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 Au détour du chemin

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Eugénie Landreau
Ninie-La-Noiraude
Eugénie Landreau

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MessageSujet: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptySam 2 Juin - 11:19

    Un matin brumeux se levait sur Paris, matin grisâtre qui annonçait une journée pâle. Eugénie l'avait accueilli sans mot dire, s'occupant de donner un coup de balai sur le perron avant d'aller au marché. C'est qu'il fallait les nourrir ces étudiants, de véritables Gargantuas ! Panier au bras, la demoiselle cheminait parmi les passants, se fraya un passage parmi les étals. Le marché, ça vous ramenait un peu de campagne dans le cœur et de bonnes odeurs ! C'était comme revenir au pays, et quitter la capitale.

    Eugénie adorait le marché pour cela. Du temps qu'elle était vagabonde, elle y trainait déjà ses souliers, chipant ce qui tombait de l'étal, pouvait pas être vendu mais était encore mangeable. Elle avait vite noté quels marchands avaient le coeur sur la main, et aujourd'hui encore c'était vers eux qu'elle menait ses emplettes.

    Eugénie se dirigeait vers un autre étal pour avoir de la viande - un luxe à ses yeux ! - quand elle reconnut une silhouette. Vieil homme un peu voûté mais qui avait conservé une imposante stature, dont le profil Eugénie l'aurait reconnu entre mille. Trottant sur ses souliers, la demoiselle fendit la foule jusqu'à l'homme et posa sa main sur le bras du vieillard.

    — Casi' ça faisait un bail !

    Mince, ne la reconnaissait-il pas ? Faut dire elle avait gagné en chair (manger à sa faim aidait), avait appris à se coiffer et porter de belles nipes depuis.

    — Eugénie. La Fêlée, la Noiraude. On se croisait quand t'allumait les lampions.

    Même parfois qu'ils échangeaient quelques mots avant de repartir chacun de leur côté mendier leur survie. Ah ça, elle avait pas été facile leur vie.
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MessageSujet: Re: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptyDim 3 Juin - 8:18

Casimir Epardeau, Papi poussière

Il lui fallait des abricots. C’était la saison, et c’était assez mou pour être mâché… Il allait bien finir par en trouver, non ? Ca se voit de loin, le orange – quoique pas à son âge. Sa petite excursion au marché à la recherche de son fruit préféré n’allait pas s’en aller en calembredaine , quand même, si ? Ah, non, là ! Casimir poussa sans ménagement un homme pour pouvoir arriver avant lui à l’étal, avant de demander sans transition :

- Une dizaine d’abr…

Il fut rudement interrompu par une main sur son bras, contact inattendu qui le fit autant sursauter que si on avait glissé un mille-pattes dans son col. Casimir se retourna, fronçant les sourcils comme jamais, incendiant la personne du regard. Un petit bout de femme, propre sur elle, et si elle ne l’avait pas appelé Casi, il aurait juré qu’il ne pouvait pas la connaître, pas dans les milieux dans lesquels il trainait… Mais les inconnus n’avaient pas pour habitude d’accoster le vieux crabe qu’il était. Son regard adamantin s’adoucit lorsqu’elle se présenta, et que le souvenir de la décoiffée qui officiait dans la rue vint se superposer à celle qui lui faisait face.
- La ptite ‘Génie ! Bon sang, on fait pas peur aux gens comme ça…

Et bah ! C’est qu’elle avait changé, la Fêlée ; la misère ne lui collait plus à la peau. Le visage du vieux se durcit à nouveau ; pas qu’il fut mécontent qu’elle s’en soit sortie mieux que lui, mais…

- T’aurais pu prévenir, quand même, avant de disparaître comme ça, d’jour au lend’main…

Combien de temps, déjà, depuis qu’il ne l’avait pas croisée dans la rue ? Assez, en tout cas, pour qu’il remarque son absence et en soit irrité. Assez, aussi, pour finir par se faire à son absence. Et voilà qu’elle réapparaissait, comme un feu follet ! Non, décidément, Casimir n’aimait pas les surprises.

- Qu’est-ce tu deviens ?

Le monsieur bousculé précédemment lui lança un regard peu avenant de sous son chapeau tyrolien ; Casimir lui en renvoya un semblable, avant de se tourner à nouveau vers le marchand.

- Je disais, une dizaine d’abricots.

Il tendit quelques piécettes vers le fruitier, avant que l’impatient ne décide de lui faire une scène.
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Eugénie Landreau
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MessageSujet: Re: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptyJeu 7 Juin - 0:42

    Eugénie avait baissé la tête toute penaude devant les remontrances de Casimir - elle l'avait toujours considéré comme une sorte de grand-père complaisant, mais qui remet sa petite-fille en place si jamais elle faisait une bêtise.

    — C'est qu'ça s'est passé vite, j'ai pas eu le temps de faire les adieux.

    Puis Eugénie avait eu tellement peur que la chance lui passe sous le nez, qu'elle s'était hâtée de prendre le peu de biens qu'elle avait pour se rendre à l'école. Et plongée dans ce nouveau monde, l'ancienne vagabonde n'avait pas songé à retourner dans la rue, de donner de ses nouvelles aux personnes qui l'avaient aidé durant sa galère.

    — J'ai une place dans une école religieuse, 'fin à ce qu'j'ai compris. C'est un prêtre qui me l'a proposé, j'pense qu'il a eu pitié ou que c'est un saint homme.

    Eugénie avait porté sa main dans une poche cousue à l'intérieur de sa robe - elle y mettait l'argent qu'on lui confiait, afin d'éviter d'être volée. Elle aurait voulu payer les abricots à Casimir, façon à elle de lui offrir quelque chose, mais l'homme avait déjà tendu ses propres pièces. Puis après réflexion Eugénie se rendit compte que Casimir l'aurait sûrement mal pris ce geste. Il avait sa fierté.

    — Qu'ils ont l'air bon tes abricots ! T'as raison d'en prendre, sont tout juteux. J'ai du en acheter y a quelques jours pour les écoliers.

    Eugénie se souvenait encore du jus qui lui avait dégouliné sur les doigts en croquant dans la chair du fruit. C'était comme un parfum de paradis pour elle, tant c'était bon.
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MessageSujet: Re: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptyDim 10 Juin - 22:54

Casimir Epardeau, Papi poussière

Une école religieuse. Et bien, elle avait eu une chance en or, et il aurait été stupide de la refuser… Et pourquoi serait-elle revenue faire ses adieux à l'antique qu'il était ? Ca lui plaisait, de se dire que les mêmes personnes étaient toujours aux mêmes carrefours, mais non, certains crevaient dans les caniveaux, d’autres se voyaient proposées des places convenables, et ça grouillait, ça rentrait dans la capitale, ça sortait, ça changeait, c’était insupportable. Il en avait vu tant passer, sa famille incluse… Egoïstement, oui, il aurait voulu qu’Eugénie reste dans la misère, pour pouvoir se dire qu’ils étaient deux, qu’il n’était pas si complètement seul. Mais non. Lui aussi, il aurait accepté cette place sans hésitation, et s’il aurait dit adieu au concierge en passant chercher ses affaires, ce dernier aurait certainement été le seul à avoir connaissance de son départ. Les autres l’auraient cru mort, hypothèse la plus plausible. Les abricots se déversèrent dans le petit panier qu’il avait pris avec lui, et il arrêta de ruminer. La Fêlée avait été bonne envers lui, avait toujours prêché un peu d’espoir ; il était juste qu’elle ait ce qu’elle avait à présent, et elle ne lui devait aucune loyauté.

- Dieu a été bon avec toi. T’as eu raison de prendre c’qu’y t’proposait, et d’quitter les rues… C’pas une place pour toi, la rue, c’pas une place pour qui que ce soit, d’ailleurs.

Et puis, resserrer son panier contre lui. Il flairait, dans sa gentillesse, un désir rapace – quand on dit que des fruits sont bons, quelque part, on attend qu’on nous en donne, non ? Mais Casimir n’aimait pas donner. Ils étaient à lui, ces fruits, il les avait achetés, gagnés, et il n’avait absolument aucune envie de partager. Le remords, presque immédiatement. Est-ce qu’elle avait eu le droit de les goûter, seulement, ces fruits qu’elle avait achetés pour les écoliers ? Y avait-il quoique ce soit pour elle parmi ses emplettes du jour ? Elle avait été si généreuse, avec lui, et voilà comment il la remerciait…

- T’as plus de cœur qu’moi, ‘Génie…

Regarder les abricots, encore un instant, l’idée de lui en tendre un s’accrochant toujours, mais il n’arrivait pas à surmonter ses réticences.

- J’peux t’accompagner sur un bout d’chemin, si ça te ralentit pas trop de t’encombrer d’un vieillard… Ils sont gentils avec toi, les écoliers, au moins ?

On se pardonne comme on peut.
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Eugénie Landreau
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MessageSujet: Re: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptyJeu 14 Juin - 10:47

    - T’as plus de cœur qu’moi, ‘Génie…

    Quelque chose dans cette phrase serra le coeur de la Fêlée. C'est qu'il avait l'air si triste le vieux Casimir, et semblant se repentir d'une faute. Mais de laquelle ? De désirer secrètement avoir la même chance qu'elle, sortir de la rue ? Toute étourdie, ne pensant pas à mal, Eugénie lança un espoir fugace :

    — T'es bon toi aussi Casi'. Combien d'fois tu m'as aidé ? Pis t'auras peut-être ta chance aussi. J'peux parler de toi au concierge. C'un gars sympa, y connait peut-être des gens qui ont des places.

    Elle avait bien eu sa chance, pourquoi pas un autre ? Elle était pleine d'espoir Eugénie, elle en avait toujours eu même enlisée dans la poussière de Paris, mais depuis elle brillait presque d'en être gorgée. Qu'importe le vent froid qui pouvait entrer dans la chambre sous la soupente - elle avait un toit qui prenait pas l'eau ! Qu'importe les heures passées à repriser des vêtements - elle possédait une lampe et avait une robe propre ! Là où d'autres auraient pleuré devant les désagréments, Eugénie ne faisait qu'en ressortir plus forte, voyant les bons côtés.

    Prenant le bras libre de Casimir sous le sien, tel une grande dame, Eugénie remonta les allées du marché. Il fallait réussir tout de même à esquiver quelques poules échappées de leurs cages, enjamber des flaques, mais ce n'était là que la routine.

    — Les écoliers sont très gentils. Les plus jeunes me traitent comme leur maman, y en a même qui m'offrent des 'tits cadeaux. Puis très polis, que c'en est un plaisir !

    Elle trouvait parfois, devant la porte de sa chambre, un petit mot griffonné sur une page de cahier, une pomme, des bricoles qu'elle gardait comme autant de trésors. Eugénie se sentait comme une mère, elle qui n'avait jamais eu d'enfant.

    — Puis toi, ça va toujours le boulot ? T'as toujours pas trouvé quelqu'un pour t'aider ?

    Faut dire, allumeur de réverbères ça attirait pas la jeunesse qui rêvait tout haut, et pensait pas assez.
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MessageSujet: Re: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptyLun 18 Juin - 0:59

Casimir Epardeau, Papi poussière

Elle était comme un vase, la noiraude, un vase rempli à ras-bord de reconnaissance pour tout ce qu’elle avait, un vase tout plein de fleurs, et les jonquilles se penchaient pour laisser de la place aux marguerites, aux pivoines et au muguet ; bouquet coloré, disparate, où les parfums campagnards emplissaient l’âme de réconfort. Peut-être n’était-elle pas le vase, mais le bouquet. Toujours cette force incommensurable d’aller de l’avant, cette attention envers les autres, cette humilité dans le bonheur comme dans le malheur. Il était content, Casimir, d’avoir une enfant si prometteuse à son bras, et il fit de son mieux pour marcher régulièrement, et pour ne pas la ralentir. Il écoutait – sa tête tomba de l’avant, plusieurs fois, de manière approbatrice.

- C’est bien, tout ça, c’est bien…
Lui aussi, il avait travaillé dans une école, avant – il n’aimait pas particulièrement ces garnements, qui gigotaient de partout et hurlaient à tout va dans la cour. Mais Eugénie s’y plaisait, et quelque part, c’était tout ce qui comptait.

- Y a un mioche qui m’a aidé pendant une ou deux semaines, pis il est reparti… Mais, tu sais, j’me débrouille. C’pas bon pour mes g’noux, mais y z’en ont vu d’autres – et pis au moins j’ai que’qu’ chose, pas comme d’autres. Après, moi, j’veux bien qu’tu lui d’mandes, à ton concierge, s’il a mieux à proposer… J’sais tout faire, tu lui diras, que j’sais tout faire ?

C’était joli, en théorie, allumeur de réverbères – éclairer les ruelles dans la nuit parisienne, allumer le chemin sous le pas des manants. Mais ce que ce pouvait être fatiguant, à son âge, de s’étendre pour les atteindre ! Son dos protestait tous les matins, mais il continuait, toujours, sa marche noctambule. Il cherchait autre chose – un métier d’artisan, peut-être, quelque chose de plus fixe. Jardinier, il serait bien jardinier, mais pour être accepté chez l’une de ces dames, frapper à la porte risquait d’être fort insuffisant. Si Eugénie pouvait lui proposer autre chose, il ne cracherait certainement pas sur cette opportunité… Il fit le tour d’une cagette en bois laissée par terre, et s’arrêta en même temps que la Fêlée devant un autre étal. Il baissa les yeux sur ses abricots – serra les lèvres. Elle lui avait encore proposé son aide, et lui ne la remerciait toujours pas. Fais un effort, Casi, voyons…

- …En fait, t’as des nouvelles à donner à quelqu’un, parmi les nôtres ? Parce que j’peux faire passer un message pour toi, s’tu veux…
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Eugénie Landreau
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MessageSujet: Re: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptyDim 1 Juil - 10:19

    Eugénie hochait la tête, simplement heureuse de voir que Casimir ne rejetait pas sa proposition. Ce serait bien beau si elle arrivait à tirer le vieux de là, qu'il puisse finir ses vieux jours dans une bonne maison, sans trop se briser les reins.

    — Pour sûr qu'je lui dirais. T'habites toujours l'même coin ? J'lui filerais l'adresse que comme ça t'ai plus d'chance.

    Puis elle en parlerait aussi au curé. Ce saint homme connaissait peut-être une âme charitable qui aiderait un vieil homme. Il y avait de bonnes gens à Paris, Eugénie en était certaine. Pourquoi elle ne les trouverait pas ?

    Ils s'étaient arrêtés devant un étal fleurant bon le pain. Qui pouvait résister à l'odeur du pain chaud ? On savourait déjà par avance la douceur de la mie, le croquant de la croûte. Fouillant dans ses poches, Eugénie prit quelques pièces. Le pain ne serait pas pour elle mais pour les élèves, friand comme tous de ce mets. Surtout pour saucer les assiettes et les mouiller comme croûtons dans la soupe.

    — Un pain bien cuit, s'il vous plaît.

    Alors que le marchand tendait le pain demandé, Casimir demandant si elle avait un message à transmettre. Eugénie réfléchit tout en payant et mettant le pain dans son panier.

    — J'sais pas, y a pas vraiment d'gens qui doivent s'inquiéter. Peut-être les filles, vu qu'on causait souvent... Dis-leur qu'je viens bien et si je les croise, j'leur passerais l'bonjour.

    Ce qui était presque impossible. Peu de chance qu'Eugénie croise à nouveau les vagabondes et prostituées - elles n'étaient pas du même monde.

    Eugénie prit un bout du pain - pas bien gros, elle réussit à le couper avec ses mains. La croûte craquait, l'odeur de mie chaude chatouilla ses narines. Le pain n'était pas trop dur sous ses doigts. La demoiselle tendit le bout à Casimir.

    — Goûtes-en tant que c'chaud. C'le meilleur.

    Eugénie en mère nourricière, Eugénie en petite Marie des rues de Paris. Elle aurait donné son déjeuner pour nourrir les pigeons - ce qu'elle avait déjà fait.
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MessageSujet: Re: Au détour du chemin   Au détour du chemin EmptyMer 3 Oct - 11:33

Ils partagèrent tous deux le pain chaud, Eugénie et sa douceur tranquille, Casimir et son air bougon. Ils auraient pu cheminer encore un peu, discutant ensemble - quoique ... on est rarement bavard lorsqu'on vient de ce genre de monde : souvent, quelques mots suffisent, et le silence est tout aussi bon. Toujours est-il qu'ils auraient pu rester encore un peu, contemplant à deux cette vie bizarre et folle qui avait sauvé l'une, continuait à malmener l'autre ... Mais un cri retentit du faubourg, et une petite ombre fondit vers Eugénie. Une chevelure brune en broussaille, deux grands yeux noirs, le nez retroussé : un des gamins de l'école, un petit, qui avait toujours faim et avait toujours les mains sales, quoiqu'on fasse ...

- M'dame ! M'dame ! Maman s'sent mal. V'nez !

Sa voix pressante laissait deviner un drame, il fallait bien le suivre ... Casimir s'excusa et s'éloigna, avec ou sans sourire, mais presque sans un mot, et il fallait bien suivre les impératifs du destin ... La femme qui s’était trouvée mal, un peu plus loin, était enceinte jusqu'aux yeux. Lorsque vous arrivâtes avec le fils, elle avait retrouvé connaissance et se relevait déjà, en tremblant. Finalement, vous n'eûtes rien à faire ... La femme avait laissé tomber un panier dont le contenu s'était répandu sur le sol. En le voyant, elle se jeta soudain sur les denrées qui restaient, mais tout ou presque avait déjà roulé loin ou avait été pillé ... Les bonnes gens, trop occupées à ranimer l'inconnue, n'avaient rien vu ... L'apprenant, elle cria, elle pleura ... mais si, prise d'un instinct protecteur, vous lui demandez de la raccompagner, elle acceptera, vaincue ... La mère du p'tit Vincent était une de ces femmes épuisées qui avaient à charge les plus modestes foyers parisiens.

Tandis que le gamin vous remerciait, vous pensâtes peut-être à ce vieux Casimir, aperçu par hasard, si tôt disparu. A vous de dire si ce fut l'amertume de l'avoir aussitôt perdu ou la fierté d'avoir été appelée à la rescousse par un enfant qui, visiblement, vous faisait confiance, qui l'emporta ce jour-là.
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