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| Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir | |
| Jules SpéretLa perfection n'existe que dans mon miroir
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| Sujet: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Sam 25 Aoû - 11:29 | |
| Il se languissait d'elle, non comme un amoureux, non comme ses jeunes amants, mais comme celui que deux décennies au moins séparaient d'un souvenir resté vivace. Vingt ans ! Comme tous deux avaient changé, depuis lors ! Lui, le petit étudiant en droit, fils de notaire, qu'on s'attendait à voir reprendre l'étude de papa... Elle, la petite fille de joie à l'ambition aussi grande que sa beauté... Tous deux à l'avenir au moins compromis, lui par manque d'application, elle par manque d'opportunités, bien qu'elle commençât à l'époque à se faire un petit nom... Deux personnes à part, une relation qui resterait longtemps gravée dans son souvenir comme l'une des plus extraordinaires de toute son existence.
Oh ! non, Clarisse de Miomandre n'était pas comme toutes les filles de joie et toutes les filles de brasserie, elle avait cette finesse et cet esprit qui la distinguaient de toutes les autres, elle avait une classe certaine et un tempérament... Elle était flamboyante aux yeux du jeune étudiant, elle était restée magnifique aux yeux de l'homme mûr.
Mais tous deux avaient changé. Lui s'était marié, ce qui avait signifié s'assagir un instant. Elle avait fini par trouver l'amant fortuné, si fortuné ! qui lui avait offert les parures de diamants et les vêtements de luxe dont elle rêvait, qui la promenait à son bras avec vanité et qui la régalait de délicieux soupers chaque soir. Des choses que Jules, dans l'état de ses finances d'alors, n'aurait jamais pu se permettre, même en s'endettant cruellement. Clarisse, de prostituée, était devenue demi-mondaine. Et les choses n'avaient plus été pareilles entre eux...
Jules courait la grisette, la serveuse et la prostituée ; les demi-mondaines étaient différentes... Il fallait tenir un rang avec elles, leurs relations seraient sujets à commérages... Lui préférait l'anonymat d'une prostituée quelconque. Une question de goûts. Par conséquent, les relations qu'il entretenait avec Clarisse de Miomandre étaient devenues celles de l'amitié complice des anciens amants, ceux que la vie a séparés mais qui restent proches par le coeur.
C'était de cette femme que l'éditeur se languissait. Il lui avait envoyé un pneu dans l'après-midi, où il lui suggérait de se débarrasser gentiment de son amant du moment - ou de ses amants, d'ailleurs, il ignorait toujours combien elle en avait en même temps - le temps d'une fin de soirée afin de revoir un vieil ami qui viendrait la chercher chez elle... Et c'est ainsi que Jules Spéret, directeur de la Revue mauve, arrivait en berline devant chez Clarisse de Miomandre, puis se faisait annoncer.
Viendrait-elle ? |
| | | Clarisse de MiomandreMaîtresse d'esthète
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| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Dim 26 Aoû - 14:00 | |
| Ses lèvres rouges s’étirèrent, ses yeux parcouraient le pneu ; Un message de Jules Spéret, lui suggérant une soirée avec lui, Éditeur, plutôt qu’avec son Amant, sans métier, mais Oh! Combien fortuné… et généreux. Là, sur sa commode, trainait un joli pendentif, très scintillant, tout brillant. Sur la coiffeuse, bien rangées dans un coffre, il y avait ces magnifiques boucles d’oreilles, rouge rubis, entouré d’or. Comment refuser ? Clarisse avait trouvé l’homme parfait –selon ses critères- et se voyait très mal lui dire non pour rejoindre un homme quelconque qui n’aurait jamais les moyens de se la payer une nuit, sauf que…
Jules n’était pas un homme quelconque, certes il n’avait pas l’argent ou la fortune tant désiré par la jeune femme, mais il ne demandait pas à passer du temps avec elle en tant qu’amant, plutôt en tant qu’ami. Entre eux deux régnait une forte complicité, une énergie commune qu’on voyait rarement entre personnes de sexes opposés. Jules était son ami de cœur depuis le jour où elle avait rencontré ce jeune étudiant avant-gardiste qui s’était montré très, très intéressé par elle. À l’époque, on la prenait pour un sous un deux, parfois un repas. Aujourd’hui, elle y repensait et… Ridicule que de demander une si basse somme ! Comment les jeunes filles, prostituées, faisaient pour vivre avec si peu ? Comment elle avait fait pour survivre avec si peu ? Clarisse avait pris gout à l’oisiveté et ne saurait se passer de tous les petits plaisirs qu’elle pouvait s’offrir.
Comme celui-ci, se faire coiffer par sa bonne, soigneusement et de manière impeccable. Durant sa jeunesse battante, elle avait dû le faire elle-même, plus jamais ! Alors que ses cheveux se faisaient monter en chignon, Clarisse jouait dans ses bijoux, cherchant ceux qui iraient à merveille avec sa robe… Violette ! Ça lui ferait plaisir, assurément, à ce Jules. Ce n’était pas une couleur facile à porter, on la voyait surtout sur de jeunes femmes au teint de pêche, fraiches. La demi-mondaine, envers et contre tous, s’était vêtue violacée et ce n’était pas pour l’enlaidir, au contraire. Le mauve –et toutes ces teintes- lui donnait l’impression qu’on avait écrasé de nombreuses prunes et aubergines sur un tissu, avant de le couper pour confectionner un vêtements.
Jules Spéret arriva et Clarissa eut un rictus heureux. Ce même rictus qui apparaissait lorsqu’elle recevait une bonne somme d’argent. Sa bonne le remarqua, mais n’en fit pas mention, retournant à ses affaires ; Dieu que sa maitresse ne savait pas se ranger ! Elle quitta ses appartements pour le rejoindre et pressa le pas pour aller à ses côtés. « Jules ! » Elle attrapa ses épaules et lui fit la bise, un baiser à chaque joue. Chapeautée et élégante, elle lui demanda, suave « Alors, où m’emmenez-vous ce soir ? »
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| | | Jules SpéretLa perfection n'existe que dans mon miroir
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| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Jeu 6 Sep - 11:26 | |
| Oui, elle était venue, et, parbleu ! elle lui faisait honneur, la belle Clarisse ! Tout de mauve vêtue, rayonnante, brillante, parée, elle lui faisait autant d'honneurs qu'elle aurait pu en faire à son amant du moment. Il hésitait un peu à s'en réjouir, ayant encore en tête le souvenir de la Clarisse jeune, rayonnante, que le futur notaire qu'il était avait aimée un instant, plusieurs instants, ceux de quelques nuits où elle était devenue sa régulière. L'éditeur préféra se concentrer sur ce qui n'avait pas changé : la gaieté de la jeune femme - plus si jeune que ça, d'ailleurs, mais elle en avait si peu l'air ! -, son sourire, leur amitié qui perdurait en dépit du fossé qui s'était creusé entre eux. Et il se sentit flatté de la voir planter là son amant du moment pour l'homme mûr et peu fortuné - toutes proportions gardées - qu'il était sans doute devenu à ses yeux. Bien moins intéressant que le petit notaire peu studieux qui avait dû lui sembler richissime à l'époque et qui lui offrait des soupers.
Quoique. Pour le "lui offrait des soupers", c'était sans doute encore d'actualité, puisqu'elle était venue. Mais ce n'étaient plus les soupers de brasserie de leur jeunesse folle, c'étaient les soupers huppés des grands cafés de la Ville Lumière, les petits fours raffinés, les plats riches, la belle vaisselle, les desserts délicats et le café haut de gamme. C'était le souper d'une demi-mondaine et d'un homme reconnu, plus celui d'une gamine des bas-fonds et d'un étudiant. Ah ! nostalgie, quand tu nous tiens ! Jules ne laissait pourtant paraître que de la joie en la retrouvant, en se voyant gratifié d'une bise que tant d'autres auraient monnayée des mille et des cents. Et encore, peut-être ne l'auraient-ils pas obtenue avec cet entrain-là...
L'éditeur prit la demi-mondaine à la taille, la félicita sur sa belle mine, sur sa belle mise, l'assura que le temps n'avait véritablement aucune emprise sur elle, puis l'aida à monter dans la voiture avec toute la galanterie espiègle dont il pouvait faire preuve. Puis, les rideaux de la voiture étant fermés, le cocher fouetta ses chevaux la voiture s'ébranla et le couple partit pour le dîner improvisé. Vous noterez que l'éditeur n'avait pas répondu à Clarisse... Lui faisait-il une surprise ? Un instant, cette idée-là l'avait effleuré... Puis, il avait fini par se dire que non seulement c'était une attitude très vieux-jeu, mais en plus qu'ils avaient passé l'âge (?) de ces enfantillages. Quoi qu'il en soit, le cortège était déjà parti lorsque Jules annonça à sa compagne de ce soir leur destination.
"Que dirais-tu du Vénitien ? Un petit dîner en tête à tête, en amis, pour faire la nique aux couples qui y mangent en société pour mieux se disputer la journée ?..." |
| | | Clarisse de MiomandreMaîtresse d'esthète
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| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Lun 10 Sep - 12:34 | |
| Si son très cher et vieil amant, très important, signifiait la fortune et la belle vie, Jules, lui, représentait la fidélité, mais pas celle que l’on retrouvait –ou pas- dans les couples. Entre les amants, riches, beaux, jeunes, vieux ou excentriques et les filles, femmes, folles ou rivales, il y avait Jules. Jules, Jules, jamais l’opposant, dorénavant plus l’amant, était à part et méritait bien de passer une soirée en compagnie de la belle demi-mondaine… Et peut-être plus si le repas était bon, mais pas trop ! Le vieil homme qui l’entretenait pourrait se sentir cocu, délaissé pour un pauvre favori marginal et avec peu de moyens. Un amant contrarié était un amant peu généreux, et moins de générosité égalait moins de coquetteries. Dieu sait à quel point Clarisse ne pouvait vivre sans coquetteries !
Avec peu de modestie, la dame écouta et accepta les compliments que le directeur lui glissait et se faufila dans la voiture pour s’y asseoir, sans mot. Elle ne soupçonna pas de surdité chez l’homme, mais ne s’inquiéta pas pour autant de l’absence de réponse. Après tout, il s’agissait de Jules, la dernière personne avec qui il fallait se casser la tête… Et puis elle aimait les surprises ! Au signe du cocher, les chevaux reprirent la route en direction du café Vénitien, secouant un peu la jeune femme assise à bord, sans pour autant défaire son impeccable tenue.
Ses lèvres s’étirèrent de manière espiègle, un diner au Vénitien lui convenait tout à fait, et l’idée de narguer les couples banaux qui s’y trouvaient était alléchante. Clarisse posa une main affectueuse sur le bras de Jules « C’est une excellente idée ! Tu devrais en avoir plus souvent. » La demi-mondaine hocha la tête pour appuyer ses dires, elle n’avait jamais apprécié les bonnes relations entre mari et femme, ça rapportait moins d’argent et pouvait être tout particulièrement vicieux. Enfant, on lui parlait de son devoir de future jeune fille, future épouse, jusqu’à ce qu’on la mette sur le bord d’une rue avec des jupons trop courts. Là, la vie d’épouse travaillante qui donnait fièrement des fils avait pris un tournant, ce qui avait effrayée la petite Claire au début, mais maintenant… Maintenant Clarisse se disait fort chanceuse de son destin, libre et folle qu’elle était devenue !
Alors que la voiture virait à un tournant, la courtisane engagea la conversation, voix suave « Alors, Jules, comment va ta vie, ta revue fuchsia… magenta… Mauve ? »
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| | | Jules SpéretLa perfection n'existe que dans mon miroir
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| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Dim 14 Oct - 11:58 | |
| Comment allait sa revue mauve ? Bonne question. S'il voulait être tout à fait réaliste et conscient, Jules Spéret aurait sans doute dit "aussi bien que possible, pour aussi longtemps que possible compte tenu des limites de ma bourse". Mais ce n'était pas une chose à dire. Surtout pas à Clarisse, encore moins dans les circonstances présentes. Fort heureusement, le trajet de chez elle au Vénitien n'était pas si long que ça et le silence comploteur qui s'était installé dans la voiture le temps du trajet allait lui faire une grande faveur : le sauver par le gong. Le temps que la belle demi-mondaine retrouve la couleur de sa revue, ils étaient arrivés devant le Vénitien. L'éditeur n'eut que le temps de dire ces mots, un peu négligent comme souvent :
"Oh ! mais, comme toujours, comme toujours !"
La voiture s'arrêta. Jules Spéret ouvrit la portière et sauta lestement à terre avant d'attraper la belle mademoiselle de Miomandre par sa taille fine et de la porter jusqu'au sol dans un mouvement gracieux. Ce faisant, il put sentir quelques regards, soit outrés (majoritairement ceux de vieux aigris constipés ou de commères plus ou moins flétries), soit fascinés (uniquement composés de messieurs), soit ahuris voire perplexes. Après tout... la somme de leurs âges atteignait bien les quatre-vingt ans, non ? Pour l'un et pour l'autre, le temps des sottises était passé et dépassé... Et leur attitude était d'un vulgaire, mazette ! L'éditeur était ravi.
Tout ceci étant fait, Jules Spéret ouvrit la porte du restaurant et y entra en premier, comme le voulaient les conventions sociales. Un beau pingouin... euh, pardon, serveur engoncé dans un costume amidoné à la mine pincée vint s'enquérir de ce que désiraient madame et monsieur. L'éditeur n'hésita pas à demander une belle table en salle. Si les cabinets privés pouvaient être très bien pour les vrais amants, ce qu'ils n'étaient pas, ainsi que pour les gens discrets, ce qu'ils n'étaient pas non plus. On les mena à une belle table, on les fit asseoir, on leur proposa de choisir entre la carte et le menu, l'éditeur commanda une belle bouteille de champagne et on les laissa seuls le temps d'apporter la carte.
Pendant ce temps, la salle avait recommencé à bruisser de partout et quelques regards en coin les lorgnaient, allaient de cet excentrique monsieur à la veste éclatante à cette belle femme trop aguicheuse ; quelques bouches émettaient des propos plutôt aigres sur leur désinvolture railleuse ou sur leur bonne entente, quelques messieurs répliquaient à quelques mesdames que "ma bonne, ce n'est sans doute point avec vous que cela arriverait"... En bref, leur arrivée avait suffi à susciter une pagaille relativement tacite.
Pari réussi ? |
| | | Clarisse de MiomandreMaîtresse d'esthète
Messages : 23
| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Lun 3 Déc - 13:23 | |
| Sa réponse ne voulait absolument rien dire mais la demi-mondaine n’en fit pas tout un plat. Clarisse aurait été étonnée si l’homme avait donné quelques explications plus précises –croustillantes- sur sa revue couleur cernes. La femme se contenta de suppositions, se disant que la revue devait bien se porter. Où Monsieur Spéret aurait trouvé l’argent pour l’amener au Vénitien, sinon ? Ce n’était pas Clarisse qui allait s’en plaindre.
Elle se redressa dans la voiture, posant une main sur le cadre de la portière et fut interrompue dans sa descente par un Jules provocateur qui enserra sa petite taille pour la porter au sol. Les coups d’œil effarés se jetèrent sur eux, mais la dame se contenta de sourire à son compagnon, amusée. Si elle devait s’arrêter à la moindre outrance d’autrui, elle ne serait pas aussi entretenue ! Et puis ça faisait plaisir à Jules. Clarisse prit le bras de l’éditeur et entra à sa suite dans le restaurant. Sage, elle laissait l’homme prendre la parole et se posa devant lui à la table en salle qu’il avait choisie.
On l’avait si souvent invitée dans de prestigieux restaurants comme celui-ci. Ceux avec les jolis lustres accrochés, les dames fraichement sorties de chez Worth accompagnées de leur riche époux… et Clarisse appréciait à chaque fois. Aise, elle attrapa sa coupe de champagne et la porta lentement à ses lèvres. Le gout était savoureux ! Digne du Vénitien et digne d’un bon amant, si Jules en avait un –ce dont il avait largement l’air. La demi-mondaine pensa que ce n’était pas lorsqu’ils étaient jeunes et fringants –encore plus jeunes et fringants- qu’ils se seraient attablés dans un tel endroit ! Elle se rappelait facilement des repas simples et ordinaires des endroits peu recommandables où l’éditeur l’emmenait.
Le pingouin revint avec la carte, la femme la prit et scruta le menu. La capricieuse demoiselle parcourait les noms des plats d’un œil intéressé, allure distinguée. Au contraire de ce que l’on pouvait raconter, Clarisse n’était pas difficile, pas en nourriture. Sa jeunesse dans les ruelles de Paris l’avait habituée à ce qu’elle pourrait considérer, aujourd’hui, comme de la nourriture laissant à désirer. Curieuse, elle leva ses yeux clairs vers son ami « Que vas-tu prendre ? » Elle maintint le silence un moment avant de le briser à nouveau, sur le ton de l’humour « Comme toujours, je suppose ? » Un sourire pincé étira sa bouche, puis elle reposa sa carte avant de prendre une nouvelle fois sa coupe de champagne.
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| | | Jules SpéretLa perfection n'existe que dans mon miroir
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| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Mer 2 Jan - 10:22 | |
| La dernière pique de sa compagne d'un soir ne manqua pas de le faire sourire. Il était vrai qu'il répondait bien souvent par un "comme toujours" tout à fait représentatif de sa vision des choses, et qu'il venait parfois à en oublier que ce qui semblait évident pour lui ne l'était pas toujours pour les autres. Fort heureuseement, cette fois-ci, il n'aurait pas trop de difficultés à se décider sur le menu... Il était bien vrai que le Vénitien proposait de nombreux plats, souvent délicieusement sophistiqués et complexes, autrement dit des choses qu'il ne mangeait quasiment jamais, leur préférant les plats de brasserie bohème, mais Jules avait également ses préférences et ne les cachait pas.
"Eh bien, figurez-vous, mademoiselle de Miomandre, qu'on sert ici le petit potage à la Sarah Bernhardt... et qu'il a tout à fait l'air charmant."
Encore des agaceries, et l'emploi du "mademoiselle de Miomandre" assorti d'un vouvoiement peu ordinaire entre eux, sauf pour feindre la hauteur et le raffinement dont ni l'un ni l'autre n'était issu, n'en était pas des moindres. Mais après tout, l'endroit dans lequel ils étaient méritait bien ces petits sacrifices aux convenances, dans un monde où le "tu" semblait avoir disparu des grammaires. Autour de lui, il entendait bruire les quelques commères qui avaient réussi à rattraper leur mandibule et à la remettre en place pour mieux caqueter, tandis que les autres demeuraient bouche bée, bouche outrée. Quand aux messieurs, ils remuaient de la moustache pour bien signifier tout leur mépris. L'éditeur avait bien conscience de commettre un impair de toute beauté, mais après tout... il faut bien vivre parfois dangereusement !
La voyant lever sa coupe de champagne, il l'accompagna de la sienne et fit semblant de porter un toast. Un toast à quoi, au fond ? À l'amour ? Raté. À l'amitié ? Douteux en la circonstance. À la moquerie ? Le jour où la moquerie réclamerait un toast... En tout cas, il adressa à Clarisse un clin d'oeil facétieux avant de boire une gorgée de champagne et de lui poser la question fatidique.
"Et vous-même, que prendrez-vous ?" |
| | | Clarisse de MiomandreMaîtresse d'esthète
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| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir Sam 16 Mar - 17:24 | |
| Passer du tutoiement au vouvoiement, tout à fait naturel entre Jules et Clarisse. Ils en venaient à se parler comme ça, jouant les bourgeois distingués alors qu’ils n’étaient que des originaux allant un peu à contre courant. C’est qu’ils étaient raffinés, Monsieur Spéret et Mademoiselle de Miomandre… Ils l’étaient à leur manière ! Clarisse décida de jouer le jeu, de se fondre dans la masse de bourges coincés pour le temps d’un diner en tête à tête avec son grand ami.
« Ah, intéressant, intéressant. »
Elle baissa les yeux sur la liste des potages. Avoir été en compagnie d’un riche amant, elle se serait fait un plaisir de prendre l’entrée la plus chèèère du menu mais, hélas, l’éditeur n’en étiat pas un et, surtout, lui soutirer grossièrement de l’argent ce soir n’était pas dans ses intentions. Ignorant à merveille le mépris qui persistait encore sur quelques lèvres, elle accompagna Jules dans le lever de la coupe et répondit à son clin d’œil avec un sourire charmant. Elle prit une gorgée, posa sa coupe et s’attaqua à nouveau au menu.
« Je prendrai un potage cromesquis à la russe, mon cher. »
Ayant fait son choix, elle posa sa carte sur la table.
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| Sujet: Re: Réveiller au présent les ombres du passé et de l'avenir | |
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