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| Une bonne conscience est une fête continuelle. | |
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Jean de FréneuseJ'ai bu le lait divin que versent les nuits blanches
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| Sujet: Re: Une bonne conscience est une fête continuelle. Mer 27 Mar - 23:33 | |
| Rosamonde vacilla - si tant est qu'on pût vaciller sur un fauteuil. En écoutant les arguments de sa bru, elle se leva, fort pâle, marcha nerveusement autour de la petite table du salon, se tordant les mains. Oh, elle avait fait tant d 'efforts sur elle-même, déjà ! Accepter que la future Madame de Fréneuse fût une divorcée était déjà au-dessus de leurs forces, à elle et à Charles : ils connaissaient l'existence du divorce et Rosamonde était même prête à la concevoir, dans certains cas bien définis... mais elle n'admettait pas l'irruption de cette réalité dans leur famille, si respectable, dont il fallait protéger le nom et la lignée... Alors des enfants d'un premier lit ?! Elle se rassit, la respiration haletante... Jean, pendant ce temps, observait la scène, soucieux de ne pas interrompre sa fiancée, guettant les réactions sur le visage de sa mère.
- Pauvre femme ! lâcha-t-il même, dans un souffle, sans qu'on pût vraiment savoir, au fond, s'il désignait sa mère ou sa future épouse...
Rosamonde, enfin, prit la parole :
- S'il est une chose dont je ne doute pas, c'est votre amour pour vos enfants, Madame... Le reste...
Un temps de silence.
- Je ne sais plus, Madame... Je crois que je devrais louer votre franchise, même si elle arrive un peu tard... Mais je ne sais plus que penser. Pourquoi... ?
Elle se tourna vers Jean, avide de réponses. Celui-ci prit un petit gâteau d'un geste vif, comme pour donner un dérivatif à sa nervosité - on ne pouvait toujours tout prendre à la légère - et puis il répliqua :
- Puisque vous me poussez à le faire, il faut bien que je parle... Catharina a quatre enfants, robustes, intelligents, en excellente santé. Elle-même est en excellente santé. Dois-je préciser davantage ?
Étrangement, il avait répondu avec une certaine brusquerie. Il semblait que quelque chose se jouait soudain, pour lui.
- Vous savez, ma mère, l'importance que j'accorde aux convenances. Si j'aime à écarter ce qui me semble ridicule et superflu, je ne mettrai point en péril le nom de la famille pour un vain caprice. En choisissant Catharina, j'ai le sentiment qu'au-delà des apparences... je fais ce qu'il faut.
Rosamonde battait des paupières, lointaine. Elle n'eut d'ailleurs point le temps de répliquer, car Charles et Gabriel de Fréneuse réapparaissaient, visiblement plus pressés que d'habitude de revenir au salon, eux aussi. Charles s'installa entre sa femme et Catharina et se servit lui-même une tasse de thé, tandis que Gabriel, avec son légendaire sens de l'à-propos, demandait d'un air curieux - et sans ironie :
- Tout se passe-t-il au mieux ?
Le jour où Gabriel apprendrait à se taire serait assurément un grand jour pour l'humanité. |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: Une bonne conscience est une fête continuelle. Jeu 28 Mar - 14:19 | |
| Catharina sentit la voix durcie de son fiancé et cela ne la laissa pas de glace, au contraire, elle s’en inquiéta davantage. La pauvre femme n’aimait pas lorsque l’on changeait de ton, cela n’amenait jamais rien de bon et avait le don de lui faire perdre le peu de moyens qu’elle possédait. La fiancée laissa donc le silence s’installer, jouant de manière fébrile avec ses doigts. Catharina n’était pas un caprice et elle le savait pertinemment. Papa et maman de Fréneuse devront bientôt l’accepter.
Elle leva la tête dans un sursaut, presqu’effarée de voir Charles et son cadet entrer dans le salon où, au départ, Rosamonde et Catharina devaient discuter entre femmes, entre belle-mère et bru. Aussitôt le Duc de Fréneuse posé, la jeune mère c’était rapidement levée. La simple pensée d’être aussi près d’un homme aussi brusque et froid que lui la faisait trembler. Elle revint donc à sa place initiale, seule sur son divan. Une fois à l’abri et suffisamment éloignée du danger potentiel que représentait Charles, Catharina se remit à respirer… ou presque.
Elle tiqua sur la question de Gabriel mais n’y répondit pas. L’un des nombreux principes de la divorcée était de ne jamais mentir, de rester franche envers et contre tous. Ces mots, si elle les avait prononcés, n’aurait pas été des plus agréables voire appropriés. Elle préféra donc laisser le soin à Rosamonde ou à Jean de répondre au jeune frère que tout allait pour le mieux et continuer à jouer avec le tissu de sa robe.
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| | | Jean de FréneuseJ'ai bu le lait divin que versent les nuits blanches
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| Sujet: Re: Une bonne conscience est une fête continuelle. Mar 2 Avr - 12:17 | |
| Ah elle était belle, la famille de Fréneuse, empêtrée dans se chérusque de bon sens et de convention ! Jean se sentait las, d'avoir fait ce choix, de devoir tant le justifier, d'avoir dû faire des pieds et des mains pour engeigner Monsieur et Madame, de tout, en somme !... Et pourtant avait-il eu le choix ? Ces gens-là n'étaient prêts à rien... Devant la situation, Jean ne put s'empêcher de pousser un soupir, et se passa la main sur les yeux, visiblement épuisé. Il se servit de nouveau une tasse, et suivit des yeux son père et son frère qui venaient d'arriver. Diable, ils avaient choisi leur moment... ! S'il n'avait pas été chez ses parents, Jean eût sans doute juré. Mais, dans la vieille demeure familiale, il se renfermait, se rassemblait sur lui-même, comme une plante verte sans lumière (paye ta comparaison... !), comme un animal dans une cage trop étroite. Catharina gardait le silence... Jean saisit l'occasion et répondit, sans conviction :
- Bien entendu que tout se passe à merveille, une vraie petite réunion de famille, comme on en voit dans les livres.
Tu parles... ! Il jeta un regard à sa mère, résigné, prêt à voir éclater la tempête. Il pouvait jouer l'ardélion autant qu'il voulait, c'était bien foutu... Mais celle-ci donna à l'étrange colloque qui se tenait une direction encore plus étrange :
- Tout se passe au mieux, c'est un fait.
Jean manqua de s'étouffer avec son thé. A croire que se fiancer vous faisait avaler de travers à tout va... Comment Rosamonde osait-elle mentir à Charles, vétéran de la morale d'autrefois, chantre du monde de jadis... ? Que lui dirait-elle, après ? Qu'elle ignorait tout aussi ? Pourquoi avait-elle choisi de se taire... ?! Le fils jeta un regard de profonde incrédulité à Catharina : il avait un air qui aurait été comique si la situation n'avait point été aussi inconfortable... Par chance, Charles ne sembla point remarquer le trouble de Jean, ni même celui de Rosamonde. Il se contenta de hocher la tête, martelant d'un "Bien ... bien..." ses gestes précis, presque militaires... L'après-midi suivit son cours, à coup de conversations ennuyeuses, de nouvelles fadasses et de thé raffiné. Vers seize heures, Jean posa la main sur le bras de sa fiancée, et annonça :
- Hé bien, nous vous remercions d'avoir bien voulu rencontrer Catharina, et de nous avoir finalement donné votre bénédiction.
L'avaient-ils vraiment donné ? Rien n'était moins sûr... Mais sans laisser à son père le temps de protester, Jean ajouta, de cette même voix dure qu'il avait eue tout à l'heure :
- Je vous promets que nous serons à la hauteur du nom... et du reste. La postérité ne parlera pas de scandale, de honte, à propos du prince et de la princesse de Fréneuse... de modernité, peut-être, mais...
Et il était si peu convaincu, soudain, par ce qu'il disait ! Tout lui semblait simple, dans sa tête. Il savait où il allait, il savait qu'il était sincère quand il disait qu'il ne voulait point mettre en péril le nom qu'il portait. Sans doute assumait-il ses responsabilités assez tard, mais il les assumait - Gabriel n'en étant de toute façon pas capable. Alors quoi ?
- Je vous remercie pour ce charmant repas. Permettez que je reconduise Catharina chez Madame Pentois, où elle vivra jusqu'au jour des noces.
Un temps.
- Tout sera organisé selon vos exigences...
Il se tourna vers Catharina - "Avez-vous quelque chose à ajouter, ma chère ?" Le mot de la fin, en somme. Étrangement, quelque chose, dans le fond de son regard, semblait signifier une secrète et douloureuse capitulation.
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| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: Une bonne conscience est une fête continuelle. Mer 3 Avr - 12:18 | |
| Elle s’enferma dans son silence, empruntant le moins d’espace possible dans le petit salon des de Fréneuse. Catharina s’attendait à ce qu’une pauvre femme comme Rosamonde hurle au scandale auprès de son époux, comme quoi sa bru avait déjà des enfants ! Quatre bébés qui portaient le pantalon depuis peu ! Hélas, elle pencha, comme son fils, pour la discrétion. Elle tut ce qu’elle venait d’entendre, feignant que tout ce passait pour le mieux, cachant à son propre époux que, quelques minutes plutôt à peine elle avait passé à deux doigts de tomber dans les pommes.
La jeune mère ne prit que très peu part aux discussions qui suivirent, les sujets ne l’intéressant pas. Les sujets que soulevaient Charles ou Gabriel la laissaient silencieuse, ne lui permettant pas de s’animer. Catharina sursauta lorsque son fiancé la toucha, se redressant. Un sourire timide vint se dessiner sur son visage, sans qu’elle ne regarde vraiment la famille de Jean. Par politesse, évidemment. Elle ne désirait pas plus qu’eux de mettre en péril le nom de Fréneuse, mais elle se sentait tout de même détachée.
Lentement, elle regarda Jean et, comme incapable de parler, elle hocha négativement la tête. Que pouvait-elle ajouter de plus, de toute façon ? Catharina se leva, effacée et se laissa guider jusqu’à la sortie, les yeux rivés au sol. Elle voulait rapidement retourner chez Marie-Gilbert, retrouver ses enfants, retrouver le confort et la solitude auxquels elle c’était habituée depuis son divorce.
Elle entrouvrit les lèvres mais ce n’est qu’une fois la porte atteinte qu’elle s’arrêta près de Jean et se glissa devant lui. Catharina battit des paupières et le regarda avec de grands yeux, presque apeurée. « Dois-je craindre une lettre de votre part dans laquelle vous rompez nos fiançailles ? » Parce qu’elle sentait franchement qu’elle avait du souci à se faire et que l’angoisse la rongeait. Elle se tortillait les doigts.
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| | | Jean de FréneuseJ'ai bu le lait divin que versent les nuits blanches
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| Sujet: Re: Une bonne conscience est une fête continuelle. Dim 7 Avr - 12:40 | |
| Ils prirent bientôt congé et la lourde porte du manoir de Fréneuse se ferma sur l'air mi-figue mi-raisin de Charles et de Rosamonde... Jean attendit que le lourd battant de bois les séparât des parents avant de répondre, avec un pauvre sourire :
- Vous avez décidément peu foi en ma parole, ma chère. Ne vous ai-je pas dit de ne point douter de moi ?
Il héla sa voiture personnelle, qui l'avait mené là, et aida Catharina à y prendre place pour la reconduire, très correctement, chez Madame Pentois. Quelques mots - des banalités - et il s'en retourna chez lui, songeur. A vrai dire, il espérait que les difficultés majeures étaient derrière lui, à présent que les fiançailles étaient révélées à ceux dont le jugement faisait tout - ou, du moins, qu'elles le seraient une fois le mariage contracté et tout retour en arrière devenu impossible. Sans doute s'illusionnait-il... Seul l'avenir nous le dira.
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| Sujet: Re: Une bonne conscience est une fête continuelle. | |
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