Ce matin-là, je me levai peu après le départ de Mathilde et Grégoire pour l'école. Notre hôtel particulier me sembla bien calme sans leur présence, mais ce n'était pas plus mal. Nous venions à peine de rentrer à Paris, et il me fallait bien tout ce calme pour reprendre pied dans la société parisienne que j'avais quittée si subitement un peu moins de dix ans plus tôt. Aurélien, quant à lui, était en route pour l'Italie. J'en avais eu assez de ces voyages, que je n'appréciais déjà pas au premier abord. Et mon époux m'avait enfin autorisée à rentrer me reposer dans notre demeure familiale. À force d'insister et de lui en parler à longueur de journée, évidemment.

Ma toilette faite à mon aise, j'entrepris de m'installer dans notre confortable sofa disposé dans la bibliothèque afin d'y lire quelques ouvrages classiques. Mais je me rendis bien vite compte que je n'avais pas l'envie de les lire. Non, j'avais envie de faire un tour dans Paris avant de me rendre à l'opéra le soir, avec Mme de T. Parcourant les portraits accrochés dans le hall d'entrée, celui de mon père me fit penser à ma famille, que je n'avais plus l'occasion de voir aussi souvent que lorsque nous habitions sous le même toit. Si je ne les avais pas encore prévenus de mon retour, ce n'était plus qu'une question de temps : je n'allais pas tarder à les inviter à venir me visiter dans les jours à venir.

Cependant, l'idée me vint soudain de rendre une visite surprise à mon frère aîné, Charles-Armand de Lonsay. J'étais presque certaine que ce dernier serait chez lui, à ne rien faire, activité qu'il semblait préférer par-dessus tout. À moins qu'il n'ait changé depuis la dernière fois... Mais rien n'était moins sûr.

Je fis donc apprêter la voiture et le chauffeur me conduisit jusqu'à la demeure de Charles-Armand vers onze heures du matin. Ayant fait retentir le délicieux bruit que faisaient la majorité des sonnettes parisiennes, Villeroy, le domestique de mon frère, vint m'ouvrir la porte. Il me conduisit à travers l'escalier après m'avoir affirmé que son maître était bien présent, dans le salon, en train de lire. J'attendis patiemment que Charles-Armand se décide à quitter son livre pour venir ouvrir le battant. Son air étonné et son exclamation de surprise me firent plaisir : cela faisait bien longtemps que je ne l'avais plus vu si bouleversé par un évènement ! Il l'était d'ailleurs tellement qu'il m'étreignit sans rien ajouter de plus. Je lui rendis son étreinte, également heureuse de le retrouver enfin après tout ce temps, et surtout sachant, pour une fois, que ce ne serait pas que pour quelques heures.

- Charles ! Je suis heureuse de vous voir.

Une certaine émotion se dégageait de ma voix, émotion tout à fait normal lors de retrouvailles si importantes.

- J'espère que je ne dérange pas... ajoutai-je quelques instants plus tard en inspectant la pièce vide – mais c'était pure rhétorique. Puis-je entrer ? Je pense que nous serons plus à l'aise à l'intérieur.

Lorsque j'eus son autorisation, je pénétrai à l'intérieur du salon qui n'avait que très peu changé depuis ma dernière venue ici, deux ans auparavant. Charles restait fidèle à lui-même, comme je le pensais...

Spoiler:

HRP: