Jules Spéret La perfection n'existe que dans mon miroir Messages : 93 Sujet: Jules Spéret Lun 9 Juil - 6:26 Jules Spéret
Quelques informations factuelles Nom : SpéretPrénoms : Jules Émile HenriDate de naissance : 14 juillet 1854 (41 ans)Origine sociale : haute bourgeoisieProfession : éditeur et directeur de la Revue mauve Ambitions : faire fructifier son affaire, attirer davantage d'écrivains, découvrir de nouveaux talents, éviter son épouse, approfondir ses connaissances en tous genres, lire... Les ambitions de M. Spéret ne manquent pas !Milieu fréquenté : le salon d'Apolline de Souzay, quoiqu'il puisse être invité dans d'autres milieux sans grande difficulté...Jauge de mondanité : 285/500. Voici un éditeur à la hauteur de sa renommée politique jugée un peu trop anarchisante au goût de la bonne société, donc qu'on ne risque pas trop de trouver chez la Lambresac, mais aussi un homme réputé pour la sûreté de son goût et pour sa grande connaissance du monde de l'art, à mi-chemin entre les cercles de la Forestière et de la Présidente.Jauge d'infamie : 30/500, car ce brave monsieur n'hésite pas à soudoyer légèrement certaines personnes pour obtenir quelque information intéressante. Sans parler des quelques infidélités qu'il fait à Madame...Tout esprit profond... L'éditeur et directeur de revue Jules Spéret est ce qu'on appelle une tornade doublée d'un bourreau de travail et additionnée d'un passionné. Vous ne le croisez pas, vous peinez déjà à l'entrevoir, et pourtant il vous semble partout à la fois pour peu que vous fréquentiez les endroits qu'il fréquente, à savoir les lieux de la décadence, du symbolisme et de la bohème en général, des coins où l'on s'encanaille sans pour autant risquer sa vie, des cafés où les bien-pensants et les criminels refusent de se rendre pour la même raison (les gens y sont plus ou moins toqués), des salles de spectacle telles le Théâtre d'Art, le salon d'Apolline de Souzay (bien qu'il puisse également fréquenter celui de la Forestière), le Palais des Industries (mentionnons que l'éditeur est membre du comité d'artistes qui prépare la construction du Grand Palais depuis le concours d'idées de 1894), sans parler bien évidemment des bureaux de la Revue mauve , qu'il dirige d'une main de fer, ou des maisons closes qu'il aime parfois fréquenter en toute discrétion ! Alors oui, à lire cette énumération de lieux divers, on peut bien concevoir que l'éditeur soit partout à la fois, bien qu'il soit dépourvu du don d'ubiquité. Dommage, d'ailleurs, car s'il avait pu choisir une faculté quelconque, ç'aurait bien été celle-là ! Par contre, si vous n'êtes pas des lieux qu'il fréquente, vous avez peu de chances de le rencontrer un jour. L'éditeur a ses quartiers, il s'y cantonne. Le reste ? Il n'en a cure. Vous l'aurez compris (et si tel n'est pas le cas, vous êtes singulièrement bête, mon vieux...), Jules Spéret est un homme d'art, de tous les arts, pourvu qu'ils soient actuels ou, du moins, qu'ils ne soient pas convenus. Au diable la paralittérature des écrivains célèbres du temps, les fumisteries des théâtreux enchapeautés de la Lambresac, les croûtes géométriques des peintres du salon des Acceptés ; vive la littérature bohème, l'innovation langagière, l'art symboliste, la musique impressionniste, le théâtre de Lugné-Poe, les nabis et la photographie ! Il faut vivre avec son temps, bon sang, plutôt que dans un passé trop figé par les convenances ! Celles-là ne sont instaurées que pour vous empêcher de faire mieux que les générations précédentes ! Allez, allez, jeunes gens, on s'en débarrasse, et plus vite que ça ! On change le monde, de préférence en papotant autour d'une table de café (une révolution, c'est intéressant, mais ça fait beaucoup trop de morts pour beaucoup trop peu de résultats) et on renouvelle l'élite intellectuelle ! Et on n'oublie pas de publier ses papiers dans la Revue mauve , cela va de soi ! Qui en aurait douté ? Quoique véritablement artiste dans l'âme (il joue d'ailleurs un peu de violon et tente de dessiner quelques croûtes), Jules Spéret est avant tout un homme d'affaires, qui tient à ce que sa Revue mauve garde la place importante qu'elle a présentement acquis : celle d'un papier politiquement légèrement dissident, anarchisant, un peu libre, toujours à la pointe de l'innovation artistique, bref, le genre de journal qu'on a autant de mal à lire qu'à se procurer si l'on n'est pas un habitué. En outre, depuis un an maintenant, Jules Spéret publie à la Revue mauve les oeuvres de quelques littérateurs triés sur le volet selon des critères très stricts : il faut être littérateur de profession, bohème de préférence, sans le sou par conséquence, méprisé et rejeté par les grandes maisons d'édition à la mode dès le départ, pratiquer une littérature innovante et être talentueux. Rien que ça. Curieusement, il ne manque pas d'auteurs à publier, preuve s'il en faut que le goût actuel est singulièrement guindé... Voilà le Jules Spéret tel qu'il est vu par le Paris de l'époque : comme un éditeur indépendant qu'on rattacherait plutôt à la bohème ; comme un homme d'affaires sans cesse affairé qui court dans tout Paris, qui sait tout et qui passe sa vie hors de ses pénates entre les cafés, la rue de l'Échaudé et mille autres lieux ; comme un personnage féru de modernité, vivant pour son temps, avec son temps, en avance sur son temps ; comme un directeur de revue qui apprécie la rareté, l'innovation et qui se complaît à publier un petit nombre d'ouvrages seulement. Mais ce n'est pas l'intégralité du personnage, ce n'est que sa face publique. Il a également une face privée, celle de l'homme malheureux en ménage marié plutôt de force que de gré à une épouse qui ne lui convient que fort peu et qui fait tout pour n'être jamais chez lui, car il se refuse à divorcer tout de même par égards pour sa femme, Séraphine ; celle de l'éditeur attentionné qui choie ses jeunes talents et n'hésite pas à se montrer des plus affables, effaçant bien vite la distance qu'il y a entre eux et lui pour discuter autour d'une absinthe ; celle de l'idéaliste qu'il doit bien être au fond de lui ; celle du bourreau de bureau qui travaille de l'aube au crépuscule et du crépuscule à l'aurore, nerveux, énergique personnage qui ne tolérerait pas le moindre retard, pas le moindre accroc, quels que soient les empêchements qu'il puisse affronter, du rhume à l'effondrement de Paris dans les catacombes ; sans parler de celle du bonhomme très sûr de lui, arrogant, pour ne pas dire désagréable, qu'il peut être quand on a le tort de l'aborder alors qu'il n'est pas d'humeur ou qu'il est persuadé d'avoir raison... Belle personnalité, donc. Et le physique colle bien avec le personnage dans son entièreté ! Étant à la fois membre des milieux bohème, artiste en général et bourgeois, quoi d'étonnant à ce qu'il revisite à sa manière le triste costume des messieurs ? Charles Baudelaire se teignait les cheveux en vert, Jules Spéret teint sa redingote en mauve (prune, très exactement). Et comme le mauve ne va pas avec tout, il lui faut bien assortir le reste de la tenue, d'où une préférence marquée de l'éditeur pour les tons or et acajou, bien loin des noirs et des bleus des messieurs ordinaires ! Physiquement, l'éditeur est un homme de taille moyenne (aux alentours du mètre 68), à la physionomie énergique, un peu large, au visage carré garni d'une barbe bien taillée, de la moustache assortie et des cheveux d'un brun épais coupés relativement court. Entre toute cette masse de fourrure brillent deux yeux bruns également d'une rare vivacité, un regard très expressif et brillant de détermination ; le nez est fort et busqué, la bouche est large et posée sur un menton musculeux qui a la particularité de remuer dès que l'éditeur est transporté d'une émotion intense. Homme très nerveux, il ne tient pas en place, doit sans cesse marcher, jouer avec ses gants, avec sa canne, avec son haut-de-forme, pianoter un air dans sa main ou sur sa cuisse... à moins, évidemment, qu'il ne soit absorbé dans l'extase d'une oeuvre d'art formidable. Mais ce n'est pas très fréquent.Seules les pensées... Ce soir-là promettait d'être un soir mémorable. Et pourtant, il avait mal commencé. Comme il n'avait pas trop eu le choix, Jules Spéret avait bel et bien été obligé de passer très brièvement par chez lui entre la rue de l'Échaudé, où se trouvait le siège de sa revue, et le Théâtre d'Art, où se trouvait la représentation à laquelle il avait bien l'intention d'assister dans deux heures. Comme la plupart des soirs où il avait la "bonne" idée de rentrer avant l'heure du dîner, son épouse l'attendait de pied ferme et comptait bien le forcer à passer la soirée en sa triste compagnie, quoique ces soupers en tête-à-tête (à son souvenir, du moins, car cela faisait déjà bien longtemps qu'ils n'avaient plus mangé seuls) fussent une corvée pour lui comme pour elle. Les convenances, disait Séraphine. L'idiotie ! répliquait Jules avec un ricanement. Paris ferait plus de gorges chaudes en apprenant que le célèbre éditeur de la Revue mauve avait passé la soirée chez lui qu'en apprenant qu'il l'avait passée au cabaret en compagnie d'une bande de bohèmes et de quelques prostituées, tant ses écarts de conduite avaient fini, à force d'habitude, de défrayer la chronique. Alors, ses convenances... D'ailleurs, il n'y avait pas de convenances qui tiennent, ce soir, il allait au Théâtre d'Art voir une représentation de Maurice Maeterlinck, point. Sur quoi Madame avait protesté à corps (et Dieu sait qu'elle en occupait, du volume !) et à cris (et le Diable sait qu'elle pouvait vous vriller les tympans !) contre un projet aussi infâme le jour où, justement, on allait donner l'Hérodiade de Massenet, une représentation à laquelle elle aurait tant voulu assister ! Encore une fois, le sieur Spéret s'était bien gaussé d'elle : l'Hérodiade ? Mais enfin, cet opéra avait quasiment vingt ans ! Il était dépassé, périmé, suranné ! Obsolète ! Quelle idée que celle d'aller à des représentations pareilles ! Non, vraiment, il était hors de question qu'il s'y rende. "Et de toute manière, ma chère Séraphine, rien ne vous empêche d'y aller seule. " À nouveau les récriminations, les jérémiades, les "ce n'est pas convenable, ce n'est pas convenable, ce n'est pas convenable !" Mais elle ne pensait qu'au convenable, cette bonne femme ?! Qu'elle aille au diable, elle verra si c'est convenable ! Bref, Jules ne s'attarda pas davantage à écouter les plaintes de cette vieille dinde de dix ans sa cadette et attrapa un cigare, en coupa l'extrémité, le mit en bouche et l'alluma avant de le fumer tout en montant l'escalier. Il lui fallait se changer, prendre quelques affaires et sauter dans sa voiture. Voiture à chevaux, malheureusement. Il aurait bien voulu s'offrir une automobile, mais c'était si coûteux... Oh ! on achèterait bien ça un de ces jours, n'est-ce pas, Séraphine ? Histoire que vous puissiez pester encore davantage contre votre anarchiste de mari... Lequel allait aller, ne vous en déplaise, au Théâtre d'Art voir du Maurice Maeterlinck, non mais. Il redescendit l'escalier, salua son épouse d'un énergique coup de chapeau et lui souhaita "une excellente soirée ". Quatre heures, quelques verres au foyer, une pièce de théâtre et quelques autres verres au foyer plus tard, voici notre éditeur sur le chemin du retour. Curieusement, il n'était pas vraiment au courant de ce qui venait de se passer au Garnier, n'ayant pas quitté le Théâtre d'Art durant tout ce temps et ne l'ayant quitté qu'à bord d'une voiture qui ne devait pas passer par les environs de l'Opéra. Rentré à une heure bien tardive chez lui, il ne s'attendait certainement pas à trouver sa femme en larmes dans leur chambre, et encore moins à ce qu'elle lui saute au cou en l'abreuvant de remerciements. Bon sang, mais que s'était-il donc passé ici ?!? Entre deux sanglots, Séraphine finit par lui donner l'explication : Lucile Lebrun, leur amie, la compagne de l'horloger Lebrun - oui, oui, merci, il savait encore qui était Lucile ! - était arrivée ici en trombe pour s'assurer de leur santé à tous deux et leur avait raconté, une demi-heure auparavant seulement, qu'un anarchiste avait fait sauter l'Opéra Garnier. Stupéfait, l'éditeur étreignit sa femme. Sans doute un reste d'affection pour elle derrière l'aigreur de quinze années de vie commune...Theatrum Mundi Pseudonyme : CA/EbeneÂge : un peu moins de vingt années...D'où je viens : de la chatbox.Ai-je quelque chose à ajouter ? Non.
Dernière édition par Jules Spéret le Mar 10 Juil - 9:47, édité 1 fois