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 Jeunesses Maudites (Evariste)

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Pamina

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MessageSujet: Jeunesses Maudites (Evariste)   Jeunesses Maudites (Evariste) EmptyDim 25 Sep - 5:35

Jeunesses Maudites (Evariste) Divers10
Aujourd'hui est une belle journée sur la Capitale. Un regain de chaleur étonnant et inespéré, qui fait sortir les gens, les fait constater que malgré le temps, ça n'est toujours pas le printemps. les arbres sont toujours nus et griffus, les plantes, rares, même au coeur du si bien nommé "Jardin des Plantes". L'air est chargé d'un parfum froid de terre nue, d'ozone, de graviers secs, les chaussures crissent dans les allées de poussière jaune-ocre du Jardin. Les fenêtres des grands bâtiments bordant le parc luisent et luminent sous le ciel dépournu de tout nuage, d'un bleu si pur que tout, au niveau du sol, semble presque violacé en comparaison. Des jeunes filles installés sur des bancs prennent le soleil en se penchant sur leur travail de couture ou sur leur livre, de vieux monsieurs respectables fument pipe ou cigare en observant quelques moineaux picorer dans les gravillons des bordures... Le monde est un désœuvrement satisfait.
Arrivant de la gare, les messieurs d'Aulnay ont décidés de profiter de la belle journée pour couper à travers le Jardin, ayant laissé leurs valises à la domestique venue les acueillir, et la plantant là sans sommation. Bras dessus-bras dessous, leur vision fait toujours quelque chose. Vêtus de couleurs différentes, mais dans un style et une coupe semblable, arborant le même air suffisant où déborde un peu d'espiéglerie, et ombragés de la même manière sous leur chapeau -l'un brun, l'autre navy-. De même taille, l'un porte barbe fine et moustache claire quand l'autre affiche un visage jeune et glabre, aux yeux verts brillants. Ils se déplacent à grandes enjambées, saluant d'une levée de couvre-chef l'un ou l'autre des passants, habitués à leur présence. Des "Belle journée !" et des "Messieurs !" fusent, et les jumeaux d'Aulnay en sont ravis. Le monde est pour eux une vaste blague, un amusement permanent, qui ne sait être sérieux que lorsqu'on l'étale sur des toiles et des fonds de bois pour le figer, saisir l'instant par ailleurs trop fugace. Dans leur dialogue chuchotté, alors qu'ils dépassent les derniers massifs, ils décident de revenir dans l'après-midi, peut-être peindre de ces jeunes filles enb robes soyeuses qui agitent parfois la main dans leur directioon, charmantes et un peu audacieuses.

Et, alors qu'ils se retournent pour en saluer une en retour, ils trébuchent un peu sur quelqu'un -littéralement-. Une main se saisit d'une des épaules d'Evariste, tenant de le ratrapper avant qu'il ne tombe, une paire d'autres se referment sur un de ses poignets pour le stabiliser, et le revoila droit, lui qui vacillait sous le choc frontal d'autre de personnes dans si peu d'espace. Aussitôt, deux voix, assez distinctes, s'élèvent.

- Oh, mon dieu.
- Ah !
- Victorien, fais attention !
- Je, monsieur, mes excuses, tout va bien ?
- Oh, oui, navrés, vraiment, navrés
(Une main passe sur le revers du plastron d'Evariste, comme pour chasser une poussière.)
- Pardonnez-nous, enfin, pardonnez-le, il ne met jamais les pieds où il faut
(petit bruit sourd, associé d'un grognement, comme si l'un des deux venait de coller un coup dans le bras de l'autre.).

Deux personnes, une seule voix, presque. Leurs odeurs, néanmoins, semblent différentes - l'un porte les épices et la fraîcheur un peu caustique de la crème à raser, l'autre garde d'infimes traces d'un parfum féminin fleuri qu'il a du voler à une amante lors d'une embrassade. Leur ton, malgré leurs paroles, n'est pas vraiment navrés. Ils semblent un peu amusés, surtout celui à gauche, amusé et un peu agacé, mais pas contre leur soudaine rencontre. L'un reprend, d'ailleurs.

- Laissez-nous faire quelque chose pour nous excuser.
- Ah, oui, laissez-nous nous excuser. Vous aimez les crèmes glacées ?
- Il y en a un marchand sur le bord du Jardin, je ne sais pas ce qu'il fait ici en hiver, ça n'est pas la saison, mais !
- Mais, il vend ! Un fin commerçant, si vous voulez mon avis, penser à vendre des crèmes glacées en janvier.
- Oui, Victor, fin commerçant. Ah mais, nous manquons décidément à toutes les règles de politesses ! Je me prénomme Victorien, et voici mon frère, Victor. d'Aulnay.


....Enchanté !
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Evariste Delacroix
Maître Hibou
Evariste Delacroix

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MessageSujet: Re: Jeunesses Maudites (Evariste)   Jeunesses Maudites (Evariste) EmptyJeu 6 Oct - 5:19

Evariste n'avait pas vraiment l'esprit à la poésie. L'aurait-il eu, d'ailleurs, que celle-ci aurait sans doute été fort mauvaise : il était homme de peu d'imagination. La beauté de la nature, les ombres des jeunes filles en fleurs, errant dans un jardin, les fleurs et les petits oiseaux l'indifféraient. Cependant, c'était un homme simple, qui aimait, parfois, délasser ses longues jambes maigres dans un lieu à l'odeur plus attrayante que les rues sales de la capitale. Non pas que le Jardin des Plantes embaumât, pas du tout, mais l'odeur de terre humide et froide, de mousse et d'arbres, mêmes malingres, avait quelque chose de reposant et d'agréablement nouveau, quand le monde du jeune comptable se composait de senteurs de papier et d'encre, de fumets de salons et de relents de cigare. L'argent n'a pas d'odeur, à ce qu'on dit: Evariste saurait vous prouver le contraire.

Alors, pour une fois (le ciel sait que la chose était rare!) l'héritier Delacroix était distrait. Il se laissait porter tranquillement, les yeux clos, suivant sa canne de bois noir dans ces allées qu'il connaissait par coeur, la tête pourtant si rationnelle divaguant à d'agréables songeries de fortune, d'investissement, et de pavé de saumon au citron. Avec un peu de fenouil.
Si nous pouvons comprendre son désir de se délasser, nous ne saurons que constater que le calcul était mauvais. Quand on est aveugle, nous pouvons imaginer que les autres, dotés de ce formidable outil qu'est la vision, se montrerons charitable et auront à cœur de s'écarter de votre trajectoire. Que nenni! Hasard et diablerie sauront bien punir cet inconsidéré élan d'optimisme.

Pour la seconde fois en un temps décidément bien trop court à son goût, Evariste heurta de plein fouet une personne inconnue... non, deux personnes inconnues. A la fois. Il était vraiment un homme de talent.
Peut-être Dame Fortune l'avait-elle pris en pitié, ou bien les deux jeunes gens étaient d'un naturel plus éveillé que Jean de Fréneuse, mais une douloureuse chute sur son séant lui fut épargnée par deux poignes solides qui le redressèrent. Clignant désespérément des yeux, le jeune aveugle tentait de remettre le monde à l'endroit, et agrippait à sa cane comme à la seule voie de salut possible.
Un raz-de-marée de paroles réduisit ses efforts à néant.

Il s'ébroua mentalement, tentant de reprendre pied dans le réel, concentrant ses efforts sur l'identification de ces deux étrangers. Il me pouvait décemment pas tâter leur visage pour vérifier leur sexe, âge et condition.
Une voix. Deux souffles. Un monstre bicéphale? Peu probable.
Un des deux respire légèrement plus vite. Un parfum -bois de santal, épice, verveine?- résolument masculin, une trace plus fleurie. La note de cœur est la même. Jumeaux? Oui.
Deux hommes. Jeunes. Froufrous de tissus de bonne factures: aisés et oisifs, sans nul doute.

Evariste sortit le nez de son écharpe et tenta une réponse pleine de dignité entre deux cascades vocales.

- Je euh... Ce n'est pas grave du tout, je... ça m'arrive tout le temps.

Dignité: échec.
Il fut coupé presque aussitôt par de nouvelles excuses.
Le comptable eut une grimace circonspecte en entendant vanter les talents du vendeur de glaces, mais dans un grand élan de socialisation qui ne lui ressemblait pas, il ne fit pas part de ses doutes. Le reste du monde se fichait du taux de perte probable relatif à l'achat de la marchandise de base et au nombre de clients potentiel, et ce même sans considérer l'absence de concurrence.

Ses yeux morts égarés quelques part au dessus des deux têtes, il se fit la réflexion que décidément les chutes esquissées et les collisions impromptues engendraient de bien étranges rencontres. Il rassembla sévèrement les débris de sa contenance en fuite, eut un sourire maladroit:

- Evariste Delacroix, enchanté. Ma foi, je n'ai jamais mangé de glace.

La politesse eût voulu qu'il poursuive plutôt avec un "ne vous mettez pas en frais pour moi, je vous prie!" mais il était de nature quelque peu abrupte, et n'aimait pas forcément à être bousculé alors qu'il rêvait de pavé de saumon.
Qui plus est, Evariste ne refusait jamais, ô grand jamais, quelque chose de gratuit ou d'offert. C'était presque une religion, un désir compulsif de ne pas gâcher.

Les pans de son écharpe bleue lui battant les flancs comme des ailes malhabiles, il emboita le pas des deux compères, sa cane pointée en avant afin, cette fois, de remplir son ouvrage et de repérer les éventuels obstacles. Dieu merci, il connaissait le chemin et ne trébucha -presque- pas.
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Pamina

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MessageSujet: Re: Jeunesses Maudites (Evariste)   Jeunesses Maudites (Evariste) EmptyDim 16 Oct - 8:45

Jeunesses Maudites (Evariste) Divers10
Il est des ironies mordantes, des jeux de hasard cosmiques, des personnes pour qui l'alignement des étoiles joue toujours en leur défaveur. Il semblerait qu'Evariste, à chaque moment de sa vie où il décidait de pointer son nez de taupe dehors, devenait de ceux-là. Ou peut-être que le Destin ne l'appréciait pas seulement pour son manque d'attrait pour l'Opéra. Chacun sait que le Destin est un fervent admirateur de Wagner. C'est pour ça que les Fées sont passées cinq fois ces quatre dernières années, et qu'Evariste est présentement en face d'une paire de jumeaux insupportablement indistincts dans le brouillard multicolore que doit être le champ de vision du comptable. Un rire, venant sensiblement de sa droite, une main qui s'affermit au creux de chacun de ses coudes, alors qu''il se fait, affablement, mais assez fermement, conduire vers un coin du jardin où le marchand de crèmes doit opérer.
A l'odorat, ils sont bien distincts. Outre la crème à raser de celui de droite, il y a aussi une touche d'arôme un peu plus masculin, qui ne se retrouve pas sur celui de gauche. Un indistinct soupçon de poudre et d'opium, aussi, mais cela, presque tous les gens de la bonne société, peut leur en faut, arborent cette odeur. Ça ou celle, plus aigrelette, des femmes qu'ils n'ont quitté que trop peu de temps avant. Le monde des odeurs est quelque chose qui ne sait pas mentir, qui révèle toute la faiblesse et toute la vilenie du monde. Des fois, cela doit être dur de ne pas les détester, tous ces puants sous leurs dentelles musquées.

Mais pas le temps de s'apitoyer sur le sort du monde ! L'un ou l'autre glousse, proche d'Evariste, alors que leurs pas cadencés résonnent sur le gravillon rouge de l'allée du Jardin.
- Jamais goûté de crème glacée ! Allons, mais comment avez-vous réussi à survivre dans un monde sans crème glacée ? (C'est Victor, c'est celui à droite, celui qui s'est présenté. Ou peut-être que c'était Victorien qui a fait les présentations ?)
- Ne l'intimide pas, Victor enfin, on va vous faire goûter, Evariste !
- En espérant, bien sûr, que cela apaise votre colère envers notre maladresse.
- Ta maladresse.
- La Maladresse. Moi aussi, je la déteste, elle est un peu comme le Destin.
- Imprévisible et blessante.
- Et indignifiante !
- C'est horrible. Tenez, voila. Quel parfum voulez-vous ?


Alors que le décor, dans l'obscurité permanente qui constitue le monde d'Evariste, change pour se parer de couleurs plus dorées et plus blanches, une myriade d'odeurs différentes, à base laiteuse, mais rehaussée de parfums et d'épices vertigineux éclate à son visage. C'est comme entrer dans une pâtisserie, mais une en plein air, qui mélangerait ses saveurs aux arômes des herbes sèches et du sol battu du jardin. déroutant mais agréable. Et une main, a droite, presse le creux du coude avec emphase - on lui énumère les parfums.

- Citron, poire ? Oh, il y a vanille, aussi, c'est si exotique !
- Je vais prendre une coupe aux poires, je pense
- Evariste, qu'est-ce qui vous tente ?
- Merci ! Ouh, c'est froid.


Tintements de cuillère contre une parois de verre, et l'odeur généreuse des poires qui se répandent, accompagnés des émanations grasses et riches du beurre des petits gâteaux que l'on leur a assorties.
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