Pierrot LunaireLa bouche clownesque ensorcèle comme un singulier géranium
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| Sujet: Librairie de la Chimère / M. et Mme Canard-Mauperché Jeu 13 Déc - 22:27 | |
| Dans une petite rue du VIe sont acheminées les lettres, journaux, livres et courriers destinés au libraire, au bourgeois et à la bourgeoise. Tout simplement ! |
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Lise ChampmézièresElle court, elle court, la cousette !
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| Sujet: Re: Librairie de la Chimère / M. et Mme Canard-Mauperché Jeu 20 Déc - 7:55 | |
| Un petit paquet assez neutre est arrivé, sans nom ni adresse. A l'intérieur, un mot : - Citation :
- Mon cher ami,
Vous trouvez mon geste un peu impudent, n’est-ce pas ? Pourtant vous comprenez que je ne puis décemment conserver cet objet plus longtemps. Soyez donc plus sage, mon turbulent ami, et vous m’épargnerez bien du tracas ! Votre dévouée, L. Un objet pour le moins insolite accompagne la missive... - Spoiler:
Pour replacer l'objet dans son contexte :
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Augustin LepicUne belle écriture mène à tout.
Messages : 72
| Sujet: Re: Librairie de la Chimère / M. et Mme Canard-Mauperché Ven 8 Fév - 11:02 | |
| Quelques jours après le paquet qui a causé tant de dégâts, c’est à nouveau un colis anonyme qui arrive… Mais le nom – Monsieur et Madame Canard-Mauperché – et l’adresse sont indiqués, cette fois, et même assez joliment calligraphiés. Dans l’enveloppe, on trouvera un petit livre. Un recueil de poèmes d’Hugo. Le livre semble neuf, pourtant deux pages sont cornées. - Spoiler:
A qui la faute ?
Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?
- Oui. J'ai mis le feu là.
- Mais c'est un crime inouï ! Crime commis par toi contre toi-même, infâme ! Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme ! C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler ! Ce que ta rage impie et folle ose brûler, C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage Le livre, hostile au maître, est à ton avantage. Le livre a toujours pris fait et cause pour toi. Une bibliothèque est un acte de foi Des générations ténébreuses encore Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore. Quoi! dans ce vénérable amas des vérités, Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés, Dans ce tombeau des temps devenu répertoire, Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire, Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir, Dans ce qui commença pour ne jamais finir, Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles, Dans le divin monceau des Eschyles terribles, Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon, Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison, Tu jettes, misérable, une torche enflammée ! De tout l'esprit humain tu fais de la fumée ! As-tu donc oublié que ton libérateur, C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur; Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine, Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine Il parle, plus d'esclave et plus de paria. Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria. Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ; Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ; Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ; Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître, Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant, Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ; Ton âme interrogée est prête à leur répondre ; Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre, Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs, Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs ! Car la science en l'homme arrive la première. Puis vient la liberté. Toute cette lumière, C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins ! Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints. Le livre en ta pensée entre, il défait en elle Les liens que l'erreur à la vérité mêle, Car toute conscience est un noeud gordien. Il est ton médecin, ton guide, ton gardien. Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte. Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute ! Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir, Le droit, la vérité, la vertu, le devoir, Le progrès, la raison dissipant tout délire. Et tu détruis cela, toi !
- Je ne sais pas lire.
- Spoiler:
Explication
La terre est au soleil ce que l'homme est à l'ange. L'un est fait de splendeur ; l'autre est pétri de fange. Toute étoile est soleil; tout astre est paradis. Autour des globes purs sont les mondes maudits ; Et dans l'ombre, où l'esprit voit mien que la lunette, Le soleil paradis traîne l'enfer planète. L'ange habitant de l'astre est faillible ; et, séduit, Il peut devenir l'homme habitant de la nuit. Voilà ce que le vent m'a dit sur la montagne.
Tout globe obscur gémit; toute terre est un bagne Où la vie en pleurant, jusqu'au jour du réveil, Vient écrouer l'esprit qui tombe du soleil. Plus le globe est lointain, plus le bagne est terrible. La mort est là, vannant les âmes dans un crible, Qui juge, et, de la vie invisible témoin, Rapporte l'ange à l'astre ou le jette plus loin.
Ô globes sans rayons et presque sans aurores ! Enorme Jupiter fouetté de météores, Mars qui semble de loin la bouche d'un volcan, Ô nocturne Uranus, ô Saturne au carcan ! Châtiments inconnus ! rédemptions ! mystères ! Deuils ! ô lunes encor plus mortes que les terres ! Ils souffrent ; ils sont noirs ; et qui sait ce qu'ils font ? L'ombre entend par moments leur cri rauque et profond, Comme on entend, le soir, la plainte des cigales. Mondes spectres, tirant des chaînes inégales, Ils vont, blêmes, pareils au rêve qui s'enfuit.
Rougis confusément d'un reflet dans la nuit, Implorant un messie, espérant des apôtres, Seuls, séparés, les uns en amère des autres, Tristes, échevelés par des souffles hagards, Jetant à la clarté de farouches regards, Ceux-ci, vagues, roulant dans les profondeurs mornes, Ceux-là, presque engloutis dans l'infini sans bornes, Ténébreux, frissonnants, froids, glacés, pluvieux Autour du paradis ils tournent envieux ; Et, du soleil, parmi les brumes et les ombres, On voit passer au loin toutes ces faces sombres.
Et puis, accompagnant l’enveloppe, il y a un petit bouquet de fleurs blanches. |
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ThalieMademoiselle Clairon
Messages : 542
| Sujet: Re: Librairie de la Chimère / M. et Mme Canard-Mauperché Dim 12 Mai - 9:00 | |
| Encore un paquet sans nom; décidément, à croire que c'est devenu la mode ! Cette fois, aucun ouvrage ne vous tend les mains mais la copie d'une estampe japonaise. Ces créations font la joie des artistes et des bourgeois; chacun veut en décorer son intérieur. Vous avez enfin le vôtre ! Mais n'aurait-il pas sa place dans la librairie, comme objet de curiosité ?
L'estampe en question.
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