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 L'Inauguration de l'Eden-Théâtre

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Pierrot Lunaire
La bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
Pierrot Lunaire

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MessageSujet: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptySam 22 Oct - 9:45


Cet après-midi, rayonnant sous un soleil pâle, était un jour grave. En cette matinée du samedi 22 février 1896, Monsieur Félix Faure – « Bonjour, mes braves » - inaugurait, avec toute la pompe blong-blong de la IIIe République, la salle de l’Eden-Théâtre. Oh, il y en avait eu, des grognons, des pas-contents, des choqués ou des contestataires … Vous souvenez-vous de la Une de L’Intransigeant, ce matin ? « M. Félix Faure fait fi du deuil national. » D’autres auront protesté que la vie devait reprendre, tout aussitôt et de tout son soûl. Après tout, comment mieux regretter ce bal de l’Opéra, dont les affiches tapissaient encore les murs … ? Comment mieux marquer sa réserve, sa douleur, son chagrin … Qu’en allant au Théâtre ? Le huit février avait été proclamé jour de deuil national, les journaux ne faisaient que parler du drame, alors quoi … ! Et puis, il n’y aurait pas de pièce, ce soir. Seulement des fantômes de pièce : on reprendrait le quatrième acte perdu, et son ballet, et sa liesse – parce que ça faisait symbole. Sylve chanterait son morceau de bravoure, mais Salomé « sera voilée de noir ». Les apparences, fautes d’être sauvées tout à fait, ne sauraient mentir …

Aussi se pressait-t-on, devant le petit jardin de l’Opéra, dont les fleurs étaient piétinées par les curieux. Entouré de gens de police, ceinturé sur tous les fronts, le théâtre se présentait, haut, majestueux, et les portes closes encore … A l’heure dite, le président arriverait, sous des acclamations de circonstance. Retardataires, pressez-vous donc ! Le boulevard, que l’on interdisait aux voitures depuis l’aube, serait bientôt noir de monde.

Sur les marches de la salle, se tenaient, solennels et vêtus de noir, les grands de ce monde. Une dame blonde demeurait près de la porte, les mains serrées dans de petits gants de satin : les plus informés de ce monde avaient sans nul doute reconnu la duchesse de Lambresac, instigatrice des dîners de charité offerts aux familles touchées par le drame. Pour l’heure, c’étaient eux qui faisaient le spectacle, et le peuple amassé autour, bourgeois modestes, cousettes et gens de peu, commentaient, raillaient ou admiraient ces hautes silhouettes qui semblent sorties d’un théâtre d’ombre. Et si les hiérarchies étaient encore bien marquées, un incident, une erreur pouvait arriver vite, dans cette foule vague et impatiente …

Des œillets blancs tombaient des fenêtres, et des rubans noirs.


Dernière édition par Pierrot Lunaire le Dim 20 Nov - 11:04, édité 1 fois
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Pierrot Lunaire
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Pierrot Lunaire

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptySam 22 Oct - 9:48

    Et vous, où êtes-vous donc, curieux du jour ? Êtes-vous parmi les respectables, les élégants qui, au plus prêt du théâtre, ont hâte de se détacher d’une foule par trop bigarrée pour entrer voir le spectacle ? Êtes-vous de ces privilégiés qui ont trouvé une place au soleil, à un balcon ; de ces curieux qui se sont perchés sur un banc, sur une caisse trouvée là ; de ces indiscrets qui ont bousculé quelques personnes pour occuper une place qui n’est pas la leur … ? Guetterez-vous une connaissance, tenterez-vous d’engager la conversation avec votre voisin ou chercherez-vous à vous frayer un passage, pour vous rapprocher un peu, du spectacle, d’un visage ou d’un autre ?

    Quelle que soit votre place, vous voilà au cœur de l’événement parisien du jour. A vous d’y jouer le rôle que vous vous êtes choisis ou que l’on vous a donné …

    Quelques visages, par ailleurs, ont peut-être attiré votre attention, alors que vous embrassiez la foule du regard … A côté de Mme de Lambresac se tient M. Athys, engoncé dans son costume, et débitant des banalités au rythme d’une chaise de poste attelée à un cheval fou ; au bas des marches, ignoré des élégants qui lui tournent expressément le dos, un homme à l’air malin tient une coupure de journal froissée entre les doigts ; une petite jeune fille, le nez retroussé, sautille dans les premiers rangs non loin du théâtre, sous l’œil sévère d’une dame plus âgée peinant à la retenir. Plus loin encore, un grand échalas roux, l’œil fatigué, semble chercher de l’œil une connaissance ; une ouvrière ou une domestique lance des regards de feu à l’encontre des silhouettes élégantes … Et une jeune femme, accoudée dans l’ombre, a l’air de compter tous ces humains amassés comme un troupeau de moutons perdus en montagne.


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Harold Chambard
Bonne nouvelle
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptySam 22 Oct - 12:29

[Je me permets donc d'ouvrir le jeu... J'espère que ça ira...]

- Luce, tu es sûre, vraiment, que nous ne connaissions personne dans ce foutu opéra ? Un vieux cousin oublié ? Une arrière grande-tante reniée ? Un ami perdu de vue qui aurait fait fortune ?
- Non... Nous ne fréquentons pas de personnes qui vont à l’opéra, je ne sais pas si tu l’as remarqué. Il n’y a personne, à moins que l’imbécile qui a tout fait sauter n’ait été de tes amis... Ce qui est possible... Mais même dans ce cas, je doute qu’ils aient trop de compassion pour ta douleur.
- Si tu as couché avec un aristocrate, tu peux me l’avouer, tu sais... Je te pardonnerai sans problème. Je t’en féliciterai même... Si je peux accéder à ce banquet...
- Tais-toi et regarde plutôt toutes ces belles gens, là-bas... Voilà qui est tout même plus reluisant que tes amis voleurs et anarchistes !
- Idiote de femme...


On l’aura compris, ma femme, Luce, et moi avions, comme une bonne partie du peuple parisien, fait le déplacement pour l’occasion. Ah, le doux plaisir d’être tâté, bousculé, déformé, remué, démembré, et j’en passe, par la foule massée là ! Oh le malsain désir de voir, comme s’il y avait là quelque chose de plus grand que ce qui se passe dans nos chaumières... Un beau ramassis d’ordures, oui... Mon regard se porta sur une jeune fille qui semblait étrangement captivée, voire irritée par la scène, et l’observait d’une manière qui me sembla bizarre... A vrai dire, ce n’est pas tant son regard que le reste qui attira mon attention, et je profitai de sa concentration pour détailler son physique avantageux... Joli morceau, tiens ! Si seulement j’avais dix ou quinze ans de moins...
Mes pensées se détournèrent de cette agaçante réflexion, et se fixèrent sur le petit paquetage de circonstance que je m’étais préparé, un tel rassemblement étant une merveilleuse occasion pour le commerce... Je n’avais hélas pas réussi à me procurer des représentations du théâtre avec statute du président intégrée, cela aurait fait un carton, mais j’avais toujours le journal du matin...
Ainsi, écartant un peu la foule par des gestes bien calculés, j’attrapai une liasse de journaux, et m’époumonnai un instant :

- Mesdames et messieurs, vous qui, bien que respectables sans doute, ne pouvez, et ne pourrez certainement pas vous approcher d’assez près, dans L’Illustration de ce matin, une photographie du théâtre, tout beau, tout flambant ! Ils n’ont pas mis dessus les gracieux personnages qui se pavanent devant, mais c’est tout comme ! Quarante centimes pour L’Illustration du jour ! Il n’y en aura pas pour tout le monde !
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Eugénie Landreau
Ninie-La-Noiraude
Eugénie Landreau

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyDim 23 Oct - 2:16

Eugénie n'avait aucun lien avec l'Opéra. Elle était juste venue attirée par la cohue comme les insectes sont attirés par les lumières. On ne disait jamais non à un peu d'animation dans la ville de Paris. Puis qui disait festivités, disait banquet. Eugénie ne pourrait sûrement pas y accéder, mais lorsqu'on débarrasserait les tables, elle trouverait bien un moyen de chiper les reliefs – avant que les domestiques ne les jettent, ou en fouillant ensuite dans les poubelles. C'était un risque à prendre, au nom de la survie.

La place était déjà noire de monde, empli de confusion. On criait, acclamait, pestait et cela dans toutes les langues que pouvait contenir Paris. Du parler distingué au jargon des faubourgs. Un homme vendait son journal à corps et à cris, mais Eugénie ne pouvait se permettre de l'acheter. Quarante centimes pensez vous, c'était une fortune ! Elle délaissa l'homme pour se rapprocher davantage de l'Opéra, espérant être dans les premières à approcher du banquet.

- Oh p'rdon, j'voulais pas... Z'avez rien ?

Dans sa hâte, son coude avait heurté une femme. Difficile de dire quel était son métier, en tout cas vu ses habits elle était de condition modeste. Eugénie capta le regard de feu qu'elle lançait aux riches atours des hommes et femmes qui se tenaient au premier rang.

- V'là des gens d'la haute qui vont bien s'goinfrer t'à l'heure. Sont sûrement pas v'nu pleurer pères et mères.

Eugénie ne haïssait pas spécialement les riches, mais comme tout individu de basse extraction elle savait que le destin était clément avec eux. Et ça c'était un fait qu'elle n'arrivait pas à avaler sans s'étrangler.
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Jane McCillian
Âme de Lillian Russell
Jane McCillian

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyLun 24 Oct - 4:42

Jane, au bras de son cousin, hâta le pas : ils étaient en retard. Accrochée au bras d’Emile, la jeune femme observait la foule avec une inquiétude naissante.

-Emile, croyez-vous que nous parviendrons jusqu’aux portes du Théâtre ?

-Voyons, Jane, nous ne sommes pas n’importe qui ! J’ai un nom, quelques sous, beaucoup de relations. Et vous, vous avez un joli minois ! Nous arriverons bien à nous hisser jusqu’aux premiers rangs.

Jane augmenta la pression sur le bras de son cousin. Elle était accoutumée aux attroupements de la Place du Marché lorsque, aux alentours de dix-sept heures, les pauvres gens et les ménagères économes se disputaient les marchandises à prix d’or. Mais il était rare qu’elle doive se confondre à une foule aussi dense que celle de ce Samedi. Emile, lui, semblait des plus à l’aise. Tout en passant les derniers rangs, Jane aperçut quelques honnêtes gens, leur gamin à la main, venu jeter leur coup d’œil avant de retourner à leur dure besogne. Elle reconnut quelques actrices, au bras d’hommes bien apprêtés. Au loin, elle vit des visages nobles, déjà aperçus ou déjà décrits. La journée s’annonçait mouvementée !

Tout à coup, Emile accéléra le pas, décidé.

-Hâtez-vous, Jane. J’aperçois là-bas une de mes très bonnes connaissances !

Jane se mit sur la pointe des pieds afin d’apercevoir la « connaissance » pointée du menton par son cousin. Si elle ne se trompait pas, ils se dirigeaient vers un grand roux à l’allure bien étrange.
D’une main rapide, elle plaqua son chapeau sur sa tête, de peur que la rafale de vent ne le fasse échapper.
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Cyrille Carpentier
Exercice de piété à l'usage des Écoles
Cyrille Carpentier

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyLun 24 Oct - 7:22

Habillé de sa douillette, Cyrille regardait avec une tendresse toute paternelle les enfants de son école accompagnés de leurs parents. La plupart étaient juchés sur les épaules de leurs pères, tandis que le reste, les plus légers sans doute, s’agrippaient au girond de leur mère. Il y avait dans leurs yeux des étoiles en voyant les oeillets et les rubans tomber des fenêtres. La plupart ignoraient sans doute ce qui se jouaient ici ce soir, ou ne se rendaient pas compte de l'importance du moment. Cyrille non plus d'ailleurs. Si M.Langlois ne l'avait pas invité à venir avec eux, sans doute serait-il encore dans sa cellule à lire quelque livre.

Le prêtre remarqua du coin de l'oeil que les petites familles qui l'accompagnaient s'étaient avancées comme elles pouvaient, c'est à dire sans mettre en danger leur progéniture perchée, traversant la foule. Peut-être allaient-ils rejoindre les premiers rangs pour mieux voir...ou tout du moins tenter de le faire.
Cyrille s'avança dans la foule, à leur suite dans un premier temps. Mais si on laissait passer plus ou moins facilement des ouvriers carrés et musclés avec leur femme et leurs enfants, il était plus difficile pour un ecclésiastique discret d'avancer au même rythme. Il se faisait écraser, bousculer, emporter dans une marée humaine, qu'il n'avait jamais appris à dompter comme tout bon parisien le fait depuis sa plus tendre enfance. Mais il réussit à rester debout face à la tempête, bien qu'il ne contrôlait plus tout à fait son chemin, il se voyait s'éloigner de son objectif premier pour finalement arriver près de deux femmes chichement vêtues qui semblaient discuter. Là, la mer organique semblait s'être calmée. Il en profita pour retirer en vain la poussière qui s'était accumulée sur son manteau et pour ranger la croix en bois qu'il gardait autour du cou et qui s'était échappée de son écrin de tissus. M. Langlois était bien loin maintenant, à côté d'une petite fille rousse et de sa grand-mère. Le prêtre fit une petite moue contrite. Et bien...il valait mieux savoir renoncer avant qu'il ne se blesse, ou pire, qu'il ne blesse quelqu'un par inadvertance.

"Me voila bien éloigné maintenant..."

Il ne s'était pas particulièrement adressé aux deux femmes, disant cela plus pour lui même que pour un auditeur autre.
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Blue
Ombres chinoises, éclats soyeux
Blue

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyJeu 27 Oct - 5:54

Ce n'était pas au bras d'un homme, comme toute femme respectable, que Blue se montrait aujourd'hui. Ce n'était pas avec une robe voyante et onéreuse, un bijou trop clinquant bien en vue, qu'elle sortait comme on va en balade, histoire de se distraire et de se montrer un peu. Sa voilette d'ombre masquant un peu le bleu vif de ses prunelles, sa silhouette corsetée de noir et ses jupons l'auréolant de sombre, elle était presque invisible, l'étoile montante de la Butte. Foulard gris et talons plats: la jeune femme n'était pourtant pas une endeuillée. Cependant, une authentique compassion l'étreignait; elle se disait que des enfants étaient morts, des artistes, certes de plus grand renom, plus doués, mais qui comme elle connaissaient les angoisses de la scènes. Que c'était, dans le fond, des gens comme elle qui avaient brulés. Des gens qui n'avaient rien demandé à personne: est-ce en immolant des artistes qu'on secoue la politique?

Blue secoua la tête. Bien sûr, bien sûr, ce n'étaient pas les gens de scènes qui étaient visés. Et bien sûr, elle n'y connaissait rien, en politique, économie, anarchie ou attentat. Les gens comme elle se contentaient de compatir, ou de subir parfois.
Soulevant un peu ses robes, la jeune femme tenta de se glisser dans les rangs de la foule, d'avancer un peu, d'écouter... Mais la foule est un grand animal doté d'une volonté propre qui ne se laisse point fendre si facilement, et n'a point d'égard pour une femme seule et timide. Bousculée de toute part, elle finit par trébucher et se rattraper par réflexe au bras d'un homme tenant un journal. Le lâchant aussitôt, elle balbutia de sa voix aux accents trop exotiques:

- Oh! Je vous prie de m'excuser.

Son visage lui était familier. Elle le dévisagea un instant avant de reconnaître Mascarille. Il travaillaient dans le même théâtre à l'occasion, mais sans fard et sans grimace il est difficile de distinguer un collègue peu croisé... Elle lui sourit, contrite.



Dernière édition par Blue le Ven 28 Oct - 0:00, édité 1 fois
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Lionel Sylvande
Est devenu, a vu, vaincra
Lionel Sylvande

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyJeu 27 Oct - 12:19

Sylvande ne se rendit à l’Eden, ce matin-là, qu’à contrecœur. Non qu’il eût craché avec légèreté sur une opportunité de se faire connaître, de se faire voir, mais diverses choses avaient empêché ses bonnes volontés. D’une part, la petite histoire avec la Fêlée avait attiré sur lui quelques foudres et des moqueries bien senties. La Forestière lui avait exprimé, à demi-mots, son mécontentement, et il craignait de perdre une place si chèrement acquise. D’autre part, la catastrophe le peinait, lui qui avait été sensible aux fragilités des petits parvenus, à la difficile marche vers la célébrité … L’Opéra, qu’il avait pourtant quitté sans scrupule, avait accueilli ses premiers mots de comédien, et il se souvenait, presque malgré lui, de sa première rencontre avec Philomène, quand il suppliait encore qu’on voulût bien l’écouter.

Depuis, les temps avaient bien changé. Quelques poètes étaient morts, il avait passé la Seine, l’Opéra avait brûlé. Le monde file trop vite pour qu’on daigne le suivre, et les événements se dépassent toujours les uns les autres. Il arriva par le peuple, Lionel, dans un désir soudain d’invisible. Il jeta un coup d’œil, repéra où se trouvait la Forestière, lui adressa un signe de tête qu’elle ne vit sans doute pas, perdu qu’il était dans la foule … Et tandis qu’il se frayait un chemin, il entendit le boniment d’un vieil homme qu’il croisait, parfois, au sortir du Théâtre …

- Quarante centimes pour L’Illustration du jour ! Il n’y en aura pas pour tout le monde !

Hélant le vieil homme – Archibôôôld, qu’il s’appelait, c’était bien ça ? – il sortit quelques piécettes de la poche de son gilet.

- Je veux bien la photographie, moi. Et sans ces gracieux personnages, c’est d’autant mieux. Ce qu’on étouffe, ici !

Et il tendit la main, distrait, attendant son journal. Un coup d’œil aux salonniers et aux élégants qui s’impatientaient autant que les autres vint lui dire qu’il avait bien raison, au fond, de tromper son ennui de la sorte.
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Harold Chambard
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Harold Chambard

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptySam 29 Oct - 2:57

    Un jeune homme s'approcha de moi, sur lequel, soit dit en passant, quelques rumeurs sympathiques circulaient dans Paris, sans qu'il s'en doute probablement... C'est là le lot de tout mondain ou demi-mondain : vous savez tout sur les autres, sauf la seule chose qui vous intéresse : ce qu'ils savent sur vous... Quelle vie ! Bref, ce brave jeune homme me demanda un journal, avec ce détachement propre au dandy égaré parmi les gens du commun. Je lui tendis ce qu'il demandait et pris rapidement les piécettes :

    - Voilà, m'sieur... Bah, vous savez, la chaleur humaine, c'est tout ce qu'on a, nous, pour se garder les pieds du gel ! Y'a qu'les gens bien, comme vous, qui s'en plaignent !

    C'était parfaitement inutile, certes, mais toujours bien agréable, de rappeler gentiment à tous ces bourgeois plein d'affects les misères de l'homme du commun... J'esquivai le regard de reproche que me jeta Luce, et continuai ma vente :

    - Mesdames, messieurs, je le répète, quarante centimes pour l'Illustration ! Pas la peine d'aller voir ailleurs, ça sera forcément plus cher ! La description et le menu du banquet, la photographie du théâtre, tout ça dans l'Illustration du jour !

    Tout en disant, je brandissai bien haut mon journal afin de surplomber autant que possible la foule, et de détourner au moins pour un instant leurs regards passionnés et admiratifs du spectacle de la haute société qui arrivait peu à peu...
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Pierrot Lunaire
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Pierrot Lunaire

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyMar 1 Nov - 10:12


Eugénie Landreau & Cyrille Carpentier

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Celest10
Céleste Brunet était en colère, dans une colère noire ! Vlà-t’y pas que Madame se pavanait, toujours, comme si d’rien n’était ? Quand elle avait entendu ce qui avait arrivé [sic], Céleste avait bien espéré que ça lui fermerait son sale p’tit clapet, à la duchesse, mais c’était sans doute bien mal connaître Madame de Lambresac. Elle fourra la main dans la poche de son tablier, en sortit un petit caillou ou deux qu’elle allait lancer, quand elle reçut un coup de coude de la part d’une bougresse qu’passait là.

- Mais d’quoi j’me mêle, ma p’tite dame !

Mais l’ire de la servante se calma quelque peu quand on déplora à son tour les puissants qui s’pavanaient là-bas. Céleste roula les quelques cailloux dans sa main, et reprit, d’un air mauvais :
- Pour sûr, qu’y s’pavanent. Ils sont tout en noir, mais qu’est-ce que ça leur fait ? Personne est sombré dans la misère par c’te explosion. Mais j’trouve ça injuste. Faudrait leur rappeler, à ce gens-là, qu’ils sont pas plus protégés que les autres.

Et d’un air entendu, elle tendit un caillou à Eugénie.

- Moi c’est Céleste, et vous ?

Elle ne vit pas le prêtre arriver dans leur dos, n’entendit pas son soupir, et voulut lancer un caillou sur la voie encore dégagée – simple geste. Sa main heurta l’épaule du frère Carpentier et le caillou roula sur le sol, dérisoire, inemployé. Le vôtre, Eugénie, est peut-être toujours dans votre main ... Qu'en ferez-vous ? Et vous, Cyrille, comment réagirez-vous face à ce geste manqué de pure malveillance ?



~ * ~


Blue

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Mascar10
*** aimait bien les spectacles – et s’y terrer, tout à son aise, pour voir les visages s’étirer, se déformer, vivre en un mot, lui était un bien charmant passe-temps, en ces jours de relâche. Dissimulé sous son journal, aux premières loges, il avait déniché la planque idéale pour guetter les secrets du beau monde – un univers dans lequel il n’était point entré mais qu’il observait, en bouffon extérieur … Pour mieux en rire. Son projet fut cependant contrariée, lorsqu’il se fit bousculer par une femme. Quand elle s’excusa, il reconnut aussitôt cette voix, cet accent qu’il avait entendu, au détour des coulisses.

Il se détourna, un sourire de dédain sur les lèvres. C’était Mascarille, théâtreux des Funambules.

- Mais enfin, déloger un acteur de son théâtre d’observation, vous n’avez pas honte ?!
Et il la jaugeait du regard, craignant peut-être que cette beauté trop exotique ne vînt à les faire remarquer, et qu’on les chassât de cette place pour part usurpée.

- Tenez, j’avais trouvé l’endroit idéal – vous connaissez ma curiosité maladive. Qu’est-ce qui vous amène ici, vous ? Vous voilà piquée vous aussi d’une fièvre d’observation ? Personne à pleurer de votre côté, à ce que je sache ?

Et il lui tirait le bras pour la dissimuler derrière lui, plus dans l’ombre encore, parce qu’une rumeur folle nous parvenait, et qu’on disait que M. Félix Faure allait paraître. Il n'a pas l'air aimable, ce bonhomme-là, mais vous le connaissez, Blue, et il semble prêt à vous couvrir pour conserver cette place en première loge - dût-il vous noyer de mépris en parallèle. Que lui répondrez-vous, quel sera votre choix ?

Cf. le post de Pamina pour nos autres participants



Dernière édition par Pierrot Lunaire le Dim 18 Mar - 11:42, édité 1 fois
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Pamina

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyDim 6 Nov - 2:32

Jane McCillian

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Gingy
Guéteneau, il fait ce qu'il peut. Il est allé à l'ouverture de l'eden car il y trouvera du travail, car, si on ne se voile pas la face, il était bon à ce qu'il faisait, à l'Opéra. Alors il sera réembauché à l'Eden, il refera les décors. Voila. Ce ne sera pas bien, ce ne sera pas suffisant, mais il fait ce qu'il peut, Guéteneau, en bon gars trop grand sur ses pattes. Il porte toujours la bague de fiançailles qu'on lui a rendu, après l'explosion. Elle lui va trop petit, elle brille un peu, toute simple, personne ne la remarque à son doigt. Alors, alors, ça va.
Enfin, il faudra.
Il ne sait pas bien ce qu'il fait ici, il aurait pu venir un autre jour, se présenter avec ses toiles, dire qu'il a réalisé tel décor, tel autre, on l'embaucherait, ça suffirait. Il va s'en aller, cela vaut mieux, s'éclipser de la foule et retourner chez lui, où il est en sécurité avec ses soupirs et ses pinceaux muets.
Enfin si on ne l'avait pas alpagué joyeusement, il l'aurait fait. Devant lui se tient une vieille connaissance, qu'il n'a pas croisé depuis fort longtemps. Sur son visage tout envahi d'une grosse barbe chagrine se peint un air mi-figue mi-raisin.

- Emile ? Qu'il marmonne, puis se tournant vers la dame : Madame.

Son envie d'être là s'amincit encore, il cherche du bout des yeux, sous ses lunettes, un échappatoire, fronce les sourcils, trop bien élevé pour disparaître -surtout qu'il n'est pas pressé, il n'a pas le feu aux culottes- mais constatant à l'air trop enjoué de son ami qu'il ne sait pas pour la perte de sa fiancée... Et il n'a aucunement l'intention de les accabler avec ça. Alors il lance :

- Tu me présentes enfin ta femme ?


Oh, il se doute que ça n'est pas sa femme, connaissant le bougre, mais, cela gagne du temps.


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Pierrot Lunaire
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Pierrot Lunaire

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyDim 6 Nov - 6:49


Maximilien Debongure

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Madame10
Madame Pentois est une femme respectable, qu'on se le tienne pour dit. Ce matin, elle s'est vêtue de sa plus belle capeline, de sa plus jolie voilette, et elle n'a mis qu'un peu de fard - le strict nécessaire en un mot. Malgré les protestations de sa fille Madeleine, elle s'est rendue seule à l'Eden, parce que la foule n'est pas un endroit pour les jeunes filles ... Dans l'espoir d'apercevoir M. le président, Madame Pentois s'est placée un peu en retrait, et guette avidement, marchant sur quelques pieds, gênant les voisins avec son chapeau trop fleuri - avec des fleurs de l'année dernière. La foule, nous l'avons dit, commence à murmurer, les conversations vont trop bon train ; l'on s'ennuie, à attendre, l'on piétine, l'on fatigue - et l'on commence à avoir faim. C'est alors que Madame Pentois remarque un jeune homme qui lui dit quelque chose, les joues rougies par la course, et qui surgit d'une rue adjacente, essoufflé, l'air hagard. Son visage s'illumine, et elle se précipite vers lui :
- Monsieur Debonguuuure ! Sont-ce des manières, d'arriver à cette heure ?

La proie est attrapée. A présent, la dame lui tapote le bras fébrilement, et cela n'est pas forcément bon signe. Vous souvenez-vous d'elle, Maximilien, de sa voix haut perchée, de sa grue de fille qu'elle commence à exposer par le monde, des ragots qu'elle aime à disséminer ? Femme d'un employé de ministère sans ambition, petite-bourgeoise jusqu'au bout des ongles, Madame Pentoise un peu ridicule mais toujours très convenable. Peut-être avez-vous déjà repéré dans la foule un éventuel sauveur, un ami qui vienne vous arracher aux serres de cette harpie nouveau-siècle. Mais Gillette Pentois est lancée, et quand Gillette Pentois est lancée, on en peut pas faire grand chose :

[justify]- Voyez ce monde ! Ce n'est pas dans un tel brouhaha que vous trouverez manière à faire vos articles. A quel journal êtes-vous déjà ? Le Journal Rose, quelque chose comme ça ? Un peu d'ambition, mon garçon, je suis sûre qu'avec votre talent, vous pourriez trouver mieux.

Mais a-t-elle jamais lu un de vos articles ? Ses phrases viennent, les unes après les autres, et tandis qu'elle pipelette, pipelotte et vague, il vous faut nous dire, Maximilien, si vous fuyez cette dame convenable ou si vous êtes un gentil petit jeune homme, bien fait de sa personne et bien élevé. D'un côté, elle se vexera sans doute, mais de l'autre, il y a un prix pour toute chose, en ce monde.

~ * ~

Harold Chambard

Malheureusement, à part M. Sylvande, les clients ne se pressent pas au portillon, pour l'instant ... Et Lise fait les gros yeux dans un coin, nous semble-t-il. Il est un homme, cependant, qui a tendu l'oreille. Malheureusement pour vous, il est de l'autre côté de la route, déserte et protégée pour l'occasion, où passera bientôt la voiture. Seul un vieux fou irait ainsi risquer sa place et sa cargaison. A part lui, qui a dressé la tête, les gens autour de vous semblent faire la sourde-oreille pour l'instant.

Peut-être devriez-vous raffermir votre boniment, qui sait ?

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyDim 6 Nov - 11:11

Les mouvements de foule...
Les visages connus dans l'assistance...
Emile était dans son élément. Que de choses à observer ! Que de détails à capter ! Que de nouveaux gens à connaître !

Des gens se précipitaient de tout côté. Des familles, des mondains, des mendiants, des bourgeois, toutes les classes sociales semblaient s'être données rendez-vous ici, qui pour seulement voir de loin, qui pour y assister de l'intérieur.
Si seulement Emile pouvait prendre des notes...

La main sur son bras, quelque peu crispée, le ramèna à la réalité.
Emile tourna la tête vers Jane. Ses sourcils légèrement froncés lui laisssait deviner sans peine que sa cousine s’inquiètait pour leur retard.

- Emile, croyez-vous que nous parviendrons jusqu’aux portes du Théâtre ?

- Voyons, Jane, nous ne sommes pas n’importe qui ! J’ai un nom, quelques sous, beaucoup de relations. Et vous, vous avez un joli minois ! Nous arriverons bien à nous hisser jusqu’aux premiers rangs, dit-il sur son ton enjoué habituel.

Cela ne suffit pas à Jane, qui raffermit sa prise sur son bras, à lui en faire mal.

Emile observa la foule, recherchant un moyen de s'approcher encore du théâtre.
Il aperçut alors Guéteneau vers des rangs plus avant. Il ne l'avait pas vu depuis deux semaines au moins, c'était l'occasion de joindre l'utile et l'agréable !
Emile accéléra le pas.
-Hâtez-vous, Jane. J’aperçois là-bas une de mes très bonnes connaissances !

Le désignant du menton, il accéléra encore.
Il avait hâte de prendre des nouvelles de son ami. Il se souvenait que la fiancée de l'homme était une danseuse. Peut-être Guéteneau en savait-il plus que lui sur l'incident de l'Opéra ?

A présent à portée de voix, il l'appella joyeusement, comme à son habitude :
- Guéteneau, mon ami ! Cela faisait longtemps !

L'homme l'aperçut, et son visage pris une expression qu'Emile n'arriva pas à déchiffrer.
Alors il continua à sourire quand son ami s’adressa à lui.

Emile ?, marmonna-t-il. Madame, ajouta-t-il en direction de Jane.
Il sembla ajouter, comme dans la précipitation :
- Tu me présentes enfin ta femme ?

Emile se mit à rire. L’effervescence de la foule était contagieuse.

- Voyons, mon cher, tu sais bien que je n'ai pas de femme. Et je ne compte pas en avoir de sitôt, aha !
Permets-moi donc de te présenter ma chère cousine Jane McCillian ! Jane, voici Guéteneau !


Il attendis un instant avant de poursuivre.
-Dis-moi, ne serais-ce pas plutôt à moi de te demander des nouvelles de ta fiancée ? Comment se porte-t-elle ? demanda-t-il insouciamment, un grand sourire aimable aux lèvres.

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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyLun 7 Nov - 9:09

Quel horreur ces rues de Paris ! La Forestière et son mari, installés dans leur voiture, n’avançaient plus depuis un long moment tant les rues étaient encombrées. Anne-Marie serrait les dents pour en pas s’emporter. Bientôt, le cocher leur annonça bien pire. Il n’y avait aucune chance qu'ils n'arrivent à l’heure pour l’inauguration du spectacle dans ces conditions, le mieux pour eux serait de marcher. Ce n’est plus très loin, ajoutait-il d’un air qui se voulait rassurant mais qui parut plutôt affolé. Anne-Marie serra les poings, s’apprêtant à lâcher le flot de colère qu’elle retenait depuis un moment. Heureusement, son mari prit les devants se renseignant sur la direction à prendre. Comment osait-il proposer à la Forestière de marcher dans les rues grouillantes de Paris ? Ruminant ses sombres pensées, elle finit par se rendre à l’évidence lorsqu’elle mit un pied dehors. C’était soit ça, soit rentrer chez elle et manquer l’inauguration. Impossible, surtout qu’elle avait en cette occasion revêtu une de ses plus belles robes, celle qu’elle ne portait quasiment jamais car le noir disait-elle ne la mettait pas en valeur.

Son mari levant son chapeau au cocher d’un air courtois, quoiqu’un peu agacé, entraîna sa femme dans une petite rue.

« Êtes-vous sûr que ces endroits sont fréquentables ? » lui demanda-t-elle les sourcils froncés.

Avec un sourire légèrement moqueur, il lui affirma qu’ils n’y rencontreraient personne puisque la plupart se trouvaient actuellement massés devant l’Eden-Théâtre, barrant la route aux voitures. Il ajouta aussi que ce serait le plus rapide. Était-ce vraiment plus rassurant ?

Heureusement, ils arrivèrent bientôt sains et saufs devant la foule. Anne-Marie sentit à nouveau la colère s’abattre sur elle. Pourquoi tant de gens ! La moitié d’entre eux ne savait même pas à quoi ressemblait l’intérieur d’un théâtre. Ah oui… L’attentat ! Tandis qu’elle songeait une fois de plus à faire demi-tour ; après tout, elle aurait rapidement une nouvelle occasion d’apparaitre en public et de montrer toute sa tristesse pour ceux qui avait subit de terrible pertes ; elle aperçut une silhouette bien familière.

En haut des marches, la duchesse de Lambresac attendait patiemment les invités. En voilà une raison bien valable de braver la foule. Elle ne pouvait pas laisser cette dame avoir toutes les gloires de ce jour ! Elle lança un regard conquérant à son mari qui lui tendit le bras. La tête haute, elle se dirigea vers l’entrée. Son mari la devançait légèrement pour dégager le passage un passage à coup de "pardon", "excusez-moi" et parfois en poussant les plus sourds ou têtus. Bientôt, ils eurent le champ libre.

Vérifiant d’un coup d’œil rapide la perfection de sa tenue, elle s‘avança le sourire aux lèvres vers sa rivale.

« Ma chère Duchesse, comment allez-vous ? C’est un réel plaisir de vous revoir même si les conséquences en sont bien tristes. »

Bien sûr aucunes n’étaient dupes par ces belles paroles, bien plus hypocrites qu’amicales.
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyMer 9 Nov - 13:04

Rha, que ces gens étaient durs à la dépense... Si seulement j'avais pu m'approcher un peu de rangs plus embourgeoisés : ils sont toujours plus prêts à payer, surtout quand c'est en public... Le petit peuple n'était pas venu là pour acheter le journal, mais pour ramasser les miettes... Ca faisait une différence...
e continuai de m'époumonner, essayant d'interpeller ceux qui sont près de moi, de les contraindre à tourner la tête vers ma petite personne.

- Allons, messieurs, mesdames ! Vous êtes venus pour manger, et seulement pour manger, c'est ça ? Je vous comprends ! Mais croyez-vous réellement qu'il vont vous en laisser ? Ils vont vous laisser les regarder s'empiffrer, oui ! Vous inquiétez pas, le vieil Harold a pensé à vous ! Vingt centimes le sachet de noix ! Et pour vingt centimes de plus, ce fameux numéro de l'Illustration en prime !

C'était un peu ridicule de ma part de me lancer dans de tels discours. Les gens n'aiment pas les brailleurs, du moins pas quand ils sont occupés à autre chose... Il aurait peut-être mieux valu pour moi attendre un peu la suite de la cérémonie, que les longs discours avancent et que les gens commencent à s'ennuyer... Parce que pour l'instant, le moins qu'on pouvait dire, c'est que ça n'était pas un franc succès.
Il y avait bien cet homme, là-bas, qui, me semblait-il, ne m'était pas inconnu, et qui avait levé la tête à ma prise de parole. Oui mais voilà, entre lui et moi, deux obstacles d'importance : la route, d'abord, et la voiture qui était sur le point de l'occuper, et, ce qui était plus ennuyeux encore, une belle barrière d'hommes en armes ayant pour seul but de protéger notre vaillant Président des anarchistes tels que moi. Je lui fis donc de grands signes de la main avec un air un peu interrogateur, histoire de marquer que je l'avais vu... Après tout, s'il avait une affaire importante à traiter avec moi ou s'il voulait vraiment la photo, il saurait me le faire comprendre, et j'essayerais peut-être alors de forcer le passage, du moins après le passage de la voiture... Risque que je n'aurais certainement pas pris avant d'être bien certain que c'était bien après moi que ce type en avait... Faut pas non plus être suicidaire...
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyJeu 10 Nov - 1:36

    Le caillou avait fini dans la main d'Eugénie – ça lui rappelait les galets qu'elle lançait dans sa campagne natale, jouant à faire des éclaboussures dans la rivière. Mais était-ce souvenir réel ou simple songe d'un passé qu'elle aurait souhaité parfait ? Le caillou était froid dans sa main, tranchant. Il était forgé pour causer du mal. Il suintait d'haine et de mépris à l'image de sa propriétaire. Céleste. Ironie du sort elle portait un nom proche des anges alors que son regard était celui d'un démon.

    - Eugénie. Pourquoi haïssez-vous tant ces hommes et femmes ?

    Mais elle n'eut pas la réponse. Le caillou tomba de la main de Céleste, un homme avait stoppé son geste – par pure volonté ou par incident ? Eugénie rangea sa propre arme dans une de ses poches. Cailloux, bijoux. Son regard se posa sur l'homme, vit la soutane et la croix qui s'était encore échappée de sa cachette.

    - Mon père...

    Eugénie baissa pieusement la tête, offrant sa nuque au regard de l'homme d'Eglise. Nouveau souvenir. L'odeur du confessionnal, les chuchotements dans l'Eglise berçant les fidèles assis sur leurs bancs, les mots durement épelés alors que le doigt courait sur les pages de la Sainte Bible. Toujours tête baissée, la vagabonde prit la défense de Céleste – une pure inconnue.

    - Veuillez pardonner cet écart à cette femme.
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptySam 12 Nov - 0:28

Aucune des deux femmes ne l'avaient remarqué, ce n'était pas sa volonté de toute façon. Peut-être avait-il juste entendu au vol les présentations échangées, mais son problème n'était pas là...jusqu'à ce qu'une main vienne heurter son épaule. Un grand sourire désolé se dessina immédiatement sur son visage.

"Par..donnez moi..."

Il ne l'avait pas vue reculer et...une pierre glissa de sa main élevée eu dessus de sa tête. Comme si elle avait voulu le lancer au hasard dans la foule. Il sembla se figer un instant, comme bloqué dans sa réaction. Avant de retourner son regard vers l'autre femme, qui elle n'avait rien dans les mains et qui s'était pieusement inclinée devant lui. Son sourire fut ravivé et les yeux regardèrent ce petit oiseau qui protégeait le matou qui venait de tuer la souris. Brave femme. Il posa une main chaleureuse sur la nuque qui lui était offerte. Si Eugénie relevait la tête, elle pourrait voir son regard d'amour posé sur elle. Il se détourna pour regarder la deuxième, celle qui avait failli fauter. Il était triste qu'une femme en arrive à ce point.

"Pensez-vous que...Notre Seigneur...lançait des cailloux dans la misère, ma fille?"Il marqua une pause. "Que...la violence...est la solution?"
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyLun 14 Nov - 0:59

Pour qui se prenait ce vieux décati ? Lionel fronça les sourcils devant le sermon - la jeunesse n'aime pas qu'on la morigène. Puis du haut de sa petite fierté mal placée, il pensait l'avoir connue, la misère, ayant dormi quelques nuits dans la rue, erré pour trouver les emplois les plus vils et les moins courrus. Il ouvrit le précieux journal, y jeta un oeil, comme avide d'y trouver quelque chose ... Mais en parcourant les lignes, il ne ressentit qu'une déception vague et un peu triste ...

Relevant la tête, il aperçut alors Anne-Marie Forestier, Salonnière toute de fierté bien assise,qui se frayait un chemin dans la foule, à coups de coude et de mari zélé. C'était une chance à saisir ! Il s'engouffra sans vergogne dans son sillage, se frayant un chemin à son tour, en bonne ombre et en disciple avisé. Quand elle prit place, il tenta de lui faire signe, plein d'espoir ... mais elle engageait déjà la conversation avec la duchesse, et il hésita. L'avait-elle même aperçu ?

Passant parmi les foules, séparent les groupes, les couples et les familles, empiétant maladroitement sur les marches et les beaux espaces, il parvint cependant à un rapprochement stratégique - l'on ignore toujours à quel point la Mondanité est parfois un champ de bataille. Arrivé à sa hauteur, il ne fit rien cependant, n'étant rien en droit de faire. Il n'y songeait point, par ailleurs, mais il était à présent à la vue de tous, reflet falot, ombre mal nourrie parmi les doux officiels et les grands de ce monde - comme une pièce rapportée, ou un livre posé sur la mauvaise étagère. Et là, fuyant le regard de Sylve qui n'était pas loin, il attendait, avec froideur mais sans panache. Quoi qu'il fasse, il restait l'inférieur, le parvenu et en ce sens, il devait attendre qu'on daignât le voir - comme les demandeurs de doléance des temps jadis.
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyLun 14 Nov - 6:15

J'ai toujours aimé les inaugurations et les célébrations, quoi de mieux en effet qu'un bain de foule pour se rafraîchir le teint ? Et la foule, aujourd'hui, semble ne pas manquer le moins du monde, voilà qui est parfait. Bien entendu, si quelqu'un désirait tenter un deuxième attentat, aujourd'hui serait le jour idéal : tant de gens massés, prêts à boire avidement les paroles de Monsieur Faure, qui malgré les hommes armés disposés alentours demeure vulnérable, voilà des cibles bien faciles. Mais bah, ces anarchistes ne sont sans doute pas que des rustres, peut-être savent-ils apprécier la beauté d'un théâtre et le charme d'un discours, et je préfère me ranger à cet avis tout entier construit par un inébranlable optimisme. D'ailleurs, aurais-je eu vent de quoi que ce soit concernant un éventuel attentat prévu pendant l'inauguration que je n'aurais pas annulé ce déplacement, car s'il est quelque chose de plus important que de voir c'est bien d'être vu, et c'est pour cette raison uniquement que je me rends à l'Eden Théâtre. Oh, bien sûr, la beauté des lieux, le discours, la célébration elle-même, oui, pourquoi pas, mais diable, tout ceci est fort risqué, et longtemps mes envies de gloire l'ont disputé à ma peur tout à fait légitime de succomber à mon tour sous les bombes des anarchistes.

Enfin, j'ai revêtu un costume noir, beau, bien taillé, élégant, mais terriblement noir, tellement commun que j'en pleurerais, et me voici à l'Eden-Théâtre, avec le léger retard que tout gentleman se doit d'avoir pour faire une arrivée remarquée. Bien évidemment, ceci fonctionne mieux lorsque le gentleman en question n'arrive pas au milieu d'une foule si dense qu'on n'y remarquerait même pas un lapin géant ou un homme marchant sur les mains, et je constate à mes dépends que ma stratégie se révèle tout à fait stupide. Ce ne sera pas la première fois.

Par chance, mon regard accroche rapidement la Forestière, la duchesse de Lambresac et un des jeunes gens que j'ai déjà croisés au salon de la Forestière, une société que je peux donc fréquenter sans trop de regret. Remerciant la nature de m'avoir doté d'une haute taille, je joue des coudes, mes fraye un chemin parmi les badauds amassés, regrettant seulement de n'avoir pas cette parenté avec les anguilles que certaines de mes connaissances possèdent et qui les aident beaucoup à survivre. Me voilà incapable d'atteindre mon but sans bousculer quelqu'un, c'est d'une inélégance folle, et si je n'avais pas tant envie de m'extraire de la plèbe, je m'en abstiendrais volontiers.Enfin, on n'a jamais ce que l'on désire et après quelques minutes de lutte tout à fait dégradante, je parviens aux côtés du jeune homme qui fréquente les mêmes sociétés que moi. Planté à côté de la Forestière, il semble attendre qu'on le remarque, et je me souviens vaguement que ses origines sont fort différentes des miennes mais qu'il restait plutôt intéressant à fréquenter. Il n'est pas de ceux à qui j'ai prêté le plus d'attention, voilà un tort qui se doit d'être réparé.

Arborant mon plus beau sourire, je le salue avec élégance, en essayant bien sûr de ne pas trop marquer notre différence sociale, voilà qui serait fort impoli, et je me refuse à être quoi que ce soit de ce genre.
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyLun 14 Nov - 11:18

Nous pourrions disserter éternellement des multiples utilités de la voilettes: distinguée, à la pointe du chic, pare-soleil, économique, décorative... Mais entre toutes, Blue retenait celle-ci: la voilette est le meilleur des outils pour masquer avec élégance un regard outré voire même une grimace. Non pas que son joli nez se soit froncé devant les paroles aimables de Mascarille, mais presque. Elle cilla, troublée, balbutia:

- Je ne désirais pas vous déranger...

Alors qu'il la glissait, sans délicatesse, dans la protection de son ombre, elle risqua un regard par dessus son épaule: la place était de choix, elle verrait et entendrait tout. Ma foi, s'il fallait en passer par le venin de l'acteur désillusionné pour savoir si... pour savoir...
Prise de court par les questions quelques peu indiscrètes de son collègue, la jeune chanteuse prit le temps de réajuster son foulard pour s'offrir une contenance.

- Non. Personne. Juste un peu de compassion à offrir, avec la foule... Quoi qu'elle ne soit pas très compatissante. Et puis, je désirais savoir...

Mouvement de foule. Brouhaha et bousculade. Thiziri rougit sous le voile.

- Je désirais savoir quelques mesures vont être prises... pour la justice, voyez-vous. Et la sécurité. Un attentat comme cela, c'est très inquiétant. Qui sait quelles scènes pourront être visées, à l'avenir?

Pour savoir, surtout, quels policiers seraient amenés à se risquer dans ce bourbier. Quelles têtes tomberaient. L'enfant des sables avait peur de l'avenir. Sait-on jamais qui peut être immolé, dans un Paris qui gronde?
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Jean de Fréneuse
J'ai bu le lait divin que versent les nuits blanches
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyJeu 17 Nov - 9:03

Il s’était promis quelque disparition, sans résonance ni fanfare ; il avait juré de ne point retourner à ces cérémonies d’humiliation publique et de spectacle ambiant ; il avait voulu rompre, seulement pour un temps, peut-être, avec ces habitudes mondaines qui l’étouffaient. Pourtant, Jean s’était levé, ce matin-là, plus tôt que de coutume ; il avait passé un costume de tous les jours – et son faux-col était celui de la veille. Tout de mauvaise volonté qu'il fût, quelque chose le poussait à aller voir cette cérémonie. Ne serait-ce que pour l’ami qu’il avait perdu dans la tourmente …

Il arriva en retard, cependant, car les fiacres étaient tous sollicités et qu’il lui fut difficile d’en attraper un qui fût vide. Renonçant enfin à cet ultime orgueil de classe, il monta dans une voiture déjà occupée par un couple de vieux bourgeois normands accompagnés de leur fils de dix-huit ans, apprenti notaire à l’air populeux. Tout le chemin, il dut entendre les avanies, les déplorations des comptes et des livrées de beurre, tout le menu fretin des préoccupations mesquines – et malgré lui, cela le dégoûta. Il sauta du fiacre avec précipitation et entra dans la foule en éprouvant quelque chose comme de la libération – ce qui était beaucoup de chose. Et se frayant un chemin, il se trouva pris dans la masse agglutinée des bonnes gens trop curieuses. Donna du coude, sans la vouloir, à un jeune homme aux grands yeux qui écoutait le discours d’une dame à lourd chapeau ... Elle lui parlait d’ambition, semblait-il. Alors, haussant les épaules, Jean chercha de l’œil le convoi que l’on annonçait, fuyant le regard de la Lambresac et de ses pairs, qui ne l’avaient point remarqué pour son bonheur.

Après tout, c’était une place comme une autre.
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyVen 18 Nov - 5:45

Ils parvinrent enfin à leur but, le cousin et la cousine.
Emile se planta devant le grand jeune homme roux à l'air presque outrageusement absent.
Emile, avec sa sympathie -presque sa bonhomie- habituelle, l'interpella. A la mine du jeune homme, Jane comprit qu'il était effrayé. Et ennuyé d'avoir à mener une conversation.
Devant ce grand échalas, Jane se sentait toute chose. Comment pouvait-elle expliquer cela ?... Il suintait la tristesse, la déconfiture. Il respirait le désespoir, la solitude. Cela la mettait mal à l’aise, elle qui s’attristait toujours trop du malheur des autres ! Mais il y avait autre chose également. Le bonhomme, à la gravité d’un artiste torturé, avait quelque chose de cocasse, de bizarrement drôle. L’air blasé de l’homme roux devenait hilarant tant il était poussé à l’extrême. Et Jane le ressentait. Rarement, elle avait rencontré quelqu’un qui lui fasse cette impression ! A dire vrai, jamais.
Elle pria pour qu’Emile ne fasse pas preuve de trop de lourdeur, de trop de bavarderies envers cette connaissance si particulière…
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptySam 19 Nov - 7:04


Anne-Marie Forestier
L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Sargen10
La duchesse de Lambresac arborait un air grave tout à fait de circonstance. Ses mains gantées délicatement croisées, les joues légèrement rouges sous la voilette piquetée de noir, elle demeurait, impeccablement droite, en image tranquille et forte de la légitimité des pouvoirs. Lorsqu’elle aperçut la Forestière, elle frémit presque malgré elle, mais lui rendit son salut, d’un respectueux mais froid signe de tête.

- Je m’attendais à vous trouver ici, madame Forestier. Vous faites bien : une femme comme vous ne pouvait point manquer une telle cérémonie, n’est-ce pas ?

Ses mots s’étranglèrent dans sa gorge, et elle eut un sourire presque amer :

- C’est d’art et de République dont il est question en ce jour. C’est votre célébration plus que la mienne.
Et son chapeau laissa tomber une des plumes de cygne qui y était attaché.

~ * ~

Eugénie Landreau & Cyrille Carpentier

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Celest10
Céleste n’eut pas le temps de répondre à la question d’Eugénie. Elle esquissait sa moue éternellement boudeuse, son éternel air de pauvre femme, et déjà arrivait le frère Carpentier, et déjà sa tentative avait échoué. De rage, elle tapa du pied – et son godillot claqua drôlement sur le pavé. Il y eut plusieurs regards réprobateurs alentours, mais elle n’en eut cure. Devant l’admonestation du prêtre, cependant, elle baissa la tête, comme une enfant prise en faute.

- Not' Seigneur Jésus Christ a piqué aussi des colères, pour sûr, M’sieur ! Quand il a chassé les marchands, il s’est énervé, non ? C’est des Messieurs tout savants qui m’l’ont dit.

Et comme dans un sursaut, désignant le groupe de grands du monde, au loin :

- Puis elle, là-bas, elle le mérite.
Et elle releva le nez, peut-être pas trop fière, mais pas honteuse du tout.


~ * ~


Blue

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Mascar10
Les femmes étaient des êtres étranges, monstres d’égoïsme et bouquets d’innocence. Quand la jeune femme répondit, d’un ton de franche naïveté, Mascarille leva ostensiblement les yeux au Ciel. Mais il la garda à côté de lui – et posa même une main sur son bras quand la bousculade se fit sentir.

- La Justice, tudieu ? Mais quelle justice ? Ils prendront le premier suspect qui leur tombera sous la main, la tête dans le panier et ce sera fini ! Vous croyez qu’ils vont s’embarrasser de vérité et de justice ? Faut calmer le jeu et montrer l’exemple, c’est tout ce qui compte.

Il disait tout cela d’un air d’indifférence fière, et avec presque de l’amusement. A en croire cet homme, l’on ne vivrait jamais en sécurité dans Paris, et ce n’était pas un problème.
- C’est comme la réussite dans ce monde. Les acteurs, vous croyez que c’est par talent qu’ils deviennent célèbres ?!

Que pouvait-il bien vouloir dire par là ? Vous vous posez peut-être la question, mais il n’est plus temps de lui demander ce qu’il entend, car la voiture présidentielle arrive, et les acclamations résonnent ...


Cf. le post de Pamina pour nos autres participants


Dernière édition par Pierrot Lunaire le Dim 18 Mar - 11:44, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptySam 19 Nov - 11:39

Jane McCillian, Emile "de" Bodinanbourg et Lionel Sylvande

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Gingy
Emile se trémousse, comme il sait faire, avec ses pantalons et ses assurances plus grandes que lui. Guéteneau n'en fait pas cas, Guéteneau s'est découvert des trésors de passivité. Il se tourne à demi, embrassant la foule d'un regard, requinqué un peu, alors qu'il constate qu'il n'est pas tout seul.

- Jane ! Bien sûr, on m'a parlé de vous !

Bien sûr, Emile a parlé de Jane. Il y a plus longtemps et en termes moins radieux que son ton enjoué et que le baise-main maladroit et peu de leur monde que le roux adresse à l'anglaise ne laisserait entendre. Il l'étudie et l'admire, elle est mince et belle comme un bonbon doré. Parfaitement inatteignable.

La réflexion sur sa fiancée lui fait hausser les épaules, avec un détachement qu'il se reconnait ces derniers temps.

- Oh, elle badine, je l'ai perdue. Il y a sacrément la foule, vous aavez vu ? J'espère qu'ils vont faire un petit quelque chose pour les artistes. J'me retrouve sans boulot, moi, depuis qu'l'Opéra a brûlé. Triste histoire, hein ?

Triste histoire. Il a repéré un ou deux de ses collègues dans la foule, et personne n'ose venir le voir, carence de cette malsaine curiosité qui pousse les rombières dans le giron des personnes endeuillées. Il y a même, plus loin, Lionel, qui ne le reconnaîtrait probablement pas, maintenant qu'il est tout plein de succès dans un autre théâtre... Il est venu, c'est déjà ça. Lorsque Sylvande croise son regard, néanmoins, il recevra un bref salut du chapeau - libre à lui de l’interpréter pour sien.


-*-

Harold Chambard


L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Lautrec14

- Combien pour l'tout v's'avez dit, m'sieur ?

C'est une voix que Harold connaît. Il met probablement du temps à la replacer, si par bonheur il finit par s'en souvenir. Les bras croisés sur sa poitrine, sans manteau malgré le temps hivernal, avec juste une grosse laine sur son chemisier de bar et un tablier par dessus ses épaisses jupes, se tient cette petite femme aux traits un peu irréguliers, au sourire en coin et aux choquants cheveux oranges. C'est une femme qui semble tout savoir, connaître chaque recoin poussiéreux et mal fréquenté de la tête des gens - les connaître comme si le monde entier était son enfant malveillant de nature. Malveillant mais néanmoins aimé, brutalement comme elle parle et comme elle vit.

- Y'a qu'les communards pour êt' capable de faire du profit l'jour du deuil, hein Harold ?

Qu'elle rajoute, après avoir tendu la petite monnaie qu'on lui demande, et s'être adossé non loin de lui, un peu derrière son commerce, repliant le papier sous son bras comme une poule qu'on tente d'endormir. Son attitude n'est pas menaçante, elle semble surtout s'ennuyer, dans un décor et une atmosphère dont elle ne comprend pas, par nature, les arcanes. Dans une de ses mains, des noix, dans l'autre poche tintent les quelques petites pièces qu'elle a déjà pu dérober aux nantis - piètre occupation quand on est d'chez Laforge, mais elle a jamais pu s'en empêcher. Et puis Félix Faure arrive, et tout le monde oublie un peu son entourage.
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Pierrot Lunaire
La bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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MessageSujet: Re: L'Inauguration de l'Eden-Théâtre   L'Inauguration de l'Eden-Théâtre EmptyDim 20 Nov - 10:38

A TOUS

L'Inauguration de l'Eden-Théâtre Felix_12
La voiture présidentielle est tirée par quatre chevaux que l’on a affublés de toupets noirs, et est entourée d’une solide garde montée. En sort le président et sa femme. Il monte sur les marches de l’Eden, estrade « naturel » pour la harangue, serra la main, en premier lieu, aux deux directeurs de l’Opéra, que l’on avait oublié mais qui étaient là, grisonnants et fades, parmi les robes ornées et les grandes sorties de bal. Il se tourne vers Mesdames de Lambresac et Forestier, qu’il salue respectueusement.

Puis il s’avance vers la foule, l’embrasse du regard et commence son discours … Dans un temps où les microphones n’existent pas encore, seuls ceux qui se sont trouvé une bonne place, point trop loin, sont à même d’en déceler le sens. A vous, Madame Forestier, M. Holland, M. Sylvande ; à vous, Blue et Mascarille, qui entendez peut-être :

« Parisiens, Parisiennes, citoyens de France,
J’ai souhaité venir en ce jour pour une occasion qui peut sembler dérisoire. C’est que j’ai voulu, en inaugurant ce théâtre, venir rappeler à chacun d’entre vous ce qu’était la République. Ce sont les valeurs même de cette République que l’on a voulu ébranler, en assassinant plusieurs de ses citoyens émérites, mais ceux qui ont réalisé cette œuvre de mort n’ont pas songé que la France était plus solide que cela. Ses lois et ses valeurs ne transigeront pas devant ce qui n’est qu’une action isolée et vindicative. Il en faudrait bien plus pour faire trembler Paris, représentante du pays ! Mais il n’y aura rien de plus : en venant aujourd’hui ouvrir ce théâtre, offrir mon recueillement parmi tous les vôtres, je viens aussi affirmer que la Police est sur les traces de ces criminels – car c’est bien un crime et non la manifestation d’une pensée qui s’est produit à l’Opéra.

Parisiens, parisiennes, citoyens de la France,

Devant cette menace venue du ressentiment et de la jalousie, il convient de réagir et de garder la tête haute. Le citoyen de France ne baisse point la tête devant les complots mesquins et les calculs d’intérêt ! Nous lutterons ensemble pour conserver notre République, modèle des terres d’outre-mer et jalousie des pays voisins, et cela passe, je le crois, par un hommage respectueux aux victimes de la catastrophe, comme par un retour, humble et réfléchi, à cette vie sociale et culturelle que l’on nous envie alentours.
»

Pour Emile, Jane et Guéteneau, certains mots, certaines transitions échappent, et il faut reconstituer les phrases, relier les idées entre elles.

Pour Maximilien, les mots viennent comme ils peuvent, mais le bavardage de Madame Pentois rend difficile toute concentration …

Pour Harold, Eugénie, Cyrille et Céleste, enfin, ce ne sont que des bribes, un mot que l’on saisissait parfois, quand la voix monte, quand le ton insiste … « Républi … Assassinant … Citoyens éméri … ‘vre de mort … Action … lé et vindi..ti … Il en faudrait bien plus pour faire trembler … »

Félix Faure continua ainsi, roide dans son costume, la moustache fière et l’air concerné. Le discours continua un temps, sur le même ton, agitant les mêmes idées … Et puis il s’arrêta, sur un décidé : « La République ne faiblira pas ! » qui fut applaudi, par ceux qui avaient entendu comme par ceux qui n’avaient pas compris. Les gens autour de vous – vous aussi peut-être ? – lancent ces mêmes œillets blancs et ces rubans noirs. Au son des cors et des trompettes de l’orchestre municipal, les portes de l’Éden s’ouvrent lentement.

La bonne société y est admise, et commence à y entrer, suivant le président et sa suite. A la porte, deux hommes en costume, gantés de blanc, font office de maîtres de cérémonie. Assistés chacun d’un agent de police, dans son uniforme bien brossé, ils contrôlent les entrées. Pour suivre leurs tribulations dans ce banquet d’un autre type ou pour tenter d’entrer à votre tour (entrée soumise à l’approbation de nos quatre Cerbère), c’est ici. Pendant ce temps, l'homme au chapeau noir, visiblement las, observe la file qui s’est formée, à l’entrée du Théâtre, avec un air visiblement soucieux. La jeune fille qui était au premier rang sautille en tirant sur le bras de sa mère … Et alentours, la foule se disperse un peu … On respire un peu plus.

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