Pierre est plutôt petit, même pour son âge, ce qui lui vaut les moqueries de certains de ses camarades. Mais il s'en fiche. Après tout c'est pratique d'être petit : personne ne fait attention à toi et tu peux te faufiler dans des endroits improbables. Cheveux bruns, jamais coiffés, rarement lavés et yeux bruns, excepté ces détails c'est un enfant comme tous les autres garçons de son âge.

Mais pour voir tout ça, eh bien encore faut-il le croiser à l'arrêt. Non pas que Pierre soit un enfant énergique et plein de vie, ou autre chose. C'est bien pire que ça ; Pierre est une véritable tornade, il court tout le temps, ou saute, ou essaye d'escalader les maisons, jamais fatigué. Lorsque il ne court pas pour effectuer son travail auprès du marchand marchand qui l'engage c'est tout simplement pour s'amuser. Il vit en accéléré. Impossible de capter son attention sur quoi que ce soit, autant dire que l'école est une torture pour lui; rester assis à écouter. Devoir se concentrer, même si l'algèbre, la géométrie ou l'apprentissage d'une poésie n'a rien d'intéressant. Mais bon, puisqu'il est obligé d'y aller, autant y aller de bon cœur, avec sa bonne humeur habituelle.

Et lorsque Pierre ne court pas, ne rend pas de services à des voyous ou qu'il n'est pas à l'école, alors il traine dans la rue, souvent une cigarette au bec avec ses amis, de mauvaises fréquentations comme diraient la plupart des gens, mais selon ces mêmes personnes, Pierre aussi est une mauvaise fréquentation, mais ce dernier s'en moque totalement, tant qu'il s'amuse.

Contrairement aux apparences, qui pourraient prendre Pierre pour un enfant futile, inconscient de ses actes, puéril, immature etc. Au contraire, Pierre est préoccupé par des problèmes d'adultes, tel que les problèmes d'argent, au même titre qu'une personne de plusieurs décennies de plus que lui. Après la mort de sa mère et la maladie de son père, étant l'aîné, Pierre a dû se mettre à travailler bien avant l'âge, pour lui et sa famille. Il s'amuse à se prévoir un avenir riche, vivant dans l'opulence, lorsqu'on l'interroge, mais tout d'abord il aimerait bien commencer par pouvoir offrir des cadeaux à sa fratrie.

Pierre déambulait tranquillement dans les rues, sans courir, ce qui est assez rare pour être signalé. Il s'apprétait à aller voir ses amis, quand un bruit le fit sursauter, comme tous ceux qui étaient dans la rue en ce moment, et toutes les têtes se tournèrent vers la source du bruit ; l'Opéra Garnier.

Certaines personnes continuèrent tranquillement leur chemin, d'autres restèrent à observer l'Opéra à distance raisonnable, et les plus curieux, dont Pierre, s'approchèrent du bâtiment.

À première vue, rien. Après tout il avait peut-être rêvé. Il attendit quelques secondes que quelque chose se passe. Il était sur le point de continuer son chemin lorsqu'il vit des pompiers arriver, et entrer dans l'Opéra.

Ce qui venait de se passer dans l'Opéra ne le regardait absolument pas, et c'est cela qui intrigua l'enfant.

Il s'approcha des portes principales, au milieu de la foule de curieux qui s'y pressait. Voilà l'un des avantages d'être petit; s'l avait fait quelques dizaines de centimètres de plus, même en jouant des coudes, il n'aurait jamais pu se glisser juste devant les portes. Or il avait réussi à se glisser au premier rang. Une fumée épaisse sortait de l'Opéra. Il observa les pompiers qui bloquaient l'entrée, essayant de calmer ceux qui criaient avoir un être proche dans la salle.

"Qu'est-ce qui s'est passé là dedans ?"

Cette phrase ne s'adressait à personne en particulier, mais avait été prononcée assez fort pour qu'on l'entende et ce fut une femme juste à côté de lui qui lui répondit.

"Une bombe a explosée. Sur la scène, il parait."

Pierre remercia la femme, puis sortit de la foule, considérant qu'il n'y avait plus rien d’intéressant à voir ici, même si sa curiosité était toujours piquée au vif.

Une bombe... Il n'en revenait pas. Une incendie, encore, ça aurait pu passer pour un accident si c'était bien fait. Mais une bombe, la personne qui avait fait ça avait envie de se faire remarquer. Et puis pourquoi faire exploser un Opéra ?

Pierre se remit à courir, cet attentat l'avait intrigué, peut-être que ses amis en sauront plus que lui.