Vision de l'argent à la fin du XIXe siècle
Que gagnait-on ? Quelle était la valeur des choses ? Comment se présentait l'argent, à l'époque ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre. Une fois n'est pas coutume, nous inaugurerons ce point historique par quelques précautions d'usage : en effet, les informations claires sur l'argent à la Belle Époque sont rares, et ce point historique est le fruit de longues recherches qui seront, nous l'espérons, complétées un jour.
Représentations
A l'époque, la monnaie est le
franc. Que ceux qui se sentiraient à l'aise parce qu'ils ont, comme moi, connu le franc ne se réjouissent pas trop vite : il s'agit d'anciens francs.
De plus, l'argent se présente, d'un point de vue concret, différemment. En effet,
le billet de banque est rare parce qu'il
n'inspire pas confiance aux français. Tout d'abord, on craint les contrefaçons, notamment depuis le développement de la photographie. Parmi les dispositifs de sécurités mis en place, on compte l’impression par la Banque de France de billets bleus, couleur qu'on ne peut pas obtenir par reproduction photographique. Mais ce manque de confiance est plus profond et s'explique par les terribles crises financières causées par les tentatives de passer à la monnaie papier au XVIIIe siècle et la dévaluation de monnaies voisines qui ont totalement opéré le transfert de la monnaie or à la monnaie papier. Le franc reste donc indexé sur l'or et, surtout, doit toujours rester convertible. Les billets de banque sont émis avec prudence par la Banque de France et restent donc rares.
Les gens disposent en revanche d'un système complexe de pièces, allant du
sou (petites pièces de cinq centimes) au
napoléon ou louis d'or (pièce d'or valant vingt francs).
Le franc est alors
très stable et ne connaît
aucune dévaluation jusqu'en 1914. Les prix ne semblent pas varier lorsqu'on considère les moyennes d'années en années, mais sont soumis à de
fortes variations sur le court terme, en fonction des stocks, des récoltes, etc.
Salaires & valeurs
Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais quelle est la valeur des choses ?
Selon l'Insee, un franc de cette époque équivaudrait, en terme de "pouvoir d'achat", à 3,6 euros environ, mais cela ne veut pas dire grand chose. J'ai donc tenté de
rassembler les prix moyens d'un certain nombre de denrées, et le
salaire de quelques petites professions, afin de donner une meilleure idée du coût de la vie à l'époque.
Quelques salaires moyens
- Cochers, conducteurs d'omnibus : 5,75 francs par jour pour 16 heures de travail.
- Employés de bazars : 5 francs par jour pour 15 à 17 heures de travail, selon la saison et les exigences de la vente.
- Garçons de café et de restaurants : ne sont pas payés et vivent seulement de leurs pourboires, ils travaillent 16 heures par jour de huit heures à minuit.
- Aiguilleurs des chemins de fer : 900 à 1000 francs par an pour 15 à 16 heures de travail par jour.
- Ouvriers de l'industrie privée : 4,85 francs par jour.
- Ouvrières de l'industrie privée : 2,46 francs par jour.
- Facteurs : 600 francs par an pour des tournées à pied de 28 kilomètres en moyenne (40 km pour certains) auxquels s'ajoute un vêtement et deux paires de chaussures.
- Chemisières, lingères et petites couturières (grisettes) : 1,50 à 2 francs par jour.
- Bonnes, femmes de chambre : 1,50 francs par jour, avec le gîte et le couvert.
Quelques prix
A la portée de tous : - un journal à grand tirage : 5 centimes
- 1 kg de charbon : 5 centimes
- un litre de lait : 10 centimes
- un litre de vin : 10 centimes
- un cornet de frites : 10 centimes
- un timbre poste : 15 centimes
- un verre d'absinthe : 20 à 25 centimes
- une côtelette de porc : 25 centimes
- un petit verre de chartreuse : 70 centimes
- une livre de pain (500 grammes) : 90 centimes
Dépenses plus importantes : - un livre (commun) : 3 francs 50
- Fruits exotiques : 3 francs 50 à 5 francs les 3 kgs
- Repas en hôtel-restaurant : 3 francs pour le déjeuner, 4 francs pour le dîner
- Repas en wagon restaurant : 2 à 4 francs pour le déjeuner, 3 à 6 francs pour le dîner
- Teinture pour barbe et cheveux : 4 francs 50
- Parfum : 6 francs le flacon
- Nuit en hôtel, dans les stations balnéaires : 7 francs la nuit
- Crème pour les mains : 8 francs le pot
- Une paire de pince-nez (lunettes) : 15 francs
- Soirée avec une prostituée en maison close : 20 francs
- Lampe à pétrole dernier cri : 20 francs
- Montres de précision : 12 à 40 francs pour les hommes ; 27 à 50 francs pour les dames (selon les marques)
- Complet ou pardessus sur mesure : 60 francs
- Appareil photographique dernier cri : 150 francs
- Bicyclette : 200 francs pour un modèle de base, jusqu'à 2000 francs pour un modèle de course
- Location d'un petit appartement dans un quartier bourgeois (type Théâtre d'Art) : 450 à 500 francs par an
Tarifs des transports :- Le fiacre : se calcule à l'heure. La première est intégralement due ; le temps excédent se compte par fractions de cinq minutes.
- Tarifs : à deux places : 2 fr.
- à quatre places : 2 fr. 50.
Les tarifs de nuit sont majorés de 25%. A Paris, chaque passage des fortifications donne droit à une indemnité de 1 ou 2 fr. Ajouter un pourboire de 25 centimes ; 50 centimes si l'on occupe la place à côté du cocher.
Le train : Les tarifs sont les mêmes pour toutes les compagnies ferroviaires et sont calculés au kilomètre :
11 centimes 20 en première classe (prix minimum de 65 centimes)
7 centimes 56 en deuxième classe (prix minimum de 45 centimes)
4 centimes 93 en troisième classe (prix minimum de 30 centimes)On a une remise de 20 à 25% si on prend un aller-retour. L’État prélève également une taxe de 10 centimes sur tout billet de plus de 10 francs.