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| Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Maître et Corbeau Mar 20 Nov - 9:02 | |
| Il boit. Heureusement, il n’est jamais ivre. D’ailleurs ce n’est que son deuxième verre et le triple sec ne tape pas autant que le genièvre. Et puis c’est mercredi. Il boit, sans se presser. A côté du verre, sa main est posée sur un petit cahier usé. Parfois, il écrit quelques mots, mais le plus souvent le poignet est immobile et le crayon suspendu dans les airs. Il ne sait pas trop ce qu’il écrit ; d’ailleurs, il ne se relit jamais. Cela n’a sans doute pas d’importance. Il boit et son regard se perd un peu, à force de regarder les gens. Dehors il fait noir et à l’intérieur il fait jaune. Les becs à gaz du café peinent à éclairer correctement. Des ombres immenses et grotesques dansent sur les murs. Le vin a réveillé les langues et les discussions vont bon train ; dans le brouhaha, Augustin capte quelques mots au hasard : « c’t’un peu fort ! … putain d’la République ! … ben voyons… avec un peu d’huile, oui monsieur ! ». Une fille a commencé à chanter, tout à l’heure, et puis elle a renoncé. Elle n’a pas la voix forte des goualeuses, et puis il y a trop de bruit, alors elle a renoncé. C’est dommage. Elle a l’air déçu ; elle sirote un verre au comptoir, en regardant la salle les sourcils froncés. Augustin lui a souri, pour la consoler, mais elle n’a peut-être pas vu, ou elle n’a pas compris. La buée forme un rideau qui habille les carreaux sales du bistrot. A quelques tables d’Augustin, des jeunes gens disputent une partie de cartes. Il y en a un qui triche assez grossièrement, mais les autres ont l’esprit trop échauffé pour s’en rendre compte. Il va gagner, probablement, et ses camarades lui paieront un coup. Parfois, la porte s’ouvre. Un vent froid s’engouffre dans la salle, et une femme crie pour qu’on ferme. Les nouveaux venus sont happés par la chaleur humide du lieu. Ils se faufilent entre les tables pour rejoindre un ami, une maîtresse, le comptoir. Le comptoir, c’est pour les gens seuls. Mais Augustin a préféré s’asseoir à une table, dans le coin. Là il est tranquille dans le bruit, il n’est pas trop bousculé. De là il voit tout ; au comptoir, la petite a commandé un nouveau verre et le patron la sert. Il ne devrait pas. Bientôt elle chantera à nouveau et le vacarme ne l'arrêtera plus, elle chantera avec cet accent des faubourgs qu’elle avait su chasser tout à l’heure, avec une maladresse de fille saoule qui prend sa revanche. - Spoiler:
Voilà, si le décor te convient, je t'attends
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| | | Le Corbeau
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Jeu 22 Nov - 17:34 | |
| La nuit ne faisait que commencer que déjà le froid s’était installé dans les rues de Paris. Ce soir-là, j’aurais préféré rester près de mon feu que de sortir pour accomplir un contrat. Mais bon, j’acceptais tout contrat que venaient me proposer les gens assez fous pour se balader dans les mauvais quartiers la nuit afin de rencontrer un homme qui ne montrait jamais son visage aux clients.
Je devais récupérer la montre familiale d’un homme que sa sœur avait, en grande romantique, fait cadeau à son amant avant qu’il ne la quitte pour une putain, enfin c’est selon la version du jeune homme. Moi, je ne désirais savoir rien de plus que le montant qu’il était prêt à payer pour sa montre.
J’entrais donc dans le café où la cible avait l’habitude de venir boire avec ses conquêtes. Une femme un peu émécher avait décidé de faire résonner sa voix affreuse à mes oreilles de corbeau, et le mécontentement des gens du café montrait que ce n’était pas sa première chanson de la soirée. La lumière faible était parfaite pour moi dans cet endroit et la chaleur commença à rendre à mes joues rougies leur blancheur habituelle.
J’allais immédiatement au comptoir et commençais à repérer celui que le jeune homme m’avait décrit : un peu plus grand que les autres, trop bruyant pour sa faible voix qui lui donnait très probablement un complexe d’infériorité, chacun de ses gestes commençait déjà à s’élargir un peu trop et son manteau muni de grandes poches balayait ses alentours avec la menace de projeter son contenu plus loin. Je n’aurais qu’à attendre un peu avant de voir si je pourrais retirer quelque chose de lui ce soir-là.
Alors que je parcourais la salle des yeux, en reconnaissance d’une table plus appropriée qu’un comptoir où il était louche de regarder trop les gens. Je remarquais à une table un homme seul qui balayait lui aussi la salle du regard et qui m’avait probablement regardé entrer. Il ne devait avoir, à première vue, qu’un maximum de 15 ans de plus que moi, mais les apparences ne sont pas toujours fiables. Je me levais donc du comptoir afin d’aller m’installer avec lui, ou plutôt lui demander une place à sa table, afin de tenter de passer un peu plus inaperçu, tout en m’offrant aussi bien que possible un poste d’observation. De plus, je m’éloignais du même fait de la vache beuglante.
« Me permettriez-vous de prendre une place avec vous et partager la soirée? » lui disais-je, en faisans déjà le geste de tirer une chaise avec vu sur ma cible.
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| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Ven 23 Nov - 11:26 | |
| On voit de drôles d’oiseaux, parfois. Augustin a suivi du regard le nouvel arrivé qui se fraye un passage en ligne droite vers le comptoir. Pour scruter la salle. Cet oiseau-là n’est pas là pour rien. Cet oiseau-là manigance quelque chose. On dirait qu’il est venu attendre l’amant de sa femme. Il va boire un peu pour échauffer sa colère et tromper son impatience, et puis dès que l’homme entrera il lui mettra son poing dans la figure. Ça fera de l’animation dans le café, les gens rigoleront. Ou alors, si l’amant ne vient pas, le malheureux cocu finira la soirée en sanglotant, rond comme une soucoupe. Et les gens rigoleront aussi.
Mais voilà que le drôle d’oiseau s’approche et demande l’hospitalité à sa table. Il demande même davantage : partager sa soirée avec Augustin, rien de moins ! La formule tire un sourire discret à l’instituteur :
« Je vous en prie ».
Il laisse l’inconnu s’installer. Son regard se détourne de lui, et erre de nouveau du côté du comptoir où, sans surprise, la petite a recommencé à piauler. Sa chanson, attendrissante tout à l’heure, est vulgaire maintenant. Les joueurs de cartes ont interrompu leur partie pour la siffler et lui lancer des quolibets. Eh, p’tite sœur, c’pas l’opéra ici hein ! Va donc gueuler ailleurs ! Ouais, hé patron, fais-nous plutôt rev’nir la Goulue ! Et ils rient grassement comme des étudiants en goguette.
Augustin fronce les sourcils. Pour faire taire les plaisantins – et la chanteuse –, le patron la ramène au comptoir et lui sert un nouveau verre. Elle n’a pas l’habitude, cela va l’assommer et on aura la paix. Les sourcils de l’instituteur se froncent un peu plus.
« Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites… » récite-t-il à mi-voix. Pas évident que son voisin l’entende, dans ce bruit. Un peu triste, il regrette : « Si seulement quelques personnes l’avaient écoutée, tout à l’heure… »
Puis il porte son verre à ses lèvres, boit une gorgée. Ce n’est pas un bavard, Augustin. Pourtant il a posé son crayon et, sur la table, le petit cahier relié de cuir semble devenu inutile. |
| | | Le Corbeau
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Lun 10 Déc - 17:46 | |
| M’asseyant, je regardais en alternance celui avec qui je passerais la soirée et mon objectif. Je voulais absolument réussir ce contrat, et pour ce faire je devais être sûr de ne pas manquer un seul instant de ce qui se déroulait. Pendant ce temps, la beuglante faisait encore mal aux pauvres oreilles froides des nouveaux venus et les oreilles trop réchauffés de ceux qui étaient déjà là depuis un moment. Alors que finalement on la faisait taire, je parvenais à comprendre la suite de ce que l’homme disait. « Si seulement quelques personnes l’avaient écoutée, tout à l’heure… »Je pensai un instant à ce qu’il venait de dire. Puis, pendant qu’il sirotait son verre, je lui répondis : « Si ces quelques personnes l’avaient écouté, j’ai peur qu’elles ne soient devenues sourdes avant qu’elle ne finisse sa première chanson ».
Disant cela, j’avais décidé de sortir un paquet de cartes à mon tour. Je souhaitais jouer discrètement à deux afin de pouvoir surveiller l’ivrogne de l’autre table. Au fond de moi, je souhaitais surtout que justement cet ivrogne me voie et décide de tenter de plumer le vieil oiseau que j’étais et y perde sa précieuse montre. Celui-ci en effet chantait maintenant plus fort que la beuglante du début, et lui on ne pourrait pas le faire taire avec plus de boisson, au contraire. Mais loin de perdre sa partie de cartes, il gagnait une confiance aveugle qui le perdrait probablement d’ici la fin de la soirée, scénario qui devait surement se répéter soir après soir avec lui. Cependant aussi je m’intéressais un peu plus à celui qui me tiendrait compagnie. Je lui donnais maintenant la mi-quarantaine, et bien qu’il ne semblait pas très riche, son calepin me faisait penser à un homme d’une certaine érudition. Après tout, ce n’est pas tout le monde qui traine un calepin ainsi et le laisse trainer au milieu d’une table. Je lui proposais subtilement de faire une partie de cartes en lui montrant le paquet que j’avais entre les mains, surveillant toujours du coin de l’œil la salle. - Spoiler:
Désolé du temps de réponse, j'ai manqué de temps et en plus j'ai eu la grippe pendant une semaine. J'espère te donner assez de matériel.
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| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Mar 18 Déc - 9:31 | |
| Son esprit est ailleurs… Augustin voit bien que son voisin pense à autre chose. Sa réplique, mesquine, a déplu à l’instituteur qui n’a pas voulu répondre. L’autre s’agite, ne cesse de regarder en direction des joueurs de cartes. Ce n’est peut-être pas une affaire de cocufiage, finalement. Peut-être le drôle d’oiseau prépare-t-il vraiment un mauvais coup ? Il gagnerait à se faire discret, dans ce cas. La proposition le prend au dépourvu. Jouer aux cartes ? Il n’en a guère envie, Augustin. Pour s’accorder le temps de formuler son refus, il range son cahier dans la sacoche qui traîne sur la chaise à côté de lui. Sans se presser. Et puis, il croise le regard sombre de son voisin. Ses cheveux en pagaille. Alors que l’instituteur fait plus vieux que son âge, celui-là a le regard d’un enfant cruel. C’est cela qui le décide, finalement. « Que diriez-vous d’un grabuge ? » propose-t-il. Ses yeux sourient un peu ; il trouve ce jeu très adapté à son nerveux compagnon. « Il nous faudra pourtant un deuxième jeu. Cela se trouvera facilement, sans doute. Permettez… » Il se lève et se rend au comptoir, de son pas tranquille. La fille s’est tue. Elle boit sagement, le regard un peu flou déjà. Sa tristesse touche Augustin ; il y a des soirs où il est le père de l’humanité entière. Il voudrait lui dire un mot mais ne le trouve pas, alors il retourne à sa place. Sur la table, il dépose le jeu de cartes qu’il est allé chercher, et deux petits verres de triple sec. Il en pousse un vers son voisin, d’autorité. « Dans un café il faut boire jeune homme, surtout si l'on n’est pas venu pour ça. » L’ombre d’un sourire passe sur ses lèvres mais, imperturbable, il rassemble déjà les deux jeux, bat les cartes, en fait deux tas, s’occupe du sien. Cela fait des mois, des années peut-être qu’il n’a pas joué. Pourtant ses gestes sont sûrs, ce sont des choses qui ne se perdent pas. Avant de commencer, il boit une gorgée. « Eh bien, vous ne faites pas votre grabuge ? » demande-t-il finalement. - Spoiler:
Grabuge : jeu de cartes à la mode au XIXème siècle ; c'est aussi le nom d'un petit paquet de cartes que constitue chacun des deux joueurs, dans ce jeu. Et c'est aussi, bien sûr, un mot pour désigner une bruyante querelle...
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| | | Le Corbeau
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Mar 8 Jan - 9:56 | |
| Je vis l'homme hésiter un moment, se questionner longuement. Hésitait-il à me dire oui simplement parce qu'il n'aimait pas ces jeux ou était-il en train de me juger? J'avais vu souvent ce regard chez les hommes intelligent, celui qui se demande s'il est sage de s'attarder. Cependant, cet homme est différent: Il n'a pas peur. Pas comme les autres. Il semble plus courageux, ou peut-être plus fou. La ligne entre la folie et le courage est si floue, il en va de chacun de déterminer sa propre limite. Peu importe, après avoir hésité un moment entre partir et jouer, il me propose de jouer au grabuge. N'attendant que très peu mon accord, il partit prendre un autre paquet. Il y avait quelques temps que j’avais joués au grabuge, mais cela semblait adapté à la situation. Trop adapté justement? Peut être étais-je trop nerveux, et qu’il avait remarqué quelque chose. Ce n’était pas un soir qui me plaisait pour travailler, aussi je commençais à me demander si je n'étais pas tombé dans des habitudes de débutants en voulant me presser. Après s'être attardé un moment sur la beuglante, semblant avoir pitié d'elle, il arriva avec un autre paquet de carte et deux verres. Me poussant l’un d’eux, il me le proposa: « Dans un café il faut boire jeune homme, surtout si l'on n’est pas venu pour ça. »Cette fois, même un idiot aurait compris l'allusion. Il confirmait ce que je pensais à ce moment: J'étais beaucoup trop presser d'en finir avec ce travail et je me posais trop de question, j'en oubliais l'essentiel, la base. Je m’en voulais alors, je n'étais plus un débutant pourtant. Je devais me calmer immédiatement, et jeter des coups d'œil moins fréquents sur l'homme qui avait la montre. Celui ci avait commencé à perdre, et les verres qu'il avait dans le nez commençaient a lui brouillé les sens. Bientôt, il perdrait encore et encore, jusqu'à perdre le contrôle et à partir une bagarre. Je n'avais probablement qu'à attendre qu'il commence à se battre. Pour le moment, je devais pour ma part contrôler ma nervosité. « Eh bien, vous ne faites pas votre grabuge ? » Avant de commencer, je sortis quelques pièces, juste assez pour ce que je croyais que mon verre avait coûté. Merci, mais je préfère payer mes verres moi même.Je commençais donc ensuite à faire mon grabuge, plus calme maintenant, et me concentrant aussi plus sur celui qui m'avait accueillit à sa table. - Spoiler:
Voilà, désolé de ne pas dévelloper plus, mais je ne sais vraiment pas a quoi ressemble une parti de grabuge. Désoler du retard aussi, j'étais fatiguer après l'opération, je vais répondre beaucoup plus vite maintenant.
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| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Sam 12 Jan - 8:53 | |
| L’oiseau a eu l’air un peu vexé et s’est calmé. C’est bien. Lorsqu’il a sorti les pièces, Augustin lui a jeté par-dessus la table un coup d’œil interrogateur ; il a haussé les sourcils mais n’a rien dit. Et la monnaie est toujours là, entre leurs deux jeux de cartes. Augustin retourne la première carte de son grabuge et, lorsque son compagnon a fait de même, la partie débute. Il a un valet quand l’autre n’a qu’un six, c’est donc l’instituteur qui commence. Il pose deux cartes, laisse déjà la main. Les deux joueurs font monter les paquets en silence. Silence tout relatif dans le chahut ambiant. Lorsque le jeu est bien rôdé et que les cartes s’enchaînent, Augustin s’autorise à reprendre son verre de temps en temps. Cela descend vite, le triple sec. « Vous savez pourquoi j’aime parfois venir ici, dans ce café-là en particulier ? » Un temps. Une carte se pose. Augustin n’a pas levé les yeux du jeu. « Parce qu’on y est singulièrement anonyme. Ce n’est pas familial, ce n’est pas convivial. Je viens, je m’assois, je peux ne parler à personne si je veux. Incroyable comme cela fait du bien, parfois, de se sentir seul au milieu de ses semblables. » Et, d’un coup, il a l’air plus fatigué, plus vieux. « C’est plus facile de les aimer comme ça, de loin, anonymement. Les autres, je veux dire. De les aimer abstraitement. Vous comprenez ce que je veux dire ? » Cette fois, il a croisé le regard de son partenaire. - Spoiler:
Je suis partie pour de la discussion davantage que pour de l'action, mais libre à toi de faire changer ça si tu le souhaites
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| | | Le Corbeau
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Ven 8 Mar - 4:16 | |
| Je ne touchais presque pas à mon verre. Je le sirotais lentement, comme pour profiter de son goût qui n’était pas mauvais, mais en restant assez banal. Le jeu se déroulait depuis un moment lorsque l’homme en face de moi, silencieux depuis un moment, se remit à parler. Me posant une question d’abord, il se répondit à lui-même rapidement. Plutôt, il se répondit rapidement pour le rythme avec lequel nous parlions depuis le début de la soirée, la conversation était loin d’être un débat enflammé entre deux idéologies opposées. L’homme me donnait l’impression de plonger dans des pensés plus sombres, de laisser ses monstres intérieurs remonter un peu. Peut-être que je me trompais.
« C’est plus facile de les aimer comme ça, de loin, anonymement. Les autres, je veux dire. De les aimer abstraitement. Vous comprenez ce que je veux dire ? »
Il me regarda dans les yeux. Je savais à ce moment que je devais le faire aussi et sans hésitation. Il y a longtemps que j’ai appris que peu importe la raison ou la personne qui me regarde dans les yeux, je dois toujours montrer l’assurance dans mes yeux, et un calme de pierre. Il ne faut jamais laisser paraître l’émotion ou les pensées, et répondre vite aux questions.
« C'est vrai pour ceux qui les côtoie dans d'autres situations peut-être. Je crois plutôt le contraire. C’est justement pendant que l’on regarde de loin que nous découvrons les petites habitudes, les défauts des gens. De loin, nous ne sommes pas aveuglés par le sentiment et l’amitié que nous pourrions éprouver à leurs côtés. Et c’est pour cela que je préfère la distance avec les gens, je ne peux me permettre l’aveuglement. Moi de loin, je ne vois qu'une pauvre beuglante désespérée, un alcoolique joueur compulsif, un tricheur en face de lui, et un adultère au fond là bas. »
J’avais dis ce que je pensais avec toute mon assurance. J’avais commencé ma soirée comme un débutant, pensant que ce serait facile : Le hasard m’avait fait rencontrer cet homme et avait rendu la tâche plus difficile. Je jetais un autre regard sur ma cible, qui semblait stagner dans sa partie, perdant et gagnant les même montant, jouant du peu de stratégie que l’alcool n’avait pas fini de lui retirer.
Je continuais à jouer avec l'homme en face de moi. Je n'avais pas jouer souvent a ce jeu, mais je l'avais vite compris.
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| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Jeu 21 Mar - 23:15 | |
| Lui qui croyait que l'homme allait éluder la question ! Il est bien surpris, Augustin. Il a pensé, un peu plus tôt : Celui-là a le regard d'un enfant cruel. Cette fois, il pense : un écorché vif. L'un n'exclut pas l'autre, d'ailleurs.
Les yeux d'Augustin s'attardent sur l'homme qui lui fait face, cherchent à comprendre. Ils posent des questions muettes et sans insistance. Au contraire de son compagnon qui a répondu très vite, l'instituteur a besoin de silence avant de reprendre. Le silence lui est absolument nécessaire. Il y a toujours quelques fractions de seconde muettes avant une réponse d'Augustin ce qui surprend, parfois, ses interlocuteurs. En l'occurrence, ce sont plutôt quelques longues secondes qui s'écoulent. C'est l'autre qui joue, et Augustin le regarde poser ses cartes. Autour d'eux, le même bruit de fond confortable avec, de temps à autre, un éclat de voix rassurant.
Son verre est presque vide déjà. Boit-il si vite ? Sa vue est claire, pourtant. Augustin n'est jamais ivre.
« C'est curieux... » dit-il finalement. « Les gens, d'habitude, cherchent à ne voir que le côté ensoleillé des autres. Ils ont peur de découvrir de la noirceur chez ceux qu'ils aiment. Mais vous... Vous, c'est le contraire : vous craignez de découvrir des raisons de les aimer... Pourquoi ? » |
| | | Le Corbeau
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Mer 27 Mar - 17:35 | |
| "Vous craignez de découvrir des raisons de les aimer... Pourquoi ? "
Je n'attendais pas cette question. En avais-je tant dis? Non. Cet homme était simplement un peu trop intelligent, je devais m'éloigner de lui rapidement. Malgré l'alcool qu'il avait bu, il était vif d'esprit et tentait de soutirer le plus d'information possible. Heureusement, notre partie de carte s'achevait et je sentais que j'allais pouvoir prendre possession de mon objectif. Mais pour l'instant, je devais au moins lui répondre.
"Je ne cherche pas le côté sombre des gens. Chacun de nous voyons les choses différemment, vous et moi sommes différent. Tout se base sur l'espoir que nous avons encore en l'humanité, et vous semblez en avoir beaucoup plus que moi."
Je bus une gorgé rapidement avant de recommencer.
"Le fait est que je suis du côté de ceux qui ne voient que le côté pessimiste des gens. Vous pourriez croire que c'est par intérêt personnel que je recherche les défauts et vous n'auriez peut-être pas totalement tord. Mais par contre n'allez pas croire que voir le mauvais côté des gens n'a que des désavantages."
Je voyais bien que l'homme allait perdre sa montre. Encore juste quelques minutes, je le sentais, je le savais. |
| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau Mer 3 Avr - 2:23 | |
| Tout cela est confus. L'alcool brouille-t-il la compréhension d'Augustin ou la réflexion de son compagnon ? Le fait est que les dernières phrases restent obscures pour l'instituteur. Que veut-il dire, le jeune oiseau englué dans sa haine du monde ?
Augustin ne dit rien. Il sent que les confidences, même floues, sont fragiles et il ne veut pas les briser prématurément. Alors ils jouent encore un peu en silence avant qu'Augustin ne reprenne, le ton léger :
« Le seul avantage que je vois à votre perception du monde, c'est l'absence de scrupules. En voyant l'autre sous son jour détestable, on peut lui nuire... presque en bonne conscience. ... Mais à la réflexion, ce n'est pas du tout un avantage. » remarque-t-il, soudain plus sérieux. « C'est le pire des aveuglements. Un aveuglement qui donne l'illusion de la liberté la plus totale... Je plains l'homme qui en serait victime. Il ignore que la liberté ne peut être qu'éclairée, et que la lumière ne se trouve pas dans les ténèbres... »
Alors que ces mots flottent encore entre eux, la partie de cartes se termine et les traits d'Augustin se détendent tout à coup. Ses sourcils froncés se relâchent et un sourire allume une joie simple dans son visage :
« Le jeu est serré, je crois qu'il faudra compter les paquets. » |
| | | Le Corbeau
Messages : 19
| Sujet: Re: Maître et Corbeau Lun 7 Oct - 14:47 | |
| "Vous compterai donc les paquets mon cher ami, car vous semblez plus familier que moi a ce jeu." Je poursuivis ensuite en répondant à sa réponse:
"Et je peux vous dire, sans scrupules, que je suis celui qui profite de l'aveuglement et de l'illusion des gens, je suis celui qui vit libre dans les ténèbres. La liberté, mon cher, ne se trouve aucunement là où les autres peuvent vous voir, bien au contraire. Jamais un n'homme ne sera plus libre que dans la noirceur..."
Et ça, je le savais bien mieux que n'importe qui.
L'homme que je surveillais fit enfin le geste espéré: Il balaya la table de son bras, fou de rage suite d'avoir perdu sa main. Les cris des joueurs et clients indignés se firent entendre et le petit bar devint rapidement un lieu qu'il vaudrait mieux, pour les gens respectables, de quitter.
"Malheureusement, mon nouvel ami, je crois qu'il vaut mieux disparaître!", lançai-je alors, de façon à ce que le professeur m'entende. Je me levais, relançant sur la table quelques pièces de monnaie. J'avais bien remarqué l'endroit où la montre avait glisser, et alors que je me dirigeais vers elle, je vis mon butin m'échapper lorsqu'un voleur de bas étage sauta sur l'occasion avant moi. Espérant que le professeur avait trop bu pour remarquer quoi que ce soit, je sortis, suivant le pauvre homme qui venait de me prendre ce que je voulais.
Nous repartîmes, moi et cet inconnu qui me volait mon gain, dans la liberté que nous offrait la nuit. |
| | | Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
Messages : 72
| Sujet: Re: Maître et Corbeau Mer 8 Jan - 4:24 | |
| Augustin a peut-être vexé le drôle d'oiseau. Certainement, il l’a vexé.
Alors Augustin se tait et compte les paquets. Il a à peine le temps d’annoncer le résultat – l’instituteur a gagné, mais de peu – que le café bascule dans un tumulte qui tourne à la bagarre. Disparaître ? Le conseil n’est pas mauvais. Augustin rassemble ses affaires et se lève. Ses jambes sont un peu lourdes – le triple sec fait son petit effet, malgré tout – et c’est lentement qu’il se fraye un passage jusqu’au comptoir. Il y dépose le jeu de cartes, coule un regard vers la chanteuse de tout à l’heure : elle a somnolé un moment, la tête sur le bar, puis le chahut l’a réveillée. Maintenant, l’un des étudiants profite de son hébétude pour la peloter et elle se laisse faire, molle entre ses mains.
Augustin se sent pris d’une envie de pleurer, se reproche l’alcool qu’il a bu et, remontant sa sacoche sous son bras, il sort du café. Le froid lui brûle les yeux et la gorge. Il rentre chez lui à grandes enjambées. A l'intérieur du bistrot, le ballet humain se poursuit, banal et triste dans la lumière jaune des becs à gaz. |
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| Sujet: Re: Maître et Corbeau | |
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