Lorsqu'elle mit son petit bout de nez dehors, Margot ressentit également le vilain froid. Un grand frisson lui parcourut le corps.
- Mais c'est qu'on s'fige, ouais ! J'vous suis, j'fais pas souvent le tour, j'passe plus jamais par là ...
Et c'était dommage, parce que c'était bien beau ... Alors qu'elles commençaient à contourner le bâtiment, Margot se souvint tout d'un coup du premier jour où elle avait emprunté ce chemin-là. Y'avaient les remontrances de sa mère, la peur qui lui serrait le ventre, la scène de l'omnibus avec la grosse dondon (dindon, dondon, c'était le jour ... ), mais y'avait aussi eu son émerveillement de petite fille devant le grand palais doré, qui lui avait semblé sorti d'un rêve. Elle y repensa avec un peu de nostalgie ... Puis cela passa. Une bourrasque vit voler ses jupons et lui arracha un petit cri.
- Le primeur qu'est à côté d'chez maman, y dit toujours, quand ça pince comme ça : "Vlà un polisson de printemps qui fera pas pousser les p'tits pois ! " Bah c'est bien c'qui s'passe, là ... !
A peine eut-elle dit ces mots, cependant, qu'elle se sentit un peu honteuse ... Elle avait l'air maligne, avec ses vieilles bottines, son manteau élimé et ses jupons grisâtres, à côté de cette petite dame bien habillée. Elle n'y avait pas trop pensé jusque là, surprise par les points communs qu'elle s'était découvert avec cette jeune femme, mais la rue lui faisait bien voir, maintenant, qu'elles s'assortissaient bien mal.
- Mais ...'Scuzez de la question, mais qu'est-ce qui vous intéresse à vous prom'ner avec une fille comme moi ? J'suis pas bien compliquée ...
Manière élégante de cet esprit mal formé pour avouer ses lacunes.