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| Scène finale (Funambules) | |
| Emile BodinanbourgGapinanbourg
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| Sujet: Scène finale (Funambules) Sam 28 Avr - 7:49 | |
| - Spoiler:
Pour les besoins de ce RP, a contrario de mon style habituel, je préfère utiliser la focalisation interne =)
Ces coulisses... décidément, je ne pensais pas les revoir. Enfin, pas dans ce contexte, tout du moins. Les couloirs résonnent du bruit de mes pas et de ma canne sur les lattes craquantes. Quelques murmures parviennent à mes oreilles. Les propos sont insignifiants, les voix, inconnues. Contrairement à ce jour. - Citation :
- - Alors tu vas rien dire, s’pas ?
Pourquoi suis-je revenu ?Leurs voix me hantent depuis un mois. Mes émotions dépassent ma raison, me faisant parfois perdre le fil de ma réflexion. Jane n'est pas aux Funambules, elle ne vient jamais à cette heure-ci. C'est pour ça que je suis là. Je ne veux pas la croiser. Pas encore. Trop tôt, trop dangereux. Trop près.Mais, lui... Je sais que je le verrais ici. Un homme me l'a confirmé à l'entrée. Il est le seul à pouvoir répondre. Je dois savoir. - Citation :
- - ...à combien pourrais-tu payer mon silence ?
Oui. La vérité ne doit pas m'échapper. Ces couloirs resteront-ils donc si mal éclairés ? Je n'ai plus le temps de m'y perdre ! Un élément du décor m'est familier. Je prends à gauche. Oui, je reconnais. Je suis sur le bon chemin. Le même couloir. La même porte. Le même homme. - Citation :
- ... en faisant le pitre aux Funambules !
La tête de fouine me tourne le dos. M'a-t-il seulement entendu rentrer ? Un léger mouvement d'épaule, une crispation dans sa main droite... Il m'a vu dans le miroir à sa gauche. Et... quelque chose me dit qu'il se souvient de moi. - Bonjour, Mascarille. |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Sam 28 Avr - 13:06 | |
| C'est l'extrême sensibilité qui fait les médiocres acteurs ; c'est la sensibilité médiocre qui fait la multitude des mauvais acteurs ; et c'est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes. Denis Diderot, Paradoxe sur le comédien | Cet homme qui les avait surpris, il le connaissait, cela ne faisait pas le moindre doute ... Lorsqu'il l'avait croisé dans les couloirs déserts du théâtre, il s'était déjà murmuré, en son for intérieur, que ce n'était pas la première fois. Cependant, il ignorait son nom, et en avait conclu qu'il ne lui avait jamais adressé directement la parole. Drôle d'histoire ... Son interlocuteur de ce soir-là, n'avait point été inquiété, même s'il guettait la Sûreté dans son appartement, le cœur battant, mais la tête haute ... Rien n'était encore venu. Espérait-il encore accomplir quelque chose ... ? En avait-il même le pouvoir ?
Ce soir-là, Mascarille n'est point encore grimé : il s'apprêtait à mettre la couche d'apprêt pour le fard quand cet homme - cet homme - le surprend. Il suspend son geste, et le regarde depuis le miroir ... Ainsi donc ... |
Il sourit. Son visage, sans maquillage, ressemble à ces maisons de bord de mer qui ont subi les assauts du vent et du sel. Mascarille avait la peau sèche et crevassée, usée de trop d'expressions et de rictus, abîmée par les eaux dures et les poudres. - Quand on a rien à écouter aux portes, on se renseigne directement, n'est-ce pas ?Il se lève et se tourne vers l'inconnu, avec un air moqueur. La situation l'a surpris un temps, mais il a déjà adopté sa ligne de conduite. Il semble à sa place, campé sur ses deux pieds, solide devant les revers de fortune. Il ne se sent pas en danger. - Je n'ai pas l'honneur de te connaître, 'me semble.Il le jauge, des pieds à la tête. - J'me demande ce qui te fait oser venir me voir.Cela aurait pu sembler une conversation normale s'il n'y avait ce tutoiement ... Ce tutoiement qui avait un son horrible, infamant, dans cette petite pièce sombre, loin des logiques du monde, loin des quartiers bohèmes, loin de toute sociabilité humaine. |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Sam 28 Avr - 21:23 | |
| Cet homme est dangereux. L'intonation de sa voix, sa posture, son sourire... tout en Mascarille clame l'habitué des cadavres dans le placard. Et pas qu'au sens métaphorique du terme. Je frissonne à cette idée. Heureusement, les longues manches de ma veste le cachent à mon interlocuteur. Il ne faut pas que je lui montre ma faiblesse. Jamais.
Sa première question semble rhétorique. Je n'y réponds pas. L'homme enchaîne et me jauge. Si mes années d'observation m'ont permis d'avoir un regard assez clair sur les gens, je crois que celui de Mascarille est tout aussi acéré. Mais s'il croit que ce sera aussi facile... Il n'est pas le seul à savoir jouer la comédie humaine.
- J'me demande ce qui te fait oser venir me voir. Moi aussi, je me le demande. La curiosité ? La vérité ? Ou simplement en avoir assez de fuir ? ...Jane. Je suis là pour Jane. S'il fait le lien entre elle et moi, elle sera en danger. Hors de question. Je suis là pour la protéger. A n'importe quel prix.
Mon ami, ne m'en veux pas. Permet-moi, encore une fois, d'emprunter ton nom, comme dans nos farces de jeunesse. Pour le bien de tous. - Je m'appelle Ange Broussard. lui dis-je, avec l'aisance de l'habitude.
A mon tour. Jouons le jeu du tutoiement. -Moi, en revanche, je te connais, Mascarille. Je me permet un sourire sans joie. Comme tous ceux qui ont pu assister à tes gesticulations sur scène. Il est seul dans sa loge. Je fais mine de regarder autour de moi. Ton compagnon n'est pas là, cette fois ? De nouveau mêlé à un scandale ? C'est dommage, il commençait à se faire un nom. Jouons le jeu de l'adversaire. - Si je suis venu, c'est pour des réponses. Jouons à celui qui guideras l'autre sur cette valse de questions-réponses. - Et toi, pourquoi es-tu là? Là, dans cette mascarade. Là, dans cette affaire. Là, dans cet attentat. Parce que l'Opéra, c'est eux, n'est-ce-pas ? |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Sam 28 Avr - 23:54 | |
| | Mascarille a un rictus, presque une grimace quand on lui répond. Il note le nom dans sa mémoire et l'affuble en imagination d'un gigantesque point d'interrogation. Non qu'il ait décelé plus que le trouble du jeune homme, sans doute bien légitime, mais il tient pour acquis que les gens mentent, mentent toujours ... Il a simplement pris le pli, suivi la tendance générale ... La vie n'est qu'une suite d'occasions. Alors il entend les questions, recompose l'énigme dans un coin de sa tête. Là depuis une minute et déjà tant que questions ... !
- On en vient tout d'suite au fait, c'est ça ? Tu permets ?
Il prend sa chaise d'acteur, une vieille chaise brinquebalante, et il la tourne vers son interlocuteur. S'y installe, commodément. Puis il commence, sous l'air de la conversation. | - Je n'suis pas très content que tu parles de gesticulations. C'est ton problème, tu aimes pas la pantomime ? Spectateur qui présume ! C'est pourtant charmant, la pantomime ... c'est l'homme tel qu'il est, sans tout son encombrement de blabla, comme maintenant ... Mais soit ! Il donne un coup sur la table, et les bibelots, les fioles s'entrechoquent. - Pourquoi tu veux savoir ? T'as pas besoin de ça. Aujourd'hui on dénonce, et ça suffit.Il eut un gloussement. - C'est du sens moral ?Émile était-il devant un homme ou devant une marionnette ? |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 1 Mai - 5:23 | |
| - Spoiler:
Je dois bien l'avouer, ta question m'a complètement désarçonnée ! x) Ma réponse est courte, j'espère qu'elle te convient
- Aujourd'hui on dénonce, et ça suffit. C'est du sens moral ?
- On peut le dire ainsi.
Plutôt un choix par défaut. Dénoncer ? Oui, bien sûr, j'ai essayé. En vain.
Je suis loin d'être idiot. Je me suis rendu au commissariat après le début de ma fuite. Mais, avec l'explosion au d'Harcourt, et la révélation sur "Mlle Bellis", les imaginations se sont emballés. Des personnes sont persuadées d'avoir vu Bellis poser la bombe, d'autres, la majorité, crie que le Renard est derrière tout ça. La plupart peut et exige "d'en témoigner, de leurs yeux vu !" comme disait la vieille bourgeoise en mal de réputation devant moi. La Police est désorganisée à cause de l'absence de Roche, et maintenant débordée de ces témoignages farfelus. Le mien a été considéré comme tel sans même qu'un procès-verbal n'ait été dressé.
- Qu'est-ce qui peut bien pousser un homme à commettre un attentat ? dis-je, à demi pour lui, à demi pour moi. La gloire ? La misère ? De plus grands desseins ?
Dernière édition par Emile Bodinanbourg le Mar 1 Mai - 19:49, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 1 Mai - 6:13 | |
| - Spoiler:
Désolée de t'avoir donné du fil à retordre ! Mais tu t'en es très bien sorti Par contre, Mascarille est pas forcément "facile". N'hésite pas à insister, faut l'avoir à l'usure ! \ô/
| Mascarille secoue la tête énergiquement.
- La stupidité, j'ai envie de dire.
Il croit déceler une lueur d'étonnement dans le regard de son interlocuteur - Ange, quel prénom ridicule ! - et poursuit aussitôt, avec assurance :
- T'as l'air bien épaté*. Mais je dis ce que je pense, je suis pas impliqué là dedans, moi. J'aurais jamais tant risqué ... Pour tellement peu, tellement RIEN. Celui qui est en danger, c'est lui, c'pas moi.
Il désigne un tabouret ridicule et brinquebalant qui est posé dans l'ombre :
| - Allez, assieds-toi, grand daim*. Tu poses des questions trop compliquées pour qu'ça soit réglé en un claquement d'doigts.Puis il semble hésiter ... Ses mains s'égarent sur une flasque qui trônait, parmi les pots et les fioles de maquillage. Il la débouche et la porte à ses lèvres. Une légère grimace. D'un geste, il la tend vers le jeune homme, tout en disant : - Tout ce que je peux faire, c'est te raconter ce qu'il a bien pu dire, parce qu'il a pas toujours fait attention. C'pas bien loyal, mais pour c'que j'm'en f*** ... Mais je continue à trouver tout ça stupide.Notons qu'il n'avait pas dit mal, absurde ou même horrible, il avait dit stupide. - Citation :
ARGOT * épaté : être très étonné (sens beaucoup plus fort qu'aujourd'hui) *daim : Personnage dont le rôle, dans la comédie humaine, consiste à jouer les grandes premières dupes auprès des femmes. Le daim est généralement riche, bien mis et stupide.
Dernière édition par Pierrot Lunaire le Mar 1 Mai - 10:43, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 1 Mai - 9:06 | |
| Le tabouret ne me parait guère encourageant. Je préfère m’asseoir sur la solide malle en bois à côté, en dépit de la bienséance. La flasque tendue a un aspect peu ragoûtant, mais je ne veux pas vexer mon interlocuteur. La petite gorgée que je prends ne me permets pas de définir quel est cet horrible alcool. Juste de me brûler la gorge et une partie de l’œsophage. N'y a-t-il jamais d'eau à porter de main quand on en a besoin ?
- Stupide ? Peut-être. Il n'empêche que cela a bien remué la capitale pendant quelques semaines...
Je tousse fort à cause de l'alcool. Je vois Mascarille ricaner dans son coin. Tant pis pour ma prestance... Je reprends cependant contenance.
- ... tout du moins, jusqu'à ce que le Renard devienne l'ennemi public numéro un. Je me demande ce que pense votre "ami" de cela. Le fait que son "exploit" soit mis sur le compte d'un autre. Il doit sûrement être soulagé, n'est-ce-pas ?
Dans ma veste se trouve quelques cigarettes. Je n'ai jamais vraiment fumé jusqu'à ce que je commence à fuir. La perspective du danger proche a augmenté mon stress au point d'avoir besoin d'un remontant. J'en sors deux, et en propose une à mon vis-à-vis. Tout en cherchant mon briquet, je poursuis :
- J'écouterais avec attention tout ce que vous voudrez bien me dire. Que ce soit sur lui... ou sur vous. |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 1 Mai - 10:39 | |
| | L'alcool que contenait la flasque était une vieille eau de vie de campagne, produite par un vieux paysan ruiné qui avait bradé ses dernières bouteilles. L'acteur sans le sou avait ramené le lot à Paris et gardait cette flasque pour les jours sans beurre ni crème, pour se donner un peu de cœur au ventre ... Et pour les occasions étranges, comme celle qui se présentait. Il ricane lorsqu'il voit le jeune homme s'installer, bon gré mal gré, sur une vieille malle - s'inquiétant un peu de la voir se rompre sous le poids - puis tousser après avoir bu une lampée. Ah, c'était pas une boisson fameuse, pour sûr ! C'était pas ce qu'on lui demandait ...
- Soulagé ? J'suis pas certain.
Mais il s'interromp en voyant la cigarette. D'un geste vif, il l'attrape et la met au bec. Voyant le jeune homme chercher son briquet, il a un geste pour l'arrêter et sort une |
boîte d’allumettes de sûreté qui dormaient dans un tiroir. Il lui tend le paquet puis allume la sienne sans un mot.Tire une bouffée, contemple la fumée qui s'élève dans le rien de jour ... Prenant bien soin de prendre son temps ... Puis, la cigarette au bec, il reprend : - Chur moi, y'a rien à dire. Ch'uis Machcarille, ch'est tout. Nouvelle bouffée. Il garde la cigarette à la main, cette fois : - Sur lui, en revanche ... - Il eut un geste éloquent - C'est un pauvre gars, au fond, ça m'étonne pas qu'il ait cru que ça pouvait marcher. Il en r'vient maint'nant. - Très bonnes, tes cigarettes. - Tu l'as déjà vu dans le monde ? Il t'inspirait quoi ?Bizarrement, Mascarille semble soudain curieux ... |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 1 Mai - 20:42 | |
| Ma cigarette dans la main droite, le paquet d'allumettes dans la main gauche, je joue un peu avec, le retourne avec délicatesse, profitant du son des petits bouts de bois s'entrechoquant doucement. Avec de l'imagination, on pourrait croire à des vagues s'échouant sur un rocher.
- Je ne sais pas si on peut qualifier une scène de théâtre comme "le monde".
Mascarille veut détourner la conversation ? Soit. Pour l'instant, je vais le suivre. Avec honnêteté et franchise.
- Il est talentueux, ça, pour sûr. Mais, il transpire l'ambition et le dédain, même quand il joue.
Et la fausseté. Tête à claques. Je ne l'ai jamais aimé. Mon Dieu, faites que Jane ne s'accoquine jamais de ce genre d'individu ! Mon visage reste cependant impassible.
- Ca lui portera préjudice pour sa carrière, à long-terme, s'il ne s'améliore pas, je le crains.
Je me décide enfin à sortir une allumette et la frotte contre la boîte. Le craquement et la flamme qui en découle me fascine une micro-seconde. Comme une explosion de bombe en miniature. Le stress, décidément, déverrouille trop de divagations dans mon cerveau. J'allume ma cigarette, tire une ou deux bouffées, prolongeant l'instant.
- Pourquoi risquer une carrière prometteuse pour un acte jugé criminel ? Cela n'a pas de sens. Qu'est-ce-qu'il recherchait donc ?
Mascarille se décidera-t-il enfin à parler ? |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mer 2 Mai - 1:33 | |
| | L'acteur fumait tranquillement sa cigarette, en écoutant son interlocuteur d'un air dubitatif. L'autre lambine. Mascarille ne peut s'empêcher de sourire, quand il parle de talent et d'ambition. Lionel Sylvande s'était forgé un personnage social, tout de broc, avec ce que le regard des autres lui renvoyait. Le drame est qu'il y avait trop réussi et s'était trouvé pris au piège ... Drôle de situation, pas inintéressante ... quand on est dans le métier.
- Tu crois qu'il y pense à sa carrière ? lâche-t-il avec désinvolture. Sa carrière était un moyen, c'est tout.
Mais un moyen de quoi ... ?
- Tu lis pas les journaux, mon garçon ? Faut pas y croire tout c'qu'on y baratine, mais y'a aussi du vrai dans c'qu'on dit. Il a fait ça pour ses convictions, qu'il pense. Mais pour comprendre ça ... |
Il hausse les épaules, regarde piteusement la cigarette déjà presque finie ... Le tabac était un de ses vices. Il lui avait enroué la voix, le poussant à exceller dans l'art du silence ... et il lui semblait être la quintessence du rien et de l'éphémère de sa vie - les meilleurs de nos romans sont imprimés sur fumée de cigare, comme dirait l'autre ... Et il ajoute : - J'devrais pas te dire ça, mais moi j'l'ai vu, Sylvande, dire des choses qu'auraient pas reniées un anar', quand il est arrivé à Paris. Il s'cherchait encore un métier, on le connaissait pas encore ... Après ... Coup de chance, piston, je sais pas, il a décroché sa place. Oh ! Il s'est tout de suite assagi, il a changé ses cafés habituels, on l'aurait pas reconnu. Moi je l'ai serré de près parce que j'voulais savoir s'il avait renié ses beaux discours ou s'il mentait à tout le monde ... J'suis curieux, moi.Il se rengorge alors, et commente, avec l'air d'un vieux professeur en chaire : - Il est intéressant. Mais l'plus intéressant est ailleurs, parce que rien n'est clair, avec ce gars-là.Il tend la main, avec un sourire, pour réclamer une nouvelle cigarette. Paye ta patience ! semblaient dire ses petits yeux plissés, vifs derrière les rides, et au regard plus insaisissable qu'il n'est pas encore souligné de noir. |
| | | Emile BodinanbourgGapinanbourg
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mer 2 Mai - 8:46 | |
| - Un moyen ?
J'écoute attentivement ce que dit le vieil acteur. Ainsi, Sylvande ferait partie de ces anarchistes aux idées extrêmes...
Devant le geste de Mascarille, je souris.
- Ce monsieur Sylvande m'intrigue de plus en plus. J'aimerais savoir le moins comme le plus intéressant. Commence par ce que tu veux.
Je lui tends de nouveau une cigarette. |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mer 2 Mai - 11:33 | |
| | Mascarille hoche la tête quand Ange répète ce qu'il vient de dire. Les informations semblaient longuettes à faire leur effet, chez ce jeune garçons ...
- Ce monsieur Sylvande m'intrigue de plus en plus. J'aimerais savoir le moins comme le plus intéressant. Commence par ce que tu veux.
Mascarille bondit.
- Grossière erreur, grossière erreur, mon pauvre ami - il était bien familier pour donner du "pauvre ami" ... - Il ne faut s'intéresser qu'à ce qui en vaut la peine ... Ou prendre c'qui est pas intéressant de la bonne façon ... |
Il attrapa la cigarette qu'on lui tend, saisit les allumettes d'un geste vif. Craquement - cette même petite explosion en miniature, le bruit léger des bâtons de bois ... Il prenait son temps, le chien ! - Vois par exemple, son passé ... T'en sais quelque chose, j'imagine, comme beaucoup d'gens ? Il a pas trop fait de publicité là-dessus, mais on sait toujours d'où viennent les gens ... C'était un p'tit bourgeois, promis à une carrière ennuyeuse, mais brillante - à leurs yeux. Les parents claquent, un parent obscur lui vole son héritage ... Il est sans rien, alors il travaille pour perdre son accent berrichon, et y va à Paris. Tu sais la suite de l'histoire ... Il fit un moulinet avec sa cigarette, comme pour dire "et ainsi vont les choses". - Qu'est-ce tu crois que ça a créé dans sa petite tête ? Il était pas préparé pour vivre comme les gens qu'ont rien, comme les gars dans mon genre. Et puis il a vu, directement, il a essuyé l'injustice, aussi. Alors avec sa petite tête de bourgeois tu crois qu'il a tiré quoi comme conclusion ?Et d'un air orgueilleux, il ajoute : - C'est les gars comme moi qui s'débrouillent. Pas les gars comme lui.Et il semble attendre votre commentaire, M. Broussard, vos conclusions. A croire qu'il tient à jouer avec vous. |
| | | Emile BodinanbourgGapinanbourg
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Dim 6 Mai - 18:11 | |
| Le passé de Lionel Sylvande ? Je dois être l'une des seules personnes à ne m'y être jamais intéressé.
Pourtant, j'ai noirci des carnets et des carnets entiers du passé et du présent de nombreuses personnalités, et anonymes. De Madame la Présidente, jusqu'à quelques voyous, en passant par le conducteur d'attelage fou du Bois de Boulogne. Cela me fait d'ailleurs penser que, à cause de ma fuite, je n'ai pas pu revoir ce monsieur Holland qui aurait trouvé sa place dans mon panel d'observation. Espérons que cela ne soit pas trop tard...
Je me réinstalle aussi confortablement que possible sur la malle de bois, qui grince un peu, mais tient. Ma cigarette est fini depuis longtemps, et je crois qu'il vaut mieux que je les économise pour le vieil acteur.
Toujours est-il que, ce monsieur Sylvande, lui, je ne l'ai jamais trouvé suffisamment intéressant. Ou plutôt, je ne l'ai jamais apprécié au point de m'y intéresser. Peut-être aurais-je tenter quelques manoeuvres habiles pour m'en approcher si j'avais su ce que j'ai appris aujourd'hui...
Quelle ironie du sort, n'est-ce pas ? Il n'a jamais été aussi fascinant que depuis qu'il cherche (peut-être) à me tuer ! Ma passion me rend idiot.
- C'est les gars comme moi qui s'débrouillent. Pas les gars comme lui.
Je le sais, je le vois dans son regard. Il joue, il s'amuse. Il gagne du temps, ou il en perd ? Bon sang, que cherche-t-il ? ... Il n'empêche que cela me fait réfléchir.
Je n'ai jamais connu la misère, mais je sais ce qu'il veut dire. Mes parents n'étaient pas économes, le seul héritage que j'ai reçu d'eux, c'est mes terres en campagne. L'héritage des parents de Jane n'est pas très conséquent, et il est mis de côté pour son futur mariage... et le peu d'argent que je peux parfois sauver, également. Mais ça, elle ne le sait pas. Il est arrivé, de nombreuses fois, que les revenus de mon lopin de terre et le salaire de pantomime de ma cousine ne suffisent qu'à peine à couvrir nos dépenses. Si on devait se retrouver sans rien...
- Ceux qui n'ont rien se débrouillent avec tout, et ceux qui ont tout ne se débrouillent avec rien.
Je guette sa réaction.
- Cependant, cela justifie-t-il toutes les actions ? Je me le demande.
Oui, vraiment. Cela fait une dizaine d'années que je m'adonne à l'observation de mes contemporains, et je pense sincèrement qu'une vie entière ne suffirai pas à comprendre le fonctionnement de la réflexion humaine.
- Et donc, quelle est la conclusion de monsieur Sylvande ? en l'invitant à reprendre.
Dernière édition par Emile Bodinanbourg le Ven 11 Mai - 7:52, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 8 Mai - 4:47 | |
| | Voilà que notre petit Monsieur s'essaye à la philosophie ... Mascarille le jauge, indifférent, étrangement calme ...
- Cependant, cela justifie-t-il toutes les actions ? Je me le demande.
Mascarille hausse les épaules.
- Moi pour c'que j'en pense ... Va t'faire fich' ! Mais lui ... - son sourire s'élargit ... - J'crois pas qu'il pense qu'ça justifie tout. Ce qu'il a voulu faire - et ça manque pas d'audace ou de panache, au fond - c'est atteindre ceux qui sont jamais touchés par rien. Comme le gars qui avait fait cribler d'clous les députés, là ... Les dégâts collatéraux, musiciens, danseuses, c'tait pas prévu, j'crois. Ca lui a même fait de la peine, parce que ça a des sentiments, ces bêtes-là. J'ai écouté aux portes, je l'ai poussé à me dire ... Paraît que la bombe a pas été placée exactement au bon endroit. Amusant, non ? |
C'était une drôle de notion de l'amusement ... C'était étrange tout de même : à l'entendre, Mascarille se présentait comme moins affecté de la catastrophe que son commanditaire. Était-ce là l'un des fameux paradoxes de la conscience humaine ? - Il aurait dû savoir qu'on fait pas d'omelette sans casser des œufs - ô sagesse populaire ! Mais il est naïf, Sylvande, à sa façon.Un regard vers son interlocuteur. Mascarille parle de plus en plus, avec un amusement évident. Pourtant la loge est vide et point de porte qui grince. - Il est persuadé qu'il a fait ça pour la bonne cause, j'en suis sûr. Il est sincère, quand il dit que c'était pour réveiller les consciences, faire trembler les fondations d'ce monde. Mais ...Il sait pas qu'au fond, c'est juste du ressentiment parce qu'on lui a tout volé, tout pris, parce qu'il a pas eu de chance et qu'il a perdu ses parents un peu trop tôt. C'est son petit drame à lui, et il sait même pas qu'il le joue.Sans même demander, il attrape le paquet de cigarettes, qu'il fourre dans sa poche. Avant que vous n'ayez le temps de protester, il se lève, se frotte les mains, et lance d'une voix enjouée : - Maintenant c'qu'on va faire ! J'ai rien dit quand on m'a interrogé parce que j'étais pas encore sûr ... Et mêm', mes relations aiment pas trop la Police, alors j'vais éviter de raconter, tu vois ... Tu me ferais plaisir si t'allais leur dire sans donner mon nom. Il posa une de ses larges mains sur l'épaule d'Ange Broussard. Et devant son regard, qu'il pensa interrogateur, il sourit de toutes ses dents : - Pourquoi j'le dénonce, tu vas me dire ? Je vais te dire ... Parce qu'il est dangereux, mais qu'il sait pas s'y prendre.Et il vous pousse légèrement vers la sortie, avec un rictus étrange. |
| | | Emile BodinanbourgGapinanbourg
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 8 Mai - 7:25 | |
| Voilà bien des révélations, tout à coup ! Trop... Et voilà Mascarille qui me pousse vers la sortie !
- Monsieur, attendez ! Par la surprise, mes bonnes manières sont revenues au galop. Je ne peux pas me rendre au commissariat ! Je n'ai même pas de preuves tangibles à leur fournir !
De plus, ses paroles m'intriguent. Il y a quelque chose de pas clair chez Mascarille. Il semble avoir tout dit, pourtant... Mais il cache quelque chose.
Je me retourne pour lui faire face. Ca y est, j'ai mis le doigt sur ce qui ne va pas.
-Monsieur, (les habitudes ont la vie dure), si ce monsieur Sylvande a tant préparé son attentat jusqu'à avoir tout fait pour parvenir, je ne m'explique pas que la bombe se soit retrouvé au mauvais endroit. C'est un détail de la plus haute importance qui est préparé minutieusement par n'importe quel anarchiste qui veut faire du bruit ! Que s'est-il passé, au juste ?
Je n'ose l'interroger sur ce qui me fait le plus peur... "...il est dangereux, mais qu'il sait pas s'y prendre."
Parce que, Mascarille, si ? |
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 8 Mai - 9:42 | |
| | Mascarille tique un peu, relâche la pression qu'il exerçait sur l'épaule du jeune homme.
- Eh bien ! Nos gars sont d'venus regardants ?
Mais il n'a pas l'air d'avoir l'intention d'en dire plus. Cependant la question suivante semble l'interpeler davantage. Son regards s'éclaire et semble dire "Ah voilà qu'on y arrive !"
- C'est qu'ça réfléchit, là-dedans ! - Il tapote l'épaule du gamin avec cette familiarité inquiétante qui est parfois la sienne. - Eh bien, la voilà, ta preuve. C'est qu'il a eu la mauvaise idée de faire faire ce boulot-là par un gars qui avait pas forcément les mêmes intérêts ... qui aurait pas dit non à la mort de quelques musiciens ... Et qui pouvait transporter un encombrant chargement jusqu'à la fosse d'orchestre sans avoir l'air suspect. |
Et le poussant à nouveau, il ajoute : - On n'a jamais su dans quoi avait été amenée la bombe. Amène-leur ça, présente-le comme une charmante petite déduction de ta part ... Et du devrais réussir dans la vie, mon gars. Quant à moi ... Il a un geste évasif, l'air philosophe. - Moi j'reste à ma place parce que j'y suis bien, et que j'ai pas tant à y gagner. Mon monde aime pas la Police, mais la Police se méfie de Mascarille ! Bon vent, Monsieur Broussard ! Merci pour les cigarettes ! Et il retourne à ses bocaux, ouvre la poudre de riz et se blanchit le visage. La poudre volète autour de lui. Il est à penser qu'il ne s'en prendra donc point à vous car s'il vient à vous toucher, vous serez aussi blanc qu'un Pierrot de comédie italienne ! |
| | | Emile BodinanbourgGapinanbourg
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Mar 8 Mai - 20:35 | |
| En le voyant se poudrer le visage, je soupire discrètement de soulagement. Ainsi donc, je n'allais pas me faire tuer par ce pantomime désarticulé ! J'en aurais ri si ces nouvelles révélations ne m'intriguaient pas autant...
- Je crois malheureusement que c'est plutôt l'incompétence de la Police qui prime, ici, plutôt qu'un regain de conscience professionnelle. Ils ne désirent pas enquêter autant qu'on pourrait le croire au vu des circonstances...
J'ai encore du ressentiment envers l'agent de Sûreté qui m'avait renvoyé chez moi malgré le danger imminent. "On peut pas enquêter sur tous les "on-dit" et les théories fumeuses de bonne-femme qu'on nous donne, Monsieur ! Laissez la Police faire son travail !", qu'il avait dit. Avant de reprendre son jeu de cartes pour une partie de solitaire.
-... ce qui me fait penser que cette jolie déduction ne sera pas appréciée à sa juste valeur.
Et c'est un doux euphémisme...
- Monsieur, avant de m'en aller... Au point où nous en sommes... Peut-être pourriez-vous m'expliquer le moyen dont s'y est pris ce complice pour transporter la bombe ?
Puis-je vraiment poussée ma chance jusque-là ? Je dois être suicidaire ou masochiste, je ne vois pas d'autres explications.
-... et son nom.
Je resserre un peu la prise sur ma canne. |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Jeu 10 Mai - 5:48 | |
| | Que racontait-il ? Mascarille ouvre de grands yeux tandis que Broussard, en bon petit-monsieur, lui expose ses théories sur la Police. Ses protestations ont l'air de le contrarier. Il se lève, et gratifie le petit front pensant de Broussard d'une pichenette - laissant une trace de poudre de riz.
- Voyez-vous ça ...
Il fait mine de se rappeler quelque chose, l'air vaguement nostalgique :
- Vous, Monsieur, qui allez au spectacle ... - Son vouvoiement parodique faisait presque passer son tutoiement vulgaire pour une amabilité - Ne vous souvenez-vous pas d'un violoncelliste émérite, un virtuose, le Paganini du violoncelle ! Or si les bombes d'aujourd'hui rentrent dans une marmite, l'étui d'un instrument leur sont des palaces ... |
Il hausse les épaules, de l'air de dire " Qu'est-ce que je peux ajouter de plus ?" - Il suffira d'aller voir le violoncelle délaissé dans la chambre misérable de notre musicien déchu ... Et c'est pas une nature à nier en bloc, une fois le secret découvert. Les hommes brillants ne pardonnent pas aux autres leur ingratitude et leur aveuglement ... Monsieur aurait sans doute voulu qu'on l'entendît jouer mal jusqu'à la fin de sa vie, en hommage aux gammes virtuoses qu'il était le seul à exécuter, autrefois ... Idée fantaisiste, s'il en est.Il allait le pousser à nouveau pour retourner à lui-même, une bonne fois pour toute. Les coulisses commençaient à résonner des rires et des éclats de voix des machinistes. L'heure n'était point encore au spectacle, et bien peu d'artistes étaient là, mais le temps tournait ... - Je me demande ce que ça dit dans cette petite tête bourgeoise. Les hommes sont de bien étranges bêtes, n'est-ce pas ? - Et il ajouta, d'un ton de plaisanterie - Tu connais le chemin, j'vais pas te raccompagner ?Et la bête railleuse attend une dernière réponse, presque curieux à son tour ... Bientôt la porte de la loge se refermerait ... Et il sera bien temps de rassembler un peu ses esprits, n'est-ce pas ... ? L'heure pouvait être pressante, il fallait toujours se payer le luxe d'un petit retour sur soi et d'un peu de philosophie ... |
| | | Emile BodinanbourgGapinanbourg
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Sam 12 Mai - 8:00 | |
| - Tu connais le chemin, j'vais pas te raccompagner ?Je souris. M'aurait-il percé à jour ? Peu importe, au fond...- Les hommes sont d'étranges bêtes... Mais, au fond, c'est ce qui les rend si intéressants, n'est-ce-pas ?Ma canne à la main, je me dirige vers la porte de la loge. - Au revoir, Mascarille. Et merci pour cette conversation enrichissante ! dis-je, en le saluant d'un mouvement de tête, avant de tourner les talons. Les dernières révélations du vieil acteur tourne en boucle dans mon esprit, à tel point que j'éprouve des difficultés à faire attention à ce qui m'entoure. - Citation :
- ... un violoncelliste émérite, un virtuose, le Paganini du violoncelle !
Le couloir commence à fourmiller de vie. Des machinistes, des décorateurs... - Citation :
- ... l'étui d'un instrument...
Quelques-uns me reconnaissent et me saluent au passage. Il y en a même un qui a la gentillesse de me prévenir pour la trace de poudre de riz, toujours sur mon front. Je remercie le technicien et, tout préoccupé que je suis, j'essuie machinalement la poudre avec le revers de ma manche. - Citation :
- ... Monsieur aurait sans doute voulu qu'on l'entendît jouer mal jusqu'à la fin de sa vie...
La trace blanche sur ma veste n'a aucune importance. Je n'y crois pas. Mon raisonnement a beau être logique, j'ai vraiment du mal à y croire. Je sais de qui Mascarille voulait parler. Théophile d'Ardennes. Violoncelliste de grande renommée. Complice dans l'attentat de l'Opéra. Je n'arrive pas à y croire.Deux grandes figures du monde des arts, auteurs d'un crime aussi odieux. Je n'arrive pas à y croire.De plus, Sylvande me recherche peut-être encore ! Je n'arrive pas à y croire.Et s'il apprend que j'ai parlé à Mascarille ? Je n'arrive pas à y croire.... Il faut que je prenne des notes ! Maintenant ! Mon sens des priorités m'étonnera toujours.Je sors immédiatement mon carnet noir, celui que je possède en permanence sur moi pour mes observations. J'allais commencé à écrire, mais au vu de l'agitation grandissante autour de moi, je regarde ma montre à gousset par précaution. Je ne me suis pas aperçu qu'il était si tard, Jane sera bientôt là ! Je note en précipitation le plus important de ce que j'ai appris... je réécrirais tout en détails plus tard. Il ne faut pas que Jane me croise. Pas encore. Le danger n'est pas passé. Mais bientôt... Bientôt, nous nous reverrons. A la mort de ses parents, je me suis promis de tout faire pour qu'elle ne soit plus jamais seule. Et je compte bien tenir cette promesse.Je range mon carnet et me dirige vers l'extérieur du théâtre. Direction, la Sûreté ! Ils seront obligés de m'écouter, cette fois. Je ferais tout pour. Pour moi. Pour les victimes. Pour Jane.La vérité va enfin éclater ! |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Dim 13 Mai - 9:29 | |
| Mascarille resta dans sa loge, contemplant son reflet ... Il était bien étrange que ce dernier se fût laissé aller à la confidence ... Non qu'il souhaitât en finir avec cet homme qu'il connaissait à peine. Mais estimant qu'il avait peu à perdre, inquiet devant le danger que représentait Sylvande laissé en liberté ... Pour de belles illusions, faire sauter le fond de commerce de tout un chacun ! Et avoir la bêtise de déléguer à des rancœurs personnelles ... ! Non, vraiment, ce Sylvande était bien sympathique, presque attendrissant, mais il s'y prenait vraiment trop mal ... Tant pis pour sa belle réputation, entâchée de scandale par je ne sais quelle imprudence nouvelle ... La porte claqua derrière lui tandis qu'il esquissa un haussement d'épaules. Il reprit son ouvrage, et rejoignit bientôt les artistes sur la scène encore vide, pour vérifier les accessoires ... ~ * ~
Dehors, le jour tombait. L'on arrivait à l'heure mauvaise, où les becs de gaz ne baignent pas encore les rues de leur lumière, mais où l’œil ne discerne plus bien les détails des silhouettes et des visages ... L'ironie veut peut-être qu'Emile passe près de Jane sans le savoir, qui sait ... ? Il emprunte des ruelles peu fréquentées, prudent qu'il était, essayant de semer, peut-être, un poursuivant imaginaire ... Le carnet remis à sa place, les pensées tournoyant dans sa tête, il approche du but. C'est alors qu'il passe près d'une impasse qu'il peut entendre des éclats de voix. Au bruit de ses pas, un bref silence ... Et deux silhouettes fondent sur lui. - Mais c'est qu'c'est un bien chic type, pour traîner dans l'Quartier ! Tu sais par où tu passes, le boursicotin ? T'es dans la zone d'la bande à Gérard, y'a pas à couper. C't'un coup à êt' suriné, si tu peux comprend' ce qu'ça veut dir'. - Ola le gueulard ! Tu vas pas la fermer, oui ? Alors toi, mon p'tit bourgeois - Mais on s'en f*** ! On n'a qu'à ... - Avale ta chique ! On va faire ça bien ... Toi, j'disais, tu vas faire ton bien gentil, et tu nous donnes le cont'nu d'tes poches. Maintenant. Sans doute, au vu de la gravité de la situation, avez-vous un sursaut, un éclair de peur, un geste maladroit vers le carnet, bien rangé au fond de sa poche ... ? Qui sait ce qui dans l'ombre alerta le premier homme, nerveux, comme précipité qui, d'un coup, enfonce son poignard dans votre poitrine, avec une force folle. - Fouchtra ! T'as un grain ? Il allait rien faire : ça a pas deux sous de force, ces mannequins-là, et tu l'serines ? Vous tombez, l'oeil déjà trouble, mais des paroles vous parviennent encore ... Les écoutez-vous ? A quoi pensez-vous, M. Bodinanbourg, vous qui croyiez aller révéler la vérité, assurer à votre cousine la sécurité, et peut-être, vous-même, trouver la gloire, à défaut du bonheur ? Vous entendez des pas - bruits de bottines - résonner sur le pavé. Les deux gars qui se battaient presque chuchotent, ramassent le poignard, ont à peine le temps de vous fouiller ... L'un dégotte un porte-monnaie ou une bourse, qu'importe - la chasse est sans doute bien mince ... Un homme vous aperçoit, sur le sol, dans l'ombre ... - Hé Monsieur ! Ca va ?Il accourt à vous, vous relève un peu, l'air inquiet. Dans la pénombre, vous devinez les traits de son visage ... - Je peux faire quelque chose p ... Vous ?!Mais votre cœur semble battre trop vite, courant après le temps. La douleur est intenable. Sylvande vous contemple, l'air hagard, puis comme par réflexe, cherche un mouchoir, l'appuie sur la plaie qui saigne toujours, tentant maladroitement d'arrêter l'écoulement. Cependant, votre tête tourne, vous n'en avez sans doute que pour quelques minutes ... Qui eût cru qu'un poseur de bombe allait choisir, pour rôle ultime, peut-être, celui du Bon Samaritain ? |
| | | Emile BodinanbourgGapinanbourg
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| Sujet: Re: Scène finale (Funambules) Lun 21 Mai - 22:51 | |
| ... Inspiration... Un feu immense. Une déchirure. La douleur dans ma poitrine est insoutenable. Ma respiration... ... Expiration... ... Ma respiration est difficile. Mes pensées se mêlent... Je n'arrive plus... à réfléchir convenablement. J'entends des voix, je crois. Je ne sais plus. Il fait vraiment froid, non ? ... Inspiration... Sylvande ! De tous, il a fallu que ce soit lui, la dernière personne de mon existence. Quelle ironie. J'aimerais en rire, mais le trou béant dans ma poitrine m'en empêche. ... Expiration... Geste vain que ce mouchoir. Mais j'apprécie cette tentative. Mon coeur s'accélère, j'entends comme un bourdonnement dans mes oreilles. Les pavés se teintent peu à peu de la même couleur vermeille dont s'est parée le tissu. ... Inspiration... - S... Syl...Je n'arrive pas à parler. Un goût métallique et âcre envahit ma bouche, m'étouffant à moitié. ... Expiration... Jane ! Mince, je n'ai pas eu le temps de changer mon testament. J'aurais du le faire plus sérieusement, à l'époque. Espérons qu'elle trouve ma lettre à l'hôtel... ... Inspiration... Elle va être seule. Elle va de nouveau être seule. Pourquoi il a fallu que je lui fasse ça ? N'a-t-elle pas suffisamment subi de malheurs dans sa courte vie ? ... Expiration... Seigneur, je n'ai jamais été un très fervent croyant mais, quel que soit le sort que vous me réservez, je vous en prie, veillez sur ma chère cousine. Elle le mérite. ... Inspiration... Ma respiration s'accélère, comme si l'air ne voulait plus rester dans mes poumons. ... Expiration... Je crois bien que mes dernières pensées seront pour toi, mon amour. ... Inspiration... J'aurais aimé te revoir. Je n'ai pas osé. ... Expiration... C'est mon dernier souhait. ... Inspiration... Une dernière fois... ... Expiration... ... J'aimerais te revoir une dernière fois ! ... Inspiration... ... Oh ! ... Suis-je exaucé ? Me voilà sur le chemin de campagne, ce crépuscule d'été ! Je te rejoins sous le grand chêne. Ton rire. Mon sourire. Nos battements de coeur. Un baiser.... Expiration. |
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