Les encombrements de Paris sont devenus un lieu commun depuis longtemps, mais il semble qu'à la fin du siècle, la situation se soit aggravée. Cela peut sembler paradoxal lorsqu'on pense à la vaste entreprise d'Haussmann, poursuivie jusqu'au début du XXe siècle et destinée disait-on à aérer la ville en lui créant de grands axes².

Cependant, la population parisienne avait quadruplé, depuis le début du XIXe, et l'offre de transports n'avait que doublé : ce n'était pas assez pour satisfaire la demande. Nombreux sont les travailleurs et petits employés devant se déplacer d'une partie de la ville à l'autre. Les grands oubliés de l'affaire sont les habitants de la banlieue, dont certains commencent ces mouvements, encore si suivis, entre leur lieu de résidence et leur lieu de travail : celle-ci demeure quasi laissée à l'abandon par la Ville de Paris et est par conséquent très mal desservie. Très rares enfin sont ceux ayant les moyens de se payer une voiture ou un équipage. A ce tarif, les Parisiens s'entassent déjà dans les transports en commun, tramways et omnibus tirés par des chevaux, et au confort très relatif.

Il faut s'imaginer les rues pavées de Paris (certaines sont pavées de bois depuis 1889) encombrées entre les omnibus surchargés, les tramways suivant leur tracé, les voitures personnelles, menées à l'envi et les toutes premières automobiles. Une législation existe, selon laquelle l'on doit conduire à droite (une idée de Napoléon), mais on est loin du code de la route tel que nous le connaissons !

• Tramways & omnibus

La Compagnie Générale des Omnibus (CGO) existe depuis 1855. Cette compagnie privée gère, comme son nom l'indique, les omnibus (première photographie) mais aussi les tramways (seconde photographie) - tous deux sont à traction animale, mais les tramways ont l'avantage de circuler sur rails et par là, de moins encombrer la circulation. Les omnibus assuraient encore, en 1896, l'essentiel des transports publics. Ils sont lents (8 km/h), peu confortables, surtout pour les passagers voyageant à l'impériale - c'est à dire en hauteur avec ... un parapluie, pour seule protection des intempéries. On reproche également à la compagnie les attentes interminables dans des stations inconfortables, mal protégées, pour trouver des omnibus complets aux heures de pointe (parisiens d'aujourd'hui, si vous me lisez ...). Des polémiques éclatent également à propos des lignes, la compagnie cherchant à éviter les quartiers peu rentables et à fermer des lignes qui ne rapportaient pas assez.

A partir des années 1890, l'on réfléchit à remplacer la traction animale³ par la traction électrique pour les tramways, mais les protestations sont nombreuses car les fils électriques font assez mauvais effet, dans les beaux quartiers ...

Posséder un équipage personnel est le signe par excellence de la réussite sociale - pas étonnant que cela soit l'un des buts ultimes de la vie des cocottes⁴ ! Précisons tout de suite que lorsque nous disons "voiture", nous entendons "véhicules tirés par des chevaux", les véhicules à moteur ou à vapeur portant exclusivement le nom d'automobiles.
Dans le cadre des transports individuels, nous mentionnerons bien entendu les fiacres, voitures à quatre places, vieux ancêtres du taxi, que l'on paie quand on en a les moyens pour éviter les désagréments de la marche ou des omnibus - bien que le voyage ne soit pas de tout repos non plus. Ils assurent également le transport de nuit. Transactions douteuses, retrouvailles entre amant, les fiacres sont parfois le petit théâtre des scènes de la vie parisienne (et de province, pensez-donc à la fameuse scène du fiacre dans Madame Bovary).
Quant aux équipages privés, ils sont variés (phaétons, breaks, victorias, etc.). Ajoutons qu'ils sont conduits par des chevaux ruineux, régulièrement remplacés - souvent des pur-sangs : rien d'étonnant à cela puisqu'il s'agissait de briller lors des promenades. La mode est d'ailleurs de se conduire soi-même. Ces équipages peuvent compter deux ou quatre roues, le nombre de chevaux attelés est également variable.

L'automobile enfin est rare - c'est le bastion de quelques rares amateurs. Les moteurs à vapeur et à explosion se côtoient. Notons également que c'est l'âge d'or de la bicyclette, appelée encore vélocipède ! Elle est souvent la solution intermédiaire pour les classes moyennes souhaitant éviter les embarras parisiens, et un nouveau loisir pour jeunes gens avides de nouveautés.
Notez qu'en 1896, Alfred Jarry (celui de la photographie) acheta une bicyclette légendaire au marchand Trochon, qu'il ne paya finalement jamais (ces artistes ... !)