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 La vie est un music-hall

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Louison Delorme
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants, dans tes jupons remplis de parfums.
Louison Delorme

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MessageSujet: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyLun 9 Juil - 23:06

C'était la première fois que j'avais une telle "permission" de sortie, depuis les semaines, et même un peu plus, que j'avais passées à la Reine Blanche. Jusque là mon horizon s'était limitée, ou presque, à l'horizon quasi carcéral de la maison où Arthur m'avait précipitée une de ces journées d'hiver tristes et où le ciel est si sombre qu'on ne fait plus vraiment la distinction entre le jour et la nuit. Pendant des jours et des jours mes contacts s'étaient restreints au personnel de la maison et aux clients, le temps de faire mon apprentissage comme on me disait. La honte du premier jour, du premier client, avait d'abord fait place à une certaine révolte, révolte contre ma bêtise de m'être ainsi laissée piéger, révolte contre l'injustice de mon sort, contre l'esprit roublard et manipulateur d'Arthur, contre l'intransigeance de la patronne de l'établissement, contre l'argent de ces messieurs qui venaient s'encanailler ici. Cela avait duré quelque temps puis j'avais atteint un certain stade de résignation, comprenant que ce comportement me desservait, entraînant des menaces, des réprimandes.

J'en vins à une certaine résignation qui, un peu malgré moi, montrait à mes "protecteurs" que le risque de fuite s'estompait peu à peu. Cela me permit d'obtenir quelques courtes sorties durant la journée, où je pouvais flâner dans les rues de la capitale et découvrir ce dont j'avais cru que ce serait le cadre d'une vie idyllique faite d'émerveillements et de découvertes artistiques ou architecturales. Arthur m'avait bien sermonné, et ne se privait pas de me répéter que je n'avais pas intérêt à m'enfuir et que si l'idée me prenait je n'irais pas bien loin. Les perspectives qu'il me brossait allant de punitions corporelles à la mort, en passant par la prison ou la mendicité. J'avais été obligée de changer de nom et, Louise Cottin ayant disparu du paysage, Louison Delorme était connue tant de la police que des clients de la maison. Mes nouveaux papiers mentionnaient monactivité comme une marque d'infâmie et j'étais soumise à des contrôles réguliers. Je m'étais finalement adaptée à cette nouvelle vie, bien que cela ne m'empêche pas de continuer à rêver d'un autre sort, et les clients se montraient satisfaits de mes services. J'avais aussi compris que si je voulais manger à ma faim, me vêtir correctement, façon de parler pour les tenues que je mettais la plupart du temps, et avoir quelques sous de côté, il me fallait être avenante avec la clientèle.

C'est sans doute cette évolution dans mon comportement qui fit qu'un soir de juin on me proposa une nouvelle sortie. Je devais aller dans un cabaret dont j'avais entendu parler, les Folies Bergères. C'était un de ces nombreux endroits de la capitale où l'on s'amusait dans une ambiance bigarrée, mélange d'alcool, de danse et de rires, de gestes un peu lestes, d'hommes et de femmes à la recherche de moments un peu canailles. On ne me laissa pas partir sans me faire de sérieuses mises en garde et la description de filles qui, s'étant vues accorder ce genre de permission et ayant désobéi, s'était retrouvées dans une situation plus misérable encore, me fit frémir d'horreur. Je savais à quoi m'en tenir et les sbires de la mère maquerelle étaient encore plus redoutables qu'Arthur. La permission n'était cependant pas désintéressée et on me l'expliqua avec force détails. Je devais faire de la réclame pour la reine Blanche. Jeune, fraîche et bien présentable mais très appétissante comme j'étais, les regards ne manqueraient pas de se tourner vers moi quand je déambulerais dans le cabaret. J'avais bien compris que je ne serais pas la seule fille de petite vertu à parader ainsi mais celles que je rencontrerais seraient certainement moins jeunes et moins fraiches que moi, moins élégantes aussi. Je devais donc glisser quelques mots ici ou là à des messieurs qui pourraient être intéressés par une vie à la Reine Blanche et qui ne manqueraient pas de trouver que cela mériterait le détour si toutes les pensionnaires étaient à mon image. Je n'avais aucune idée de ce que pourrait être la réaction des filles auxquelles je viendrais en quelque sorte ôter le pain de la bouche.

On m'avait donné, quelle générosité, de quoi payer l'entrée du cabaret. C'était pour moi un monde totalement inconnu et j'eus un instant d'hésitation en franchissant la porte de cet établissement. Il y avait beaucoup de monde à l'intérieur et aussi beaucoup de bruit, à la fois les discussions, des voix qui portaient loin pour certaines, surtout quand l'alcool avait commencé à agir, de la musique aussi. Le spectacle était partout, dans la salle et sur la scène où quelques danseuses, certaines peu vêtues, se livraient à leurs numéros. J'avançais prudemment et scrustait du regard l'assistance. J'aperçus un peu plus loin une jeune femme, qui me parut plutôt élégamment vêtue, une tenue et une allure qui dénotait quelque peu. Je me dis qu'elle ne faisait assurément pas partie de ces filles légères qui cherchaient leur gagne pain ni du personnel de l'établissement. Je me demandais s'il s'agissait d'une jeune bourgeoise cherchant à s'encanailler quelque peu. Jeune car, si elle me parut sensiblement plus âgée que moi, on lisait encore une certaine fraîcheur sur son visage et dans sa silhouette. Je m'approchais d'elle en bousculant quelques personnes, vu l'assistance importante, mais en restant cependant suffisamment discrète. J'étais encore dans ma phase d'observation.
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Jean de Fréneuse
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptySam 14 Juil - 6:23

Musique !

Rien de plus triste que les lieux de plaisir, au premier abord. Après de longs jours de retraite, Jean retrouvait les lueurs jaunâtres des vieux bars. Son frère l'avait sermonné, lui disant que c'était trop tôt - mais il serait toujours trop tôt n'est-ce pas ... ? Gabriel et sa cohorte d'esthètes, casqués de leurs principes, armés de leurs classiques, ne comprenaient point l'émotion spéciale que l'on pouvait trouver dans les endroits vulgaires. Oh, bien sûr, la violence des impressions, le fracas des cuivres, les femmes trop fardées avaient de quoi troubler un homme qui avait passé ses jours dans l'obscurité d'une chambre fermée au jour, avec ses songes et ses regrets pour seule compagne. Pire, les rêveries d'un littérateur s'y étiolaient bien vite, sous les griseries, les vapeurs de cigares et les mauvais alcools. Mais quel sentiment de vie ... !

Les Folies, c'était les sensations du jour, dans leur tristesse grasse, c'était le grotesque de notre existence, avec couleurs et sourires d'emprunt ! Oh les quelques lassitudes, et les maladies d'absolu (ou les maladies tout court ...) qu'on attrapait là étaient bien peu de choses pour ce qu'on offrait à qui voulait voir ... Quelle douceur, pourtant, que d'effleurer ces émotions toutes artificielles - frivolités poignantes ! Et pour lui c'était avant tout une chance que de voler au temps cette soirée de plus - pèlerinage en eaux profondes, loin, très loin de ...

C'est un verre à la main que Jean se promenait, raideur grave dans la jambe, laissant vaguer regard et pensées ... Il souriait à quelques femmes peu farouches venues trouver un aimable amoureux, pour quelques heures ou, pour les plus chanceuses (ou les plus idéalistes) pour une nuit. Bleues sous la lumière artificielle, comme les femmes que peignait Lautrec. Charmantes : gorges offertes, parfums pas chers et la petite odeur roussie des cheveux brûlés au fer. Mais le calme héros, courbé sur sa rapière regardait le sillage et ne daignait rien voir ...

Cela lui fut sans doute fatal. Malhabile avec sa canne, encombré d'un verre de curaçao, il trébucha sur la traîne d'une de ces dames. Le contenu du verre se répandit sur la gorge d'une jeune femme qui ne prenait pas garde à ce qui se passait derrière elle, toute à son observation. Jean reprit son équilibre comme il put et, en gentleman, courut à elle.

- Ah fichtre ! La coquetterie nous tuera tous ! Me pardonnerez-vous l'impardonnable, Madame ?

Il fouilla aussitôt dans ses poches et lui tendit un mouchoir d'une blancheur impeccable. Ce fut comme un pâle rayon de lune, au beau milieu des couleurs passées des toilettes et du rouge étalé sur les visages.
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Louison Delorme
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyDim 22 Juil - 4:02

J'étais en train d'observer cette jeune femme et ne prenait pas vraiment garde à ce qui se passait autour de moi. Je fus donc quelque peu surprise quand je sentis un liquide se répandre sur ma gorge, couler entre mes seins, un liquide quelque peu poisseux. Je mis quelques secondes à réagir et regardais alors autour de moi. Je vis à cet instant un homme appuyé sur une canne qui me regardait, la mine désolée c'est du moins ainsi que j'interprétais le rictus qui se lisait sur son visage. Il me tendait un mouchoir d'un blancheur immaculée, sans doute pour que je puisse réparer les dégâts dont il était la cause, je n'en avais aucun doute, surtout en le voyant le verre à la main.

Je m'amusais follement de le voir ainsi la mine particulièrement contrite. Je pris délicatement le mouchoir blanc qu'il me tendait et essuyait la poitrine généreuse que j'offrais sans honte à la vue de l'assistance. Je le fis en le regardant, lui souriant pour lui montrer que je ne lui en tenais pas rigueur. L'homme paraissait élégant et je me dis qu'il devait faire partie de la bonne société, des gens qu'il ne fallait pas négliger pour une fille comme moi. C'était peut-être l'occasion de faire quelque pubicité pour la Reine Blanche car je savais que ma patronne ne serait pas particulièrement satisfaite si je ne ramenais pas quelques clinets. Il m'appelait "Madame" et cela résonnait curieusement à mes oreilles.

"Dans cette foule, Monsieur, tout est pardonnable ... et c'est bien volontiers que j'excuse cette ... maladresse ... surtout si vous m'aidez à effacer les traces qu'a laissé ce délicieux breuvage ...""

Je ne connaissais point ce liquide quelque peu sirupeux qui avait quitté le verre qu'il tenait maladroitement dans sa main. Mais l'odeur en était ma foi fort agréable. Et je lui tendis le mouchoir en découvrant un peu plus ma poitrine. Je remarquais qu'il n'était point insensible à la vision du sillon tracé entre mes seins. Il serait peut-être surpris par le mélange entre mon langage assez soigné et ma tenue qui ne cherchait pas à cacher mes atours. Ce serait peut-être pour lui un mystère à élucider et une raison de plus de s'intéresser à moi.
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Jean de Fréneuse
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyDim 22 Juil - 13:06

Jean la jaugea du regard, notant le langage, bien éloigné de la causette argotique des femmes de Montmartre, mais la tenue et l'attitude qui indiquaient clairement une fille de métier. En effet, le mélange surprenait. Devant sa proposition, il rit un peu - "Marché conclu !" et posa le verre vide, absurde sur la table - petit bruit doux du verre sur le zinc. Puis, amusé, il reprit son mouchoir et s'installa d'autorité sur la chaise vide en face de la dame - qui, soyons logique, ne serait sans doute pas offensée que l'on s'installât auprès d'elle, vu qu'elle semblait prête à exhiber ses charmes au tout venant. Il se pencha ensuite vers la table voisine et, en dépit des cris de protestation, saisit la carafe d'eau qui servait à préparer l'absinthe. Il en humecta le mouchoir et, sans crier gare ni laisser le temps à la dame de réagir, fit disparaître les dernières traces de sa faute - assez piqué par le jeu, mais encore peu enclin à s'aventurer davantage. Il replaça ensuite la bouteille sur la table des voisins, en les remerciant d'un grand sourire. Il poursuivit enfin, à l'adresse de la peu farouche inconnue :

- Hé bien, je crois avoir acheté ma rédemption, dites-moi ?

Cela semblait tout aussi simple que cela. Il soupira un peu, cependant, et sa main retomba, inerte, sur sa jambe malade, comme par réflexe. L'alcool, l'agitation, les jolies femmes faisaient oublier bien des choses, mais la douleur, souvent, restait là, sourde, un peu lointaine, jamais muette. Même la volupté n'y suffisait pas. Il n'était au fond que l'opium, pour la faire taire pour quelques heures ... Triste réalité. Mais l'heure n'était point à l'auto-apitoiement.

- Vous êtes une habituée du lieu, j'imagine.

Façon indirecte de questionner l'origine de la dame - elle était trop entreprenante, même pour une fille de brasserie. Ne savait-elle point que dans ce monde, c'était à l'homme de diriger la manœuvre et que l'effarouchement feint, l'exhibition discrète était plus porteuse que tout le reste ? Nouvelle dans le métier, peut-être ... Dans tous les cas, il souriait : l'affaire piquait sa curiosité et méritait d'être éclaircie.
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyDim 29 Juil - 11:29

Je ne savais pas trop où je mettais les pieds et si mon idée d'attirer cet homme qui m'avait bousculé et avait taché le haut de ma robe était réellement une bonne idée. Il me paraissait plutôt bien mis et j'aurais bien parié qu'il était de bonne naissance, ce qui ne l'empêcherait pas de s'intéresser aux filles faciles. Quelque chose, sans doute l'intuition à moins que ce ne fut son comportement, me disait que ce devait être un homme capable de s'encanailler. Ma poitrine ne semblait point l'effaroucher à en juger par la façon dont il s'acquitta du défi que je lui avais lancé de nettoyer les dégats qu'il avait faits.

Il se complaisait en ma compagnie et c'était déjà un bon point pour moi. Et, son devoir accompli, me demanda, avec un certain amusement s'il obtenait mon pardon. A vrai dire l'incident étant mineur et, même, plutôt bien venu pour moi puisque l'occasion de lier connaissance, je ne pouvai qu'absoudre le fautif.

"acheté ? ... je ne sais pas car j'ai appris depuis que je suis à Paris que tout s'achète très cher ici ... y compris les plaisirs d'ailleurs ... mais pour ce qui est de la rédemption ... je vous accorde mon pardon ... gratuitement ... "

Je ne savais pas s'il verrait malice à ces quelques propos que j'avais délivrés avec le sourire. Il voulait décidément faire un peu mieux connaissance et entre en discussion puisqu'il me questionna pour savoir si j'étais une habituée des lieux. J'hésitais à paraître sous un jour d'innocence découvrant cet endroit, moi qui y mettais pour la première fois les pieds, ou de jeune habituée, mais je ne pourrais guère masquer mon ignorance si lui connaissait bien l'endroit.

"je ne suis pas vraiment une habituée de ce lieu. Je le découvre même comme j'ai déjà découvert que Paris regorge d'endroits où les gens de la bonne et de la moins bonne société viennent goûter à bien des plaisirs... J'ai toujours rêvé de Paris mais ... je n'imaginais pas la ville regorgeait à ce point de ... surprises pour une jeune provinciale."

Je disais tout cela avec une certaine insouciance qui parvenait à masquer que je n'avais pas forcément suivi la voie que j'espérais en arrivant dans la capitale.
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyMar 31 Juil - 2:01

Les réflexions de cette jeune femme était pour le moins curieuse. Jean l'écoutait, visiblement amusé. Lorsqu'elle lui accorda son pardon gratuitement [sic], il éclata d'un rire franc - Vous êtes bien bonne ! - et puis se remit à l'écouter, l'oeil brillant. C'était pour cela qu'il aimait la vie de Bohème : pour ces images étranges, ces paroles surprenantes dans la bouche d'une femme, cette liberté dans l'apparence de tenue et de convention. Ils semblaient, après tout, échanger une conversation normale, n'étaient le lieu, la musique et la parure de Madame. Mais les mots s'enchaînaient différemment : sortis de leur gaine de correction et de retenue, ils semblaient presque étrangers, comme ces langues étranges psalmodiées dans les théâtres d'ombre de l'Asie lointaine. Cela le fascinait toujours autant, malgré les années ... Il se redressa cependant, lorsqu'elle prononça ses derniers mots.

- Comment imaginiez-vous Paris ?

Il héla une serveuse aux formes généreuses, soulignées par le corset, qui passait à côté - '"Je peux vous offrir quelque chose ... ? " - se commanda lui-même un nouveau curaçao, et sembla réfléchir. Après un court silence, il reprit :

- Les lieux de plaisir sont nombreux, ici, je vous le concède, mais ils ont un prix pour qui s'y aventure sans savoir. Et croyez-moi, c'est rarement une question d'argent ...

L'on y attrapait aussi vite les stigmates de la syphillis ou de l'alcoolisme ... A moins d'y perdre simplement vie, famille, réputation ... Il lui adressa un regard entendu, tout en évitant de poser la question fatidique : l'avait-elle payé, ce prix ? A voir sa parure qui coïncidait bien mal avec son insouciance (réelle ou feinte), le doute était permis ... Il préféra cependant passer outre et, reprenant son air léger -costume des grands jours - il demanda :

- Mais tout cela n'a pas d'importance, n'est-ce pas ? Puis-je vous demander votre nom, Madame ? Permettez-moi de vous donner le mien en guise de bonne foi : Jean, nom bien simple pour un bien simple passant de ces lieux de plaisir.

Le nom de la famille, quant à lui, restait confiné au silence.


Dernière édition par Jean de Fréneuse le Sam 18 Aoû - 21:02, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptySam 18 Aoû - 4:29

La discussion était bien agréable, c'est du moins ainsi que je le vivais. Je profitais pleinement de ces instants de liberté que je n'avais pas si souvent trouvés depuis des mois que je me trouvais à Paris. L'homme avec lequel je devisais était plaisant dans sa conversation. Il était à la fois bien différent et, par certains côtés, semblable à ceux que je fréqentais quotidiennement. Je pouvais peut-être me demander si ce n'était pas le contexte qui était surtout différent. Mais je tenais à savourer ce moment. Tout cela ne ménerait sans doute pas bien loin. Je ne savais pas si c'était ce qu'attendait de moi la patronne de la Reine Blanche. Et, d'une certaine façon ce n'était pas ma préoccupation immédiate. L'homme s'intéressa encore plus à moi quand je mentionnai mes "origines provinciales". Il voulut savoir commet j'avais imaginé Paris.

"Comment dire ... vous allez me trouver bien naïve, et je l'étais indéniablement ... Paris .. une ville qui vit et qui brille de mille feux ... où il a toujours de l'activité, des choses, des lieux, des personnes à voir ... où les artistes peuvent s'exprimer et se faire connaître ... où chacun a sa chance ... où les jeunes, mais aussi les moins jeunes, sont libres de parler, de s'exprimer, de s'amuser..."

Mes yeux devaient briller tandis que je lui disais tout cela. C'était bien ainsi que j'avais imaginé Paris, un rêve qui s'était pourtant finalement avéré bien éloigné de la réalité que je côtpyais aujourd'hui.

"les jeunes gens ... surtout quand ils vivent loin d'ici et dans un milieu quelque peu protégé s'enflamment vite. Et il est encore plus facile de leur faire miroiter les plus beaux mirages. A 19 ou 20 ans on fait facilement des erreurs..."

Un brin de nostalgie s'abattit sur moi à cet instant. Mais cela ne servirait à rien de m'y enfermer. Cela ne me rendrait certes pas ma liberté et je risquais de faire fuir cet homme qui me permettait durant au moins quelques minutes de retrouver d'autres centres d'intérêt que le quotidien d'une fille de petite vertu. Il serait toujours temps de retourner au quotidien de la Reine Blanche !

"Mais je vais vous ennuyer à jouer les rabats-joie ! pas dans un lieu comme celui-ci. Ce que vous avez dans votre verre parait bien attirant ... je n erefuserais pas d'en boire également ..."

Jean, puisque c'est ainsi qu'il s'appelait, venait-il de me dire, m'avait en effet proposé de m'offrir quelque boisson et j'avais très envie d'un peu d'alcool en cet instant. Je n'avais jamais bu une goutte d'alcool avant de mettre les pieds à Paris. C'aurait été quelque chose d'inimaginable dans ma famille qu'une jeune fille boive de l'alcool ! J'y avais goûté quelque temps après être arrivée, lors d'une sortie avec Arthur et j'avais bien aimé. Il m'arrivait d'en boire avec d'autres filles de la Reine Blanche mais ce n'était pas mon habitude comme certaines d'entre elles. Je savais rester raisonnable.

"Mon nom ? ... Louison ... c'est ainsi que l'on m'appelle à la Reine Blanche ...."

Jean venait de me demander mon nom et, en lui répondant, je n'avais pu m'empêcher de mentionner la Reine Blanche. Je ne savais point s'il connaissait ce lieu ... sans doute que oui. Il saurait ainsi à qui il avait affaire !
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptySam 18 Aoû - 21:40

Ah, petites femmes, apparemment modestes mais aux fards trop appuyés et aux jupons rapiécés ! Qu'il était doux de se laisser aller à la discussion avec elle, (presque) sans précautions, parce qu'elles ne s'effarouchaient point comme les jeunes filles ... Elles pouvaient partager, sans crainte, l'arôme amer d'un verre de curaçao ou goûter - avec une petite moue adorable - les cocktails les plus compliqués directement venus d'Amérique. Jean se surprit à en rêver, un instant, de cette Amérique ... Avant de se reprendre bien vite : s'il aimait les filles peu farouches du Quartier, il n'était point encore assez libéral, assez moderne ou assez fou - ! - pour avoir même le rêve absurde d'en épouser une ... Il reporta son attention sur la jeune femme, songea aux généralités qu'elle égrenait, non sans mélancolie. Hochait la tête, calmement, l'air d'être d'accord avec elle - mais le jeune homme avait eu une éducation presqu'exclusivement parisienne - c'était même, paraît-il, ce qui le rendait si fin-de-siècle. Alors les illusions perdues des provinciaux, il avait un peu de mal à les concevoir, il fallait bien l'avouer. Cependant, un mot le fit tressaillir.

- La Reine Blanche, dites-vous ...

Si son écoute avait été distraite jusque là, il était clair qu'elle avait terminé d'attiser sa curiosité. Peut-être que cette jeune fille plaisantait ? Les maisons closes n'étaient point réputer pour envoyer leur garnison en goguette ... A moins que ...

- Savez-vous que c'est très mal ce qu'on veut vous faire faire, là ? On rencontre une jeune femme charmante, on se surprend à discuter avec elle. Elle est jolie, elle n'est pas bête, on songe à la ramener chez soi ... Et puis, l'on vous annonce qu'il faudra vous rendre en maison et payer la tenancière, le champagne et l'électricité pour une heure avec elle.


Il lui adressa un sourire un peu froid - refroidi - et ajouta, aussi désinvolte que déplacé :

- Voilà pourquoi je préfère les filles de brasseries. Elles ont sans doute moins de vocabulaire - et elles sont souvent moins propres, autant l'avouer - mais elles sont simples et bien gentilles. Et elles vous font admirablement croire que quand elles nous suivent, c'est qu'elles ont un peu le béguin tout de même. Heureusement, j'ai le coeur solide, vous ne l'avez point tout à fait brisé.

Il laissa planer un temps la dernière phrase, avec sa triste ironie. Une question lui trottait dans la tête, mais il hésitait à la poser ... C'était intrusif, cela ne le regardait pas et, surtout, elle touchait ces choses que l'on préférait ignorer. Jean n'était pas un grand client des maisons closes, mais il aimait à songer abstraitement à ces filles offertes qui erraient, languides, dans des salons rougeâtres. Le bordel était sans doute assez mauvais pour qu'on en sortît une fille qu'on aime - mais aime-t-on, en ce crépuscule du siècle ... ! Il finit par se décider, cependant : au fond, ce n'était pas lui qui avait à perdre dans cette histoire ...

- Mais ... sans doute trouvez-vous là-bas votre compte ... j'imagine. En tout cas, la ruse est réussie, je parlerai de vous, ma parole ! On n'a pas idée de telles manœuvres, ma parole ... La Reine blanche qui fait de la réclame ...

Et l'anecdote était véritablement curieuse, à n'en pas douter. Un autre que lui en eût fait le début d'un roman.

Citation :
[Hors rp ~ Mon personne est un incorrigible bavard, toutes mes excuses !
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyDim 19 Aoû - 19:40

Je me mordis les lèvres après avoir mentionné la Reine Blanche, constatant que la réaction de mon interlocuteur était largement plus que mitigée. Il connaisait l'établissement à n'en pas douter, au moins de réputation. Et la réputation des "pensionnaires" ne semblait pas des meilleures à ses yeux, c'est tout au moins ce que je compris des propos qui suivirent. Il me brossa le tableau de filles raccolant le client, un beau pigeon en l'occurrence, pour l'entrainer jusqu'à la maison close et mieux lui soutirer son argent. Il n'avait pas imaginé que des filles comme moi puissent sortir de leur lieu de travail et partir en quête de clients. Ce n'était pas tout à fait le travail qui m'incombait. La maquerelle m'avait surtout envoyée ici pour étaler au grand jour l'image de ce que l'on pouvait trouver dans son établissement. Et j'étais sans doute plus présentableque bien d'autres filles ... Cela pourrait donner quelques idées à ces messieurs prêts à s'encanailler. Mais je n'avais nulle intention de piéger quiconque. Je trempais mes lèvres dans le verre que l'on m'avait apporté. La légère amertume du breuvage était agréable, associée à la douceur sucrée et au parfum d'orange. J'en bus une ou deux gorgées et sentis alors la chaleur de l'alcool, masquée sous la douceur et le parfum du curaçao, qui me réchauffait le coeur et le corps. J'écoutais les propos de Jean, bavard impénitent, me semblait-il, qui, après avoir manifesté une certaine répulsion pour les filles de joie travaillant en maison, retrouvait un ton plus amène. La comparaison avec les filles des brasseries, j'avais entendu parler de cette concurrence, n'était pas, dans sa bouche, un compliment pour moi et j'en fus quelque peu marrie. Je bus une plus large rasade de liqueur, pour trouver sans doute de quoi me donner du coeur au ventre. Et les vapeurs de l'alcool, derrière la douceur si masquante, me rendit un peu plus loquace.

"Il n'ya point de ruse, Monsieur Jean, sinon je vous aurais caché mon activité à la Reine Blanche. On ne choisit pas toujours son métier et j'ai pu rêver d'autre chose en venant à Paris ... mais les ,qui viennent se distraire dans mes bras et oublier peut-être le quotidien banal ou fatigant, ne se plaignent pas d'une quelconque duplicité de ma part. Et ... ils risquent moins avec moi ou mes semblables qu'avec certaines filles des brasseries. Nous voyons un médecin très régulièrement ..."

Je ne me serais pas imaginée capable de vanter ainsi les mérites des filles des maisons closes ! Je ne sais si l'alcool y était pour quelque chose mais je me dis que ce n'était pas impossible, surtout en constatant que mon verre était vide.

"mais je ne vous en veux point, et j'aime bien parler ainsi librement avec vous. Votre compagnie est fort plaisante ... n'y voyez aucune malice ou sous-entendu... et ... je vous remercie pour cette boisson fort agréable aussi. Me permettrez-vous d'aller danser sur la piste ... avec vous si vous le souhaitez ou simplement pour le plaisir de vos yeux ... et ... au retour je regouterais bien à ce délicieux breuvage ..."

La musique m'inspirait ... cette mélopée faisant remonter dans mes souvenirs des récits inspirés de la lointaine Orient ... des lectures que j'avais faite en cachette alors que j'étais encore une naïve jeune fille dans sa province natale et dans son environnement bourgeois. Je montais donc sur la piste et entreprit d'abord quelques pas et mouvements, lents et déjà sensuels. Je pensais aussi à cette carrière d'artiste qui m'avait attirée dans ce Paris dont je n'imaginais pas qu'il put ainsi être un lieu de perdition. Discrétement j'écartais alors les tissus de ma robe, dévoilant ainsi un peu plus mes atours, n'hésitant point à montrer en public ma généreuse poitrine. Je ne savais pas si cette danse pouvait faire partie de la mission qui m'avait été confiée par la maquerelle. Mais j'imaginais qu'après tout c'était un spectacle qui ferait la promotion de la Reine Blanche. Je voyais des yeux fixés sur moi et j'imaginais sans peine ce que certains de ces messieurs pouvaient penser.

Je continuais ainsi à me mouvoir, dévoilant, l'espace de quelques fugitifs instants, la peau claire de mes seins ou le galbe de mes jambes, déplaçant mon corps dans de lentes arabesques. Je fixais tout à tour plusieurshommes qui ne pouvaient détacher leur regard de mon corps. Et je profitais d'un moment où nous frolions presque pour lancer à tel ou tel que nous pourrions faire une peu de "conversation" à la Reine Blanche s'ils avaient l'occasion d'y passer. Je le disais avec un grand sourire enjoleur pour mieux faire passer ce message.

La musique s'arrêta alors pour laisser place à un air d'une autre contrée, espagnole me sembla-t-il. Je me dirigeais alors hors de la piste de danse, pas mécontente de m'être ainsi montrée. Je revins vers Jean et, en m'asseyant, je pris le verre qui m'attendait. Je lui lançais un regard souriant et interrogateur.

"il y avait longtemps que je n'avais pas dansé ainsi ... cela m'est même rarement arrivé en fait. Cela parait fort peu convenable pour une jeune fille de bonne famille en province ... mais j'ai adoré ce moment ..."

Je ne savais pas si ma rencontre du jour partagerait ce point de vue. Mais j'observais, avec une satisfaction qui m'étonnaitmoi-même, que des hommes continuaient à me regarder après que j'eus regagné la discrétion de la salle.
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyMar 21 Aoû - 4:26

Il l'écouta se défendre, attentif et encore un peu défiant. Hocha la tête lorsqu'elle parla de risques - après tout, elle avait raison ... Il fut cependant stupéfait lorsqu'elle lui proposa de danser ... Désignant sa canne - "Vous vous moquez de moi ?" - il la regarda s'éloigner, se demandant si lui payer un deuxième curaçao était vraiment une bonne idée ... Puis la suivit du regard, placide. Elle dansa. Il n'y avait pas à dire, il y avait sans doute beaucoup d'inexpérience dans ces déhanchés langoureux, ces dévoilements maladroits. Mais cette danse, toute malhabile et indécente qu'elle était, avait la grâce d'un premier abandon. C'était pas désagréable à voir, mais complètement déplacé. Jean vit à son tour les regards des hommes se poser sur cette femme sans pudeur mais, hélas, il vit aussi que l'on murmurait au bar. Il songea à se faufiler prestement sur la piste de danse pour ramener cette jeune sotte à la raison, mais marcher le fatiguait encore, et il espéra secrètement qu'un autre que lui le fît. Les hommes semblaient ne pas s'en soucier, trop stupéfaits du spectacle, sans doute ... Ou pensant que ce n'était là qu'une animation parmi d'autres des Folies ... Quelques femmes quittèrent la pièce, outrées. Cela se présentait mal ... Ce fut à ce moment-là que Louison revint, les joues rosies. Elle prit sans s'en rendre compte, le verre qu'il avait commandé pour lui, renonçant à faire perdre le sens encore davantage à cette insensée.

- Fort peu convenable, vous parlez d'un euphémisme, lança-t-il, sans sourire.

Non que cette danse ne fût point charmante, mais elle n'avait point sa place ici. Les cabarets étaient des lieux plus libres que d'autres mais pas au point d'exhiber les chairs, comme au bordel. Jean désigna d'un signe de tête les gens qui approchaient, en parlant d'une voix calme :

- Vous êtes perdue, mon enfant. En dehors de la maison close, on ne séduit pas avec ces méthodes-là et vous devriez élargir votre palette. Ce que vous avez montré est - croyez-moi - tout à fait charmant, mais vous ne pouviez le montrer. Nous vous a-t-on donc rien dit sur le racolage ... ?

Il lui saisit le poignet, soudain ferme :

- Je dirai que vous êtes avec moi et vais essayer de rattraper votre bourde. Mais tenez-vous tranquille, à présent. Exercice de théâtre : faites la "jeune fille" sage.

Il précipita ses derniers mots car un homme de haute stature, à la tenue très correcte, s'arrêtait à hauteur de la table. Son ton fut sans appel :

- Mademoiselle, sortez ou j'appelle la brigade des Mœurs.

Jean lança un regard sévère à Louison, avant de répliquer avec assurance :

- Mademoiselle est avec moi. Voyez-vous, elle boit pour la première fois ... Et à la voir, je comprends enfin pourquoi on déconseille l'alcool aux femmes ... Je réponds de son comportement à partir de maintenant, et la ferai sortir moi-même si elle ne se tient pas ...

Il sortit une carte de visite de son veston et la tendit à l'inconnu. Ce dernier lut avec considération et sembla hésiter - c'est que ce nom semblait représenter quelque chose ... Mais il fronça les sourcils et, se tournant vers Louison, il reprit :

- Je ne mets pas votre parole en doute, Monsieur, mais j'ai quelques doutes sur l'honnêteté de votre invitée ... Dites-moi donc précisément, Mademoiselle ... Et si on vous avait envoyée pour créer un scandale dans mon cabaret, hein ? Qu'est-ce qui vous aurait pris à danser comme ça, sinon ... ?

Et il lança à la jeune femme un regard appuyé.

Citation :
Note de la Modération RP ~ Je me suis permis de mêler le post de Jean et celui de la Modération RP pour plus de fluidité. Ce choix était loin d'être le plus prudent, en effet ! La récompense arrivera tôt ou tard, en fonction de comment évolue le jeu. Bonne chance !


Dernière édition par Jean de Fréneuse le Ven 21 Sep - 12:09, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyMer 29 Aoû - 19:22

Je compris immédiatement à la mine et à la façon de parler de moninterlocuteur que j'avais fait une bien grosse bêtise. Il restait calme mais il me faisait la leçon et je l'avais certes bien mérité. Je sortais de la Reine Blanche pour la première fois depuis bien longtemps et les moeurs parisiennes m'étaient bien étrangères. Je n'avais pas imaginé qu'il faille un peu plus, beaucoup plus de retenue dans des lieux publics comme celui-ci, que dans la maison close où je passais l'essentiel de mes journées et de mes nuits depuis de nombreuses semaines. Je rougis en l'écoutant parler alors que je buvais le verre que j'avais pris sur la table. La liqueur me réconfortait quelque peu.

Mais il terminait à peine sa leçon à mon égard qu'un homme arriva fort courroucé. Et je me sentis définitivement mal à l'aise. Il me demandait de sortir sinon il appellerait la Brigade des Moeurs. J'avais beau n'avoir que peu d'expérience, je savais ce que voulait dire la Brigade des Moeurs et je commençais à paniquer, imaginant la réaction de la maquerelle ou d'Arthur s'il devait venir me chercher dans les locaux de la police. Je passerais un sale moment et la réprimande risquait de ne pas être que verbale. Heureusement, Jean vint à mon secours et me présenta comme son invitée, mettant en avant le fait que j'avais bu et le verre que j'avais à la main, resté en suspens quelques instants tandis que j'écoutais l'échange de mots, venait opportunément à l'appui de ses dires ainsi que la rougeur de mes joues que je sentais brûlantes. L'homme, je comprenais qu'il avait quelques responsabilités en ce lieu, m'interpellait, me demandant si j'étais là pour créer un scandale dans son établissement. Je me devais de lui répondre.

"Je vous prie de m'excuser de ma conduite qui, je le comprends, était fort déplacée. L'alcool a dû en effet me tourner quelque peu la tête ainsi que vous le disez mon ami et j'ai trop voulu lui montrer de quelle façon je pouvais danser ... ce n'était pas le lieu ... et je vous promets que j'ai compris mon erreur ... mon ... ami sera là pour me le rappeler ..."

Pour répondre je pris une posture et une mine de fille sage. Ma tenue l'était certes un peu moins mais je lançais quelques regards complices à Jean, posant ma main sur la sienne. Je ne sais pas si je pouvais passer pour sa fiancée ou pour une fille légère venue passer là un moment avec son amant. L'important était de faire profil bas, de passer pour un couple qui ne chercherait surtout pas le scandale. Je me voyais mal sinon rentrer à la Reine Blanche avec un scandale collée aux basques.

"et je ne boirais plus d'alcool pour ce soir ... n'est-ce pas Jean ? ... "

Je lui lançais un coup d'oeil sensuel mais dans un registre sans provocation, appuyant mon propos d'un petit roucoulement. J'évitais en parlant de prendre le ton trop populaire qui devenait peu à peu le mien à la Reine Blanche, retrouvant au contraire la façon de parler de mon milieu bourgeois d'origine. Je regrettais de devoir me priver d'alcool pour la suite car au contraire j'aurais voulu en prendre un peu plus pour oublier. Tout aurait été bon à cet instant pour oublier mes déboires, y compris ce produit dont j'avais vaguement entendu parler et que l'on fumait dans des endroits réservés à cet effet... l'opium je crois que cela s'appelle ainsi. Il paraitrait que cela vous rend euphorique et j'en aurais bien eu besoin à ce moment de ma sortie.
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyVen 21 Sep - 12:23

L'homme scruta Louison d'un air méfiant. Puis il jeta un nouveau regard à Jean, qui - espérons-le ! - n'avait quand même pas l'air d'un pigeon. Il répliqua finalement, d'un air mauvais :

- Couvrez-vous, Mademoiselle. Mon cabaret n'est pas un bordel.

Et il ajouta, plus bas mais assez fort pour qu'on l'entende, à l'attention de Jean :

- Surveillez-la, ou vous finirez dehors tous les deux.

Puis il s'éloigna, leur jetant de temps en temps un regard noir, un peu comme un maître surveille deux cancres prêts à récidiver dès qu'il a le dos tourné. L'orage semblait bel et bien passé ... Jean poussa un soupir appuyé, observant son interlocutrice.

- Vous avez eu chaud, vous.

Et, lassé de la tournure dramatique qu'avaient pris les événements, il ne résista pas à la tentation d'ajouter :

- Vous avez failli faire mettre dehors un pauvre infirme. Qu'aurait dit votre conscience ?

A vrai dire, bien qu'il plaisantât, la situation le gênait. La demoiselle était charmante, et en d'autres circonstances, il eût été ravi de la ramener chez lui pour terminer agréablement la nuit. L'humeur même y était : il était dans un de ses soirs gris, où la joie s'ombre d'un peu d'ennui - l'ennui grave et lourd des décadents professionnels - et où il n'est qu'une étreinte de femme pour oublier ses amertumes ... Mais hélas, un nom ne signifiait pas fortune, et les prix de La Reine Blanche semblaient bien élevés en fin de mois, où la rente n'est plus qu'un beau souvenir ... Le prix de la Santé, sans aucun doute !

- Que puis-je faire pour vous, alors ? se surprit-il à demander, à voix haute. Et, puisque l'on était parti : Dois-je vous raccompagner là-bas, dire, bien gentiment, que je parlerai de la Maison à mes amis - qui y vont déjà souvent, d'ailleurs ... ? A moins que ...

Une idée lui vint, et le rendit presque triste.

- A moins que vous espériez qu'on vous enlève ? Vous n'avez pas eu de chance, vous êtes tombée sur la mauvaise personne pour ça ...

Et, presque malgré lui, il jeta un regard vers la porte de sortie. Il ressentait le besoin de prendre l'air, loin de cet endroit. Il les aimait, pourtant, les Folies ... La malchance avait voulu qu'il tombât sur une serine échappée de sa cage et qui, éblouie par le dehors, chanta un peu trop fort. C'était attendrissant, à bien y songer, mais aussi bien peu pratique !

Spoiler:
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyMer 26 Sep - 18:53

Pour une fois que j'avais la possibilité de sortir de la maison où je passais l'essentiel de mes journées, comme un oiseau en cage, ce n'était vraiment pas une réussite. Et j'étais envahie par la honte de mon comportement. Je ne savais que faire pour rétablir un semblant de dignité ... La dignité voilà un mot dont j'avais quelque peu oublié la signification après toutes ces semaines passées à recevoir des clients de la Reine Blanche qui, pour la plupart, se moquaient comme d'une guigne de ce qui était digne ou pas. J'avais fini par croire qu'il en était partout de même dans ce Paris qu'au fond je connaissais si peu. Et là je m'étais laissée emporter. Il y avait sans doute un côté bien hypocrite dans la réaction du patron des Folies Bergères. Celui-ci insista encore, achevant de me mettre mal à l aise.

L'homme une fois reparti, ruminant sans doute un certain ressentiment à mon égard, moi qui avait troublé les petites habitudes du lieu, mon accompagnateur s'adressa à moi pour plaisanter sur le scandale que j'avais provoqué et qui avait failli provoquer notre expulsion, à l'un et à l'autre. Il le fit en jouant sur son statut d'infirme. Je rougis à cette évocation mais, heureusement, il se montra malgré tout très correct à mon égard ce qui me réchauffa le coeur. Je devinais, au regard qu'il posait sur moi, que Jean de Fréneuse me trouvait fort à son goût et qu'il n'aurait pas dédaigner passer la soirée en tête à tête avec moi. Mais, pour des raisons que j'ignorais, il semblait s'interdire d'aller jusque là et il continua à plaisanter, évoquant plutôt la perspective de me raccompagner à la maison close en annonçant qu'il ferait de la publicité pour cet endroit auprès de ses amis. Voilà qui ferait certainement très plaisir à la mère maquerelle et me donnerait quelque crédit.

Il me parut soudain envisager une suite un peu folle à cette soirée, parlant d'enlèvement. Certes l'idée de m'échapper de la prison où me maintenaient Arthur et la patronne de la Reine Blanche ne me déplaisait pas. Mais je savais que cela n'aurait qu'un temps et que, sauf à payer très cher pour recouvrer ma liberté, le petit oiseau devrait bien vite retrouver sa cage. Je ne crois d'ailleurs pas qu'il parlait sérieusement, juste pour continuer sur le ton de la plaisanterie. La compagnie de cet homme me plaisait de plus en plus. J'aimais la façon à la fois distante, amusante et empreinte de dérison dont il envisageait la vie. Son handicap n'y était sans doute pas étranger. Cela me fit entrevoir quelques perspectives qui pourraient me faire sortir de la honte qui m'avait envahie. J'avais envie de découvrir des lieux et des sensations nouvelles. Et cet homme devait avoir une certaine expérience de la vie cachée de Paris. Dans ma prison, j'avais entendu parler de certains lieux où on pouvait découvrir des sensations que je ne connaissais pas. Ces lieux n'étaient certes pas fréquentables pour une jeune femme de la bonne société mais ... pour une prostituée il en allait sans doute tout autrement. J'avais envie de m'encanailler un peu plus et c'est qui me décida à lancer quelques pistes, au risque peut-être de décevoir mon interlocuteur ... ou de le ravir !

"l'enlèvement serait certes bien tentant mais sans doute bien peu raisonnable et à courte vue ... la patronne de la Reine Blanche ne laissera pas filer sans contrepartie une de ses filles ... rentrer maintenant au bercail ? il est encore bien tôt et j'ai envie de découvrir un peu certains endroits de la capitale ... la face cachée, là où l'on peut oublier tous les tracas quotidiens ... j'ai entendu prononcer quelques noms que vous devez sans doute connaître ... l'Oeil d'Eboli ... le Chat Noir ... et d'autres encore. Que diriez-vous d'y passer un moment en ma compagnie ? ..."

Je guettais sa réaction, espérant qu'il ne me prendrait pas pour une folle ou une inconsciente.
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MessageSujet: Re: La vie est un music-hall   La vie est un music-hall EmptyMer 3 Oct - 11:56

Jean ne put s'empêcher de sourire quand elle mentionna ces noms qu'il devait sans doute connaître ... Et comment qu'il les connaissait ... ! Il jaugea à nouveau son interlocutrice du regard, le temps de prendre une décision ... Il répugnait à emmener une si naïve grue à l'Oeil d'Eboli : il était clair qu'elle n'avait jamais consommé d'opium, et au vu de ce que l'alcool lui faisait déjà faire ... En revanche ...

- Je veux bien vous mener au Chat noir, petite effrontée, mais conformez-vous à ce que je vous dirai. Donnez-moi ma canne, nous partons.

Il sortit quelques pièces de sa poche qu'il laissa en évidence sur la table. Ils s'apprêtaient à sortir quand l'homme de tout à l'heure accourrut vers eux. Jean continua à marcher, recommandant à Louison de ne pas se retourner voire de presser le pas ... Mais, étonnamment, le tenancier retint Jean et lui glissa quelque chose à l'oreille. Le jeune homme fronça les sourcils, sans avoir l'air de comprendre, bredouilla quelques mots, comme quoi ce n'étaient pas ses affaires ... A quoi rimait ce conciliabule ? Malgré vos efforts, Mademoiselle Delorme, vous ne pûtes rien discerner, dans le vacarme ambiant. Tout au plus les mots "Reine blanche" parvinrent-ils à vos oreilles. Au bout d'un moment, Jean sembla concéder quelque chose, le tenancier hocha lentement la tête, et le laissa partir. Jean tint sa promesse et emmena Louison au Chat noir, puis peut-être à un ou deux autres endroits, assez libres mais assez sages, au fond, si elle le voulut. Il ne dit rien de la discussion qu'il avait eue avec le patron des Folies, refusant même d'en parler, pour une raison obscure ... Il raccompagna Louison à la Reine blanche, quelques heures plus tard, et loua ses services d'une voix modeste, refusant d'entrer pour l'heure. Il promit cependant de passer, d'ici quelques temps ... On ne le revit pas les huit mois suivants.

Citation :
(Fin modifiable) Pourquoi ce bond dans le temps ? En fait, je te propose de clore ce RP-ci de cette façon, et d'en ouvrir un autre après l'ellipse. Jean viendrait à la Reine blanche, huit mois plus tard, et nous pourrions jouer les conséquences de la réussite de ton défi Wink Envoie-moi un petit MP si tu le veux bien afin de me dire si cette option te va ou si je dois éditer. Au cas où tu accepterais, tu peux commencer le RP à la Reine blanche - et promis, j'emmène Louison dans un endroit fun cette fois-là 8D - ou me laisser le faire si tu préfères. Bref, dis-moi tout I love you

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