Les bois de Boulogne, voilà ce qu’inspirait l’image à mon jeune fils. Des gens qui se promènent, des arbres, esquisses incertaines. Nous croisâmes quelques personnes, mais aucune connaissance. Les demi-mondaines trainant dans les alentours le matin avaient quitté les lieux depuis un moment, laissant place aux « véritables » mondains. L’enfant et moi discutâmes tranquillement, en pointant les coins de jeu préférés où lui et ses frères et sœur aimaient trainer. Là ils avaient enterré une pierre qui représentait un esprit hasardeux, et à un autre endroit ils avaient frappé leur cadet avec un branche et… Quoi ?! « Vous avez frappé Honey avec une branche ? » Je m’arrêtai, surprise et le regardai dans les yeux, bredouille, il marmonna « Pas moi ! ‘Denia ! Elle a dit, pour le rendre plus fort ! » Je soupirai, portant une main à mon front. Ces frangins formaient vraiment une équipe particulière, s’entraidant parfois, lorsqu’ils ne tentaient pas de s’arracher la tête. Heureusement, aucun d’eux ne semblait marqué par les tortures qu’ils s’infligeaient !

Après m’être –encore une fois !- assurée que mon très –trop- cher fils était bien habillé et tout enveloppé nous continuâmes nos recherches. Où serait donc caché le prochain indice ? Dans le creux d’un arbre ou entre les branches d’un buisson ? Sous un banc, peut-être ?

Snowden fut interpelé par quelque chose et couru, s’éloignant de moi. Je le surveillai faire aller ses courtes jambes puis se pencher vers un banc. D’un pas plus pressé, je m’approchai de lui « Tu as trouvé quelque chose, meg hjertet ? » Il passa en dessous, s’étalant presque parterre –je le tirai un peu pour qu’il se redresse- et en ressorti avec une chose bien curieuse entre les mains : Une fausse moustache. Ma bouche se fendit en une grimace incertaine et j’attrapai du bout des doigts l’objet que mon fils me tendait. Sur combien de lèvres avait passé cette étrange moustache ? « Tu as de bons yeux, meg angel, mais je doute que ce soit ce que nous cherchons. » J’écartai les doigts et laissai l’objet retomber mollement au sol. Je soupirai, toujours calme, et encourageai l’enfant à chercher ailleurs.

Mon fils semblait être émerveillé parce tout ce qu’il trouvait, ce qui n’était pas son genre en temps normal, lui qui était si calme et réservé ! Il me ramena une grande paire de gant dont je mesurai la taille à l’aide de ma main gantée. Je les agitai un peu, les observai sous toutes ses coutures et décidai de les garder. S’étant éloignés dans un coin reculer du bois, je pris la main de fils pour que nous rejoignîmes des lieux plus fréquentables. On pourrait me voir dans ces lieux louches et croire que j’attendais un amant ! On l’avait déjà cru dans un lieu public et ouvert, accompagnée de trois de mes enfants, alors les bois avec un seul… Nous continuâmes nos recherches, mon fils s’écartant de moi pour aller fouiller de plus près les petits détails qui semblaient siii pertinents aux yeux d’un enfant !

Les enfants étaient de véritables touche à tout. La majorité des adultes trouvaient cela ridicule et dérangeant, tout en oubliant qu’ils le faisaient eux-mêmes, il y a de cela de nombreuses années. Snowden Ainsworth ne faisait pas exception à la règle, malgré son caractère refrogné, accourait d’un sens et d’autres pour explorer les bois de Boulogne. Il revint, tout heureux –mais très heureux- avec une pièce brillante en main. Je la pris dans ma paume et la regardai un moment, distinguant bien de quoi il s’agissait. Lisant dans mon esprit, petit Snowden prit ma manche et m’entraina là où il avait trouvé la pièce. Qui sait, peut-être n’était-ce qu’une partie de ce que nous cherchions tant ?

Le dessous des bancs n'était pas totalement inintéressant. En se redressant, Lise tenait entre ses doigts... une jarretelle. Bien. Intéressant. Comment un tel objet avait-il pu atterrir là ? Lise ne préférait pas imaginer. Mais l'objet était d'assez bonne qualité, ma foi, et il était dommage de la laisser moisir là. Il eût été regrettable, surtout, qu'un enfant tombât dessus en jouant. Sa gouvernante eût été bien embêtée pour répondre aux inévitables questions. Bref, Lise emporta l'objet. Bon. Trêve de plaisanteries. Il commençait à faire nuit et sérieusement froid. Lise bâilla. Re-bâilla. Bien. Il était temps de rentrer. En se laissant tomber sur la banquette d'un fiacre, Lise sentit la somnolence la gagner. Ses joues, rougies par le froid, chauffaient étrangement.

Spoiler:

« Mor, j'ai froid... » Murmura timidement l'enfant en revenant, les mains vides, vers moi. Je me baissai à sa hauteur et caressai sa joue rougie par le vent de février. Si je me sentais bien dans cette fraîcheur, mon pauvre fils, lui, préférait la brise du printemps ! Je remontai son foulard en laine sur son nez, rajustai le col de son manteau et lui susurrai comme réponse : « On va rentrer à la maison, Hjertet, nous avons assez cherché pour aujourd'hui ! » De plus, le soleil se couchait lentement, teintant le ciel de jolies couleurs. « Did du have fun ? » Il cligna des paupières, réfléchisant quelques secondes avant de me répondre avec un petit gémissement enjoué.

Je me relevai et lui pris la main pour repartir. Nous prîmes un fiacre pour rentrer. Snowden, durant le trajet, frictionna ses oreilles à l'aide de ses moufles. Ce jeu de cherche et trouve, même s'il n'a pas été concluant, nous avait bien amusé. Tant pis pour les cinq milles francs ! J'espérai néanmoins que la personne qui tombera dessus saura en faire bon usage !