Le calme et la sérénité... Voilà deux choses que Marcelline aimerait retrouver sans que cela ne soit possible ! Elle n'était pourtant pas des plus à plaindre, mais elle avait eu ces jours-ci son lot de mauvaises surprises.
Les rumeurs allaient bon train en ce moment... Des rumeurs qui n'étaient pas annonciatrices de bonnes nouvelles malheureusement. Les disparitions mystérieuses de ces femmes étaient le sujet central de nombreuses discussions, même au sein des cercles bourgeois. Il fallait donc être sourd pour ne pas être au courant des dernières nouveautés en la matière... notamment concernant la découverte du cadavre place de la roquette ! Marcelline avait entendu des horreurs indicibles à ce sujet sans savoir ce qui était vrai et ce qui ne l'était pas. On parlait d'une gorge tranchée, du sang qui s'était déversé et qui était toujours incrusté entre les pavés... Bien entendu, Marcelline n'était pas toujours choquée lorsqu'elle apprenait un décès brutal survenu dans les rues de Paris, mais cette affaire de filles disparues commençait à prendre une tournure étrange, que l'on ne pouvait plus qualifier de « coïncidence ».
L'épouse du négociant en vin tenta de ne plus faire cas de ce genre de discussions, préférant des sujets de conversations plus légers comme la mode ou bien encore les derniers ragots concernant des gens du beau monde. Seulement, ce ne fut que de courte durée, car une chose étrange se produisit après une sortie à l’opéra. Albert était resté comme à son habitude à s'occuper de ses affaires et ce fut sans lui que Marcelline décida de sortir ce soir-là. En effet, la jeune femme n'allait pas s'arrêter de vivre parce que le vieux Albert n'arrivait à suivre la cadence ! Elle était donc sortie avec un couple d'amis et ils avaient pu profiter de la soirée comme il se devait. Seulement, lorsqu'ils l'abandonnèrent sur le perron de sa demeure parisienne quelque chose se produisit, quelque chose qui empêcha Marcelline d'ouvrir sa porte... Une ombre, un mouvement se dessina sur sa gauche, suffisamment impressionnant pour captiver son attention sans qu'elle ne mette ce remue-ménage de feuilles sur le compte d'une bourrasque de vent inexistante. Silencieuse et figée, Marcelline attendit une nouvelle manifestation, un nouveau mouvement, un nouveau bruit, mais rien ne vint. Pourtant, au moment même où elle venait de se résigner, où elle allait finalement tourner la poignée de sa porte en se persuadant qu'il s'agissait d'un gros chat, une masse sombre et puissante sortit d'un buisson, prenant ses jambes à son cou ! Elle ne put retenir un cri de frayeur qui fit rappliquer instantanément le domestique qui attendait son retour derrière la porte. D'une main tremblante, elle désigna la rue par laquelle l'intrus venait de filer et une peur immodérée prit possession d'elle... sans la quitter.
Inutile de dire qu'elle ne ferma pas l'œil de la nuit. Marcelline avait du mal à se calmer, persuadée que cet individu avait guetté son retour pour lui faire du mal... ou pour l'enlever. Elle en toucha quelques mots à Albert qui tenta de la rassurer et de lui faire comprendre qu'il devait s'agir d'un enfant en train de s'amuser. Ce plaidoyer ne la convainquit pas et la jeune femme décida de prendre une initiative en écrivant une lettre directement à la sûreté. Allaient-ils réagir à la suite de son courrier ? Allaient-ils la prendre au sérieux ou pour une folle qui avait envie de faire la une des journaux ? Elle n'en savait rien, mais au moins elle essayait. En attendant, Marcelline ne risquait plus de mettre le plus petit orteil dehors de peur que cette personne soit à l'angle d'une rue en train de la surveiller.