu, n'est-ce pas, ou de toute autre valeur qui vaille la peine d'être préservée, contre tout ce qui choque la bienséance. Il est posé, voire doux, et il faut un certain temps pour s'apercevoir du rigorisme que cette douceur enrobe. Il est parfois la proie des narquois, malgré sa tendance à tendre l'autre joue, peut-être à cause de cette ingénuité qu'accordent les gens sans principes à ceux qui en ont encore. Que peut-on réellement lui reprocher ? -il a des ennemis. N'est dissolvant que par intermittences, vives. Sait de l'Art ce qu'il faut en savoir. Fréquente les théâtres. Est affable. Certains l'accusent d'être indécis -ce que rien ne corrobore. Seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose.
Texte d'introduction au personnage ou Test RP : - Allons bon, murmure Raphaël de Levin.
L'homme au costume gris dont il avait déjà oublié le nom clignait des yeux plus qu'il n'était permis, mais demeurait bien droit sur son siège ; Saint Bleu faisait les cent pas derrière le sien, comme si l'action de ses souliers eut pu favoriser la digestion d'une telle information. Au bout du troisième cercle, il s'opposa à la force d'inertie pour embrasser la rue qu'on voyait poindre par la fenêtre. Celle qui, deux minutes auparavant, lui semblait l'arrière-fond pittoresque et insoucieux de leur peinture mondaine laissait brusquement éclater dans ses venelles la vérité qu'elle connaissait déjà, se repaissait de la sinistre nouvelle. Sans doute l'homme qui traversait le pont de Sully sur son vélocipède n'avait-il d'autre hâte que de l'aller répandre, ce fiacre, un peu trop rapide, courait remplir le même office dans la direction opposée, et toutes ces petites gens de s'agglutiner drosophilement sur le cadavre de l'Ordre, du monde mondain touché au cœur. Un gamin à la face fuligineuse triturait sa casquette, et, tout en marchant, il semblait chantonner -il voyait ses lèvres tressauter, cela avait quelque chose d'effarant, sous les becs de gaz éteints, et le jour en contrepoint, ciel ! comme une Apocalypse de pacotille.
Graine d'anarchiste, songea amèrement notre homme en portant plus loin son regard, jusqu'à l'autre rive. Le tout-Paris le savait sans doute, ils devaient être les derniers informés. Non, décidément, cela n'avait rien d'étonnant. Se retournant vers la table sur laquelle Monsieur de Levin avait déplié le journal qu'il lisait les sourcils froncés, indifférent aux missives envoyées pour lui apprendre probablement la même chose, il prit le verre qu'il avait posé et le porta aux lèvres. La persistance sur sa rétine de l'image inversée des autres, celles de l'enfant pouilleux, lui serra la gorge. Seigneur, était-ce sa faute à lui, si sensible aux symboles, superstitieux -non, cela, il se l'interdisait. Il constatait le rouge que ne contenait que l'épaisseur du verre ; la concentration du vin le faisait, sous la lumière diffuse, tourner au noir. Machinalement, il agita la main et s'imposa une gorgée.
Quel drame ! Dieu, en bon esthète, en avait-il contre Massenet ? Cette question non dénuée d'intérêt, Monsieur de Saint Bleu ne se la posa pas. Ce jour-là, il venait de bon matin rendre visite à son ami Rafał Klemens Lewin de Janowski, qui, lui, avait eu la bonne idée de se choisir un nom décent, bien que dénué d'exotisme. Il avait marché le long du paysage citadin d'un pas tranquille, quoique ses souliers ne soient pas ceux qui marquaient du même son les tapis des salons. Paris était comme il a coutume de l'être -parisien. Il n'avait pas daigné dénoncer au jour ses ombres d'incendie, trop heureux sans doute de disposer de la nuit pour les épurer, les préciser, les artifier.
Raphaël Clément de Levin n'avait d'autre originalité que celle d'assortir tel alcool à son humeur plutôt qu'à l'heure ; ce matin, il avait tenu à lui présenter un certain Monsieur, quelque chose comme un Louis-Xavier François de Brémont. Pourquoi, déjà ? Allez savoir -c'était peut-être encore un de ces expatriés sans relations, dont Raphaël s'entichait sous prétexte de solidarité -faisait-on plus français, plus parisien que Raphaël ! -, il pouvait même avoir un ancêtre polonais. Tout cela, il l'avait oublié à l'instant précis où son ami avait juré au moyen d'un détour gracieux par ladite langue : na boga ! C'était coquet, l'on sentait dans ce mot le plaisir d'user de l'idiome se mêler à l'étonnement -ou était-ce l'inverse ? Sans se formaliser du recours douteux à notre Seigneur, Saint Bleu avait senti un frisson stagner dans ses entrailles. Le froid inconfortable de l'incertitude semblait délicieux, cependant, tant qu'il exagérait ses craintes et s'autorisait à être démenti. Mais -comment voulez-vous démentir un froid.
Après un bref échange de politesses, leur hôte les avait fait passer dans son petit salon, et avait cru opportun d'ouvrir une bouteille de Bordeaux. On causait théologie, ou bien était-ce un dialogue impliquant les héritiers du prince Czartoryski -dialogue, parce qu'un tel sujet aurait malaisément exclu de la conversation Monsieur de Bermont. A moins qu'il ne fut réellement polonais ? Quelqu'un avait mentionné l'Opéra Garnier, il en était certain. On partait sur autre chose ; quoi qu'il en fut, l'échange promettait d'être distrayant -mais que faisait la police ? Et pourquoi aucun d'eux n'avait-il été plus promptement mis au courant ?- lorsque la rue s'était animée. Non, plus tard, lorsque Raphaël avait posé lui-même la bouteille sur la nappe -ce vin alors impromptu, qui désormais le serait toujours. Le domestique était entré à petits pas pressés, tenant sur son plateau quelques pauvres feuillets. « Allons bon », avait murmuré Monsieur de Levin.
L'homme au costume gris s'éponge le front. L’œil rivé sur la rue qui les raille, Saint Bleu penche la tête pour boire le calice -jusqu'à l'hallali.
Theatrum Mundi
Pour terminer ... • Pseudonyme : Celui de ce brave homme conviendra. • Âge : Un bon cinquième de siècle, à peu de choses près. • D'où nous venez-vous ? Je crois que vous êtes cernés par les stalkers. • Quelque chose à nous dire ? Point' encore. Quoique : « J'ai choisi de faire l'impasse, pour l'instant, aux mouvements littéraires un peu surprenants [..] Mais ce point pourra être complété si vous le désirez. »
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Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
Messages : 2896
| Sujet: Re: Saint Bleu Lun 25 Juin - 4:47 | |
| Ah ah, en voilà un qui a relevé ! Je devrais pouvoir enrichir ça pendant les vacances (je rêve de vous parler des naturistes et autres hurluberlus, ah ah ! ) si j'avance assez dans mon mémoire ... Sinon ce sera plutôt vers septembre-octobre. C'est une très belle fiche, écrite avec, semble-t-il, beaucoup de soin, et que j'ai plaisir à valider ! Je n'aurais qu'une petite indication de vocabulaire : le mot "bougre" pour désigner Saint-Bleu choque assez parmi le niveau de langue très soutenu de l'ensemble. Tout simplement parce qu'à l'origine, c'est un mot familier, voire vulgaire, qui signifie "sodomite". A l'époque du forum, il semble que ce soit encore un juron utilisé. Je conseille donc - à moins que le décalage soit réfléchi - de modifier le terme. Mais cela n'entravera pas ta validation. Pour la Mondanité, sachant que Monsieur de Lonsay est un petit jeune et a davantage, on peut peut-être revoir à la hausse, en revanche ? Il me semble que Saint Bleu a autant sinon plus d'importance dans le monde que cet autre personnage, donc ... A toi de dire ce que tu en penses. :) Mais pour passer aux choses sérieuses, tu peux dès lors créer ton fichier de personnage, chercher un RP (une cérémonie chez Madame de Lambresac devrait en outre bientôt ouvrir). Tu peux également venir te présenter dans les discussions pour être accueilli par les autres joueurs. J'espère sincèrement que tu te plairas parmi nous. :) A très bientôt ! |
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InvitéInvité
| Sujet: Re: Saint Bleu Lun 25 Juin - 8:44 | |
| Le changement de ton était voulu, mais pas réfléchi (j'avais joyeusement zappé le sens premier, en effet) et.. un peu là faute de mieux. Mais ! Pour ma défense, Jarry ,homme de la haute s'il en est, l'utilise en 1896 de la même manière qu'aujourd'hui, semble-t-il. Bref, j'éditerai plus tard si je trouve un synonyme moins connoté.
Pour la mondanité, mettons 460, alors, histoire de ne pas se laisser marcher sur les pieds par les mômes. Non mais.
Merci pour l'accueil, et au plaisir de lire les aventures littéraires de ces mystérieux naturistes. = ) |
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