Lionel n'avait pas dormi, cette nuit-là. Il était assis sur le matelas, les mains nouées, le regard vague. Un homme presque déjà mort, incapable de penser. Il avait beaucoup dormi ces derniers jours. Pour que le temps passe. Il avait essayé d'oublier les visages ... Il pensait même avoir réussi. Le pourquoi du comment n'avait même plus d'importance, c'était fini.
Puis on lui fit parvenir quelques mots. Par un regain de pitié, l'on avait filtré les insultes et les menaces - il y en aurait sans doute déjà trop, lorsque le condamné apparaîtrait derrière la grande porte, à l'aube. Lionel laissa le courrier, tout d'abord. Il craignait de céder à la tentation de s'expliquer, quand plus rien n'avait d'importance et qu'il devait juste se résigner et commencer à disparaître, avant que ne tombe le couperet. Mais le 19 juin, alors que le jour faiblissait, il attrapa au hasard une enveloppe parmi d'autres et il lut. La petite croix tomba sans qu'il n'y prît garde, tout d'abord.
Et il pleura, pour la première fois depuis son arrestation. Ce fut un flot de larmes qui le submergea, un premier et ultime râle de douleur pour celui qui avait, trop vite, voulu renoncer à son humanité. Il serra la feuille de papier entre ses doigts et se baissa pour ramasser la petite croix.
Il allait la mettre à son cou mais soudain, il suspendit son geste ... et la passa plusieurs fois autour de son poignet, comme un chapelet. Cette petite croix serait son aumônier.