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| En belle société [Amandine, Catharina] | |
| ThalieMademoiselle Clairon
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| Sujet: En belle société [Amandine, Catharina] Sam 25 Fév - 9:25 | |
| - Citation :
- Ma chère Catharina,
Vous nous privez bien trop du plaisir de vous voir. Je comprends que vous ne fussiez pas encline aux commérages du monde et aux futiles distractions qui nous occupent ici bas, mais c'est à présent trop pousser le sens du devoir domestique. J'aimerais vous revoir, ma chère, venez donc chez moi, mardi prochain. J'ai organisé un petit après-midi comme j'en ai le secret, et je suis certaine que vous serez ravie.
Comme vous le savez, ma fille sort de pensionnat et je songe à lui trouver un bon parti. Quelques autres jeunes filles de bonne famille devraient être présentes, à l'heure du thé. J'aimerais, malgré vos excès, leur vanter votre exemple, ma chère amie : fait-on meilleure mère de famille que vous ? L'exemple est certes excessif, mais vous êtes si aimable que ces demoiselles rêveront de vous ressembler, et ce ne seront pas trop d'idées de vertu qui entreront dans leurs petites têtes ...
Ainsi, vous ne faillirez pas à votre devoir ni à votre vertu, en allant vanter auprès de jeunes demoiselles les vertus domestiques dont vous êtes la gardienne. J'espère avoir le plaisir de m'entretenir avec vous. Vous me donnerez des nouvelles de votre mari et de vos enfants. Je vous adresse mes plus douces pensées et reste votre dévouée,
Marie-Gilbert | L'écriture était assurée, pleine et entière. L'on sentait l'expérience des années poindre derrière les "i" tranchants. En bonne dame que vous êtes Catharina, vous vous devez de répondre à l'invitation. Vous voici devant la porte qu'un serviteur ouvre docilement, vous menant à la grande salle. Mais point de Marie-Gilbert; la seule Pentois n'est autre que sa fille. Blonde aux cheveux de miels, regard alangui, elle accourt vers vous dans un froissement de tissu.
— Veuillez excuser ma mère, madame. Une course importante l'a obligé à s'absenter au dernier instant.
Rougeur de vierge sur les joues, la douce Marie-Madeleine baisse ses grands yeux. Elle est l'image même du pardon et de la gêne. Relevant sa figure, elle s'empresse de vous adresser un siège où vous installer. |
— J'espère qu'elle reviendra bien vite. Oh et que suis-je sotte ! s'exclame-t-elle en claquant des mains. Je ne vous ai pas présenté à Mademoiselle de Soigny.
S'écartant, sa silhouette vous dévoile celle d'une jeune fille aux cheveux de feux, pas plus vieille que Marie-Madeleine. Cette dernière adresse un grand sourire à son autre invitée, sourire de fille de pension retrouvant une amie de jeux.
— Nous devisions de romans. En lisez-vous Madame ? |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Lun 27 Fév - 13:53 | |
| - Citation :
- ‘’Ma chère Marie-Gilbert,
Il est vrai que le devoir domestique m’eut accaparée un long moment et que mes sorties se font de plus en plus limitées. C’est avec plaisir que je réponds positivement à votre invitation, vous pouvez dorénavant me compter parmi vous mardi prochain,
Catharina’’ La lettre était courte, sincère malgré son écriture un peu maladroite. Catharina s’imaginait mal refuser une invitation de Madame Pentois, ces après-midi passées à discuter et à boire le thé avec d’autres femmes se montraient des plus agréables et apaisait son esprit trop rempli, trop débordé. Les enfants, quatre petits anges, n’avaient esquissé aucune moue boudeuse, son mari également content –et fier- de la voir finalement sortir. Quitter ses enfants pour une journée ne se montrait insurmontable, Catharina n’en viendrait pas à se ronger les ongles d’inquiétudes et de tourments, ou à se remplir la tête de scénarios les plus horribles que les autres sur les possibilités d’accidents pouvant arriver à ses enfants. Par contre, si elle devait s’absenter deux journées… Ses prunelles bleues se perdaient entre les routes parisiennes qu’elle traversait, calme, adossée au siège de la voiture. À plusieurs reprises, elle s’était demandée si elle ne devait pas emmener sa fille mais se résignait à chaque fois, presqu’apeurée à l’idée que Madame Pentois puisse la sermonner sur son amour trop présent envers ses enfants. Et elle n’était pas la première grande dame à lui dire qu’elle tombait dans l’excès. Catharina demeurait cependant de marbre devant toutes ces paroles, complètement et irrémédiablement têtue. Douce et peureuse, Madame pouvait se montrer aussi butée qu’un âne lorsqu’il le fallait. Aussi lorsqu’il ne le fallait pas, mais inutile de le préciser, si ? La voiture stoppa net devant la demeure Pentois. Levant le bout de sa robe délicatement, elle mit pieds à terre et leva les yeux vers l’immense maison. Catharina se trouvait dorénavant loin de son propre chez-soi, autre part que dans un parc entourée de ses enfants ou à sillonner les longs chemins du plus prestigieux jardin de Paris. Elle alla vers la porte, calme et se laissa accueillir par un domestique puis guidée jusqu’à la grande salle. Arrivée, elle le chassa gentiment d’un signe de main et s’avança dans la pièce. Là où devait apparaitre Madame Pentois, se posta une bien jeune fille. D’un visage rond comme poupin, on la croirait presqu’échappée du pensionnat. Catharina constata que la fille était paraissait beaucoup plus douce que la mère et s’en soulageait. Marie-Gilbert était et serait toujours, de façon non négligeable, un modèle pour elle, ainsi qu’une certaine forme d’autorité qu’elle s’efforçait de respecter. Maternelle, elle esquisse un sourire à Marie-Madeleine, marchant lentement dans la salle, yeux portés sur la décoration, le plafond, les murs, pour revenir sur les invitées et ouvrit les lèvres sur une voix basse mais munie d’un immanquable accent… Non pas anglais, elle mettait beaucoup l’accent sur les ‘r’, mais d’un pays venant de beaucoup trop loin. « Marie-Gilbert est toute excusée… Espérons qu’elle soit de retour de bonne heure, cela fait des lustres que je ne l’ai pas vue. »
Catharina s’était, pendant les derniers mois, effacée, trop prise par la naissance affolante de son dernier fils. En effet, il semblerait qu’à chaque nouvel Ainsworth, Madame disparaissait ou, si au contraire elle se montrait, c’était avec un bébé au creux de ses bras, bien remise malgré les yeux fatigués qui ornaient son visage. Ses yeux se portèrent finalement sur une seconde jeune fille, à laquelle elle accorda un aussi doux sourire. Catharina s’installa sur son siège, regardant tour à tour celles qui semblaient encore accrochées à leurs poupées. « Je suis enchantée Mademoiselle. Permettez-moi de me présenter, si Marie-Madeleine ne l’a pas déjà fait, je me nomme Catharina Ainsworth, une amie de Madame Pentois. »
Elle redressa un peu la tête, piquée par la question. Très intéressée, trop peu impliquée dans le passe-temps. « Je lisais beaucoup, à défaut de m’intéresser aux mondanités. » Son air semblait absent, parcourant les vêtements mal agencés de la petite de Soigny. « Quels romans vous intéressent, Mesdemoiselles ? Je crains ne pas être à jour dans les lectures d’aujourd’hui. » - Spoiler:
Sur Word, ça paraissait plus petit, j'espère ne pas avoir fait trop éè
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| | | Amandine de SoignyLes femmes ont les cheveux longs et les idées courtes.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mer 29 Fév - 23:32 | |
| J'ai choisi la robe la plus hideuse que j'ai pu trouver et ai adressé à ma mère un grand sourire ravi avant d'embarquer dans sa voiture avec Jeanne, qui fera office de chaperon pour cette sortie. À peine avons-nous posé le pied dans le véhicule qu'elle commence à déblatérer au sujet de Marie-Gilbert et Marie-Madeleine, d'insensés potins les entourant et de toute ce qu'on pourrait apprendre aux côtés de ces dames si respectables. Le plus difficile est de ne pas soupirer bruyamment pour marquer ma désapprobation, elle attend plutôt de moi que j'enchérisse en battant des mains, ce que je fais avec un enthousiasme qui m'étonne moi-même. Cette robe d'un hideux orangé doit altérer mon esprit, je ne vois guère d'autre explication.
Quelle idée, pour une rousse, de porter de l'orange pâle ! Avec un ruban mauve ceint autour de la taille, qui plus est. Je n'ai rien trouvé de mieux que cette tenue pour passer pour une idiote, elle a toujours un effet redoutable sur mes interlocuteurs.
Marie-Madeleine m'accueille avec sa réserve coutumière, un doux sourire aux lèvres. Certains lui trouvent le visage affable, je lui trouve la mine prétentieuse et les traits disgracieux, et c'est peut-être la seule chose qui me permet de supporter sa compagnie. Elle me traite comme une amie et j'en fais autant, devisant avec elle de lectures, sans pouvoir m'empêcher de souhaiter une conversation plus profonde sur le sujet. Elle rêve à l'Amour, je rêve à la Liberté : mon peu d'expérience et mon intuition me disent que les deux sont totalement incompatibles.
Je suis presque soulagée de l'arrivée de cette nouvelle invitée. Une inconnue, je crois, dont l'accent m'étonne. D'où vient-elle donc et qui est-elle ? Ces deux questions deviennent rapidement une priorité pour moi, je dois tout faire pour obtenir la réponse, et surtout, sans m'empêtrer dans mon personnage. Catharina Ainsworth, dit-elle : un nom qui sonne anglais mais j'ai déjà croisé des anglais et ils ne parlent pas ainsi. Mais enfin, sans doute y a-t-il plusieurs accents anglais ; les provinciaux ne conversent pas comme nous et il est fort probable qu'il en aille de même dans tous les pays. Une chose que je saurais mieux s'il m'était permis de voyager.
- Madame, c'est un plaisir, lancé-je avec mon joli sourire.
Marie-Madeleine continue sur les romans, sujet qui semble intéresser cette nouvelle arrivée. Madame Ainsworth ne lirait donc pas ? Mais que fait-elle de ses journées ? Je ne l'ai jamais vue en société, ce qui, bien que je sorte peu moi-même, est assez étonnant pour être remarqué ; je n'ai pas entendu parler d'elle par qui que ce soit, même cette bavarde de Jeanne, aussi vient s'ajouter à ma liste de questions concernant cette femme son occupation quotidienne. La curiosité est un vilain défaut, dit-on, mais la miennne est pire encore puisqu'elle est intéressée : peut-être cette femme a-t-elle trouvé le moyen d'échapper aux codes de cette société.
- Je lis moi-même fort peu, réponds-je en baissant la tête avec humilité. Ma mère m'a donné à lire des lectures pieuses, je les trouve fort intéressantes.
Si intéressantes que je les remplace régulièrement par quelque roman d'aventure de mon cru. J'ai réussi à me procurer quelques nouvelles de Monsieur Edgar Poe, traduites par Charles Baudelaire, et je n'attends qu'une seconde d'inattention de Jeanne pour les dévorer : ça, c'est intéressant.
- Ne lisez-vous plus ? demandé-je naïvement, bien que la réponse me soit évidente. Vous en empêche-t-on ?
Si avec ça, je ne passe pas pour la dernières des idiotes, je ne sais ce qu'il leur faut. |
| | | ThalieMademoiselle Clairon
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Ven 2 Mar - 9:00 | |
| | Marie-Madeleine n'avait nullement l'habitude de jouer les maîtresses de maison. Cela se voyait dans la façon qu'elle avait de nouer ses doigts, preuve de sa nervosité grandissante. De quelques mots, elle manda à un domestique de ramener des collations - boissons légèrement sucrées et confitures pour entretenir la voix. Il ne fallait pas que les gorges s'assèchent. Tenant elle-même à servir, Marie-Madeleine posait verres et mets à portée de main avant de reprendre place entre les deux invitées.
— Oh les lectures pieuses, les dames de notre pensionnat n'acceptaient point que nous n'ayons d'autres lectures. C'est intéressant je vous l'accorde Mademoiselle, mais cela est si... (Marie-Madeleine leva un instant les yeux, poussa un soupir gracieux) déprimant, exténuant. L'on ne vous parle que de martyrs et de souffrances.
On sentait l'ennui et le dégoût dans chaque mot de la demoiselle. Se laissant aller dos contre le dossier de son siège, elle croisa les mains sur ses genoux attendant une approbation. Si sa mère avait été là, nul doute que le discours aurait été tout autre mais Maman n'étant pas là, les souris pouvaient danser à leur grès. |
— Je leur préfère des récits d'amour. Comme ces romans-feuilletons qui paraissent dans le journal. Je vous conseille "Coeur de Neige", l'on voit que l'auteur a du talent. Le récit de cette femme fidèle à son amant, allant le quérir en pleine guerre en Russie est... tout simplement émouvant.
Limite si la demoiselle n'essuyait pas une petite larme fugace qui perlait au coin des yeux. Regardant Catharina avec des yeux admiratifs d'enfant devant une fée, elle osa compléter les questions d'Amandine :
— Votre mari fait-il parti de ces hommes qui pensent que la lecture gâte l'esprit d'une femme ? Oh pardon, ajouta-t-elle posant sa main sur sa bouche, je suis trop indiscrète.
A nouveau les joues vermeilles, le regard baissé - Marie-Madeleine était à croquer. |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Ven 2 Mar - 13:07 | |
| - Spoiler:
Pardonnez-moi pour le changement de personne, mais je suis beaucoup plus à l’aise à la première personne avec Catharina.
Je saisis une confiture et la glissai entre mes lèvres, gourmandes. Absente de regard mais attentive d’oreille, j’écoutai les jeunes filles jacasser. Voilà donc ce à quoi ressemble la prochaine génération d’épouses françaises ? Une jeune rousse fort jolie vêtue de couleurs peu communes pour son teint. L’on me reprochera sans doute mes gouts douteux mais cet orangé très pâle accentuait sa peau rosée et vivifiait ses cheveux enflammés ! Cependant, cela lui donnait un air de crétine. Le même effet se reproduirait si je portais le jaune. N’y avait-il pas une couleur si difficile à porter que le jaune ? Ensuite venait la petite enfant Pentois, d’une blondeur sauvage et aux allures de maitresse malgré ses mains tremblotantes. Loin du portrait de sa mère, osais-je penser. Un petit chérubin frêle et intouché, une douceur que l’on avait envie de protéger. Elle était si innoce… Je levai de grands yeux vers elle, non pas sévère mais plutôt surpris, sans reproche. Marie-Madeleine se montrait bien ouverte, ne se doutant pas une minute de tout ce qui me serait permis de raconter à sa mère. La pauvre Marie-Gilbert, si seulement elle connaissait les lectures aventureuses de son enfant ! Cependant, d’un âge intermédiaire entre la dame et la fille, je comprenais et approuvait l’ennui qu’apportait les lectures pieuses. Les lignes religieuses que toutes femmes devaient connaitre et exécuter. Entre mes doigts longilignes j’attrapai une boisson sucrée et en avalai le contenu, tranquille. Je pensai, fière, que si Madame Pentois n’avait pas laissé sa fille aux mains de bonnes, que Marie-Madeleine avait bel et bien été élevée par sa mère, celle-ci ne serait pas surprise, un jour, de découvrir d’effroyable histoires d’amour sous le matelas de son enfant. Je me comptais chanceuse d’avoir des enfants sincères qui me racontaient tous leurs petits secrets, enfin, ceux qui le pouvaient, évidemment. « Les récits d’amour sont de loin ceux qui font le plus rêver, les préférés des filles de votre âge. Mademoiselle de Soigny, êtes-vous de celles qui dissimulent de surprenantes histoires sous votre oreiller ? »J’ignorai si je devais remplacer leur mère ou bien me joindre à elles. Dans tous les cas, il me fallait leur donner un exemple, un bon exemple des devoirs d’une mère exemplaire, de ce qu’était une bonne épouse. Un sourire orna mes lèvres et mes yeux se promenèrent d’Amandine jusqu’à Marie-Madeleine, je scrutai les deux jeunes filles sans savoir si elles étaient suffisamment intelligentes ou pas. Après tout, le pensionnat, ça vous créait de ces femmes… ! J’échappai un petit rire que je retins du bout des doigts et haussai les épaules. J’hochai négativement la tête, me voulant rassurante pour mademoiselle de Soigny. « Mis à part si vous considérez que m’occuper de mes enfants soit un empêchement, je suis libre de lire ce que je veux. » Je pris un air doux, calme. « Pour tout vous dire… » Je réfléchis, tenant à choisir mes mots proprement. « Mon mari n’a guère d’estime pour les femmes et croit qu’elles ont l’esprit déjà bien gâté. »
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| | | Amandine de SoignyLes femmes ont les cheveux longs et les idées courtes.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mer 7 Mar - 2:09 | |
| Les romans d'amour ! Quel merveilleux sujet pour affermir mon personnage auprès de Marie-Madeleine et de cette charmante dame. Je joins les mains en entendant mon « amie » parler de ses lectures et hoche vigoureusement la tête, des étoiles plein les yeux. Du coin de l'oeil, je vérifie la réaction de Catharina Ainsworth : mitigée, hésitante. Ses paroles ne se mouillent pas trop, elle ne nous blâme ni ne nous encourage, et j'ai un certain respect pour cette réserve qu'elle affecte. À sa décharge, elle n'est ni une empotée impulsive, ni une bigote pleine de bons sentiments, c'est tout à son honneur. Si elle a été choquée par les lectures de Marie-Madeleine, elle n'en a rien montré. À part moi-même, je pense qu'en lui donnant un prénom pareil, sa mère devait s'attendre à avoir une fille quelque peu aventureuse. Un sourire sarcastique détonnant avec le reste de mon aspect s'accroche l'espace d'une seconde sur mon visage, je le chasse en portant une confiture à mes lèvres. Ce n'est pas le moment de me laisser distraire par des pensées aussi stupides, bien dignes finalement de celle que je prétends être.
Un nouvel instant m'est nécessaire avant de répondre à la question de Madame Ainsworth sans moquerie ni bravade, tentée que je suis de lui signifier que les romans dissimulés sous mon oreiller sont autrement plus choquants que les amourettes fades de Marie-Madeleine. Que dirait-elle si elle tombait sur les œuvres de Poe et les journaux politiques cachés dans ma literie ? Je craindrais autrement plus sa réaction que celle de ma mère, leurs rôles fussent-ils inversés, car cette Ainsworth me semble dotée d'un caractère ferme et intelligent qui fait défaut à ma mère. Celle-ci se contenterait de crier au scandale et de s'enfermer dans sa chambre en pleurant sur ma vertu perdue, sans même savoir de quoi traitent exactement les livres que je lis ; je pense que mon interlocutrice aurait une réaction plus réfléchie – et donc plus dangereuse.
- Je n'en lis pas vraiment, dis-je finalement en baissant à nouveau les yeux, signe d'une gêne que je suis loin de ressentir. Mais elles me semblent magnifiques, ces histoires. L'amour fou, que ce doit être beau, et pur, et que cela doit rendre une femme heureuse !
Que c'est niais, inutile, que cela doit être un socle bancal pour commencer une existence. Notre société ne voit pas d'un bon œil les mariages d'amour et c'est bien un point sur lequel je suis d'accord, à ceci près que l'utilité d'un hymen est à mes yeux bien différente de celle communément acceptée. Je me moque des statuts sociaux et du confort financier, je ne veux qu'être enfin libérée de cette famille de fats qui me rend folle.
- Toutefois, ma mère m'a toujours dit que ces romans étaient un brin scandaleux, et j'ai pour coutume de toujours écouter ma mère.
Ma mère qui ne jure que par les vases de contrefaçon, les robes surchargées et des coiffures comme on n'en fait plus depuis un siècle. Ma mère qui est incapable de faire la différence entre la prose et les vers. Ma mère qui voue une adoration telle à son curé que d'aucuns se sont déjà demandé si elle n'avait pas à son égard quelques pensées libidineuses – et si ça avait été vrai, cela lui aurait donné un certain relief qu'elle est bien loin d'avoir. Inutile de dire qu'écouter ma mère est sans doute la dernière de mes préoccupations.
La réponse de Ainsworth à ma dernière question me fait froncer les sourcils, je fais mine de ne pas comprendre tous les sous-entendus de cette phrase. Un air perplexe sur le visage, j'avale une nouvelle confiture, fuyant les regards de Marie-Madeleine et de notre élégante invitée, l'air de me demander ce qu'elle a bien pu vouloir dire. En vérité, je songe que la vie qu'elle mène me donnerait la nausée en moins de temps qu'il ne m'en faut pour épeler mon nom.
- Vous vous occupez de vos enfants ? souligné-je finalement de cette voix de sotte épaisse qui me vient quand je commence à me sentir nerveuse. Voilà qui est bien rare. N'est-ce point trop salissant ? |
| | | ThalieMademoiselle Clairon
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mer 7 Mar - 10:19 | |
| | Dans sa ferveur, Marie-Madeleine avait pris la main d'Amandine, l'avait pressé quand son invitée était allée dans le même sens qu'elle. Oh oui les récits d'amour sont si purs, emplis de passion – pourquoi n'y aurait-il pas la même chose dans la réalité ? Dans le secret de son cœur la jeune Pentois rêvait d'épouser un homme comme il y en a dans les romans, et si sa mère s'y opposait et bien fi, elle fuyerait sur un cheval, rejoindrait son aimé dans un pays lointain. Que l'on est sot quand on est jeune, si empli de rêves !
La réflexion suivante d'Amandine doucha la joie de Marie-Madeleine. Elle crut bon de justifier ses lectures, un brin subversives :
— Nos mères elles-même ont fait des sottises à notre âge. Ce que je lis n'est guère méchant. |
Toutefois il fallait l'avouer, ces lectures avaient goût de péché. Ramenant ses mains sur son giron, se rappelant son statut de maîtresse de maison, la demoiselle suivit docilement l'échange de ses invitées.
— Cela doit être difficile parfois de s'occuper de vos enfants. (Mère se plaignait souvent de sa conduite, jamais satisfaite la Madame Pentois) Mais ne faites-vous pas appel à une gouvernante, une nourrice ?
C'était ainsi qu'avait toujours agi sa mère, puis était venue le pensionnat. Elle n'avait repris l'éducation de sa fille qu'à sa sortie afin de lui trouver un parti. Un parti probablement ennuyeux, un baron à moustaches. |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Sam 10 Mar - 17:38 | |
| Ces jeunes filles se montraient de plus en plus mignonnes, adorables. À leur âge, j’avais, moi aussi, ce genre d’idées. Je rêvais d’un grand homme, romantique mais fort. Je rêvais d’un homme chaleureux, présent et surtout, aimant. Quelle petite n’a jamais espérer s’enfuir vers un endroit meilleur, loin de la famille oppressante et des coutumes de mariages arrangés, accompagnée de son preux et fidèle amant ? Ces livres savaient bercer les esprits malléables des enfants de l’âge d’Amandine et de Marie-Madeleine, leurs donnait de fausses idées sur la réalité de la vie. Ah ! Si seulement elles savaient ce qui les attendait mais, avec un peu de chance, elles pourraient tomber sur un parti qui leur conviendrait sans pour autant être le beau prince tant désiré. Mon époux, le Vicomte Ainsworth ne correspondait pas à l’image de l’homme que l’on retrouvait dans ces ouvrages. Il était impulsif, méprisant et par-dessus tout, orgueilleux mais, cela rend une vie de couple beaucoup plus palpitante et surprenante qu’on pourrait le croire. Je soupirai, un brin de sourire volant sur mes lèvres. J’adorais les voir rêver ainsi.
Mes lèvres s’étirèrent davantage face à la réponse de Pentois enfant, je confirmai d’un bref regard ses propos. Quelle femme n’avait jamais été piquée par la curiosité d’une lecture un peu malsaine ? Cependant, je me radoucis et prit une allure plus sérieuse. Je m’enfonçai dans mon siège et levai le visage vers le plafond, les yeux perdus. « Mon ange, si j’étais votre mère… » Je marquai une pause, imaginant un minimum Madame Pentois partager les sentiments de sa fille. « …Je craindrais le moment où vous découvrirez que les belles histoires des livres sont très loin de la réalité. »
Je baissai la tête vers les jeunes filles au bout d’un moment et écarquillai les yeux. Que de préjugés ! Je les pardonnai intérieurement, après tout, elles avaient été élevées sans mère présentes et je doutai que les livres d’amour eussent parlé d’amants s’occupant de leur ribambelle de bébés. J’étais magnanime, presqu’imperturbable. Je connaissais les propos que l’on portait sur ma conduite de casanière, ce n’était point la première fois qu’on me sortait ce genre choses. Je me redressai sur mon siège et les regardai tour à tour.
« Pas plus salissant que de se pavaner d’une soirée à l’autre et de faire croire à tout le monde oh combien vous êtes riche, entretenue et surtout, à la mode… ! »
Car en effet, quoi qu’il arrive, je serai toujours la plus belle et la plus merveilleuses aux yeux de mes enfants, alors que ceux qui trainent en soirée mondaine peinent à se supporter, ils se poignardent constamment dans le dos ! J’ai entendu d’horribles histoires sur les coups bas que l’on se faisait, sur des familles trahie ou ne savais-je encore. À vrai dire, cela m’effrayait un peu, toujours craintive en présence de foule. N’était-ce pas horrible d’être jugée selon le moindre geste esquissé ? J’hochai finalement les épaules. Difficile ? Pas spécialement.
« Oui, j’ai bien une gouvernante… Elle surveille présentement mes enfants. » Mais que faisait-elle de plus ? « Les ayant élevés, ils sont habitués à moi et me connaissent. Pour eux, je suis le parfait exemple à suivre alors, ils m’obéissent. » Presque fière, sûre de moi. Je vantai intérieurement mes petits, d’adorables chérubins. « N’aimeriez-vous pas que vos mères soient plus… compréhensives ? » Les enfants et le comportement des mères étaient un sujet qui me tenait à cœur. Malheureusement, j’étais seule face à une société qui préférait laisser leur progéniture à une inconnue… Une inconnue qui était d’un rang fort inférieur, d’ailleurs !
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| | | Amandine de SoignyLes femmes ont les cheveux longs et les idées courtes.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Dim 1 Avr - 3:49 | |
| - Spoiler:
Pardon, mille pardons pour ce retard ! J'avais complètement oublié, je suis affreusement désolée !
Je doute que ma mère ait jamais rien lu de ces « horribles abominations » qu'elle réprouve tant. À vrai dire, je doute que ma mère ait jamais lu quoi que ce soit. Il m'a semblé à plusieurs reprises que déchiffrer des mots écrits lui était difficile et cependant, je ne puis croire qu'une femme d'aussi belle extraction que celle qui m'a donné le jour soit à ce point bête et inculte. Enfin, à en juger par ce qu'elle a engendré, elle ne devait pas avoir beaucoup d'intelligence à transmettre et j'ai hérité de la majorité. Mes frères sont plus idiots encore qu'elle et même que Marie-Madeleine, pourtant sacrée reine des cruches dans ma hiérachie personnelle. Enfin, toutes ces réflexions ne sont bonnes qu'à m'arracher des soupirs et l'atmosphère du moment n'est pas propice à de telles mélancolies. Je m'arme donc de ce doux sourire un peu rêveur que j'arbore si souvent en société. Marie-Madeleine a beau argumenter en faveur de ses lectures favorites, je ne peux que trop imaginer ce que sa mère ferait si elle la surprenait. La Madame Pentois n'est pas réputée pour sa magnanimité face aux agissements de sa progéniture, pas plus que la mienne, et il m'est arrivé de me demander si la fille Pentois aurait pu développer le même genre de mécanismes de fuite que moi. Le temps m'a prouvé que non, ou qu'elle était une extraordinaire comédienne, et je n'ai pas pour habitude d'avoir une si bonne opinion de mon prochain. Les paroles de Madame Ainsworth me coulent dessus comme de l'eau mais je fais mine de les avaler, bouche bée. Bien sûr, on se salit l'esprit dans ces mondanités si futiles où chacun un rôle et prend le masque de ce qu'il exècre le plus, bien sûr, il vaut mieux avoir le corps souillé que l'âme, bien sûr enfin, des enfants ne sont pas aussi difficiles à émerveiller que des adultes rompus aux jeux de la société. Comme il doit être facile, pour cette élégante dame toute en beauté, de briller aux yeux de ses rejetons, à plus forte raison si elle les a élevés et peut-être, originalité extrême, aimés ! Je n'aime pas la facilité. Et je n'aime pas l'idée de donner ou de recevoir un amour finalement manipulé, issu de mécanismes qui n'ont plus grand-chose à voir avec ceux du cœur – pour autant que je puisse croire à ces prétendus élans d'amour dont on parle avec tant d'emphase. Trop pragmatique pour cela, sans doute. A ses dernières paroles cependant, je fais mine de m'offenser et me récrie avec toute la frénésie que je suis présentement capable : - Oh, Madame, je n'ai aucun reproche à faire à ma mère ! Elle œuvre pour mon bien avec tant de respect et de considération que je ne saurais la blâmer de quoi que ce soit. Bien sûr, elle est peu présente, mais c'est qu'elle a des obligations mondaines dont elle ne peut se défaire et il s'agit là de devoirs bien plus importants. Savez-vous qu'elle et mon père sont très appréciés par toutes les sociétés ? – je me rengorge fièrement à ces dernières paroles, un petit sourire d'enfant naïvement heureuse et inconsciente de sa suffisance aux lèvres – Et puis je sais qu'elle me cherche un bon parti, ce dont je lui suis infiniment reconnaissante. Grâce à elle, je me marierai avec un homme de ma condition et ma famille sera honorée, comme il se doit. N'ai-je pas raison ? Aucune femme ne devrait rêver de plus que d'un honnête mari et d'un nom perpétué à travers des fils. Une vie honnête et vertueuse !J'ai tant parlé, avec tant d'emphase, que j'en viens à croire mes propres paroles et que mes yeux brillent sans doute d'un enthousiasme que je refuse de ressentir. Honnêteté et vertu ? Dans un mariage avec un homme que je haïrais, condamnée à pondre, peut-être battue et méprisée par celui que le destin aura lié à moi ? Je ne vois pas l'honnêteté et la vertu dans tout cela. Je ne vois l'honnêteté et la vertu nulle part... |
| | | ThalieMademoiselle Clairon
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Dim 8 Avr - 20:42 | |
| | Oh que n'avait-elle une mère comme dame Ainsworth ! Elle semblait si liée à ses enfants, si aimante, si attentionnée. Hélas l'on ne choisissait pas ses parents et Marie-Madeleine avait cessé de croire en une chimère qu'était d'être la fille adoptive de Madame de Pentois. Elle avait bien trop de traits physiques communs avec sa mère pour que celle-ci ne soit qu'une simple mère adoptive, l'ayant trouvé un jour sur son palier. Quel dommage de ne pas être née dans un roman.
Marie-Madeleine aurait voulu répondre à Catharina que, oui, elle aurait aimé une mère plus compréhensive, plus ouverte d'esprit mais Amandine s'était hâtée à faire l'éloge de sa propre mère. De sa volonté de la lier à un bon parti, rêve que toute fille devrait avoir.
— L'honnêteté peut être feinte, et cacher de sombres pensées, un sombre caractère. Combien d'hommes honnêtes retrouve-t-on un jour à la une des journaux pour avoir enfreint la loi ? Et parfois avec des façons si cruelles. |
Marie-Madeleine frissonna. De peur devant la crasse de l'humanité, ou avec cette petite excitation qu'ont certaines gens quand il s'agit de lire les faits-divers et de les relater à ses pairs ?
— J'espère que votre futur époux n'en fera pas partie. Des bonnes manières peuvent si bien tromper les esprits les plus aguerris. Voilà pourquoi je crains le mariage.
Et quoi finir avec un homme insipide, violent, qui aimerait cela ? |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Lun 23 Avr - 13:56 | |
| La magnanimité. Peu de mères en faisaient preuve. Comme si elles retenaient leurs filles de faire les mêmes erreurs qu’elles ou bien parce qu’elle ne voulait pas mal paraitre aux yeux de la société ? Les mères étaient un peu toutes de sales manipulatrices, qu’elles brillent aux yeux de leurs enfants ou non. Qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque la petite Amandine se redressa, fière, défendant haut la main sa si réputée mère ! J’écarquillai les yeux, m’attendant peu à cette réaction devant une jeune fille dans l’âge de la rébellion. J’esquissai un doux sourire, attentive à ses dires si solennels. Après tout, elle n’avait pas totalement tort. Je me penche un peu vers elle, la regardant droit dans les yeux, sérieuse.
« Voilà une bien parfaite enfant ! »
Quel parent n’avait jamais rêvé d’avoir un enfant aussi innocent et obéissant que Mademoiselle de Soigny ? Moi-même, j’espérais que le plus excité de mes fils s’assagisse enfin pour m’écouter ! Le bruit de ses pas à la course enterrait sûrement le son de ma voix ! Et la Princesse Ainsworth, quant à elle, était encore trop jeune pour que je songe à lui coller un fiancé, ensuite un mari. Je laisserai sans doute cette charge à mon époux, il lui trouvera sans doute un homme à la hauteur de cette malicieuse enfant ! Quand Amandine termina son discours, je suivis la discussion en me tournant vers Marie-Madeleine. Les romans n’étaient donc pas uniquement emplis d’illusions ! J’avais eu la chance de ne pas connaitre le malhonnête derrière le beau garçon, mais je m’étais vite heurté à la blessante franchise.
« Dites-moi, pourquoi une femme ne pourrait-elle pas rêver plus qu’un honnête mari et d’une ribambelle de fils ? »
Je me demandai si je pouvais vraiment poser cette question, ayant déjà trois fils et l’honnêteté à portée de main.
|
| | | Amandine de SoignyLes femmes ont les cheveux longs et les idées courtes.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mer 2 Mai - 1:44 | |
| Voici le moment de la conversation où je prends un ton docte, où j'ouvre de grands yeux innocents de gentille cruche et où j'énonce ce que je considère comme de grandes vérités dans le seul but d'inspirer à mes interlocuteurs une pitié condescendante à l'égard de ma maigre intelligence. Elles m'ont donné tant de grain à moudre que c'en est presque indécent. L'honnêteté des hommes, le désir des femmes, tant de sujet sur lesquels il y a tellement de choses à dire et pourtant si peu ! Aucun homme, aucune femme n'est réellement honnête, chacun a au fond de lui une part d'ombre et d'obscures volontés qui le poussent parfois à la faute, la différence vient seulement de si l'on sait se mentir à soi-même ou non. Ainsi, l'homme le plus honnête en société ne sera pas toujours celui qui ment le moins. Quant aux femmes, hé bien ! J'en connais assez sur les choses de la vie et ces travaux récents sur l'hystérie qui ont « révolutionné la science » me laissent penser avec un certain cynisme que ce que les femmes désirent, c'est avant tout le plaisir. Je suppose qu'une telle affirmation peut s'étendre aussi aux hommes, d'ailleurs, qui le recherchent beaucoup plus ouvertement – ces chanceux n'ont pas cette pression de la société. J'aurais aimé naître homme.
Je me demande, l'espace d'un instant, comment réagiraient mes deux interlocutrices si je leur sortais de telles théories. Probablement serait-ce plutôt amusant.
- Hé bien pour les hommes qui feindraient l'honnêteté, commencé-je à l'adresse de Marie-Madeleine, il y a bien des moyens de découvrir la vérité. Une de mes amies pratique la phrénologie, connaissez-vous ? Il me suffirait d'étudier le crâne de l'homme qu'on m'aurait promis pour savoir si je tombais dans un terrible traquenard ! N'est-ce pas fabuleux que la nature soit capable de telles prouesses ?
Inutile de dire que ma croyance en la phrénologie est totalement inexistante et que j'ai toujours beaucoup ri aux dépends de Louise lorsqu'elle m'a exposé ses théories fantasques.
Voilà pour l'honnêteté. Passons aux désirs de ces dames.
- Hé bien, une femme n'est pas faite pour supporter la lourde charge des aspirations masculines, nous ne saurions faire face à tout ce qu'ils doivent porter pour réaliser leurs rêves. La femme est une créature simple, elle n'a pas besoin de se battre si ardemment pour atteindre le bonheur, il lui suffit pour cela de donner le jour à des enfants et d'honorer sa famille. Le reste ne serait que du superflu qu'aucune dame ne serait capable d'apprécier.
Tant de conviction dans ma voix... et pourtant j'ai envie d'éclater de rire, de railler cette théorie farfelue comme quoi les femmes seraient si inférieures aux hommes qu'elles ne pourraient décemment avoir de désirs plus grands que ceux d'une famille et d'un honnête mari. Pour ma part, j'ai tant de rêves et de désirs que je ne peux y croire. Je n'y croirai jamais. |
| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Sam 5 Mai - 10:57 | |
| | Notre charmante conversation eût pu continuer encore longtemps, tandis que nos protagonistes échangeaient des rêves réels, des hypocrisies bienvenues et des réflexions attendues ... Ce qui était bien avec la bonne société, c'est que l'on ne pouvait jamais parler profondément et que ceux qui s'y essayaient se devaient de penser comme il fallait - à moins d'être singulièrement déçus. Bref, notre conversation fut écourtée par le "Oooooooh" d'un cocher qui immobilisait une voiture devant le portique de la maison. Marie-Madeleine s'exclama, les yeux ronds :
- Oh, c'est Rémi, le cocher, je reconnais sa voix !
On entendit la porte s'ouvrir dans un grand fracas, et, dans un frisson de taffetas, la maîtresse des lieux fit son entrée. Ce n'était pourtant pas une arrivée en majesté comme on eût pu s'y attendre. |
Madame Pentois arriva l'air hagard, le chapeau de travers, la jupe froissée. Un de ses gants de dentelle avait un petit accroc. On eût dit qu'elle sortait d'un champ de bataille. Elle lança un regard un peu perdu à Madame Ainsworth ... Puis son oeil s'illumina : les pièces du puzzle avaient été reconstituées. — Oh ! Madame Ainsworth, je vous prie de m'excuser pour cet affreux contretemps ... Mais je suis sûre que vous me comprendrez quand je vous dirai ce qu'il en est ... Vous savez, ma cousine, Madame Bérault ... ? Elle a une fille, de l'âge de Marie-Madeleine ... Figurez-vous que cette dernière s'est enfuie avec un jeune homme ! Grâce au ciel, nous l'avons retrouvée, et cela se concluera par un mariage, j'y ai pourvu. Mais quel scandale ... ! Elle s'affala, résolument épuisée, sur un fauteuil aux côtés de Madame Ainsworth. Puis son regard se posa avec horreur sur les deux jeunes filles, comme si elle venait de s'apercevoir de leur présence. - Ciel, mes enfants ! ... Mais vous l'auriez appris, de toute façon. Craignez, pauvres enfants, les sirènes de l'amour ! Nous avons failli aller à la catastrophe, cet après-midi ... Oh, permettez, Madame, Mademoiselle, et ne médisez point de moi, je viens de vivre des émotions bien fortes ! Et elle sonna la domestique pour qu'elle lui apporte un brandy ... - ?! Marie-Madeleine restait bouche bée, et n'osait encore dire un mot ... Madame Pentois, quant à elle, semblait vouloir donner le sentiment d'avoir vécu une véritable épopée ... Peut-être devriez-vous tenter d'en savoir davantage sur cette aventure ? |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Ven 11 Mai - 1:26 | |
| Phrénologie. J’arquai les sourcils à ce mot, presque surprise. Je me rappelai alors que les enfants naissaient avec le crâne mou. Suffirait-il qu’on lui écrase une partie de la tête avant que celle-ci ne durcisse pour avoir devant soi l’homme honnête ? J’hochai la tête, attentive à ses propos. Mais où lui avait-on rentré de telles idées dans la tête ? Les parisiens étaient-ils de fervents adeptes e l’honnêteté, la soumission et des sciences étranges ? Pouvait-on mesurer le crâne d’une femme également ? Moi qui vient de loin, du nord où tout le monde est plus grand qu’ici, arriverais-je avec des résultats faussés ?
« Mon enfant, vous croyez réellement que votre mère s’attardera au crâne de son gendre plutôt qu’à sa fortune et son rang ? »
Au bruit du cocher, le levai les yeux vers l’enfant Pentois. Je me redressai sur mes bottines et allai immédiatement à sa rencontre. J’envoyai un signe de main en l’air, léger, lui indiquant qu’elle était toute pardonnée. Les contretemps pouvaient sévir n’importe quand et surtout, à n’importe qui. Surprise par cette rocambolesque histoire, je portai une main à mes lèvres. Je retournai m’asseoir, près d’elle, lui portant un regard quelque peu compatissant. Je gardai une main sur mon cœur : Comment réagirais-je si ma fille ferait un jour une telle folie ? Dieu, elle était beaucoup trop petite pour que je pense maintenant à la voir s’éloigner de moi !
« Madame, vous ne devriez pas boire de si bonne heure. »
Je regardai la coupe se promener dans les mains du domestique jusqu’à Marie-Gilbert. Je jetai un regard aux plus petites et revint à la mère, à celle avec qui je devais premièrement m’entretenir avant cette… aventure désastreuse. J’ignorai ce que cela faisait, d’épouser un homme inconnu qui, sous ces sourires trompeurs, pouvait être un monstre, un être désagréable. Moi et mon mari nous connaissons depuis notre enfance, alors je savais à quoi m’attendre avec lui, lorsque nous avons eu la bague au doigt.
« Nous ne médirons pas de vous, un mariage a été conclu avec la petite Bériault, veuillez poser ce brandy, Madame. »
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| | | Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Sam 19 Mai - 6:46 | |
| | Madame Pentois jeta un regard d'incompréhension à son invitée. Vraiment, cette jeune femme pouvait certes être un bon exemple pour la jeunesse, mais il y avait des limites à tout ! Qu'est-ce qu'un verre de brandy quand on a failli voir déshonorée une jeune demoiselle de sa famille ... ? Alors même qu'on cherche à marier sa fille ! A cette pensée, Madame Pentois pâlit ... C'est alors qu'on entendit la cloche de l'entrée sonner ... Marie-Gilbert ouvrit de grands yeux, chercha le regard de Madame Ainsworth :
— Ôtez-moi d'un doute, Madame Ainsworth ... Quel jour sommes-nous donc ?
A la réponse, elle fit la grimace, jeta un regard aux jeunes filles, qui chuchotaient entre elles. | - J'avais oublié, avec toutes ces émotions ! Monsieur Debongure, un charmant petit jeune homme rencontré à la cérémonie de l'Eden vient prendre le thé avec nous. - Et à part, à l'attention de Madame Ainsworth - Vous n'oubliez pas que je cherche un nouveau gendre. Le temps presse : nous voilà déjà bien avancées dans l'année, et il vaut mieux trouver un mari à ma fille au plus vite - vous savez ce qu'on risque, à lambiner trop longtemps, je ne voudrais pas qu'elle finisse vieille fille !Pendant qu'elle pérorait, le verre de brandy délaissé sur son plateau, le maître de maison vint annoncer Monsieur Debongure. - Qu'il entre ! lança Madame Pentois. Elle se leva pour aller aux devants du jeune homme et lui serra la main très cordialement. - Mon cher journaliste ! Veuillez pardonner le désordre, je viens de régler une situation familiale proprement désastreuse ... Comment vous portez-vous ? Et vos affaires ?Elle le présenta ensuite aux différents occupants de la pièce, son regard s'attardant avec insistance sur les jeunes filles, comme s'il voulait leur signifier quelque chose. - Citation :
- Instructions pour la suite : Amandine n'est pas forcément en mesure de poster tout de suite, continuez librement à deux en imaginant que les demoiselles restent silencieuses, pour l'instant, elle rattrapera le wagon en marche en temps voulu. Le silence d'une jeune fille en telle situation n'est pas forcément invraisemblable. Arrangez-vous ensemble, sinon, l'ordre de réponse est votre convenance.
|
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Lun 21 Mai - 14:05 | |
| Je n’avais rien contre un verre d’alcool mais, de si bonne heure ? Oh non ! Marie-Gilbert me tapait sur les doigts pour aimer mes enfants, je taperai sur les siens pour boire alors qu’aucune tragédie n’a eu lieue ! J’hochai la tête pour une félicitation silencieuse lorsqu’elle abandonna son verre de Brandy. Quoi qu’il arrive, il ne s’enfuira pas, si ? Elle aura tout le loisir d’y toucher une fois la soirée entamée. Cependant, je mis un moment à répondre à sa question : Les jours de la semaine en français étaient pénibles ! Mais, heureusement, je su lui répondre la bonne journée.
Une mine septique s’afficha sur mon visage. Un charmant et jeune Debongure ? Ah bon ? S’agissait-il d’un futur gendre croisé lors des péripéties que venait de vivre ma chère Madame Pentois ? J’arquai un sourcil. J’imaginais assez mal Marie-Madeleine en jeune épouse, pourquoi ? Elle paraissait encore si innocente et naïve ! Qui voudrait briser aussi rapidement cette candeur ? « Vous savez, mon fils ferait un époux parfait pour votre fille…! Si seulement vous n’étiez pas aussi pressée de la marier. » Un sourire fin sur mon visage trahit le peu de sérieux de mes propos, la dame m’en voudra sans doute de ne pas y mettre du mien pour la recherche du gendre mais… Qu’était-ce la rapidité à côté de la qualité ? Cependant, il était vrai que mon fils ferait un excellent mari ! Je le voyais, dans ses petits yeux pétillants et timides, qu’il ne deviendrait pas aussi méprisant que son père mais plutôt aussi doux que moi ! Au contraire de ma fille qui, malgré son si jeune âge, avait des ambitions fortement indépendantes. Espérons qu’elle s’assagisse avec les années ! Et voilà le… Le journaliste ? Ce n’était donc pas un genre ou bien… ?
Je saluai timidement Monsieur Debongure, me présentant à lui avant de retourner m’asseoir, un peu plus loin, près de cette charmant Marie-Madeleine. Pauvre enfant que l’on allait troquer. « Meg hjertet, désirez-vous que j’intervienne auprès de votre mère pour ne pas qu’elle se hâte et vous trouve un mari conciliant ? »
C’est que ces jeunes filles attisaient mon instinct maternel ! Je me peinais à imaginer la petite Amandine liée à un homme qui ne saurait la traiter comme il faut. Sans être une de ses femmes qui luttaient pour l’égalité, j’étais plutôt de celles qui désiraient un minimum de respect. Marie-Gilbert ne s’en rongerait pas les doigts si sa chère marmaille devait vivre jour et nuit avec un homme si violent qu’il lui ferait faire de fausses-couches ? Dure et cruelle vie ! Ces petites filles étaient beaucoup trop fragile pour cela.
- Spoiler:
Meg hjertet : Mon coeur.
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| | | Maximilien DebongureFutur pélago !
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mar 22 Mai - 6:21 | |
| Autant de femmes dans une seule et même pièce ! M’étais-je trompé de jour ? Madame Pentois, en tout cas, semblait surprise de ma présence. Catharina Ainsworth, Amandine de Soigny et bien sûr Marie-Madeleine me furent présentées. Madame Ainsworth me salua avec une certaine hostilité. Avais-je déjà une réputation auprès d’elle ou méprisait-elle tout simplement la présence d’un homme à cette réunion (car c’en était une) ?
-Pardonnez-moi de mon irruption mesdames.
Je baissai la tête pour m’excuser humblement, comme me l’avait appris ma mère et bien sûr l’expérience. L’humilité sauve tout. Je les observai une à une. Catharina Ainsworth, semblait être l’ainée. Cependant, elle n’avait rien à envier à ses compagnes. Dotée d’une beauté pleine de douceur, son attitude retirée et résignée faisait tout son charme. Elle murmura quelque chose à l’oreille de Marie-Madeleine. La fameuse Marie-Madeleine ! Après tout, elle était la raison de ma venue, officiellement du moins. La vraie raison était tout autre : la curiosité, l’envie de me mêler à des commérages de femmes. Car le cœur de Paris bouillait dans les salons, à ne pas s’y méprendre. Certes, la maison de Mme Pentois n’était pas un salon officiel, mais j’étais ravi d’être tombé en plein milieu de concertations féminines. De quoi pouvaient-elles bien parler, d’ailleurs ? Je continuai mon inspection quasi-professionnelle. Un visage et des cheveux de poupée. Sa bouche semblait prête à esquisser un sourire niais à chaque minute et ses yeux ne demandaient qu’à rêver. Etait-il réellement temps de la marier ? Mme Pentois ne semblait pas raisonnable. Mais après tout, Mère m’avait prié d’accepter son invitation. J’étais un gentilhomme, du moins je m’efforçais de l’être. Je souris avec politesse à Marie-Madeleine. La dernière demoiselle s’appelait donc Amandine. D’une jeunesse éblouissante, elle me jeta un regard des plus clairs. Sur son visage était marqués les mots enfance, naïveté et amour. Pourtant, ses yeux disaient autre chose, que je ne pus comprendre. Une sorte d’insolence, de rébellion étouffée ou du moins très bien masquée. Prendrait-elle la parole ?
Invité à m’asseoir, je pris place aux côtés de Mme Pentois, face aux deux jeunes filles et à Mme Ainsworth.
-Continuez votre conversation, mesdames, et ce même si vous parliez de moi…
J’espérai être intéressé par leur discussion car je risquais fort de m’endormir si ça n’était pas le cas, n’ayant que très peu dormi la veille. Je fermai les yeux un instant et dû les rouvrir à la hâte, par peur de m’assoupir. Je jetai un regard circulaire à la pièce. Il fallait absolument que leurs voix s’élèvent pour me ramener au jour.
|
| | | ThalieMademoiselle Clairon
Messages : 542
| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Jeu 24 Mai - 8:22 | |
| | L'entrée de Madame de Pentois aurait eu toute sa place dans une pièce de théâtre. Marie-Madeleine s'amusait en silence de l'air de son mère - les joues rouges, les cheveux presque dénoués sous le chapeau mis de travers, qu'elle avait fière allure ! Mais les paroles de sa mère ramenèrent la demoiselle à la réalité. Elle avait de plaindre cette pauvre enfant qui avait été séparé de son amant pour être mariée de force. Que la vie peut être cruelle !
Et comme si cela ne suffisait pas, sa mère avait invité un homme ! Oh Marie-Madeleine était naïve mais pas dupe. Sa mère trouvait toujours un prétexte pour lui faire rencontrer des hommes "bons sous tous rapports". Elle était en âge d'être mariée, et Madame Pentois voulait un gendre idéal. Idéal à ses yeux, pas à ceux de sa fille.
Toute chamboulée, Marie-Madeleine se leva gauchement de son siège pour saluer le nouveau venu. Elle n'eut pas même le cran de lever les yeux pour le regarder, avant de se laisser tomber sur son siège. Les paroles de Catharina la touchèrent de plein coeur - quelle femme charmante ! |
— Vous êtes très aimable Madame. (Marie-Madeleine chuchotait tout bas, penchée vers Catharina) Mais maman ne se laissera pas faire...
Marie-Madeleine leva les yeux sur Maximilien, les rebaissa avant de continuer son chuchotement.
— Cet homme n'a pas l'air méchant, et puis... donnons-lui sa chance. (D'une voix plus forte, s'adressant à l'assemblée, elle reprit) Monsieur, nous parlions de comment être sûr de l'honnêteté des gens. En ces temps n'est-ce pas une qualité à rechercher ?
La demoiselle glissa un discret regard vers sa mère. Ce genre de sujets pouvait-il être lancée par une demoiselle ? Et qui plus est, devant son futur mari ? |
| | | Amandine de SoignyLes femmes ont les cheveux longs et les idées courtes.
Messages : 29
| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mar 29 Mai - 23:37 | |
| Et voilà que notre petite société s'agrémente de nouvelles têtes. La dame de Pentois qui noie son chagrin et son choc dans un brandy brûlant, l'homme qu'elle a invité, un journaliste. Je m'amuse de ce verre d'alcool, sujet de tant de discordes dans cette pièce. Je ne cracherais pas sur sa brûlure, à dire vrai, j'aimerais même pouvoir m'enivrer et oublier la pitoyable compagnie en laquelle je me trouve. A l'exception peut-être de Madame Ainsworth, qui manifeste une certaine intelligence et une ténacité admirable, tous ici brillent par leur volonté aveugle de suivre les préceptes d'une société dans laquelle ils sont coincés. Même Marie-Madeleine, qui se pense parfois rebelle à lire ses horreurs à l'eau-de-rose, tombe dans des clichés effarants. Même moi. Et ça, c'est ce que je trouve le plus ironique.
Je ne m'intéresse pas à la mère Pentois, elle aura tout le loisir de nous exprimer son désarroi un million de fois au moins pendant le temps que nous passerons ici. Comme un automate, je m'exclame avec horreur lorsqu'elle nous raconte sa terrible histoire de nièce à marier, fais mine de prendre très à coeur toute cette affaire et de la trouver affreuse. Ces réactions sont devenues des réflexes et je m'en féliciterais si je n'étais pas si dégoûtée de ce que je suis devenue. Fut un temps où j'aurais au moins tendu l'oreille afin de savoir ce qu'on me racontait, avant de reporter mon attention sur l'homme, tellement plus intéressant par le seul fait qu'il ne porte pas le jupon - encore que l'intérêt d'un homme en jupon soit immense à mes yeux. Journaliste, n'est-ce pas ? Un petit sourire moqueur me vient aux lèvres alors que je songe à la façon dont mes parents parlent de "cette engeance", des êtres à peine bons à être écoutés, qu'on paye pour baver des sottises dans des feuilles de chou. Feuilles de chou que mon père lit avec avidité et avale toutes crues, sans se poser la moindre question sur leur contenu. Voilà là toute la grandeur des De Soigny.
Je fais disparaître le sourire sitôt que le regard du nouvel arrivant se pose sur moi après avoir détaillé les autres actrices en présence. Mon air le plus niais le remplace mais il reste, peut-être, quelque part sur mon masque, une petite trace de mon amusement. J'espère que non.
Il a l'air d'un enfant. Il fera un magnifique mari pour Marie-Madeleine, pour peu qu'il soit aussi bête qu'elle. Et le sujet qu'elle vient de lancer est une parfaite ouverture pour une réplique pleine de grasse sottise ou, au contraire, d'esprit et de vivacité... L'honnêteté des hommes. Existe-t-elle seulement ? Serait-ce vraiment souhaitable ? Voilà qui est bien philosophique et pour l'heure, je n'ai aucune niaiserie à dire sur le sujet, mieux vaut donc me taire. Je relancerai cette fichue phrénologie sous peu, bien entendu, défendant contre vents et marées cette absurde théorie en laquelle je ne crois pas le moins du monde... s'il y a une chose dont je suis certaine, c'est que je vais bien m'amuser.
Oh oui. Vraiment bien m'amuser. |
| | | Catharina de FréneuseL'enfant reconnaît sa mère à son sourire.
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mer 6 Juin - 14:05 | |
| L’ambiance d’une après-midi réservée aux femmes devenait différente lorsqu’un homme venait s’y joindre. J’oscillais toujours entre la grande Madame Pentois et la Petite Marie-Madeleine. Encourager l’une ou consoler l’autre. Je voyais que la plus jeune n’était très heureuse de voir un homme s’introduire dans notre petite société, pas plus que moi, d’ailleurs, mais cela paraissait si important pour Madame ! Sa fille venait de mettre un pied dans le monde, il fallait maintenant lui mettre la bague au doigt, l’envoyer chez son mari et vite, qu’elle accouche d’un héritier ! C’était dur lorsque l’on avait vingt ans, mais Marie-Madeleine devait si faire rapidement, ça ne serait pas la dernière fois qu’elle devra se taire et endurer !
Je penchai à nouveau ma tête vers la fille Pentois, secrète, fin sourire sur les lèvres. « Vous voyez, je lui ai fait lâcher ce verre de brandy…! » Je portai une main sur ma bouche, comme si j’étouffais un rire. « Oui, soyons positives… ! Peut-être que votre mère à des gouts se rapprochant des vôtres et ce, plus que vous le croyez. » J’hochai la tête, appuyant mes paroles et me redressai sur mon fauteuil, jetant un coup d’œil au journaliste. Il avait des yeux tous foncés et mystérieux, et des lèvres rosées comme celles des bambins. À côté de lui, j’aurais sûrement l’air d’un fantôme. Ça avait un côté comique, si on oubliait que j’étais l’une des seules à avoir une peau et des cheveux aussi clairs dans tout Paris. J’étais si facile à reconnaitre ! Impossible d’avoir un écart de comportement et d’espérer que les gens ne se rappellent pas de vous !
Monsieur Debongure fut maintenant introduit à notre sujet de conversation du moment. « Vous qui êtes journaliste… » Je m’avançai un peu vers lui, levant les yeux vers lui. « …Vous devez côtoyer de ces personnes pas très honnêtes qui… Vous font croire bien des choses ne serait-ce que pour avoir leur petit nom dans le journal ? » J’ouvrai mes grands yeux sur lui, sérieuse. « Comment faites-vous pour démêler le vrai du faux ? » Je fis un signe de main qui ne voulait rien dire, mis à part que mon tour de parler était passé.
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| | | ThalieMademoiselle Clairon
Messages : 542
| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] Mer 19 Sep - 8:29 | |
| | Madame Pentois, marieuse en devenir
Cette discussion entre femmes prenait là un tour bien sérieux. Toutes écoutaient les paroles du journaliste - tandis que Madame Pentois tâchait de se servir le verre que Madame Ainsworth lui avait durement repris. Le temps fila, bien trop vite aux goûts de certaines. On se salua en se recommandant aux autres, on se promit de se revoir au plus vite - peut-être chez Madame Ainsworth, qui sait ? On pourrait voir ses chers enfants, et Madame Pentois se faisait fort par ce modèle de pousser sa fille au mariage.
Dès que la porte du domicile fut close, la mère se hâta de donner des leçons à sa fille.
— Mon enfant, prenez exemple sur mon amie, Madame Ainsworth. Elle est la preuve que l'on peut être heureuse en étant mère et épouse.
Les domestiques étaient occupés à ranger les effets, remettre en place ce qui avait été bousculé par les invités. Madame Pentois louvoyait en femme habituée, tandis que Marie-Madeleine la suivait gauchement, manquant à chaque fois de trébucher.
— Par contre, méfiez-vous de votre amie de Soigny. Je sens en cette fille la graine de la révolte...
La jeune rouquine semblait n'avoir pas fait bonne impression - ces mères ont toujours tendance à se méfier des demoiselles farouches, et surtout bien trop polies. Marie-Madeleine ne dit rien. Elle avait trouvé Amandine bien fade, loin de la confidente qu'elle rêvait. Mais Madame Ainsworth était devenue sa nouvelle héroïne. Que ne l'avait-elle comme mère ! |
- Spoiler:
Il fallait conclure ce RP depuis le temps, désolé de la fin en queue de poisson. "^^
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| Sujet: Re: En belle société [Amandine, Catharina] | |
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| | | | En belle société [Amandine, Catharina] | |
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