Officiellement, la femme n'a pas une grande place dans la IIIe République. Dépourvue de tous droits citoyens, elle est dépendante de son père ou de son mari, ne peut gérer ses affaires seule, ni disposer de son argent sans autorisation. Le féminisme en est à ses balbutiements, et semble souvent excessif
même aux yeux des femmes. Jouer une femme implique donc de bien connaître les limitations ou possibilités liés à un tel personnage, car il y a en ce domaine un
décalage très fortentre 1897 et notre époque .
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La femme d'origine modeste travaille - et on le déplore souvent. Notons qu'elle qu'elle ne peut le faire que sur autorisation du mari et que son revenu revient à ce dernier. Pour une même tâche, elle gagne également deux fois moins qu'un homme. Cet état de fait n'est
pas forcément vu comme une injustice : si les femmes seules déplorent leur difficulté à vivre, elle considèrent souvent cette disparité comme un état de fait, et chercheront bien plus à se marier ou trouver un protecteur qu'à revendiquer une égalisation des salaires ...
En ce groupes, les
disparités sont importantes entre les conditions de vie d'une ouvrière, d'une petite employée de commerce, d'artisanat ou d'une domestique. Dans les cas de pauvreté extrême, demeure la petite prostitution, plus ou moins officielle.
Contraintes : une femme de cette origine ne gravitera jamais dans la haute société - à moins de passer par le milieu du spectacle, d'être particulièrement belle et habile et de faire tomber un homme influent sous ses charmes. Indirectement, elle pourra trouver une place de femme de chambre dans de grandes familles. Deux solutions souvent précaires. De nombreux métiers enfin lui sont totalement inaccessibles : à cette époque, la femme se spécialise surtout dans la domesticité ou les métiers textiles (fileuse, blanchisseuse, etc.).
Possibilités : les mœurs des petites employées, des ouvrières sont plus libres. Certaines voient leur amant, le dimanche dans les bals et les goguettes. Au XIXe siècle s'est développé le lieu commun de la "grisette", en un mot de la petite demoiselle (travaillant souvent dans la couture) et se faisant entretenir par un homme pour arrondir ses fins de mois. Cela est évidemment jugé très scandaleux par les bien-pensants, et les filles-mères sont l'objet de tous les mépris.
(Lieux RPs privilégiés : Montmartre et ses Funambules, les rues de Paris, les marchés, le Jardin des Plantes, les brasseries. En tant qu'employée : hôtels particuliers, grands magasins, grands théâtres)~ * ~
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La bourgeoise et la grande dame ne travaillent pas et vivent de leurs rentes. Elles ont au moins un domestique sous leurs ordres (le nombre de domestiques étant proportionnel à la richesse). Si ses conditions de vie sont bien meilleures, la bourgeoise n'a pas plus de liberté que l'ouvrière, au contraire. Ces femmes se doivent d'être irréprochables : filles, elles représentent l'honneur et la richesse de la famille ; mariées, celles du mari.
Le
cas de la jeune fille de bonne famille est particulier : une jeune fille à marier ne sort jamais sans chaperon et ne va pas n'importe où. On l'a élevée dans la plus complète ignorance des choses de l'amour, car les hommes cherchent des fiancées innocentes. Dès lors qu'elle apparaît dans le monde comme demoiselle à marier, la jeune fille a un an pour trouver un mari : au-delà, on soupçonnera sa vertu ou sa fortune, et elle risque de ne jamais trouver d'époux (ce qui, à l'époque, est tout à fait infamant). Les jeunes filles qui ont connu quelques chastes amours et s'y connaissent donc un peu trop sont surnommées les
demi-vierges et sont particulièrement méprisées par le monde : à l'époque, on est assez tolérant envers la femme, mais on ne plaisante pas avec la pudeur des jeunes filles !
Contraintes : Ce sont celles des bienséances, et elles sont nombreuses. Une femme de ce milieu ne doit pas être vue seule avec un homme qui ne soit pas son mari, doit toujours paraître habillée selon les usages (en un mot : pas de femme en cheveux, sans corset, etc.). Elle n'a pas accès à tous les livres, et il est assez mal vu qu'elle lise les pages d'information des journaux car une femme n'a pas à s'y connaître en politique. Enfin cet état de choses n'est pas forcément vécu comme une contrainte, et il n'est pas rare que ces femmes relaient les discours misogynes que l'on porte sur elles.
Possibilités : A tout, il y a des exceptions. Les veuves par exemple, ont davantage de liberté. La femme peut également briller par d'autres façons : si elle écrit, ce sera sous un pseudonyme masculin, voire sous l'ombre de son mari qui peut être un homme de paille bien pratique. Aimant l'art, elle peut aussi tenir salon, et participer à la vie littéraire, en maîtresse de maison.
(Lieux RPs privilégiés : Hôtels particuliers, Éden-Théâtre ou Théâtre d'Art pour quelques unes, Opéra, Café Vénitien, Jardin des Plantes, Promenades hors Paris, Grands magasins, Rues de Paris. En tant que salonnière : la Revue Mauve. Sont proscrits les Funambules, Folies Bergères, le fumoir, etc. sous peine d'être compromise.)~ * ~
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Le cas des artistes est un peu particulier. Contrairement à aujourd'hui, ce ne sont pas les hautes strates de la société qui ont accès aux professions d'art, c'est même le contraire : les petits rats de l'Opéra sont par exemple des jeunes filles sans trop d'argent, travaillant dur pour apporter à la famille un petit pécule supplémentaire.
Contraintes : Une actrice, une danseuse, une chanteuse est presque scandaleuse
par définition. Même si elle réussit financièrement, elle ne gagnera sans doute jamais l'aura de femme respectable et sera dédaignée par la plupart des femmes du monde. La position sociale de l'actrice est tributaire du genre qu'elle joue : une grande tragédienne n'a rien à voir avec une petite actrice de pantomime.
Possibilités : L'artiste féminine peut entrer dans les salons artistiques de la Présidente, voire de la Forestière si sa notoriété le permet. Les hommes - surtout les jeunes gens - du monde aiment à se compromettre en sa compagnie, elle connaît les journalistes et les critiques. L'ascension vers la célébrité et la considération est rude, enfin, mais elle est possible.
(Lieux RPs privilégiés : nos trois théâtres, selon le genre joué, la brasserie du d'Harcourt, le Jardin des Plantes, les rues de Paris, les lieux autour des Funambules pour les moins sérieuses d'entre elles) Les personnages masculins
Ah, quand on est un homme, la vie est déjà bien plus simple ... La société est cependant très hiérarchisée, alors il serait utopique de penser pouvoir agir en toute liberté !
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L'homme d'origine modeste est un ouvrier qualifié (les ouvriers peu qualifiés ont déjà été relégués en banlieue à cette époque), petit employé, domestique (palefrenier, valet de pied, etc.). Souvent jugé immoral par les classes supérieures, l'anathème n'est pourtant pas aussi fort que chez la femme (faut dire que chez elle, le déshonneur peut se voir assez vite, en cas d'enfant illégitime).
Contraintes : Les mêmes. Un homme d'origine trop modeste n'a pas accès aux hautes sphères. A l'Opéra et au Théâtre d'Art, il préfère les goguettes, cabarets et café-concerts. N'ayant pas ou peu d'instruction, il ne s'intéresse pas à l'art tel qu'il est prôné dans les milieux élitistes.
Possibilités : A l'instar des femmes, un homme de ce milieu peut graviter dans les hôtels particuliers en tant que domestique. Demeurent également quelques possibilités d'élèvement social par l'art, dans le cas d'un virtuose ; par l'instruction (en jouant des coudes pour devenir commis, employé, secrétaire ou encore journaliste) et dans certains métiers (où l'on passe d'ouvrier / employé à contremaitre, par exemple).
(Lieux privilégiés : les Funambules, le fumoir, les Folies Bergères, Le Jardin des Plantes, les Rues de Paris ; en tant qu'employé : hôtels particuliers, grands magasins, grands restaurants, grands théâtres) ~ * ~
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L'homme avec une position, qu'il soit bourgeois ou noble, est souvent oisif - c'est en tout cas bien vu. L'intérêt est de montrer qu'on a les moyens de ne rien faire, de partir en vacances, de sortir au spectacle - tandis que le travail est réalisé par des tiers, commis, employés, secrétaires, etc.
Contraintes : Le bourgeois est souvent adepte de théories bien claires, d'une morale un peu rigide - bien qu'il s'ouvre davantage aux arts, pour s'opposer à la haute aristocratie. Enfin bien que les contraintes soient moins importantes, il est une façon de se tenir, de se vêtir, conformément aux usages et qu'il s'agira de toujours respecter.
Possibilités : Il est évident que les bienséances existent, mais c'est sans commune mesure.Un homme est facilement adultère, tant que cela ne se sait pas trop - il est certains ménages, même, où l'on ne s'en cache pas. Certains hommes ne craindront pas de visiter des endroits moins respectables, mais leur réputation peut s'en trouver ternie.
(Lieux privilégiés : Hôtels particuliers, trois théâtres, lieux de la finance, ambassades, Café Vénitien et/ou brasserie, fumoir, Revue Mauve, Jardin des plantes ) ~ * ~
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L'artiste est encore un peu à part, mais l'artiste masculin, s'il inspire toujours la méfiance, apparaît d'une moralité moins douteuse que son homologue féminin.
Contraintes: Notons qu'il est inimaginable pour un homme de bonne famille de s'adonner à ces pitreries. Impossibilité de trouver un riche protecteur comme le rêvent les actrices.
Possibilités : Un homme passera avec moins de difficultés d'un théâtre à l'autre. Un grand acteur jouant dans le théâtre mondain aura peut-être la chance d'être reçu jusqu'en des salons très fermés, s'il sait jouer des coudes et qu'il prend soin de son image.
(Lieux RPs privilégiés : Les trois théâtres, le café Vénitien ou le d'Harcourt, en fonction des finances et réputations, le Jardin des plantes, le fumoir, les folies Bergères, les rues de Paris, etc.)