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 Mieux vaut découdre qu'arracher.

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Mieux vaut découdre qu'arracher. Empty
MessageSujet: Mieux vaut découdre qu'arracher.   Mieux vaut découdre qu'arracher. EmptyLun 22 Oct - 10:32

    Le Printemps revenait doucement sur Paris, et Jacques venait tout juste de fêter son trente-deuxième anniversaire, dans le silence le plus complet. Il était vrai qu'il venait tout juste d'arriver sur la capitale, ville qu'il ne connaissait quasiment pas, et que l'officier ne connaissait que peu de personnes, hormis son aide de camp et quelques camarades de promotion, dont l'un entre eux avait fait Saint-Cyr en même temps que lui. Bien que c'était le week-end, et que de Reichshoffen était censé être de repos, il avait été convié pour une réception le soir même, par le Général commandant l'Ecole de Guerre. La tenue de circonstance était bien évidemment la tenue d'apparat, aussi l'Alsacien crut bon de devoir la nettoyer durant la journée, puis de l'essayer. Mais alors qu'il revêtait sa veste, un geste trop brusque de sa part déchira sa manche au niveau de son raccord avec le reste de l'habit. L'officier lâcha bien évidemment une bordée de jurons, pesta contre ces vêtements peu adaptés aux gestes amples et sortit en trombe de sa chambre pour se mettre à la recherche de son fidèle aide de camp, avant de se rappeler que ce dernier était également permissionnaire pour le week-end.

    De Reichshoffen se mit alors en quête du maître tailleur de l'Ecole de Guerre, qui, avec un peu de chance, pourrait réparer sa veste pour la soirée, d'autant plus qu'il n'en possédait qu'une seule. Mais lorsque l'Alsacien se retrouva devant la porte, cette dernière resta définitivement close et verrouillée. Alors qu'il s'apprêtait à baisser les bras, il entendit une petite voix fluette l'interpeller. Interloqué, Jacques fit demi-tour, se retrouvant devant un des garçons qui proposait de cirer les bottes des nombreux officiers et soldats de l'Ecole de Guerre, en échange de quelques piécettes.
    "'Scusez-moi, mon Capitaine (Jacques eut un sourire affectueux lorsque le petit l'appela par son grade) mais j'sais qui pourrait vous réparer ça !"
    "Je t'écoute ?" poursuivit-il, voyant soudainement en ce gamin des rues un éventuel sauveur que la fatalité aurait placé sur son chemin.
    "Ma mère travaille comme assistante chez M'dame Champmézières, et elle dit toujours que c'est la meilleure couturière d'la ville ! Pour sûr, s'il y a bien quelqu'un capable d'rattraper c'désastre, c'est bien elle, qu'elle vous dirait !"
    "Et tu connaîtrais pas l'adresse, par hasard ?"
    "Pas exactement, mais j'peux vous indiquer comment y aller !"

    Un grand sourire naquit sur les lèvres de l'officier, qui écouta avec attention les explications du garçon pour se rendre dans la boutique indiquée. Jacques ébouriffa les cheveux de son sauveur avant de lui donner quelques francs, pour le récompenser de ses services et de son aide. L'officier quitta alors le petit pour emprunter un fiacre et se diriger vers le théâtre d'art, s'émerveillant une fois encore sur les progrès accomplis par la population parisienne. Parvenu à destination, de Reichshoffen s'évertua à chercher la boutique, qu'il ne mit pas longtemps à reconnaître, grâce à la description qu'en avait faite le gamin. "Une grande maison d'pierres blanches" avait-il dit ! De plus, les nombreuses étoffes -de qualité- qui parsemaient la vitrine du magasin ne faisaient aucun doute. L'officier pénétra dans la boutique et laissa ses yeux vagabonder sur le décor et sur les différents modèles. Il n'était pas un fin connaisseur en la matière, mais vu le nombre de clientes qui se trouvaient dans le magasin, il ne faisait aucun doute que cette Madame Champmézières connaissait son métier. Avançant dans le salon, il put entendre quelques gloussements féminins sur son passage, ainsi que le regard admiratif d'un petit garçon qui passait de son sabre à son uniforme. L'officier resta debout au milieu de la pièce et patienta quelques instants, s'imprégnant de l'atmosphère de la boutique.
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Lise Champmézières
Elle court, elle court, la cousette !
Lise Champmézières

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MessageSujet: Re: Mieux vaut découdre qu'arracher.   Mieux vaut découdre qu'arracher. EmptyJeu 25 Oct - 7:21

« Du crépon de laine ? Chère Madame, vous n’y pensez pas ! Ce serait mais… un désastre ! Non seulement ce serait affreux, mais peu confortable, bien trop calorig… calorif… enfin, vous auriez bien trop chaud là-dessous ! »

Ce que les gens avaient de drôles d’idées, tout de même. La baronne de *** en particulier. Il n’y avait qu’à regarder cette atroce pelisse qu’elle portait toujours ! Etait-elle en peau de mouton, de castor ou d’ornithorynque ? On aurait eu peine à le dire. Quant à la couleur, on hésitait : gris, vert, brun chaudron, enfin, cela ne ressemblait à rien. C’était dommage, tout de même, quand on avait les moyens, d’investir dans de pareilles horreurs.

Alors que sa cliente abandonnait difficilement l’idée du crépon pour se tourner vers des étoffes plus raisonnables, un homme fut introduit dans le salon. Le client suivant, sans aucun doute. Lise se retourna pour lui adresser un sourire chaleureux… et elle haussa les sourcils d’étonnement en reconnaissant l’uniforme. Le Commandant Carpentier, si tôt ? Le rendez-vous n’était-il pas fixé au jeudi suivant ? Lise chercha Marguerite du regard comme pour lui demander confirmation, mais la Première restait invisible – trop occupée avec ces dames, sans doute. Eh bien, il fallait croire que le rendez-vous avait été avancé et qu’elle l’avait oublié. Rien d’improbable là-dedans, oh non.

« Je suis à vous tout de suite ! » assura-t-elle au nouveau venu.

Et, de fait, Madame de *** parlait déjà de s’en aller. Elle regrettait peut-être son crépon ? Mais Lise n’était pas femme à abandonner ses idées ou son bon goût pour vendre à tout prix, et elle renonça à retenir sa cliente pour cette fois. De toute façon, Madame de *** reviendrait probablement la semaine suivante avec une nouvelle idée abominable. Lise grimaça et se promit de lui parler de la pelisse.

La petite cour de la baronne s’en alla avec elle, et le salon retrouva un peu de calme. Quelques ouvrières étaient occupées à replier des pièces de tissu et à les ranger dans les armoires en discutant à mi-voix. Dans le silence qui revenait, on entendait des bruissements d’ailes et des caquètements venant de la volière. Lise fit quelques pas vers l’officier qui patientait et lui offrit sa main :

« Cher Commandant, vous me voyez enchantée de faire votre connaissance ! J'avais hâte de vous rencontrer, savez-vous ? Notre petite Suzanne est si discrète quand il s’agit de parler de son fiancé ! » confia-t-elle, plus amusée que chagrinée. « Elle a tort, je le lui dirai. »

C’est vrai, pensa-t-elle, ce Commandant a fière allure. Et il n’était pas aussi vieux que Suzanne semblait le dire !

Le débit auquel parlait Lise laissait peu de place à la contestation. Déjà, elle se retournait à moitié et faisait signe à l’une des filles : « Justine, apportez donc ce que j’ai préparé pour le Commandant Carpentier ! ». Puis, de nouveau face à l’officier :

« J’ai trouvé votre petit mot charmant. Si, si, réellement ! L’idée de cette surprise est délicieuse. Ah, c’est bien vrai ce que l’on me disait hier : il n’y a plus que les militaires, de nos jours, pour être romantiques… »

Et elle ponctua sa déclaration d’un sourire espiègle.

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