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 Un coup d'balai

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MessageSujet: Un coup d'balai   Un coup d'balai EmptyLun 30 Juil - 15:16

Fulgenzio Nuvolari, concierge

« Mironton, mirontaine ! » La salle était vide, dénuée de toutes formes de vie, exceptée celle de Fulgenzio. Lui, fidèle au poste et laboureur acharné, continuait de s'évertuer à rendre cet endroit encore plus propre et plus parfait qu'il ne l'était déjà. Balai à la main, tenu comme on tient la vie, il caracolait entre les bancs et effectuait cascades et cabrioles pour dépoussiérer le plancher de la fosse. D'une certaine distance, on aurait pu croire qu'il dansait, qu'il était sombré dans une ténébreuse insanité, ou pire, qu'il était possédé par le Malin. Mais rien de tout cela : il ne faisait que son travail avec son enthousiasme usuel. « Toi, prends l'arme de ce héros ! » Et il chantait, chantait les mêmes vers depuis une bonne vingtaine de minutes. Les mêmes rimes, les mêmes métaphores, les mêmes syllabes. Pourtant, il ne s'en lassait pas, car le même sourire continuait de trôner sur son visage. À le voir aller ainsi, on aurait pu croire qu'il était toujours heureux, satisfait et enchanté.

Après avoir astiqué les moindres recoins de cette salle, il s'attarderait sur les loges, pour les faire briller avant que les petits rats et tous les autres viennent les maculer de sueur et d'excitation. Mais pour l'instant, « Puis, en vrai croquemitaine... », il chantait. Il chantonnait librement sans trop espérer la seconde suivante. Même s'il espérait déjà retrouver le cœur de sa douce lorsque la nuit serait tombée pour s'ébattre silencieusement, il n'anticipait pas trop. Après tout, plusieurs heures le séparaient du paradis passionné... Pourquoi souffrir et gémir alors qu'il était possible d'être productif et de voir les secondes défiler à toute vitesse ? Travailler, travailler ! « Tu feras peur aux marmots ! » qu'il s'écria en quittant les lieux, traversant un bref couloir avant d'atteindre le hall.
Les yeux rivés sur le sol, afin de discerner la moindre saleté, il courut d'un côté et de l'autre du hall d'entrée en se frayant un chemin parmi les gens et les gentes demoiselles qui discutaillaient. Comme un joyeux-luron ne s'en faisant pas avec la vie, il semblait même heureux de découvrir chaque tâche pour pouvoir les faire disparaître d'un coup de balai ou de chiffon. Parce que tel était-il, heureux dans son malheur, son malheur de ne pas avoir encore effleuré le précipice de ses ambitions. Il l'atteindrait un jour, nécessairement. Les efforts finissent toujours par porter fruit, n'est-ce pas ? Et d'ailleurs, un effort de plus, alors que cette précise saleté était elle aussi nettoyée.

Et oh ! une autre, là-bas ! à côté de cette blonde ! Il s'aventura dans l'attroupement dispersé et atteignit sa destination sans difficultés apparentes. Il dégaina majestueusement son balai et se mit à frotter légèrement le plancher afin de décoller cet étrange morceau de tissu qui semblait être passionné par le sol de l'Éden-Théâtre, mais en vain. Il accéléra la cadence, redoubla d'ardeur et décupla les efforts. Il était si concentré qu'il ne put même pas prévoir le coup de manche brusque qu'il venait d'asséner à une présence qui traînassait à quelques pas de lui. Lorsqu'il sentit l'autre extrémité de son balai s'enfoncer dans la chair de ladite personne, il laissa tomber sa mission et se retourna, le visage clairement navré. Les paroles navrées, aussi ! « Oh, désolé mademoiselle. J'étais si concentré par cette saleté que je n'ai pas remarqué votre présence. » Et c'est là qu'il se rendit compte à quel point il mettait beaucoup trop d'efforts dans des actions si... inutiles. « Pour me faire pardonner, je vous paie l'entrée à la représentation de ce soir ! Tout près de la scène si je puis me permettre ! » En voilà des propositions, au-dessus de ses moyens encore une fois. Mais que voulez-vous ? Fulgenzio ne se sentirait bien qu'après avoir correctement expié sa faute.
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Catharina de Fréneuse
L'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
Catharina de Fréneuse

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MessageSujet: Re: Un coup d'balai   Un coup d'balai EmptyLun 30 Juil - 15:50

Ce soir plus que tous les autres je craignais mon mari plus que les foules. Lorsqu’il sortit rejoindre quelconque cercle d’ami ou bordel, j’avais embrassé mes enfants pour ensuite les serrer dans mes bras avant de m’enfuir au théâtre. Je ne voulais pas les laisser seuls trop longtemps, mais il fallait vraiment que je sorte d’ici, ma culpabilité imprégnait les murs et j’avais l’impression que le sol tanguait. Je n’aimais pas plus le théâtre, ne comprenant pas toujours les mots recherchés des pièces ni ne voyant l’agitation des acteurs sur la scène, je m’ennuyais mais, pour sûr, cela serait toujours plus plaisant que de mourir à petit feu, accroupie dans un coin de la chambre conjugale. Il y a à peine plus de mois, je me postais à la fenêtre lorsque mon époux ne rentrait pas à une heure raisonnable et j’attendais son retour. Maintenant, je le surveillais, profitant de son absence pour vivre car je ne savais plus rien faire lorsqu’il m’épiait avec son regard méprisant et ses poings serrés. Néanmoins, ce soir, je ferai mon possible pour rentrer tôt, pour coucher les enfants avant qu’il ne revienne, qu’ils ne voient pas toute l’horreur que leur père était devenu en si peu de temps. Ils étaient si petits, si fragiles et malléables, je craignais qu’ils en soient marqués.

Je me faufilai avec terreur dans la foule qui grossissait, au théâtre. Je voulais arriver tôt, pour ne pas avoir à me faire bousculer pour rejoindre un siège, mais je m’étais trompée et me retrouvais maintenant entourée d’inconnus. Avant de partir, j’avais pris soin de poudrer ma pommette et d’enfiler un chapeau à voilette. C’est qu’on n’y voyait rien, avec cela ! Mais je m’efforçais de me frayer un chemin, gardant la tête basse pour qu’on évite de me dévisager, pour qu’on ne remarque pas les quelques colorations créées par les hématomes. Je trouvai finalement un coin pas trop peuplé, me reculant près d’un mur, je pris un moment pour me ressaisir, pour respirer tranquillement. J’avais l’impression d’être une de ces jeunes filles qui faisaient leur entrée dans le monde, prêtes à affronter la vie. Je m’écartai rapidement lorsqu’un employé passa près de moi –ses vêtements le trahissaient immédiatement. Cependant, j’étais loin de me douter que ce jeune homme allait me violenté.

Il m’a pris par surprise, je n’ai pas du tout senti le coup venir. Je retins un hoquet de douleur et pris l’endroit heurté au creux de la paume de ma main. Mon souffle coupé, je reculai brusquement contre le mur, en proie à la panique. Je m’étais accoutumée à recevoir des coups, alors celui porté à mon nez ne me faisait pas tant souffrir, mais un acte de pareille violence ne me laissait pas indifférente. J’écartai la main de mon visage et remarquai que mon gant était humide de rouge à l’odeur de fer. Je sortis rapidement mon mouchoir et le pressai contre ma blessure, impuissante. J’entendis le jeune homme parlé, mais ses excuses me parurent comme des reproches. « Je… Je suis désolée… » Je ne levai même pas les yeux, ceux-ci perdus dans le vague, absents. « Je suis tellement désolée, désolée. Monsieur, pardonnez-moi… » Mon accent déformant bizarrement les mots rendait mes paroles des plus tragiques. Quelle idée avais-je eue de me mettre dans le chemin d’un employé ! Si personne ne trainait par-là, c’était certainement parce qu’on y consacrait une tâche toute particulière, comme celle de nettoyer. Mon mari n’avait sans doute pas tort, de me traiter de bonne à rien. « …Je ne l’ai pas fait exprès… »
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MessageSujet: Re: Un coup d'balai   Un coup d'balai EmptyLun 30 Juil - 16:18

Fulgenzio Nuvolari, concierge

Après s'être excusé comme un gentilhomme devait le faire, il prit quelques instants pour jauger l'ampleur de son geste. Alors qu'il avait cru avoir été doux dans sa violence, ce qu'il vit ne le laissa pas totalement indifférent. Du nez de la jeune femme déferlaient de sanglantes gouttes carmin qui furent rapidement essuyées par elle-même. Mais alors que Fulgenzio se serait attendu à être dardé d'injures ou, mieux, à être pardonné de ses fautes, son interlocutrice parut alors... désolée. Navrée d'avoir croisé son chemin et de ne pas avoir fait attention. Mais elle n'était pas en cause, pas du tout. Seul Fulgenzio pouvait s’apitoyer sur sa gaucherie dans une telle situation. Pas elle.

Il la regarda donc quelques instants, comme épris par les sentiments qui fluctuaient dans ses yeux, avant de lui tendre poliment un mouchoir encore vierge qui n'avait pas servi au récurage de l'Éden-Théâtre. Il voulut tout d'abord prendre les choses en main et tenter par lui-même de cesser le faible saignement, mais crut plus sage de la laisser agir d'elle-même, au risque de paraître discourtois ou d'importuner une dame qui, probablement, était mariée depuis belle-lurette. Lorsqu'elle accepta le tissu, Fulgenzio rectifia le tir. « Ohoh, mademoiselle, ne dites pas de telles sottises ! Vous m'avez l'air navrée, alors que c'est moi qui devrais l'être, et pas vous. C'est moi qui aurais dû regarder un peu avant de jouer l'empoté. » Il ponctua sa phrase d'un tendre sourire qui se voulait réconfortant avant de la contempler quelques secondes de plus, déviant parfois le regard pour éviter de l'embarrasser. Il en profita donc, dans la plus grande des subtilités, pour l'admirer : des chevelures dorées comme celle-là, l'Italie n'en était pas dotée, et Paris ne semblait pas non plus en être le repère. À en juger avec son apparence et son accent, était-elle, elle aussi, étrangère dans Paris ?
Pour l'instant, il ne préféra pas avancer le sujet, d'autant plus qu'au même instant, quelque chose aguicha son regard. Tout près de son nez, Fulgenzio crut, pendant l'espace d'un instant, apercevoir une tâche bleutée, comme un ecchymose. L'avait-il heurtée si puissamment ? Probablement pas. Qui plus est, un hématome ne peut se créer si promptement, mais il n'en connaissait rien aux phénomènes corporels, et préféra alerter la dame tout de même. « Parbleu, mon coup de balai a été plus fort que je ne l'aurais pensé. Je suis sincèrement désolé, mon intention n'était pas du tout de bleuir votre visage d'une telle façon ! » Il préféra garder un ton humoristique avant de ne pas trop l'incommoder, ce qui sembla n'avoir aucun effet chez elle. Malgré tout, Fulgenzio détacha finalement le regard de la blessure, mais il fut soudain interpellé par une contusion semblable sur le cou, partiellement dissimulée par un col. Dans une spontanéité maladroite, il s'élança. « Mais malgré tout, je ne crois pas avoir eu assez de force pour blesser aussi cou, je... De ce que je sache, je ne vous ai atteinte qu'à une-- oh. » Il comprit, ou du moins il crut comprendre. Et il se tut.
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MessageSujet: Re: Un coup d'balai   Un coup d'balai EmptyMar 7 Aoû - 12:58

De grands yeux bleus, perturbants, qui scrutaient chaque trait, chaque creux du visage de l’inconnu. Je me tenais contre le mur, une main dissimulant la moitié de mon visage. Lentement, je tendis les doigts vers son mouchoir tendu, doucement, comme si j’appréhendais quelque chose. J’ouvris la main sur le tissu immaculé, sans le prendre. Il allait le retirer juste avant que je l’empoigne, il allait se moquer de moi, il allait me rabaisser, il allait m’hurler de me bouger dans son coin de ménager. Je pris le mouchoir d’un coup vif. Finalement, il n’avait rien fait. Je ne lui rendis pas son sourire étrange, et ne fis aucun commentaire. Peut-être était-ce lui, et non pas moi, pour une fois, qui était le fautif. Peut-être était-ce lui qui s’était trop agité, et non pas moi qui m’était aventurée là où il ne le fallait pas. J’avais du mal à imaginer que ça soit le cas. Depuis plusieurs semaines, je me retrouvais responsable de la pluie et du beau temps, il semblait. Lorsqu’il pleuvait, il m’attrapait les cheveux violemment. Lorsqu’il faisait soleil, il m’embrassait.

J’essuyai mon nez rougit par le coup, délicatement, je palpai ma peau meurtrie à l’aide du mouchoir qui se tachait de plus en plus. Mon attention s’était perdue, je me retrouvais dorénavant à épier la salle, les gens qui y circulaient, les murs, le plafond… J’avais l’air absente, sans doute folle, mais pour un nez ensanglanté, garder la tête par en arrière n’était pas mauvais. L’inconnu joua de l’humour, il déblatéra un peu, parlant de mon visage Ô combien affreux, de mes blessures dégueulasses. Je glissai ma main sur mon cou, lorsqu’il en fit mention et rebaissai les yeux sur lui, dure. Je remontai le col de ma robe, tâtai un peu mon nez plus ou moins soigné avant de lui jeter son mouchoir sur le visage. « Fautif ou pas, je ne vous permets pas de vous moquer de moi. » Je levai les mains à mon chapeau et le remis en place, je fis de même avec le reste de ma robe, essayant de me convaincre de mille et une chose. Néanmoins, je me trouvai réellement perturbée que mes blessures soient si voyantes et me retournai, palpant mon visage sous mes doigts pour deviner quel hématome pouvait me trahir à ce point. « Je… Je pourrais porter plainte…! » Je laissai mon épaule s’écraser contre le mur, y prenant appuie. « …On ne dit pas à une femme qu’elle a le visage bleu, tout de même, stupid boy ! »
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MessageSujet: Re: Un coup d'balai   Un coup d'balai EmptyVen 10 Aoû - 8:09

Spoiler:

[Note des Metteurs en scène ~ Réponse à éditer, arrangements en cours]
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