Il peut être utile, lorsqu'on croise un personnage d'origine étrangère en jeu, de savoir les relations que la France entretenait, historiquement, avec chaque pays. Voici quelques éléments au sujet des relations internationales les plus significatives. Ce sujet a vocation à s'enrichir au fur et à mesure.

• France et Allemagne : Haine et rancoeur. Les français digèrent mal la victoire de l'Allemagne lors de la guerre de 1870 et ne se remettent pas d'avoir perdu l'Alsace-Lorraine. Beaucoup rêvent d'une revanche. La culture allemande a cependant du prestige aux yeux de certains milieux pacifistes et cultivés.
  
  
• France et Indochine : Fierté et ambiguïté. L'Indochine française est une des colonies dont les français sont fiers. Ce qui est bizarre, c'est que ce n'est pas encore vraiment une colonie : sur place, tout est encore à faire. Les populations indochinoises, lettrées comme populaires ne voient cependant pas d'un bon oeil la conquête française et ont été au coeur de révoltes parfois violentes - et violemment réprimées.

Nous commençons avec des rapports bien complexes et torturés : l'histoire des tensions entre la France et l'Allemagne est longue et parsemée d'épisodes et de rebondissements. Après la guerre de 1870, vécue comme un traumatisme, l'Allemand ou le Prussien rappelle à la plupart des français l'humiliation d'une défaite militaire écrasante, le dur siège de la ville de Paris, le déclenchement de la Commune et, bien sûr, la perte de l'Alsace-Lorraine. Petit rappel des événements :

• La Guerre franco-prussienne. L'opposition entre la France du second Empire et la Prusse est l'éclatement de tensions bien plus anciennes. La France craignait et avait empêché dès que cela lui était possible la réunification de l'Allemagne qui était encore, en 1870, une confédération de plusieurs États. Cependant, une guerre était à même de fédérer tous les États contre un ennemi commun : aussi la Prusse provoqua-t-elle un incident diplomatique entre un ambassadeur français et un prince de Prusse pour inciter la France à déclarer la guerre.
  
  Les troupes françaises étaient cependant moins bien préparées, moins bien équipées et mal commandées que leurs adversaires. Plusieurs défaites s'ensuivent jusqu'à celle de Sedan, où Napoléon III capitule. L'on prononce alors la déchéance de l'empereur et la IIIe République est proclamée. Parallèlement Paris veut continuer à se battre - tandis que la province est favorable à un compromis. L'armée prussienne marche alors sur Paris qu'elle met en état de siège : bombardée, coupée de ravitaillements, la ville subit un hiver très rude et souffre de la famine pendant que les batailles font rage ... Mais après de nombreuses pertes, alors que tout vient à manquer, la ville signe l'armistice en janvier 1871. Ce traité de paix définitif fera payer un tribut très lourd à la France : elle devra livrer une indemnité de 5 milliards de francs or et, comble de l'humiliation, elle sera occupée par les prussiens jusqu'à ce que l'indemnité soit versée. En outre la Prusse annexe l'Alsace et la Lorraine.
  
  
  
• Les conséquences sur les relations franco-allemandes se devinent assez facilement après cette histoire. Tandis que la guerre, en fédérant les différents peuples d'Allemagne, permet la création de l'Empire allemand, les français gardent une rancœur toute particulière à l'égard de ceux qui ont assiégé Paris, écrasé l'armée française et, surtout, pris l'Alsace et la Lorraine. La défaite de 1870 donne naissance à de nombreux discours revanchards et est une des raisons du développement d'un nationalisme agressif. En art, nombreuses sont les œuvres d'art officiel qui, à partir de cette date, rendent hommage aux deux territoires perdues : l'Alsace et la Lorraine, souvent personnalisés en jeunes filles y sont représentés abandonnées et mélancoliques ...
  
  
• Il convient cependant de ne pas rester schématique : à la toute fin du XIX_e, une certaine part des intellectuels proclame la nécessité d'une réconciliation et fustigent le nationalisme. C'est le cas notamment de Remy de Gourmont qui dénonce le patriotisme revanchard dans Le Joujou patriotisme. Les points de vue sont donc contrastées, notamment en fonction des milieux artistiques, et du degré d'attachement de chacun à un certain nationalisme.
  
  
• Par ailleurs, certains aspects de la culture allemande continuent à fasciner les lettrés. Outre Goethe et Schiller qui sont très admirés, les textes de Nietzsche ou de Stirner sont traduits dans des revues d'avant-garde, et la musique wagnérienne fait fureur dans les milieux artistiques les plus ouverts. La mode est même allée jusqu'à favoriser des sortes de pélerinages à Bayreuth, ville du musicien. En dehors des tensions d'ordre politique, la culture allemande, globalement jugée avec sévérité, fascine donc le milieu artistique par certains de ses aspects.

La France et les pays d'Indochine

Dans les années 1870- 1880, dans l'optique d'effacer l'humiliation de la perte de l'Alsace Lorraine (voir ci-dessus) et de peser sur l'équilibre mondial, la France déploie une part de son énergie à la conquête coloniale. Les différents pays de la péninsule indochinoise en font les frais. L'Indochine devient par là une destination exotique et les indigènes des objets d'étude ou de curiosité. La reconstitution d'un village annamite en 1889 lors de l'Exposition Universelle en est un bon exemple.

• Une conquête rapide et peu coûteuse pour le rayonnement de la France (?)La France, en visant la péninsule indochinoise voulait rivaliser avec l'Angleterre. Cependant, après le coût de la défaite contre l'Allemagne, l'argent manque et les gouvernements hésitent : si les crédits et les armées sont finalement envoyées en extrême-Orient, c'est parce que l'Indochine est considérée comme une campagne peu coûteuse. Plusieurs catholiques influents font également pression en ce sens, la population indochinoise comportant un certain nombre de chrétiens, convertis suite aux vagues missionnaires. La France se lance donc dans l'entreprise, en s'attendant à ce que cela soit facile et rentable. Cependant, les choses sont bien plus complexes sur le terrain ...
  
  
• Mais une situation complexe et loin d'être résolue en 1896.Tout d'abord, le territoire visé par la France comprend des pays et des ethnies très différents, aux fonctionnements qui leur sont propres, et il est difficile de gérer les disparités de situation entre l'Annam (qui comprend le Tonkin et la Cochinchine), le Laos ou encore le Cambodge. Parallèlement, si les prises de possession s'enchaînent, la pacification du territoire est difficile. En Annam, un mouvement appelé le Can Vuong visant à résister au nom des principes confucianistes et de l'empereur, s'organise et mène des actions de guérilla. Cependant, le mouvement peinera à mener des actions générales : ses attaques restent isolées, et ceux que les français appellent les "pirates" essuient de très violentes représailles. Par ailleurs, cette difficulté pour le Can Vuong à mener une action unifiée poussera les français, peu au fait des mentalités indochinoises et des réalités du terrain, à croire que les populations étaient dénuées d'un sentiment national, et se révoltaient parce que leur caractère était intrinsèquement ombrageux et insoumis (!). Parallèlement, les français ont des difficultés à réorganiser et à s'intégrer dans une administration très ancienne et au fonctionnement complexe. En un mot, l'Indochine est conquise militairement, mais elle n'est pas encore une réalité politique et administrative. En 1896, un régime de protectorat (L'Union indochinoise) s'est imposé, mais la situation stagne et est devenue particulièrement coûteuse : la France s'est endettée pour couvrir les frais, et les polémiques sont nombreuses ...
  
  
  
  
  
• La découverte par les parisiens des habitants de l'Indochine française. Tonkinois, Cochinchinois, Anammites, alors même que la situation des états pose problème, sont nombreux lors de l'Exposition universelle de 1889. Un village annamite y est reconstitué, et des pièces de théâtre traditionnelles sont proposées au public. Parmi les animations, des "voitures annamites" sont présentées sur l'esplanade des Invalides, pour que les élégantes et les curieux fassent un petit tour en plein air : " Et puis, la joie d'être traîné par un bonhomme, couleur de bronze Barbedienne, dont le chapeau de paille, en forme d'abat-jour, est retenu, sous le menton, par une jugulaire d'étoffe tombant sur la poitrine ; par un bonhomme dont les cheveux sont relevés en chignon sur la nuque, comme ceux d'une femme, dont les pieds sont chaussés de sandales, dont les jambes nues sortent d'un large et court pantalon que recouvre un sarrau noir en forme de blouse ! " écrit à ce sujet Frantz Jourdain. L'attention des visiteurs devant le mode de vie, l'attitude et l'habillement des indochinois est emprunt de fascination mais aussi de mépris et d'ethnocentrisme. En outre, de grands scientifiques, médecins et naturalistes de l'époque profitent de la présence des populations sur place pour réaliser de nombreuses études et mesures visant à déterminer les caractéristiques des "races" indochinoises.
  
  
• Lieux communs sur les populations indochinoises. Les textes d'époque prennent grand soin de décrire l'habillement de l'Indochinois, très différent de ce qui est connu en France. Choses difficiles à concevoir pour un homme du XIXe siècle : les hommes ont les cheveux longs, attachés en chignon "comme ceux d'une femme", et où les femmes portent elles aussi la blouse large nouée par une ceinture et, surtout, le pantalon. Cela mène les européens à croire qu'il est difficile (voire impossible) de reconnaître un homme d'une femme chez les asiatiques (?). Quant au caractère, la plupart des français se représentent les indigènes comme des esprits joueurs et encore naïfs. Cependant, l'image des peuples indochinois et notamment des annamites est associée à celle qu'avaient les européens des chinois au XIXe. Le "personnage" de l'indigène devient alors âpre au gain, rusé voire fourbe. On reconnaît en général que ces populations sont issus de civilisations anciennes et complexes, et en cela, le regard européen sur les indochinois est différent que celui sur les peuples africains (auquel le XIXe dénie l'idée de civilisation), mais ces civilisations sont aussi vues comme archaïques. Selon les idées du temps, la France a alors pour rôle d'apporter le progrès technique à une société considérée comme décadente.