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| Cyrille CarpentierExercice de piété à l'usage des Écoles
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| Sujet: Coeur ouvert Lun 19 Sep - 9:04 | |
| Rien ne surprenait plus dans ce quartier pauvre de Paris que l'apparition soudaine de l'école Saint-Jérôme au détour d'une rue. Coincé entre deux immeubles resserrés, le bâtiment semblait indécemment large et sa petite cour cerclée de grilles de fer paraissait narguer le peu d'espace général de cette partie de la ville. Pourtant, l'édifice en lui même n'était ni grand, ni imposant, et de nombreuses bâtisses privées des hauts quartiers restaient bien plus spacieuses; mais dans ce décor particulier, il prenait une ampleur qu'il n'aurait pu avoir nul par ailleurs, malgré la peinture blanche de ses murs qui grisait au fil des années et qui s'écaillait un peu plus à chaque génération d'élèves qui passait dans l'établissement.
En parlant des enfants, ils avaient quitté l'endroit depuis un bon moment. Les cours les plus tardifs avaient sonné leur fin et les seuls qui restaient dans les lieux étaient les frères, les gardiens et leur chien. Les Michu avaient rejoint leurs appartements, situés à côté de la grille et la plupart des religieux se trouvaient dans le bâtiment annexe à l'école, où se situaient le pensionnat, qui n'était plus utilisé que par les frères depuis un petit moment , et le réfectoire, qui n'attendait que la cloche du souper pour se remplir des Lasalliens.
Cyrille se trouvait à ce moment là, comme bon nombre de ses collègues, dans sa modeste chambre, située sous les combles du bâtiment. L'endroit était chichement aménagé: il n'y avait guère plus qu'un lit, un coffre situé à ses pieds, une table placée sous la fenêtre et une chaise. Il ne faisait pas chaud dans la pièce et la lampe à pétrole qui servait à éclairer le jeune homme diffusait une chaleur bienvenue bien qu'insuffisante pour réchauffer totalement les doigts engourdis du jeune prêtre emmitouflé dans sa soutane.
Voila 6 semaines qu'il avait quitté son Nord natal et était arrivé à Paris. Si l'architecture avait eu de quoi le surprendre les premiers jours, il avait rapidement trouvé les habitants de la grande ville bien plus passionnants. Comment pouvait-on préférer ces structures de marbre blanc à la foule bigarrée qui se trouvait dans les faubourgs? Sans compter que les plus chatoyantes de ces millions d'âmes se retrouvaient dans sa classe chaque jour...
Un courant d'air le fit frissonner et le tira de ses pensées. Le ciel était chargé et les branches des maigres arbres de février étaient bousculées par les rafales de vent qui sévissaient. De la pluie -au mieux- s'annonçait pour la soirée. Quittant le mauvais temps des yeux, il se saisit du livre qui était posé à côté de lui, Le Petit Lavisse « Autrefois, notre pays s'appelait la Gaule et ses habitants, les Gaulois... ». Prenant des notes d'une main, tournant les pages de l'autre, il se mit à préparer son cour d'histoire, un sourire serein sur le visage. Les nuages maussades étaient bien loin de lui. |
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| Sujet: Re: Coeur ouvert Dim 25 Sep - 4:54 | |
| Daniel Laforge, chef d'une organisation criminelleParis portait la robe beige du mauvais temps mieux qu'aucune autre ville de France. La luminosité fantomatique de la fin d'après midi semblait se refléter dans les pierres flambantes neuves des immeubles du Baron Haussman, leurs toits bleus luisaient de la pluie fine qui s'était déclarée ce matin, fendant les jupes chargées du ciel pour les assombrir un peu plus. des nuages de tourment dessinaient des sillons dans la peau du temps, paresseux et déprimants. Lorsque Daniel est arrivé à Paris, sa première vision en descendant du train fut celle du ciel, gris, épais, grouillant. Il en était tombé amoureux. Il était resté. Aujourd'hui le temps se ressemblait, et cela le rendait infiniment mélancolique. Il avait renvoyé Delphine, prétextant que son bourdonnement incessant de jeune femme gouaille l'insupportait, avait demandé à ce qu'on ne le dérange pas. Et à présent il fumait un cigare gras sur le rebord de sa fenêtre, malheureux comme un basset, remuant du bout du doigt une bouillie noire de pensées corrompues, de projets avortés, d'images violentes de son passé de gamin des rues. Il s'était hissé sur les haut-plateaux sociaux de Paris à la force de ses bras, et encore aujourd'hui, il lui arrivait de sentir penser sur lui l'atmosphère trop riche des grandes cité. Il haletait.
Il ressentit soudainement le besoin de se changer les idées. Dispersa la manne grise des cendres de cigare à sa fenêtre en soufflant dessus, entortilla une main dans ses cheveux insupportablement épais, tenta d'en extraire une coiffure plus ou moins présentable à dissimuler sous un chapeau, endossa sa veste en haussant les épaules, vida le fond de vin de son verre et sortit. Ses pensées se dirigèrent automatiquement dans la direction de l'Oeil d'Eboli, établissement qu'il possédait mais dont il ne profitait jamais des charmes - trop occupé en arrière-boutique à planifier et à comploter, avant qu'il ne se ressaisisse. Non... Non. Pas les fumeries d'Opium. Le temps, s'il était à la promenade, était déjà suffisamment sombre pour ne pas l'épaissir d'avantage de fumées voluptueuses.
Laforge dépassa des jardins, des maisons cossues toutes semblables à la sienne, des chapelles et des boutiques, des femmes endimanchées aux sourcils froncés, surveillant la voûte au dessus d'elles en défiant les cieux de les arroser, des hommes indifférents, des vendeurs de journaux sous des guérites... Il s'éloigna. Les vêtements se firent moins riches, moins beaux, plus troués, les femmes moins hautaines, moins bien peignées. Plus réelles, en quelque sorte. Il se sentait crever la bulle du Paraître pour retomber dans la vie véritable, celle aux couleurs un peu trop crues.
Et puis au détour d'une rue indécemment étroite, apparut l'école. ce vieux bâtiment de pierre qui avait peut-être été autrefois une abbaye, un cloître, qui s'était recyclé avec l'engouement pour l'éducation. Saint-Jérôme. Bien sûr, qu'il connaissait. Il n'y était pas allé, pas en tant qu'interne, mais il se souvenait avoir déjà attendu un ou l'autre des élèves pour battre le pavé ensemble, refaire le monde comme seulent savent le faire les gamins aux semelles trouées. ses pas semblaient avoir voulu lui offrir un peu de nostalgie supplémentaire - presque non-désirée. Il se demandait si l'école était toujours tenue par des Lassaliens. Si certains des anciens prêtres-professeurs qui le chassaient avec exaspération jadis officiaient encore. s'ils pouvaient le reconnaître - probablement pas.
Il se retrouva à l'intérieur du bâtiment avant qu'il ne s'en rende compte. Sa belle mise l'ennuyait, dans pareil lieu, mais elle aidait probablement à lui ouvrir des portes. un des prêtres, fortement perplexe, lui indiqua un couloir et des volées de marches menant sous les combles.
Il toqua à la porte, en saisissant la poignée pour la maintenir fermée, qu'on ne voie pas son visage, pas encore.
- Mon père ? On m'a dit que vous étiez disponible pour une confession ? Si c'est le cas, je - j'ai vu un confessionnal en arrivant ici, je peux vous y attendre ?
Le temps était à l'expiation - pour mieux pêcher par la suite, lorsque le soleil serait revenu. |
| | | Cyrille CarpentierExercice de piété à l'usage des Écoles
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| Sujet: Re: Coeur ouvert Lun 26 Sep - 8:48 | |
| Cyrille se laissait porter par le bruit monotone de la plume sur le papier, un va-et-vient apaisant qui semblait arrêter le temps et l'espace. Il recopiait machinalement des phrases tirées du livre, emporté par le flot de l'Histoire et ses propres souvenirs. Un seul bruit ponctuait cette mélodie plate de l'écriture; de tant à autre, une page était tournée, dévoilant une myriades d'images dans l'esprit du lecteur et créant une symphonie silencieuse. Il aimait écrire, sentir le grain du papier sous le fer, faire glisser l'encre, sentir l'odeur du livre et des écritures se mêler, voir danser ses doigts...l'ensemble formait un ballet magnifique et reposant.
Cette ferveur, il l'avait surement acquise lors de ses premiers contrôles et études. Lorsque quittant pour la première fois l'univers familial, il avait atterri dans une école semblable à celle-ci, peut-être était-elle un peu moins grande, peut-être un peu plus peuplée. Mais il y avait ces mêmes volontés des professeurs, cette même diversité des élèves, ces mêmes gardiens avec leur chien. En somme, toutes les écoles étaient les mêmes. Ou alors, c'étaient les pauvres souvenirs de cette époque qui les faisaient toutes se ressembler. Peut-être que lui aussi ne serait bientôt plus qu'une ombre blanche et noire pour les plus vieux de ses élèves, enfoui sous d'autres évènements, d'autres rencontres. Rapidement perdu au milieu de cette foule de gens et de visages.
La guerre des gaules était en train d'être finie lorsqu'un bruit vint perturber le silence de la salle. Le doux son d'un doigt frôlant le bois de sa porte. Il releva la tête. Avait-il manqué le repas, perdu dans ses pensées? La lumière n'avait pas changé pourtant, elle restait aussi grise, aussi froide. Un frère qui voulait lui parler? Il allait demander mais son interrogation fut devancée par une voix qu'il ne connaissait pas. Une voix qui lui demandait d'effectuer une confession. L'étonnement agrandit ses yeux, tandis que ses mains avaient lâché la plume apposant une tâche noire sur la page blanche. Il savait faire une confession, oui. Il l'avait appris, en même temps que la théologie. Mais son métier de professeur l'avait, jusque là, tenu à l'écart de ces choses. Rares étaient ceux qui venaient jusque dans une école pour avouer leurs pêchés, préférant généralement les églises ou les salons coquets pour les riches aux confesseurs attitrés. L'heure tardive jouait peut-être? Un âme perdue cherchant un phare pour se sauver au milieu de la tempête.
Rapidement, l'encre fut rebouchée et le livre refermé. La chaise grinça sur le sol lorsqu'il se leva pour aller ouvrir la porte, un peu précipitamment peut-être, son pas sembla bien mal assuré. Tout comme sa voix lorsqu'il tenta de parler.
"Je...oui oui...bien sûr...attendez...j'arrive...nous allons y aller ensemble..."
Il posa la main sur la poignée et commença à pousser. La porte bougea légèrement mais sans s'ouvrir. Il retenta un coup avant d'abandonner devant son échec. Il tourna la tête à droite à gauche, cherchant il ne savait trop quoi dans sa modeste chambre.
"Je...je crois que je me suis enfermé sans m'en rendre compte...avancez, je...je vais retrouver ma clef...j'arrive..."
Il espérait que son inconnu ne serait pas trop déçu de lui et qu'il pourrait l'aider à retrouver la voie. |
| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: Coeur ouvert Mar 4 Oct - 9:24 | |
| Daniel Laforge, chef d'une organisation criminelleL'anonymat de la confession semblait être un concept inconnu au père Lassalien. Cela amusa Daniel, qui ébaucha un petit sourire malgré lui, sous les ronces de sa barbe mal élaguée. Mais, bien heureusement, le père ne sembla pas comprendre sa ruse pour s'assurer la non-contemplation de son visage, et, s'improvisant Méduse, réduisant les confesseurs en statues de Sel, il pivota du talon, maintenant une voix cordiale, atone et dépourvue de visage.
- Je vais vous attendre dans le confessionnal, ne vous en faites pas.
Et il laisse ses pas l'éloigner de la cellule du Lassalien, écoutant le bruit de ses semelles plus coûteuses que l'aspect de ses chaussures ne pourrait le laisser deviner. Il égratigna de son ombre couloir après couloir, frôlant parfois la rude pierre incrustée de croyances et des rêves de centaines d'enfants ayant erré dans ces coursives, attendant leur libération, leur futur, forcément plus brillant. Laforge se souvient brièvement de conversations avec son ancien camarade de maraude, bien qu'il ne soit plus able à le nommer. Des rêves de voyages, des inventions révolutionnaires, des batailles... Aujourd'hui, Daniel estimait avoir achevé le rêve humain le plus accessible à ses domaines d'office : il devenait riche en dérobant leur bien à ceux qui les avaient gagnés. C'était parfait. N'était-ce pas ?
Alors il ne comprenait pas bien pourquoi, arrivé dans cette sorte de dépression du couloir abritant un petit monument de bois, une cabine flanquée de deux isoloires au lourd rideau de velours râpé par les années de pêchés confessés, jamais vraiment pardonnés, il s'agenouilla, sans même attendre l'arrivée de son confesseur, pour réciter une courte prière. La tête ombragée et recoupée de l'extérieur par le voile intime -en tous les mauvais sens du terme- du rideau de confession. Les yeux fermés, de toute façon, genoux dans le bois dur de l'alcôve, mains jointes, et la plaidoirie au bord des lèvres comme s'il entrait dans sa propre assise en justice.
Puis les pas de son confesseur résonnèrent dans le couloir, s'approchèrent, firent sonner des évocations de glas et de tambours d'exécution, et il n'allait plus se passer longtemps avant que le rideau rouge sombre ne s'abatte sur la fragilité mortelle de son cou, rendant une justice aussi expéditive que méritée...
Le corps de bois du confessionnal craque alors que Daniel suppose que le prêtre Lassalien prend place, prêt à entendre... Prêt à pardonner pour les autres, les injuriés et les dépouillés, et puis aussi les morts... Daniel avait décidé de ne rien omettre, du moins, de ses derniers jours passés. Et à présent, il n'y avait plus de marche arrière.
- Pardonnez-moi mon Père, car j'ai pêché... - Spoiler:
Je me suis permis de faire avancer un peu le prêtre, en espérant que c'est ce que tu comptais faire.. Sinon, n'hésite pas à m'engueuler par MP - Et dis-moi, aussi, si je dois poursuivre dans la confession, ou si je te laisse répondre avant ? =)
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| | | Cyrille CarpentierExercice de piété à l'usage des Écoles
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| Sujet: Re: Coeur ouvert Mer 5 Oct - 23:33 | |
| Cyrille put entendre les chaussures de l'inconnu couiner contre le sol tandis qu'il s'éloignait de sa chambre pour aller dans le confessionnal. L'homme paraissait bien poli. Une fois que le son disparut, le frère alla ouvrir son coffre dans l'espoir de retrouver la clef libératrice. Il souleva les quelques vêtements et livres qui se trouvaient là tout en se remémorant tant bien que mal les cours du séminaire sur la confession, à la manière d'un écolier qui se répète rapidement une leçon avant de passer au tableau.
Quelques minutes de recherches dans le coffre permirent à la clef d'être retrouvée. Rapidement, les doigts du prêtre s'enroulèrent autour du métal froid et il se dirigea d'un pas preste vers la porte réticente. Il glissa la clef dans la serrure mais lorsqu'il voulu la faire tourner, elle resta immobile. Elle s'ouvrait pourtant bien dans ce sens, la serrure avait été montée à l'endroit. Les sourcils froncés d'incompréhension, il retenta d'ouvrir la porte en s'appuyant sur le pêne. Cette fois ci, le bois craqua et tourna sur ses gonds dans un léger gémissement. Elle était donc bien ouverte...Elle avait surement été bloquée par une quelconque imperfection du mécanisme et il n'avait pas assez forcé.
La porte fut délicatement refermée et la clef déposée au fond de la poche du frère. Son coeur battait peut-être un peu trop fort pour une simple confession mais c'était une lourde tâche que celle qui l'attendait. Il marchait d'un pas preste, faisant glisser sa soutane sur le sol d'un bruissement silencieux. Son regard était rivé sur ses pieds, sa main cachait le bas de son visage. Et puis finalement, le confessionnal devint visible. Vieux, recouvert de poussière, fatigué, mais qui restait encore debout, à l'image du bâtiment qui l'accueillait. Une ombre dans une des cabines, un mouvement, lui indiquèrent que l'homme avait déjà pris place. Celui qui avait demandé son aide était là, présent.
Cyrille passa à côté de la première cabine, droit, le regard fixant l'horizon, puis il ouvrit la porte calfeutrée du même rideau rouge pour pénétrer au centre, là où des centaines de secrets avaient déjà étés confessés pendant des années et où l'odeur d'ancienneté se mêlait à celui du tissus humide. Il s'assit sur le bois qui craqua sous son poids. Le sang battait à ses tempes. Il devait se faire ministre de Dieu. Il prit une inspiration tremblante avant de répondre selon les formules d'usage au pénitent sans visage d'une voix lente et pieuse. Chacun de ces mots si particuliers rappelait l'importance de cette mission au prêtre.
" Que le Seigneur soit dans votre cœur et sur vos lèvres, pour que vous confessiez avec soin tous vos péchés. Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il "
Du coin de l'oeil, il regardait la croix qui barrait le grillage en son milieu et qui l'empêchait de mettre une personne sur les paroles prononcées. Puisse Sa présence l’amener à bien Le servir. |
| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: Coeur ouvert Ven 14 Oct - 10:28 | |
| Daniel Laforge, chef d'une organisation criminelle" Que le Seigneur soit dans votre cœur et sur vos lèvres, pour que vous confessiez avec soin tous vos péchés. Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il "
Daniel ferme les yeux, prenant une grand inspiration sous la bénédiction, et puis, après un instant de flottement, alors qu'il n'y a aucun bruit pour émailler le silence, il se lance, murmurant, dans l’énonciation de ses péchés. Et c'est une étrangeté suprême que de l'entendre, sa voix rauque et sombre sans figure, sans forme définie, ombre dans le confessionnal. De temps en temps, il marmonne, un peu plus bas, une précision ou un commentaire, comme un vieil homme qui construit son récit et qui en rajoute des bouts pour aider une compréhension que l'on n'a pourtant pas perdue en route.
- Mon père... J'ai eu des pensées impures, hier. C'était le soir. Vous vous souvenez, lorsqu'il a plu, en début de soirée ? Je regardais par ma fenêtre -je fais souvent ça, je suis bien placé, sur une avenue- en fumant, et une jeune femme a traversé devant moi, entre l'arrière train d'une voiture et le nez du cheval d'une autre. La pluie avait l'air de l'affoler -faut dire, si vous avez mis le nez dehors hier, elle était froide, la pluie! Une vraie saloperie d'février, bien lourde et bien mouillée- et elle a un peu dérapé sur les pavés. Et, mon père, pardonnez moi mes pensées, mais j'avais envie qu'elle tombe - qu'elle tombe et se fasse mal, ou se trempe, pour que je puisse sortir de chez moi et la ramener à la maison, l'installer devant le feu et tenter de la convaincre d'ôter sa toilette, et peut-être, pourquoi pas, hein, me remercier pour mon hospitalité, si vous voyez s'que j'veux dire ?
C'était vrai, bien sur. Anatole Fargue l'aurait présenté avec de plus belles tournures, avec plus de retenue, avec moins de mots à demi-mâchés, mais Daniel avait l'occasion d'incarner tout ce qu'il souhaitait - l’anonymat lui offrait cette impunité - alors il se laissa prendre à son jeu, et devint cet homme un peu rustre qui pense aux haut des bas des jeunes inconnues.
- Mais je l'ai pas fait, mon père. Bon, elle est pas tombée, aussi, ça a aidé ma décision, hein ? Mais je l'ai pas fait. Ca m'a pas empêché de le penser.
Petit instant où il collecte ses esprits, où on ne l'entend que respirer.
- Ensuite, plus tard, je me suis vengé sur ma femme. Je lui ai mis une main sur les yeux et j'ai pensé qu'elle était blonde et plus grande, comme celle que j'ai vue dehors pendant qu'il pleuvait. Je lui ai même donné un autre prénom, mais je pense pas qu'elle ai remarqué. Elle est gentille, ma femme. Elle fait du très bon ragoût de cochon.
Daniel a un rire léger. Si Laudine l'entendait parler comme ça !
- Ensuite, hum... La semaine dernière, j'ai demandé à un ami de voler quelque chose pour moi.
Il s'arrête, laissant, peut-être, le temps au prêtre de digérer la nouvelle information, plus conséquente.
- C'est quelque chose qu'il aime bien faire. Il m’obéit bien. C'est un bon élément. Alors, devant dieu, est-ce moi le coupable, est-ce lui ? Moi, j'ai juste demandé. Et je l'ai payé à la fin, bien sûr, vous imaginez. C'était du bon travail. Il a blessé quelqu'un, par contre, alors je lui ai pas donné tout ce que je lui avais promis. Vous comprenez ça, hein ? Enfin bon. J'ai revendu le machin -c'était un coffret en bois, précieux, je l'avais vu dans une boutique et je le voulais. Y'avait d'aut' choses dans la boutique, des parures et du mobilier, j'ai demandé de prendre tout ce qui lui chantait- sacré petite somme.
A la fin, le ton s'est fait rêveur, et il ne semble plus expier tout à fait.
- Bon, j'ai commencé à écouler le stock hier, j'ai des collectionneurs véreux tout désignés pour faire ça, et ça part bien ! Je me demande dans quel Salon de la haute société ça va partir. J'aurais du graver des initiales. J'ai commencé à écouler hier, je vous disais, et ça m'a permis de faire une commande d'Opium. Mon fournisseur n'est plus aussi bien, je sais pas ce qui se passe en Indochine, si c'est la fête ou quelque chose -ils fêtent pas comme en France, là bas, vous savez, alors c'est possible- mais c'est devenu erratique, plus difficile de se faire fournir. Ou c'est juste mes contacts qui sont pas fiables. Enfin comme ça, dans deux ou trois mois, j'aurais des stocks d'avance pour ma fumerie. Vous imaginez pas ce que ça consomme, le bourgeois, comme Opium tous les mois ! Vaut mieux prévoir. Des fois je me dis : Et si tu faisais une seconde boutique ? Mais j'ai peur de devenir trop visible.
L’ascension dans les méfaits, dans les énonciations, avec ce ton badin d'homme serein, cette diction bizarre où le très familier se mélange à des mots plus soutenus et les élans de fierté qui montent dans sa voix mettent terriblement mal à l'aise.
- Enfin, je palabre. Pardon, mon père. Je voulais me confesser, on dirait que je me suis laissé emporter - mais hein, comme ça, Dieu sera au courant pour tout ça aussi.
Silence.
- Je voulais confesser un accident, en réalité. J'ai tué quelqu'un. Mais c'était pas vraiment volontaire. Il travaillait pour moi, aussi. Oh, bien sur, j'ai tout nettoyé, vous pensez. Il viendrait l'idée à personne d'aller le chercher, j'en ai conscience, mais comme ça, hein... Le travail, faut que ce soit propre. Oh ben, j'y pense, c'était un ancien de chez vous. Les élèves, hein, pas les Lassaliens. J'ai jamais tué d'homme d'église, Dieu m'en préserve.
Et, avant de poursuivre, il laisse à Cyrille le temps de reprendre souffle et esprits. - Spoiler:
J'ai arrêté là pour ne pas faire trop long, mais s'il n'y a pas assez pour répondre, je poursuivrais, si tu le souhaite ? Daniel est un grand bavard xD
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| | | Cyrille CarpentierExercice de piété à l'usage des Écoles
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| Sujet: Re: Coeur ouvert Mar 18 Oct - 9:55 | |
| La première partie de la confession avait permis au jeune prêtre de retrouver une partie de son courage. Il écoutait patiemment, attentivement les frasques rocambolesques du pantalon de l'homme mystérieux. Son regard se perdait dans le pourpre du tissu qui se trouvait en face de lui, le dos droit sur le dossier il ne bougeait plus. Chacun des mots était prononcé dans le but avoué qu'ils soient oubliés et pardonnés quelques minutes après la fin de la confession, c'était pour cette simple raison que Cyrille ne pouvait pas se permettre d'en manquer un seul, au risque d'empêcher l'âme excitée de son confessé d'arriver au paradis à cause d'une trop grande imagination et d'un trop grand amour de la fraîcheur. C'était son rôle, ce pour quoi il se trouvait au milieu de bois, de fer et de velour. Qui serait-il donc si il contrevenait à son travail, si il trahissait la confiance que l'homme lui portait, car il espérait que son salut passerait par lui à n'en pas douter, par une attention moindre? Pas grand chose. Rien du tout même.
Du moins, c'était comme ça jusqu'à ce qu'il entende ce rire. Innocent oui, un peu trop. Inconséquent même. Mais ce rire tout seul n'aurait pas été bien grave, car il était suivit d'un affront, d'un mensonge. Cyrille sentit toute la douleur du monde s'enfermer dans son coeur lors de la deuxième partie de la confession. Mais pouvait on encore appeler cette farce de cette manière? Les confessions de l'homme sonnaient comme des mensonges. Pourtant ils n'en n'étaient pas, il ne savait. Quel intérêt de paraître plus mauvais que l'on est au yeux d'un prêtre qui ne connait que votre voix? A dire vrai, pour autant que les crimes énoncés pouvaient être horribles - à la mention de la mort d'un des anciens élèves, il se redressa vivement, faisant craquer le bois - c'était la légèreté avec laquelle ils les racontaient qui lui posait problème. Et plus que cela même, ça le révulsait, le broyait de l'intérieur. Qu'était-il sensé faire à ce moment? Le silence dura longtemps, pendant plusieurs secondes. Seules quelques respirations du côté du prêtre se faisaient entendre. Le frère était perdu. Pardonner les pêchés confessés, comme Dieu le demande, même si celui qui se confesse se moque visiblement et éperdument de son créateur? Il avait fermé les yeux, sa croix ramené au niveau de se lèvres qui bougeaient silencieusement dans une prière muette adressée à Celui qui pourrait l'entendre.
Il finit par réouvrir les yeux, l'esprit plus clair. Le douleur et la tristesse, toujours présente, n'avaient pas réussit à obscurcir totalement son jugement. Il savait ce qu'il devait faire, bien que cette solution lui soit difficile à mettre en place.
"Mon fils..."La voix était grave et lente."Vos écarts de conduite à l'encontre de votre femme vous sont pardonnés mais vous devez maintenant vous conduire avec elle avec respect et dignité et ne pas vous laisser tenter par le pêché de la chair, vous réciterez le "Je vous salue Marie" et le "Notre-père"."
Il marqua une pause, sans doute pour laisser un moment à l'homme avant qu'il ne comprenne que sa confession n'était pas finie.
"Mais Dieu ne peut vous absoudre de votre vol ou votre meurtre. Votre manque de foi et de repentir pour demander Son pardon vous salissent plus qu'ils ne vous aident. Et le meurtre est une faute trop grave pour qu'elle soit pardonnée sans être réparée. N'oubliez pas Abel et Caïn, mon fils."
Un mouvement de son bras fit cliqueter son chapelet et les clefs présentes dans sa poche. Il se racla la gorge.
"Si vous souhaitez être pardonné pour tout le mal que vous avez commis, il faudra que vous répariez vos fautes. Je peux vous aider à retrouver la lumière mon fils, mais le chemin vers le salut sera long et difficile pour vous, surtout que je vois dans vos paroles d'autres méfaits cachés."
En face de lui se tenait surement un des grands bandits de Paris, un malfrat dont les provinciaux entendent souvent parler sans pourtant pouvoir imaginer le quart de ce qu'ils font réellement. Et ce voile d'ignorance avait été légèrement soulevé pendant ces quelques instants, et ce qu'il avait entraperçu derrière était sombre, bien trop sombre. Pourtant, voila bien son devoir que d'y apporter de la lumière. Que serait-il si il ignorait simplement? Pas grand chose...pour ne pas dire moins... |
| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: Coeur ouvert Ven 18 Nov - 13:27 | |
| Daniel Laforge, chef d'une organisation criminelleLes déclarations du père font traîner dans l'habitacle un long silence. Bien sur que le pardon ne lui est pas offert si facilement. Bien sûr que ce choix, irréfléchi, d'avouer ,tout, brutalement et cruellement comme il devra le faire à Saint Pierre devant les portes du Paradis -si on lui accorde de les entrapercevoir avant de tomber aux enfers- était un choix risqué... Le prêtre est humain, le prêtre est... Faussé. il est faussé, son raisonnement est teinté par sa morale. Il ne faut pas avoir de morale, pour écouter le cœur de hommes, au risque de devenir fou... Était-il fou ? Daniel n'apprécie pas son confesseur. Il le sent tendu, mal à l'aise. C'est rebutant. Alors il proteste à sa façon, sans écouter vraiment ce que la voix jeune tente de lui inculquer. Il continue, comme s'il n'y avait pas eu d'interruption, il balise son fil de pensées de bornes qu'il ne franchit pas, et si leur limite est chancelante, il fait mine de ne pas le voir.
- Et puis c'est pour ça que je suis venu vous voir, vous voyez. J'ai pensé à lui, à nos frasques quand c'est qu'on était gosses, nos p'tits vols à l'étalage et nos r'gards envieux dans les boutiques, et pis qu'on a grandi ensemble, et que j'l'envoyais déjà faire des trucs en mon nom et ça l'amusait, et il m'appellait Général. Bon c'était y'a longtemps, et puis l'enfance ça empêche pas de se bisbiller après, pas vrai ? Mais quand même, ça fait quelque chose. Puis du coup j'étais tout triste et tout gris, comme le temps, et j'me suis dit "j'vais faire un peu de promenade, ca va me mettre du baume au coeur", et hop ! Avant que j'comprenne ce qui s'passe, me voilà à votre porte, au tout début eud'mon parcours, rammené en arrière, si c'est pas surprennant. Alors j'me suis dit...
Daniel suspend son souffle, effleurant sur sa poitrine le crucifix de vermeil qui pend, impuni, gravé à l'entournure d'initiales qui ne sont pas les siennes, et il ferme les yeux, sa main se crispant sur le christ en croix comme une ronce part à l'assaut d'un vieux calvaire qu'on n'entretient plus.
- Et j'me suis dit, c'est la parole de Dieu, il m'a poussé vers vous. Oh, je sais s'que vous pensez, j'le sens bien. "A qui j'ai affaire", "sur quelle fieffée fripouille suis-je tombé", vous vous dites, et vous z'auriez pas tord d'vous l'dire. Mais vous savez, le repenti, j'ai jamais eu le choix de l'avoir ou pas. J'ai toujours du avancer, fermer les yeux sur les cas de conscience, avancer et me taire, et ma position est encore plus précaire que celles des pauvres. Quoi que, ma mort sera plus rapide, une pendaison ou une fusillade bien nette.
Ce retour de la belle diction, des grands mots, que l'on bafouille et que l'on trahit moins, alors qu'il s'enflamme d'un feu d'une justesse plus limpide que ce qui l'a poussé à forcer sur ses origines et ses accents modestes.
- Je sais ce qui m'attend, mon Père. Je sais qu'il n'y a pas de pardon pour les grandes fripouilles. Qu'elles peuvent espérer une éternité en Enfer, à la grâce du Seigneur, celui-là même qu'on loue d'amour et de pardon. Mais la parole de Dieu est filtrée par ses Voix, par les prêtres et les hommes d'églises, qui sont humains. Si tendrement et si crasseusement humains, et j'arrive à percevoir votre humanité à travers ces grilles, Père Cyrille !
Les ongles griffent les persiennes séparant leurs environs, et Daniel semble soudain être une présence menaçante simplement retenue par une cage et un loquet de bois que Cyrille a refermé sur lui-même en acceptant la confession.
- Je la sens, votre peur, votre dégoût, la fatigue juste dans votre voix. Je ne puis vous faire confiance, vous ne parlez pas au nom du Seigneur. Vous utilisez son image pour réguler votre propre morale, vous me détestez avec partialité. Le monde se porterait mieux sans les prêtres pour faire planer sur les Pécheurs une Colère Divine inventée !
Et puis Daniel, qui pendant ses tirades n'élève pas une seule fois la voix, achève sa diatribe en un souffle, presque silencieux.
- Peut-être Dieu m'a-il envoyé ici pour étrangler les voix faussées qui s'élèvent en son nom...
- Spoiler:
Comment ça je suis incapable d'avoir des personnages constants et sains d'esprit ? x)
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| | | Cyrille CarpentierExercice de piété à l'usage des Écoles
Messages : 89
| Sujet: Re: Coeur ouvert Ven 25 Nov - 0:45 | |
| Cyrille s'attendait à autre chose à la fin de son discours. L'homme continuait sans qu'aucun changement ne se fasse entendre dans sa voix, sans que rien de plus ne transparaisse. Il ne comprenait pas l'homme, pourquoi tuer quelqu'un...et regretter son départ comme celui d'un accidenté. Mais sans doute que c'était là la partie la plus audible de son discours. A plusieurs reprise, il avait tenté d'intervenir, de bloquer le monologue, mais ça allait à l'encontre de tout ce qui se faisait dans un confessionnal. La voix avait changé, elle se devint moins gouaille, plus policée, plus travaillée. Les paroles se firent plus dures, plus directes. La peur commença à monter, mais il ne devait pas avoir peur, alors il se mit à prier silencieusement pour retrouver un peu de dignité et de courage. Voila une épreuve bien douloureuse. De silencieuses larmes coulèrent sur son visage et toute sa volonté fut déployée pour ne pas reculer au fond de son habitacle dans les doigts se posèrent sur la persienne. Le voila devenu un agneau devant le loup alors qu'il aurait dû être le berger guidant le mouton. Mais il savait que dans tout être il y avait une graine qui pouvait pousser. Tout le monde pouvait être sauvé si il le voulait vraiment. A la dernière phrase, qui tomba comme un couperet il passa sa main sur sa gorge, craignant que dans sa pieuse folie, il ne mette ses plans à éxectution. Pauvre homme. Qu'avait-il donc reçu pour en arriver là? La respiration tremblante, la voix erraillée, Cyrille reprit du mieux qu'il put.
"Je...le pardon...vous pouvez obtenir le pardon. Mais croyez vous...croyez vous que c'est comme une sucrerie, qu'un enfant peut-obtenir en tapant du pied? Qu'il suffit de dire je veux être pardonné pour l'être?"
Il y avait une pointe de colère en lui, surement née de la peur que l'homme lui infligeait. Peur pour lui, peur pour les autres, peur de laisser en liberté un tel homme comme lui qui se croyait obéir aux ordres de Dieu. Tout son corps tremblait, sa voix aussi, mais il réussissait par miracle à ne pas bégayer. Sa main restait accrochée à sa croix. Finalement Il lui avait redonné un peu de courage.
"Expier ses faute, cela veut aussi dire en accepter les conséquences. Pour le moment vous vous repentez de vos...de vos actions passées mais jamais de celles à venir. M'avez vous dit "je quitte tout? j'abandonne? je change de crèmerie?" Non! C'est bien pour ça que vous ne pouvez pas être pardonné, pour le moment. Le chemin vers la lumière est semé d'embûches, ce n'est pas comme faire une ballade...à...à...au bois de Boulogne? Hein?"
Son discours contrastait parfaitement avec celui de l'homme qui était resté calme. Plus il avançait dans son discours, plus son accent ressortait. Léger puis de plus en plus fort. Et sans crier, on sentait bien que le prêtre s'emballait, presque contre lui.
"Alors maintenant, soit vous arrêtez vos enfantillages, soit je vous attends dans ma classe demain. Je..."
Cyrille marqua une pause, sans doute pour se laisser digérer le temps qu'il se rende compte de ce qu'il venait de dire, les yeux écarquillés, visiblement sous le choc de sa propre verve. Il se sentit rougir comme un enfant.
"...Co...compris?"
Il avait repris la voix calme et hésitante qu'il avait toujours gardé avant son coup d'éclat. Voila sans doute la touche finale qui finirait de décrédibiliser le prêtre. |
| | | InvitéInvité
| Sujet: Re: Coeur ouvert Mar 27 Déc - 18:42 | |
| Daniel Laforge, chef d'une organisation criminelleDaniel sent sa colère enfler. Sa poitrine gonfle sous la justice divine animant son squelette, laisse sa gorge porter et vociférer, , sans se rendre compte qu'il tonne sans raison après un membre sain et pondéré du clergé. La montée en puissance de son scénario, de ses histoires l'a pris de court et l'a fauché dans sa raison, le laissant à l'intérieur d'un personnage trop resserré sur lui et trop grandiloquent pour qu'il s'y sente à l'ais. La tête lui tourne, les mots buttent dans sa gorge rauque d'emportement. On peut sentir qu'il est à deux doigts de se lever de sa retraite où il est agenouillé, encore sauf derrière l’anonymat de velours et les grilles de sainteté le séparant du prêtre, sauf comme un animal en cage - quelle belle figuration de la religion.
Mais finalement, alors qu'il va s'arracher au coffret de secrets qu'on lui a proposé, pour expier, quelque chose le calme - le tétanise sur place. Ce n'est pas le doute, ce n'est pas la conscience d'avoir perdu la raison, ce n'est pas le cadre, l'endroit, ou la présence divine. Ca n'a même rien à voir avec la confession. Comme un enfant, Daniel est fouetté par la voix de Maitre d'école qui s'élève alors. Agrippant brusquement le rebord du confessionnal, là où on pose votivement les mains et le front lorsque nos regrets sont trop lourds, l'injonction lui coupe le souffle, fait plier son échine toute redingotée de noir, ce vieux corbeau de sale augure. Le silence, après avoir trop longtemps entendu sa propre voix résonner dans sa tête, le tue, l'achève, il halète. En nage comme s'il avait couru, toute colère et toute mission divine s'étant évanoui de sa carcasse comme si l'on avait exorcisé. Il a un petit rire, alors, tout menu et tout repentant, comme s'il s'adressait à sa mère. Et l'accent et les paroles bredouillées sont revenues, bien qu'avec moins de conviction, comme s'il voulait filer doux.
- V'savez raison m'sieur. J'p'ensais pas êt' capable de ça, oh bon dieu. C'est l'vin, ça, vous pensez. Et puis l'temps, qu'est pas bien clément sur nos pauv' têtes en s'moment, hein ? Ca vous donne des rhumes de la tête, ça vous fait voir des choses. Oh j'm'en veux, mon père, avoir gueulé sur un prêtre, eul' seigneur va t'y jamais m'p'ardonner ça ! C'est d'choses comme ça qui font les malheurs aujourd'hui, mon père. Et puis les Opéras brûlent et les vieilles bigottes dans leurs belles toilettes se pissent dessus, et tout ça pasqu'il faut pas insulter les prêtres.
Néanmoins, malgré la diatribe du père, il a bien envie d'en changer, de crémerie, de se lever et de partir, sans bruit, quitter les lieux dans lesquels il est arrivé par un mauvais coup de hasard. Il fléchit les jambes et se redresse, quittant sans un mot de plus l'habitacle, pas assez discret probablement pour que le prêtre ne l'ai pas entendu. Il le laisse choisir, de lui courir après pour le trainer en justice, ou d'oublier sa visite toute entière, reléguant cette soirée peu agréable dans un coin fermé à clé de son esprit. Il le laisse se hanter avec ce qu'il lui a offert, il lui laisse le choix, et ses pas tintent juste un peu sur les pavés, pas trop rapides.
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| Sujet: Re: Coeur ouvert | |
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