« Tu marches trop lentement ! » Dit la gamine qui poussa dans le dos de son frère. Il sursauta et se retourna, les joues gonflées. Je ramenai la petite fille près de moi en tirant doucement sur sa main qui tenait la mienne et tendit l'autre pour appeler mon fils « Meg Hjertet, viens par ici. » Il parut m'ignorer mais sautilla jusqu'à Lise, qui m'accompagnait cette journée là, et se cala contre elle. « Moi je veux être à côté de Lise ! » Répondit-il finalement avec sa voix fluette. Je lui fis un signe de main faussement orgueilleux mais le laissai faire.

Je m'arrêtai, une ou deux fois, non pas pour me cacher d'une bonne femme qui passât près de moi mais pour regarder les mouchoirs adroitement pliés sur l'étalage des vendeuses. J'en pris un, doucement, entre mon index et mon pouce ganté et le dépliai pour évaluer sa qualité. D'un air septique, la petite vendeuse épiait les mains qui tapotaient le rebord de son comptoir, celles de ma fille qui s'y appuyait, se questionnant sur le pourquoi du comment j'en étais venue à m'intéresser à un simple et banal mouchoir blanc. Gardenia leva sa main vers le carré de tissu immaculé et la vendeuse parut soudainement apeurée, blême comme... un drap ! C'est que les enfants avaient très souvent les mains sales. Elle s'excusa auprès de moi et reprit soigneusement le mouchoir pour le replier et le remettre à sa place.

Je continuai mon chemin, écoutant ma fille pester, par moment, comme une vraie dame digne de ce nom -ou pas. Ne pouvant démentir ses propos, j'inclinai la tête vers elle puis lui fit signe de se taire, histoire qu'une de ses victimes verbales ne se retourne pas vers moi pour m'engueuler. Évidemment, je devais corriger cette façon de parler, cette manière haineuse de traiter son entourage, mais reprocher à une enfant de répéter les mots que ses parents avaient osés dire en sa présence était beaucoup plus difficile que cela.

Si Gardenia se montrait particulièrement antipathique à son entourage, Honey, quant à lui, tournait autour de Lise tel un chat en quête d'affection. Le divorce avait provoqué chez lui une désir constant d'attention, une envie incommensurable de se faire reconnaître. La gentille et jolie madame Champmézières n'était-elle pas la personne parfaite pour assouvir les caprices de ce chenapans qui ne savait se tenir en place ? Il s'arrêta de gigoter l'espace de quelques secondes, curieusement interpellé. « Aaaah ! » Ses yeux brillèrent et il fendit la foule à toute allure. Je fis un pas pour partir à sa course mais ma fille fila aussi sous mon nez pour le rejoindre. Je passai une main sur mon visage, dépassée, et me tournai vers Lise en accélérant ma marche « Voulez-vous toujours que je vous donne mes enfants ? »

Le jeune garçon se posta près d'une fille inconnue, il était fasciné par le taffetas de sa robe. Sa soeur ainée le rejoint, peu impressionnée. Elle avait néanmoins des idées que l'on associait pas aux innocentes fillettes de quatre habituelles. Alors qu'ils trottaient derrière la fille, Gardenia empoigna un plis de sa robe et tira dessus d'un coup. Elle n'était pas bien forte mais espérait susciter quelque chose chez sa "victime". Malheureusement pour cette personne, je n'arrivai pas à temps pour reprendre mes enfants et me retrouvai confronté à elle. Je me dis, intérieurement, de laisser mes enfants à l'orphelinat en rentrant. Je prends le bras de mes bambins et me penchai vers eux pour les regarder sévèrement. Le petit garçon, pas du tout désolé d'être parti dans la foule, ne leva que son doigt « C'est elle ! Pas moi ! »

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Citation :

Je me suis permis d'introduire le personnage, mais je ne viendrai vous embêter qu'après, je vous laisse déjà vous rencontrer tranquillement, on verra après

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Dans mon élan de grand sermon, je basculai rapidement du français au norvégien, déblatérant pour la énième fois à mes enfants des avertissements que je ne cessais de leur donner. Je les regardai tour à tour, prenant peu de temps pour reprendre mon souffle. Ils me regardaient, Honey avec de grands yeux et Gardenia avec un air froid. Je les retenais par la manche pour les empêcher de se sauter dessus, le garçonnet ayant dénoncé sa soeur pouvant facilement être une source de conflit entre eux deux. Où était donc la fraternité auquel j'inspirais pour mes enfants ? Était-ce parce qu'ils n'étaient qu'une bande de bébés hommes qu'ils se chamaillaient autant ou me retrouverais-je avec des frères et soeur aussi proches l'un de l'autre que je l'étais avec mon frère ? Sans doute mes mots étaient trop doux, mais impossible de lever le ton !

Je soupirai entre deux répliques et, interpellée, levai les yeux vers la jeune fille -victime des mesquineries de mes bambins. « Bonjour, Mademoiselle. » Répondis-je, tout bas, avec un fin sourire. J'hochai la tête, oui, ces enfants étaient les miens, bien qu'ils n'eussent pas hérité de mon calme, bien que garçon semblait avoir été adopté par la femme qui m'accompagnait, le temps d'une sortie. Celui-ci dessina un très large sourire sur ses joues gonflées lorsque la jolie jeune femme s'adressa à lui. Ils gardèrent le silence, néanmoins, je dus les pousser pour qu'ils répondent finalement à la demoiselle. Ce fut un petit -ou un grand- « C'est 'Denia ! » enjoué de la part du cadet qui déclencha une rage immature chez Gardenia qui s'empressa de lui sauter dessus.... Ou presque ! Je la retins à temps par le col, glissant mes doigts gantés dans celui-ci pour l'empêcher d'avancer. « Both of you, stop that, now ! You'll apologize to the young Lady et comme il le faut, en français. »

Ils frottèrent un pied sur le sol, baissa les yeux, les redressa vers le plafond. Honey chercha de l'aide auprès de Lise en lui envoyant de grands yeux de chiot, Gardenia se contenta d'agir avec snobisme avant de se décider la première « Je suis désolée d'avoir tiré sur votre robe... ! » Puis elle se tourna vers moi, s'appuyant sur ma robe pour bouder.

Un peu turbulent mais charmant tout de même. Autant dire qu’ils sont à croquer mais complètement idiots, ce serait la même chose. La jeune Constance eut droit à un regard bizarre, un sourire aimable. Je posai ma main sur l’épaule de mon fils et le ramenai vers moi mais il ne décrocha pas ses grands yeux de la robes scintillantes que la demoiselle portait. Si ce n’était pas suffisant, le petit Honey semblait la trouver très jolie –quelle femme ne l’était pas, d’ailleurs ?- mais demeura fidèle à Lise et retourna se blottir contre sa grande robe. Gardenia quant à elle se risqua à jeter un œil narquois à Constance, s’abonnant au silence.

Je caressai ses cheveux clairs de manière maternelle et répondit à la demoiselle avec une voix douce « Je me nomme Madame von Reutersvärd, et voici Madame Champmézières qui m’accompagne. » Sourire, inclinaison de la tête, signe de main désignant Lise. « Et ma fille Gardenia –qui est très désolée, pas vrai, meg Elske ?- et mon fils Honey, qui… » Je plissai un sourcils en le voyant tourner autour de mon amie, se poster devant elle et tendre hauts les bras pour qu’elle le prenne dans ses bras. « …Visiblement, est bien impertinent, aujourd’hui. » Gardenia, comprenant ce à quoi je faisais référence, lâcha, sur un ton un peu trop fort un « Hey ! » Pour attirer l’attention de son petit frère qui se sentit aussitôt visé. Il fit un bond, se tourna face à sa sœur et écarta les bras pour faire bouclier humain devant Lise.

Je me décidai à jaugeai la jeune fille et constatai qu’elle n’était pas bien âgée, une enfant ! Je n’étais pas de nature curieuse, peut être me mettais-je simplement à la pauvre mère de Constance mais… « Dites-moi, n’êtes vous pas un peu jeune pour vous promener seule ? » J’avais, évidemment, déjà vue des jeunes filles sans chaperon, mais cela me choquait à chaque fois. Qui laisse sa petite fille seule, franchement ?

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Si jeune et sans chaperon ? J’écartai les lèvres d’étonnement. Ici commençaient à se faire la différence entre la grande bourgeoise et la fille de province qu’était Constance. Vivre seule, vraiment ? Je fronçai les sourcils –sans avoir l’air contrariée- et tentai d’imaginer la chose qui me paraissait presqu’improbable. Quelle mère laisse sa progéniture féminine habiter seule, franchement ? Même Gardenia qui développait un caractère plus dur de jour en jour ne serait pas autoriser à faire une pareille chose. Lise l’encouragea et je croisai les bras, comme mécontente. Pour l’avoir souvent entendu de Marie-Madeleine, je savais que les chaperons étaient ignoblement vus par les jeunes filles. Je glissai un doux « J’espère que vous faites attention… » l’air de rien sauf d’une femme munie d’un cœur de mère trop grand.

La modiste en Lise fit surface et elle s’interposa entre la jeune fille et son achat. Vint ensuite une autre –encore une autre ?- qui les rejoignis et qui demanda conseil sur les tissus à acheter. Ah ! Les joies d’avoir une amie sociable et qui semblait presque connaitre tout le monde… ou qui en donnait l’impression. « Hai ! It’s beau ! » Répondit l’enfant en pointant ledit velours vert qui semblait faire fureur. Je me demandai alors si mon fils trouvait réellement ce tissu joli ou s’il répondait dans le même sens que Lise juste pour lui faire plaisir, même si celle-ci, au final, dédaigna la chose. Mon fils, mon petit chéri, venait donc de m’abandonner pour un trio féminin, il tournait un peu sur lui-même, les regardant tour à tour.

Un peu en retrait, je passai une main sur mon visage et baissai les yeux vers Gardenia qui m’était restée fidèle. Je lui fis une grimace sur l’attitude de son cadet et elle y répondit, amusée. « They won’t marry you ! » Lança la gamine avec sa voix cristalline, ce qui piqua au vif son frère qui répondit rapidement « Sjalu ! » Puis il disparut derrière les jupes de Lise, attrapant au passage sa main qui eut le malheur de passer devant ses yeux.

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Je crus naïvement que Lise et ces nouvelles inconnues allaient partir toutes les trois, ensemble, trainant mon fils dans leurs pattes. Oh ! Je les aurais suivies, bien sûr, mais sans m’imposer. Je m’amusai avec ma fille, pris sa main et la fis tourner sur elle-même. J’attrapai sa tête blonde et la secouai doucement dans un mouvement circulaire. Elle rit, enjouée. Les petits garçons aimaient se tirailler et se faire balloter, et Gardenia, qui ressemblait à une fragile enfant n’aimait pas moins se bagarrer, une vraie casse-cou !

Je m’arrêtai lorsque Lise revint prendre mon bras et levai des yeux curieux sur elle. Se faire pardonner ? S’emballer ? Mais oui, emballez-vous, ma chère ! C’était très bien, très réjouissant ! Dire que la couturière ne désirait pas venir au départ, maintenant qu’elle était toute émoustillée à l’idée de partager ses connaissances, pourquoi l’arrêter ? Je ne sus quoi lui répondre, m’attendant à fermer la marche plutôt qu’à l’ouvrir.

Honey répondit à ma place, peut-être en ayant remarqué que la prise de décision n’était pas mon fort. « Aller avec them ! » Il sautilla, agrippé au gant de Lise qu’il n’avait pas l’intention de lâcher. J’hochai la tête, regardant finalement la jeune domestique, puis la petite Constance. « Oh… Oui, pourquoi pas ? Nous n’étions pas bien occupées, si ? » Un coup d’œil vers Lise, puis je jetai un regard sur l’étendu devant nous. Ah! Que tout était dense et qu’est-ce que je ne savais pas où trouver quoi. « Mais je propose de suivre Madame Champézières qui sait se repérer ici mieux que moi. »

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Honey était très amusé par le jeu de rôle auquel s’adonnait Lise. Il trainait autour de sa robe, s’accrochait à elle pour ne pas la laisser partir ou pour la suivre d’encore plus près. La scène devait être bien mignonne, mais peut-être agaçante à la longue. Catharina espérait que Lise ne se mettrait pas en colère contre l’enfant, à la longue. Le petit garçon, insatiable d’attention, trouvait bien son compte auprès de la dame trop gentille et n’hésitait pas à envahir son espace personnel pour obtenir quelques bisous.

Le cri de panique d’une femme au loin n’échappa pas à la jeune mère. Catharina se figea. Qui avait eu l’idée de mettre le feu la journée où elle sortait de chez elle et ce, accompagnée de ses enfants ? Elle baissa les yeux, regarda autour d’elle pour repérer Gardenia et Honey. La fillette cherchait les flammes grandissantes autour d’elle, mais ne voyait rien et était presque déçue. Dans le temps de le dire, Catharina l’avait attrapée sous les bras et soulevée pour la porter contre elle. Honey, quant à lui, c’était contenté d’imiter et d’imprégnée la panique qui débutait, promenant ses prunelles effarées un peu partout autour de lui. « Jeg er skremt… » Marmonna-t-il timidement.

Catharina ne craignait pas le feu en tant que tel. Elle était effrayée par lui, pour ses enfants. Elle était apeurée par la panique qu’il engendrait. Frôler des inconnus, se faire bousculer. Tout ce que la norvégienne fuyait habituellement dans le confort de sa maison. Du mieux qu’elle le put, elle se faufila entre les autres, tentant d’éviter en contact avec eux. Elle se fraya un chemin –non pas sans jouer des coudes un peu- vers la sortie. Catharina n’alla pas trop vite, pour ne pas perdre de vue son fils qu’elle ne pouvait prendre également dans ses bras. Elle l’aurait violemment tiré par le bras, pour le trainer avec elle le plus vite possible mais, pour se rassurer, elle se dit que Lise ne prenait soin, qu’elle ne le lâcherait pas derrière.

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