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 La Culture des Chapeaux en milieu exotique

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Elke von Herzfänger
Un jour je serais, le meilleur dandy, je moustach'rai sans répit
Elke von Herzfänger

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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyDim 22 Juil - 10:51

Entre ça et La Chevelure, il avait un p'tit fétiche des poils not' monsieur. La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 310060878


Merci pour le site Thalie : 3 il poutre bien !
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Armide
Caméléon psychopathe - Incarnation de l'Efficacité
Armide

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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyDim 29 Juil - 0:41

J'vois pas grand chose sur le XVIIe siècle, par ici... :(

Heureusement, ça s'arrange ! ^^ Je vous présente donc la foire Saint-Germain racontée par Paul Scarron (1610 - 1660). Very Happy

Citation :
Sangle au dos, bâton à la main,
Porte-chaise que l’on s’ajuste,
C’est pour la foire Saint-Germain,
Prenez garde à marcher bien juste.
N’oubliez rien, montrez-moi tout,
Je la veux voir de bout en bout,
Car j’ai dessein de la décrire.
Muse au ridicule museau
De qui si souvent le naseau
Se fronce à force de rire,
Muse qui régis la satyre,
Viens me réchauffer le cerveau.

Guide de mon esprit follet
Qui sur tout chéris le burlesque,
Souffle-moi par un camouflet
Un style qui soit bien grotesque.
J’en veux avoir du plus plaisant,
En fût-il un peu médisant,
J’emploierai tout, vaille que vaille,
Mais devant que de rimasser,
Bannissons de notre penser
Tout souvenir qui le travaille
Et commençons par la canaille
Qui nous empêche de passer.

Que ces badauds sont étonnés
De voir marcher sur des échasses !
Que d’yeux, de bouches et de nez !
Que de différentes grimaces !
Que ce ridicule Arlequin
Est un grand amuse-coquin !
Que l’on achète ici de bottes !
Que de gens de toutes façons,
Hommes, femmes, filles, garçons,
Et que les culs à travers cottes
Amasseront ici de crottes
S’ils ne portent des caleçons !

Ces cochers ont beau se hâter,
Ils ont beau crier gare ! Gare !
Ils sont contraints de s’arrêter :
Dans la presse, rien ne démarre.
Le bruit des pénétrants sifflets,
Des flûtes et des flageolets,
Des cornets, hautbois et musettes,
Des vendeurs et des acheteurs
Se mêle à celui des sauteurs
Et des babouins à sonnettes,
Des joueurs de marionnettes
Que le peuple croit enchanteurs.

Mais je commence à me lasser
D’être si longtemps dans la boue.
Porteurs, laissez un peu passer
Ce carrosse, qu’il ne vous roue !
Et puis, pour marcher sûrement,
Appliquez-vous soudainement
A son damasquiné derrière,
Moins de monde vous poussera.
Le chemin il vous fraiera,
Mais il reculait en arrière
De peur de briser notre bière,
Faites de même qu’il fera.

Quelqu’un sans doute est attrapé,
J’entends la trompette qui sonne.
Bien souvent pour être dupé
Ici tout son argent on donne.
Ha ! Je le vois, le maître sot
Qui se gratte sans dire mot
En recevant la babiole
Qui de son argent est le prix.
Dieux ! De quelle joie est épris
Le maudit blanqueur qui le vole,
Et que la dupe qu’il console
A peine à ravoir ses esprits !

Mais qu’est-ce que je viens de voir ?
Une dame au milieu des crottes.
Est-ce gageure ou désespoir ?
Mais peut-être a-t-elle des bottes.
Ha ! Vraiment, je n’en dis plus rien,
En l’approchant, je reconnais bien
Que c’est une belle homicide
Au nez de laquelle un beau fard
Composé de craie et de lard
Déguise bien plus d’une ride,
Et que le filou qui la guide
Est son brave ou bien son cornard.

Que de peinturés affiquets
Dont les mères et les nourrices
Régaleront leurs marmousets !
Que de gâteaux et pains d’épices !
Ici, maint laquais bigarré,
Maint petit diable chamarré,
Fait au bourgeois guerre cruelle
Tandis que son maître coquet
Pousse maint amoureux hoquet
Vis-à-vis de quelque donzelle
Qui l’amuse de sa prunelle
Et de son caquet.

Que ces souillons de gaufriers
Font sentir l’odeur du fromage,
Et que ces noirs chaudronniers
Font un fâcheux carillonnage !
Mais nous voilà quasi dedans,
Bonjour la foire, Dieu soit céans,
Je suis un pauvre cul-de-jatte
Qui vient tout exprès de chez nous
Non pour acheter des bijoux,
Mais pour au grand bien de ma rate
Sur votre dos qui tant éclate
Faire quelques vers aigres-doux.

Prenez bien garde à ce soldat,
Ou plutôt ce grand as de pique,
De fine peur le cœur me bat
Que contre nous il ne se pique.
Porteurs, marchez discrètement,
Ne heurtez rien, mais posément
Menez-moi par toute la foire.
C’est ici, monsieur mon cerveau,
Qu’on verra si je suis un veau,
Si je mérite quelque gloire
Et si notre docte écritoire
Fera quelque chose de beau.

Petit rimeur trop éventé,
Gardez-vous bien de rien promettre,
Rengainez votre vanité,
Où diable vous allez-vous mettre ?
Et quoi, ne savez-vous pas bien
Qu’un conte ne vaut jamais rien
Quand on dit « je vous ferai rire » ?
Je crains pour vous quelque revers,
Je crains que les marchands divers
Sur lesquels vous allez écrire
N’habillent, au lieu de les lire,
Leur marchandise de vos vers.

Arrêtez, certain jouvenceau
Chez un confiturier se glisse.
Son dessein n’est que bon et beau,
Mais j’ai peur qu’il ne réussisse
Car je remarque à ses côtés
Des pages fort peu dégoûtés,
Une troupe bien arrangée
Et malfaisante au dernier point.
Que pour eux il sort bien à point,
Tenant à deux mains sa dragée
Qui des pages sera mangée
Et dont il ne mangera point.

Il ne sait pas de quel destin
Sa confiture est menacée
Et qu’elle sera le festin
De la gent à grègue troussée.
Ha ! Le voilà dévalisé,
Dieux, qu’il en est scandalisé,
Que son sucre qui se partage
Parmi tous ces demi-filous
Lui cause un étrange courroux,
Et qu’à ses yeux remplis de rage,
Un écuyer fouettant un page
Serait un spectacle bien doux !

Que ces gentilshommes à pied
Sont de nature peu courtoise,
Que ces damoiseaux sans pitié
Pour peu de chose font de noise,
Qu’ils ont de sucre répandu
Qui pourtant ne sera perdu,
Car de cette irlandaise bande
Il sera bientôt ramassé ;
Mais les lieux où l’on est pressé
Ne sont pas de ceux que je demande.
Dégageons de foule si grande
Notre corps demi fracassé.

Allons faire de l’inconnu
Au milieu de l’orfèvrerie,
Sans doute j’y serai tenu
Entaché de bizarrerie,
Vous en serez questionnés.
Le désir de me voir au nez
S’emparera de quelque tête,
Mais lors quelqu’un qui l’aura
De mon nom vous enquêtera,
Sans lui faire beaucoup de fête,
Dites-lui que c’est une bête
Qui peut-être le piquera.

Ici, le bel art de papier
Très impunément se pratique,
Ici tel se laisse attraper,
Qui croit faire aux pipeurs la nique.
Approchons ces gens assemblés,
Hommes parmi femmes mêlés :
J’y vois, ce me semble, une dupe,
Car ce beau porte-point coupé
D’un touffu panache huppé
Près de cette brillante jupe
Qui bien plus que son jeu l’occupe,
Qu’est-ce qu’un damoiseau dupé ?

Qu’ils sont d’accord, ces assassins
Qui de paroles s’entremangent !
Qu’ils font pour faire de larcins
De leurs dés qu’à tous coups ils changent !
Que ces deux démons incarnés
Sont sur ce pauvre homme acharnés,
Qui perd tout en grattant sa tête
Et sans dire le moindre mot.
Ha ! Qu’il a bien trouvé son sot,
Celui-là qui jure et tempête,
Et que l’autre fait bien la bête
Avec son sermon de bigot !

Foire, l’élément des coquets,
Des filous et des tire-laine,
Foire où l’on vend moins d’affiquets
Que l’on ne vend de chair humaine
Sous le prétexte des bijoux
Que l’on fait de marché chez vous
Qui ne se font bien qu’à la brune !
Que chez vous de gens sont déçus !
Que chez vous se perdent d’écus !
Que chez vous c’est chose commune
De voir converser sans rancune
Les galants avec les cocus !

Tous ce qui reluit n’est pas or
En ce pays de piperie,
Mais ici la foule est encor
Sans respect de la pierrerie.
Menez-moi chez les Portugais,
Nous y verrons à peu de frais
Des marchandises de la Chine,
Nous y verrons de l’ambre gris,
De beaux ouvrages de vernis,
Et de la porcelaine fine
De cette contrée divine,
Ou plutôt de ce paradis.

Nous achetons des bijoux,
Nous boirons de l’aigre de cèdre,
Mais comment diable ferons-nous
Pour trouver une rime en – èdre ?
N’importe, ne rajoutons rien,
Edre et cèdre riment fort bien,
N’en déplaise à la poésie.
La fabrique de tant de vers
Sur tous ces objets si divers
Dont j’ai l’âme toute farcie
M’a fatigué, la fantasque,
Et mis l’esprit presque à l’envers.

Beau Portugais du Portugal,
Qu’un verre net on me délivre,
Si l’aigre de cèdre est loyal,
J’en achète plus d’une livre.
Couvrez donc un peu vos-esté,
Un peu moins de civilité,
Et bon marché que marmelade.
Sachez, homme au petit rabat,
Que je suis plus friand qu’un chat
A cause que je suis malade.
Ne montrez donc rien qui soit fade
Ou qui ne soit pas délicat.


Il est, ma foi, délicieux,
Il est merveilleux, ce breuvage,
Et n’est muscat ni courlieux
Qui m’en fit mépriser l’usage.
N’en déplaise aux buveurs de vin,
Par mon chef, il est tout divin.
Laquais, tenez cette bouteille,
Mais gardez bien de la casser
Et tâchez de vous en passer.
Et ami, je vous le conseille,
Car je veux bien perdre l’oreille
Si vous ne vous faisiez chasser.

Adieu, seigneur Lopez, bonsoir,
Bonsoir aussi au seigneur Rodrigue,
Lorsque je viendrai vous revoir,
Vous me trouverez plus prodigue.
Il est, ce me semble, saison
De retourner à la maison.
Je vois déjà de la chandelle
Et ne vois plus rien de nouveau
Qui puisse porter mon cerveau
A faire une stance nouvelle.
Puis j’en voudrais faire une belle
Et je ne vois plus rien de beau.

Tout beau, petit poète, tout beau,
Vous allez apprêter à rire :
Vous ne voyez plus rien de beau,
Certes, cela vous plaît à dire,
A cette heure de tous côtés
Arrivent ici des beautés
Qui n’y viennent qu’à la nuit tombée.
A cette heure, quand pour Philis,
Poudrés, frisés, luisants et polis,
Les appelants soleils à l’ombre
Leurs disent fleurettes sans nombres
Sur leurs roses et sur leurs lys.

Voyons un peu ces épiciers
Chez lesquels tant de monde achète,
Ô poivre blanc, que volontiers
Pour vous je vide ma pochette !
Sachons s’ils en pourront avoir,
Mais je n’aperçois que du noir
Qui fort peu l’appétit réveille,
Au lieu de ce poivre de prix
Qui purifie les esprits,
Est de l’Orient la merveille,
Préférable, sans pareille
Et comparable à l’ambre gris.

Adieu, peintres, adieu, lingères,
Je laisse votre belle histoire
Et celle des autres merciers
A quelque meilleure écritoire.
Adieu, la foire Saint-Germain,
Je vais non pas en parchemin
Mais en papier blanc comme craie
Travailler à votre tableau,
Mais de mon style un peu nouveau
Avec raison je m’effraie :
Et j’ai bien peur qu’on ne me raie
Comme un malheureux poètereau.

Ainsi chantait un malheureux,
Quoi qu’il n’eût quasi point d’haleine
Et que son poumon catarrheux
Ne fît sortir sa voix qu’à peine.
Il le faisait pourtant beau voir,
Car justaucorps de velours noir
Habillait sa carcasse tendre,
Sa main un bâton soutenait,
Qui partout allait et venait
Où sa main ne voulait s’étendre,
Exécutant sans se méprendre
Ce que le malade ordonnait.

Quoique son chant fût enroué,
Que ridicule fût sa lyre,
Si crut-il qu’il serait loué,
Si monsieur daignait en sourire ;
Car il n’a chanté seulement,
Toute autre fin il désavoue
Et quand quelqu’un s’en moquera,
Et son charme méprisera,
Il lui fera, ma foi, la moue,
Et qu’on le blâme ou qu’on le loue,
Au diable s’il s’en souciera.
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Armide
Caméléon psychopathe - Incarnation de l'Efficacité
Armide

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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyLun 20 Aoû - 10:00

Et lorsque ce cher La Fontaine se met à déblatérer, ça donne ceci...

Citation :
Le Florentin
Montre à la fin
Ce qu'il sait faire
Il ressemble à ces loups qu'on nourrit, et fait bien
Car un loup doit toujours garder son caractère,
Comme un mouton garde le sien.
J'en étais averti; l'on me dit : “ Prenez garde;
Quiconque s'associe avec lui se hasarde;
Vous ne connaissez pas encor le Florentin;
C'est un paillard, c'est un mâtin
Qui tout dévore,
Happe tout, serre tout : il a triple gosier.
Donnez-lui, fourrez-lui, le glout demande encore
Le Roi même aurait peine à le rassasier. ”
Malgré tous ces avis, il me fit travailler;
Le paillard s'en vint réveiller
Un enfant des neuf Soeurs, enfant à barbe grise,
Qui ne devait en nulle guise
Être dupe; il le fut, et le sera toujours
Je me sens né pour être en butte aux méchants tours;
Vienne encore un trompeur, je ne tarderai guère.
Celui-ci me dit : « Veux-tu faire,
Presto, presto, quelque opéra,
Mais bon? ta Muse répondra
Du succès par-devant notaire.
Voici comment il nous faudra
Partager le gain de l'affaire :
Nous en ferons deux lots, l'argent et les chansons;
L'argent pour moi, pour toi les sons;
Tu t'entendras chanter, je prendrai les testons;
Volontiers je paye en gambades
J'ai huit ou dix trivelinades
Que je sais sur mon doigt; cela joint à l'honneur
De travailler pour moi, te voilà grand seigneur. »
Peut-être n'est-ce pas tout à fait sa harangue,
Mais, s'il n'eut ces mots sur la langue,
Il les eut dans le coeur. Il me persuada;
A tort, à droit, me demanda
Du doux, du tendre, et semblables sornettes,
Petits mots, jargons d'amourettes
Confits au miel; bref, il m'enquinauda.
Je n'épargnai ni soins ni peines
Pour venir à son but et pour le contenter
Mes amis devaient m'assister;
J'eusse, en cas de besoin, disposé de leurs veines.
« Des amis! disait le glouton,
En a-t-on?
Ces gens te tromperont, ôteront tout le bon,
Mettront du mauvais en la place. »
Tel est l'esprit du Florentin :
Soupçonneux, tremblant, incertain,
Jamais assez sûr de son gain,
Quoi que l'on dise ou que l'on fasse.
Je lui rendis en vain sa parole cent fois;
Le b … Il avait juré de m'amuser six mois
Il s'est trompé de deux : mes amis, de leur grâce,
Me les ont épargnés, l'envoyant où je crois
Qu'il va bien sans eux et sans moi.
Voilà l'histoire en gros : le détail a des suites
Qui valent bien d'être déduites,
Mais j'en aurais pour tout un an;
Et je ressemblerais à l'homme de Florence,
Homme long à conter, s'il en est un en France.
Chacun voudrait qu'il fût dans le sein d'Abraham;
Son architecte, et son libraire,
Et son voisin, et son compère,
Et son beau-père,
Sa femme, et ses enfants, et tout le genre humain,
Petits et grands, dans leurs prières,
Disent le soir et le matin :
« Seigneur, par vos bontés pour nous si singulières,
Délivrez-nous du Florentin. »

La victime de sa plume est le compositeur Lully. La Fontaine et lui devaient travailler ensemble à un opéra, mais, de toute évidence, ça s'est mal passé... x)
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Armide
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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyDim 9 Sep - 9:46

Alors que quand Cyrano de Bergerac insulte les gens, ça donne plutôt ça :

Citation :
Hé ! Par la mort, Monsieur le Coquin, je trouve que vous êtes bien impudent de demeurer en vie après m’avoir offensé : vous qui ne tenez lieu de rien au monde, ou qui n’êtes au plus qu’un clou aux fesses de la nature ; vous qui tomberez si bas, si je cesse de vous soutenir, qu’une puce en léchant la terre ne vous distinguera pas du pavé ; vous enfin si sale et puant qu’on doute (en vous voyant) si votre mère n’a point accouché de vous par le derrière, encore si vous m’eussiez envoyé demander le temps d’un peccavi, mais sans vous enquêter si je trouve bon que vous viviez encore demain, ou que vous mourriez dès aujourd’hui, vous avez l’impudence de boire et de manger comme si vous n’étiez pas mort. Ha ! Je vous proteste de renverser sur vous un si long anéantissement, qu’il ne sera pas vrai de dire que vous avez jamais vécu, vous espérez sans doute m’attendrir par la dédicace de quelque ennuyeux burlesque : point, point, je suis inexorable, je veux que vous mouriez tout présentement ; puis selon que ma belle humeur me rendra miséricordieux, je vous ressusciterai pour lire ma lettre ; aussi bien quand pour regagner mes bonnes grâces, vous me dédieriez une farce, je sais que tout ce qui est sot ne fait pas rire, et qu’encore que pour faire quelque chose de bien ridicule vous n’ayez qu’à parler sérieusement, votre poésie est trop des Halles, et je pense que c’est la raison pour laquelle votre Jugement de Paris n’a point de débit. Donc si vous m’en croyez, sauvez-vous au barreau des ruades de Pégase, vous y serez sans doute un juge incorruptible, puisque votre Jugement ne se peut acheter. Au reste, ce n’est point de votre libraire seul que j’ai appris que vous rimassiez : je m’en doutais déjà bien, parce que c’eût été un grand miracle si les vers ne s’étaient pas mis dans un homme si corrompu : votre haleine seule suffit à faire croire que vous êtes d’intelligence avec la Mort, pour ne respirer que la peste ; et les muscadins ne sauraient empêcher que vous ne soyez par tout le monde en fort mauvaise odeur. Je ne m’irrite point contre cette putréfaction, c’est un crime de vos pères ladres : votre chair même n’est autre chose que de la terre crevassée par le soleil, et tellement fumée que si tout ce qu’on y a semé avait pris racine, vous auriez maintenant sur les épaules un grand bois de haute futaie. Après cela, je ne m’étonne plus de ce que vous prouvez qu’on ne vous a point encore connu : il s’en faut en effet plus de quatre pieds de crotte qu’on ne vous puisse voir : vous êtes enseveli sous le fumier avec tant de grâce que s’il ne vous manquait un pot cassé pour vous gratter, vous feriez un Job accompli. Ma fois, vous donnez un beau démenti à ces philosophes qui se moquent de la Création. S’il s’en trouve encore, je souhaite qu’ils vous rencontrent, car je suis assuré qu’après votre vue ils croiront aisément que l’homme peut avoir été fait de boue. Ils vous prêcheront, et se serviront de vous-même, pour vous retirer de ce malheureux athéisme où vous croupissez. Vous savez que je ne parle point par cœur, et que je ne suis pas le seul qui vous a entendu prier Dieu qu’il vous fit la grâce de ne point croire en lui. Comment, petit impie, Dieu n’oserait avoir laissé fermer une porte quand vous fuyez le bâton, qu’il ne soit par vous anéanti, et vous ne commencez à le recroire que pour avoir contre qui jurer, quand vos Désescamotés répondent mal à votre avarice : j’avoue que votre sort n’est pas de ceux qui puissent patiemment porter la perte, car vous êtes gueux comme un Diogène, et à peine le Chaos entier suffirait-il à vous rassasier, c’est ce qui vous a obligé d’affronter tant de monde : il n’y a plus moyen que vous trouviez pour marcher en cette ville une rue non créancière, à moins que le Roi fasse bâtir un Paris en l’air. L’autre jour au conseil de guerre, on donna avis à monsieur de Turenne de vous mettre dans un mortier, pour vous faire sauter comme une bombe dans sainte Menehould, pour contraindre en moins de trois jours, par la faim, les habitants de se rendre. Je pense en vérité que ce stratagème-là réussirait, puisque votre nez, qui n’a pas l’usage de raison ; ce pauvre nez, le reposoir et le paradis des chiquenaudes, semble ne s’être retroussé que pour s’éloigner de votre bouche affamée. Vos dents ? Mais bons dieux ! Où m’embarrasserai-je, elles sont plus à craindre que vos bras, leur chancre et leur longueur m’épouvantent, aussi bien quelqu’un me reprocherait que c’est trop berner un homme, qui dit m’estimer beaucoup. Donc, ô plaisant petit singe, ô marionnette incarnée, cela serait-il possible ; mais je vois que vous vous cabrez de ce glorieux sobriquet ! Hélas, demandez ce que vous êtes à tout le monde, et vous verrez si tout le monde ne dit pas que vous n’avez rien d’homme que la ressemblance d’un Magot : ce n’est pas pourtant, quoique je vous compare à ce petit homme à quatre pattes ni que je pense que vous raisonniez aussi bien qu’un singe. Non, non, mêler gambade, car quand je vous contemple si décharné, je m’imagine que vos nerfs sont assez secs et assez préparés pour exciter, en vous remuant, ce bruit que vous appelez parole, c’est infailliblement ce qui est cause que vous jasez et frétillez sans intervalle. Mais puisque parler y a, apprenez-moi de grâce si vous parlez à force de remuer ou si vous remuez à force de parler, ce qui fait soupçonner que tout le tintamarre que vous faites ne vient pas de votre langue, c’est qu’une langue seule ne saurait dire le quart de ce que vous dites, et que la plupart de vos discours sont tellement éloignés de la raison qu’on voit bien que vous parlez pas un endroit qui n’est pas fort près du cerveau. Enfin, mon petit gentil Godenot, il est vrai que vous êtes toute langue, que s’il n’y avait point d’impiété d’adapter les choses saintes aux profanes, je croirais que saint Jean prophétisait de vos quand il écrivit que la parole s’était faite chair ; et en effet s’il me fallait écrire autant que vous parlez, j’aurais besoin de devenir plume. Mais puisque cela ne se peut, vous me permettrez de vous dire adieu. Adieu donc, mon camarade, sans compliment, aussi bien seriez-vous trop mal obéi si j’étais
Votre serviteur.
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Pierrot Lunaire
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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyLun 10 Sep - 8:55

xD !

Et de mon côté, je vous propose de continuer votre petit voyage en 1896 : en 1924, un certain Pierre Lièvre énumère nombre de détails disparus, des noms, des images ... De quoi être dépaysé et en apprendre un peu plus sur l'époque fin-de-siècle. (Je me permets de mettre le lien parce que c'est un peu long, et puis en plus, c'est illustré) Wink
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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyLun 8 Oct - 22:56

Double-post mais depuis, il y a prescription ! Un joli passage qui clôt l'avant-propos de La Vie de Patachon de Pierre de Régnier (1930) :

Citation :
La vie est une chose tellement courte et tellement bizarre qu'il faut se hâter de la décrire dans ce qu'elle a de plus agréable ; heureux ceux qui, comme moi, auront eu la bonne fortune d'en fixer les instants qui peuvent avoir une suite, en laissant à l'avenir le soin mathématique, hasardeux ou fatal d'en chanter le souvenir ou d'en modeler les cendres.
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Charles-Armand de Lonsay
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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptySam 16 Fév - 5:58

Pour changer de ton et d'époque, un poème mindfuck d'un grand rhétoriqueur, Jean Molinet :

Ma très douce nourriture,
Quel déplaisir me fais-tu !

Ma très douce nourriture !
Tu avais en ma clôture
Femme pleine de vertus
Et précieuse vêture ;
Mais tu as changé pâture
Et puis tu es revenu,
Et je t’ai entretenu
Comme on fait, à l’aventure,
Un pèlerin mal vêtu ;
Mon seul fils, ma géniture,
Quel déplaisir me fais-tu !

Que déplaisir me fais-tu,
Ma très douce nourriture !

Quel déplaisir me fais-tu !
Tu n’ajoutes un fétu
À ma grand déconfiture ;
Dix et sept ans inconnu,
Comme étranger pauvre et nu,
As été en notre cure,
Voyant le pleur, soin et cure
Que pour toi ai soutenu,
Mais de ma douleur obscure,
Ne t’es guère souvenu,
Ma très douce nourriture.


Note sur la forme : il s'agit d'un double fatras, le fatras étant un poème constitué d'un distique et d'un onzain dont le premier vers est le premier du distique et le dernier, le second du distique. Ici, Molinet fait un double fatras, c'est-à-dire qu'il inverse les vers du premier distique dans le second. :)
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Jules Spéret
La perfection n'existe que dans mon miroir
Jules Spéret

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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyVen 15 Mar - 9:06

Changeons un peu de sujet... ^^ Je vous donne le lien d'un documentaire de la BBC sur Beethoven, en 3 grands épisodes (et 18 parties sur Youtube). Il est esthétiquement pas mal du tout (le réalisateur a même assez souvent fait l'effort de prendre des acteurs ressemblant aux personnages historiques), historiquement assez correct (bon, y'a des erreurs, mais pas tant que ça ^^) et conçu comme le récit de la vie de Beethoven telle que racontée par ses contemporains. C'est en anglais, mais en général assez facile à comprendre. ^^

La première partie est ici : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Very Happy
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Pierrot Lunaire
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MessageSujet: Re: La Culture des Chapeaux en milieu exotique   La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 EmptyMer 20 Mar - 11:40

Je l'aurais personnellement mis dans les Conversations de boudoir, vu qu'ici c'est un topic de citations. A moins qu'on ne considère que tu cites le documentaire, mais c'est un peu tordu... Razz

De mon côté, je viens de retomber sur un passage assez drôle et qui montre bien ce genre d'occasions manquées qu'on a dans la vie ... C'est Maurice Magre qui parle, il débarque à Paris tout jeune, à la fin du XIXe, et se rend à la Taverne du Panthéon, un bar du Quartier Latin :

Citation :
Là Stuart Merril devait me présenter une fois un homme glabre et gros, aux yeux lointains, et dont le physique correspondait à l’idée que je pouvais me faire alors d’un marchand de chevaux américains. Le nom qu’il prononça ne m’était que vaguement inconnu. L’homme glabre me sembla taciturne et ennuyeux. Quelque futile rendez-vous m’appelait. Je prononçai de confuses paroles et me hâtai de quitter ce groupe. Sois maudite, stupidité du jeune âge, puisque j’ai pu trouver ennuyeux, un de ceux qui a donné le plus de magnificence au verbe, le plus d’étendue et de lumière à l’esprit, puisque je n’ai pas offert le petit présent d’admiration qui aurait fait du bien au grand homme méconnu, abandonné, perdu parmi le vain peuple d’un bar comme dans un désert, puisque je ne me suis pas prosterné sur le sol souillé devant l’admirable Oscar Wilde.

En un mot : Epic fail ! La Culture des Chapeaux en milieu exotique - Page 2 1358443823

Et j'en profite pour réaffirmer le principe du topic (eh ouais, je suis comme ça, moi) : c'est un topic de citations, vous pouvez donc citer ce que vous voulez, même si ça vous semble en décalage avec ce qui a déjà été mis : pourquoi pas donner aussi des répliques de films, des paroles de chansons, etc. ? Le principe est de partager ses coups de cœur ...

Enfin, essayez à l'avenir de privilégier les citations relativement courtes (ou, à défaut, mettez un lien). Lire de longs textes sans espace sur le forum, ce n'est pas le plus agréable. En un mot, je rappelle que c'est ouvert à tous, et pas seulement aux littéraires en herbe. Pour m'auto-citer (et les lecteurs du premier post de ce sujet auront le droit de se moquer) : "Sentez-vous libres de proposer des grands classiques, des choses moins connues et/ou plus actuelles, des ouvrages de tous les genres ... Le sujet est potentiellement très ouvert tant que la citation représente quelque chose pour vous."
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