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 Achetez des livres, qu'y disaient ...

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Octave Canard-Mauperché
Encore une victoire de canard !
Octave Canard-Mauperché

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MessageSujet: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMar 11 Déc - 3:08

Matinée normale à la Librairie de la Chimère ... ou presque. Raymonde, qui n'avait jamais abandonné le petit commerce, souffrait ce matin-là d'un vilain mal de tête et garda la chambre. Octave lui avait assuré, grand seigneur, que cela n'est pas grave : on était un mardi et la librairie était toujours calme le mardi. La prédiction se vérifia dans les premières heures d'ouverture : pas un chat ! Les étudiants dormaient encore, les mystiques priaient déjà et les spirites devaient s'être égarés à la suite de leurs fantômes. Restaient la race indéfinissable des bibliophiles, qui surgissaient n'importe quand, et des curieux, qui encombraient la minuscule boutique pour rien. Pour l'heure, aucun de ces deux spécimens n'avait montré le bout de son nez.

Octave s'était donc installé, ses lorgnons trônant fièrement sur son nez, et lisait le dernier numéro de la Revue mauve, marquant au crayon les passages qui lui plaisaient ... et barrant d'un trait rageur les bêtises. Il lut avec intérêt l'entrefilet qui avait été glissé, concernant le gagnant de la première chasse au trésor, et se demanda ce que Jules avait bien pu en penser. Pris d'enthousiasme à l'idée de lui poser la question, il se leva d'un bond - grogna de douleur, car il n'avait plus vingt ans - et se rassit, tout penaud. En l'absence de Raymonde, personne pour tenir la boutique ...

Le seul intérêt de cette convalescence, c'était que son épouse dévouée allait recevoir tout de suite le courrier, et qu'elle viendrait lui indiquer les missives importantes. Ô douce Raymonde ... ! Et tandis que M. Mauperché, derrière ses bésicles et sa revue, s'attendrissait sur sa vieille femme (n'avait-elle pas quarante ans ?), la porte de la petite boutique grinça et accueillit son premier client. Le bonhomme jeta un œil par-dessus sa lecture et salua le nouveau venu, sans autre empressement de commerçant. Tout chose viendrait à son heure ...

Citation :
Et voilà, libre à vous de poster ! Comme d'hab, MP en cas de souci. Achetez des livres, qu'y disaient ... 2483377738
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Donatien Merveaux
Aristarque des Joyaux
Donatien Merveaux

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMar 11 Déc - 8:52

Un mien ami m'avait conseillé récemment un livre. L'auteur serait "le nouveau Flaubert", m'a t-il dit. Cela me fait doucement rire. Je n'aime pas Flaubert, ni ses histoires populaires ni son style lourd et redondant... Alors ce livre ne m'inspirait guère. Et c'est pour ça que je voulais le lire, pour pouvoir le carboniser de ma plume flamboyante par la suite.

Je me rendais donc à une petite librairie appelée La Chimère. Située non loin du Théâtre d'Art, le lieu était pour le moins étroit. J'entrais dans la boutique, me laissant assaillir par l'odeur de poussière, de plomb, de livre neuf et moins neuf... Je dois reconnaitre que c'est le genre d'odeur que j'apprécie grandement. J'aperçus le propriétaire au fond de la boutique et je le saluais d'un signe de tête avant de commencer mes recherches. Le livre s'appelait Le Vil et l'Ingénue... Rien que le titre était critiquable. J'allais me régaler.

En cherchant, j'aperçois d'autres livres qui me tentent bien plus... Jules Verne, notamment... Pour une raison que je ne saurais expliquer, les livres de Verne m'ont toujours fasciner. Je retire du rayonnage son nouveau roman: Le Sphinx des Glaces. Je le feuillette doucement, réfléchissant à combien j'avais dans mon portefeuille et si je pouvais me permettre d'acheter à la fois le probablement médiocre livre du "nouveau Flaubert" et le probablement excellent livre de Verne...
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Léopold Garnier-Brissac
Naturalisme pas mort !
Léopold Garnier-Brissac

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMar 11 Déc - 10:56

Léopold n'était pas un gros dormeur, il ne l'avait jamais été, et ses insomnies ne s'arrangeaient pas ; il se retrouva donc sur le pavé de la rue de Bretonvillier tôt dans la matinée. Il avait décidé de se rendre à son travail - un petit cabinet de lecture près du Luxembourg - avec une heure d'avance. Sa patronne ne lui en tiendrait pas rigueur d'ailleurs, car elle le laissait souvent ouvrir et fermer le cabinet seul. Notre écrivain enfourcha donc son vélocipède et s'élança dans les rues humides et brumeuses de Paris, zigzaguant entre les lèves-tôt et les couches-tard.

C'est en flânant ainsi dans les petites rues du VIème arrondissement qu'il aperçut la devanture bigarrée d'une librairie portant le nom de "La Chimère" ; ce nom pour le moins étrange et son étalage disparate d'ancien et de neuf intrigua Léopold qui ne rechignait jamais devant un bon gros grimoire débordant d'inspiration pour ses nouvelles. Il s'arrêta donc devant la petite boutique et attacha son vélocipède à un réverbère avant de s'y engouffrer en frissonnant.

En jetant un coup d'oeil autour de lui, Léopold ne put réprimer un petit sourire : l'atmosphère était légèrement poussiéreuse, les livres s'entassaient dans un chaos échappant à toute logique et le patron semblait faire ses mots croisés ; c'était tout à fait le genre d'endroit qui lui plaisait. Il salua donc les deux hommes présents dans la boutique d'un petit signe de tête et enleva ses gants pour pouvoir examiner avec rigueur les livres qui l'entouraient. Léopold remarqua alors que le patron lisait en fait la Revue Mauve, et il engagea la conversation d'un ton avenant :

Ah, la Revue Mauve ! Que pensez-vous de ce nouveau numéro ?

La dernière nouvelle de Léopold avait été publiée dans ce numéro de la Revue, et tout avis était bon à prendre. Tandis qu'il parlait, son regard tomba sur A Rebours d' Huysmans : il en avait beaucoup entendu parler, et était curieux de découvrir ce que ce disciple de Zola avait bien pu écrire. Aussi prit-il soin de feuilleter le recueil pour se donner une idée de son contenu tout en gardant une oreille attentive au commerçant.
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Octave Canard-Mauperché
Encore une victoire de canard !
Octave Canard-Mauperché

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyJeu 13 Déc - 21:48

Un client, puis deux ... Octave se détacha à peine de sa lecture, cependant, saluant d'un vague signe de tête ces deux curieux olibrius qui feuilletaient les livres comme on épluche des oranges. L'un deux, cependant, releva le nom de la revue et Octave le fixa d'un regard qui se voulait pénétrant - qui se voulait seulement, semblait-il.

- Hé bien, Monsieur, pas mal du tout, comme d'habitude. Inégal, aussi, mais c'est le propre des revues littéraires, je le crains ... Au fond, je regrette simplement ce Panthoum un peu ridicule, que Jules a dû introduire en le maudissant*. Tout ça pour ... Enfin, ce qu'on ne ferait pas pour un peu de renommée, n'est-ce pas ... ?

Alors qu'il répondait, il remarqua que son client s'était absorbé dans une lecture. Curieux tout de même, il se leva et vint voir de plus près l'objet de son intérêt. A vrai dire, dès qu'il y avait des gens dans sa librairie, Octave se sentait bougon, mal à l'aise. Passionné de littérature et fervent bibliophile, il restait, finalement, assez mauvais commerçant - contrairement à M. Spéret qui associait à une exigence littéraire un peu folle un grand sens des affaires. Quel dommage que Raymonde ne soit pas là ... Cependant, le fil de ses pensées s'interrompit quand il découvrit avec surprise que c'était le chef d’œuvre de Huysmans que son homme feuilletait avec curiosité. On faisait mieux, en terme de nouveauté !

- On révise ses classiques, Monsieur ? L'édition originale, bien sûr. Elle vaudra son pesant d'or d'ici quelques années.

Se tournant vers l'autre client potentiel, plus discret, Octave ajouta :

- Et vous, Monsieur, puis-je vous être utile ?

Mais l'intéressé eut-il le temps de répondre ? La petite clochette retentit de nouveau et notre brave libraire se sentit abandonné des dieux.

Citation :
* Voir revue de presse.
Et toutes mes excuses pour le caractère acariâtre de ce personnage et ses jugements bien arrêtés xD

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Augustin Lepic
Une belle écriture mène à tout.
Augustin Lepic

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 14 Déc - 11:22

[Gnossienne]

Typhus. Le mot est risible. Quand on le prononce on a l’impression de faire une mauvaise blague, d’appeler un animal ou de parler d’orages exotiques… N’est-ce pas ? La réalité est moins drôle. Un enfant qui se plaint de la tête, qui frissonne… Bah, une mauvaise grippe. Mais non, le médecin prononce le mot étrange : typhus. Deux cas avérés dans l’école, c’en est trop ; le directeur a réclamé la quarantaine sanitaire. Les gamins ont sauté de joie : pas classe jusqu’à vendredi ! Le sort des camarades malades leur importe peu, tant qu’ils peuvent échapper à la table des sept.

Augustin, lui aussi, a erré dans Paris comme un gosse qui ne sait que faire de sa liberté. Il est allé au Luxembourg, où il a fait voguer le bateau qu’il a construit la veille. Il aime cela, les maquettes. Ce dernier voilier, il l’a peint tout en vert et sur la coque il a inscrit son nom, en belles lettres blanches : Dame Jeanne. Il n’y avait pas beaucoup de vent mais l’embarcation a fait son possible pour voguer et Augustin était content. Le gardien s’est habitué à voir l’instituteur au plan d’eau avec les bonnes d’enfants et ils discutent tous les deux, parfois.

Hier soir, Augustin était au café. Il y avait un pianiste, un drôle de type en costume de velours, qui a joué de drôles de trucs. Des valses, d’abord, qui avaient semblé assez jolies à l’instituteur. Et puis, comme l’heure avançait, le type s’était laissé happer par la nuit, il avait ralenti le tempo, il avait joué des morceaux étranges et tristes. Dérangeants. Augustin n’avait pas voulu rentrer chez lui, il était resté là, à écouter le pianiste. Il ne restait plus grand-monde ; un ami du musicien, à la table d’à côté, avait glissé quelques mots à Augustin. Il avait fait une plaisanterie, apparemment, mais Augustin n’avait pas compris… Il était question d’ « Eglise métropolitaine », de « bachelier en kabbale »… En rentrant chez lui, Augustin entendait encore ce dernier morceau, le plus lent, où chaque note atteignait son but. Il s’était demandé ce que cette musique avait à voir avec les paroles vaguement occultes de quelqu’un qui le croyait initié.

Et puis ce matin, en passant devant une vitrine, il s’arrête, interpellé par ce qu’il voit : entre quelques gros livres, il reconnaît sur une brochure le signe qu’il a aperçu entre les mains du bonhomme d’hier. Une croix jaune, des roses, des rayons… Le tout surmonté d’un titre accrocheur : Le surnaturel n’existe pas. Augustin fronce les sourcils, hésite, regarde le reste de la vitrine. Puis il se décide. Il voudrait comprendre la musique qu’il a entendue hier.

Il entre.

« Messieurs… »

Un instant, il croit reconnaître le pianiste du café… mais non, ce n’est que le libraire. La ressemblance est troublante pourtant, malgré la différence d’âge. Mal à l’aise, Augustin attend son tour. Sa main caresse doucement les ouvrages qui l’entourent. Il se demande ce qu’il fait là et, instinctivement, il récite en silence : Pater noster, qui es in caelis
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La Pie Lazuli

La Pie Lazuli

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 21 Déc - 4:20

Le goût âpre de l’humiliation à la bouche, la Pie arpentait les rues de la capitale, l’air morose – vaine tentative de s’accommoder aux couleurs locales du paysage, sa mauvaise humeur peinant à diminuer le piquant de son pardessus. Traversant le sixième, sa route croisa celle d’un galant en bicycle et il n’en fallut pas moins à l’oiseau pour se réjouir : un deux roues, c’était signe de quelque fortune ! Et c’est souriant à la sienne qu’il se mit à lui courir après, sûr d’on ne sait quelle certitude que le sieur allait s’arrêter à un moment, proche, bien évidemment.

Or la providence nous enseigne-t-elle pas à nous méfier de pressentiment ? A ce petit jeu, il faillit perdre une jambe – et c’eut bien été pas d’chance – et manqua même de se faire renverser. Un cheval l’insulta – ou était-ce plutôt le cavalier, enfin, l’autre ! – peu importe ! Sorti de son cochemar*, le filou acheva sa course devant une librairie – hein ! – et voyant que sa proie installait son vélo, il s’arrêta un peu plus loin pour rester discret (et pour reprendre son souffle, car il soufflait comme un bœuf)...

Une fois redevenu décent il prit son air le plus naturel et pénétra l’antre de culture encéphalique. En rentrant, il eût plaisir à constater que son quart d’heure était accompagné de quelques beaux hors d’œuvres. Ma que bella cosa ! Une belle brochette de bourses que voilà. Et du mouvement, en plus :

- On révise ses classiques, Monsieur ? L'édition originale, bien sûr. Elle vaudra son pesant d'or d'ici quelques années.

Les oreilles grand ouvertes, il ne fallut pas longtemps au moineau pour comprendre que si la pécule des chalants ici présent lui faisait défaut, il pourrait encore se rabattre sur la paperasse…



*Cochemar (Rigaud, 1888) : Cocher ; formation argotique par la terminaison mar.
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Elke von Herzfänger
Un jour je serais, le meilleur dandy, je moustach'rai sans répit
Elke von Herzfänger

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 21 Déc - 4:45

Or, il ne faut jamais douter de ce que la société peut vous apporter. Seul et désœuvré, il avait fini par se constituer un petit cercle de connaissances et cela tant par l’usage des journaux que par ceux qu’on appelle mondain. Ayant correctement lu l’un et l’autre, il avait de fil en aiguille réussi à obtenir tout un tas d’informations et c’étaient celles-ci même qui l’avaient amené jusqu’ici.

Une librairie où l’on trouve bien des choses, lui avait-on dit, et des plus surprenantes, avait-on ajouté dans un sourire complice. Alors, il était venu, par cette merveilleuse matinée, se perdre dans les rayons de ses illusions. Ouvrant la porte de La Chimère, il salua les quelques clients arrivés avant lui et, profitant que Mauperché semblait déjà occupé à s’embarrasser avec un gentilhomme, il fila à la recherche de quelque perle noire au fin fond des étagères.
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Donatien Merveaux
Aristarque des Joyaux
Donatien Merveaux

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptySam 22 Déc - 5:54

Depuis mon arrivée dans la librairie, quatre autres personnes étaient entrées. C'est tout à fait déplaisant. Le lieu est ridiculement petit et je n'ai pas la moindre envie de me retrouver coincé entre des inconnus. Dont l'un n'a pas l'air très propre, qui plus est. Ni très propre, ni très honnête. Mais j'imagine que c'est le cas de nombreux hères à Paris. Une ville aux allures de Sodome et Gomorrhe, où la population n'est que vice... Peut-être en fais-je un peu trop... Mais toute cette racaille mal dégrossie et à l'air vicieux m'emplit de dégoût.

Je soupire en reposant Le Vil et l'Ingénue dans son rayon. Hors de question que je lise ça. Je me demande même ce que peut faire cet ouvrage dans cette librairie qui, après un coup d’œil plus attentif, semble plus orientée sur le spiritisme, le mysticisme, le fantastique et autres enfantillages. Néanmoins je suis curieux, parcourant du regard les rayonnages mon regard bute sur certains livres aux titres mystérieux.
Je me redresse. Non, je n'ai ni le temps ni l'argent pour ce genre de... gamineries stupides. La sorcellerie n'existe pas, alors à quoi bon lire des livres à ce sujet? Je préfère me concentrer sur de la vraie littérature....

Tiens, d'ailleurs il me semble qu'un des clients s'intéresse à Hugo. Enfin quelqu'un de sain d'esprit...
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Octave Canard-Mauperché
Encore une victoire de canard !
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyJeu 27 Déc - 23:19

Trop de clients, trop de clients et pas assez de place. Un bon commerçant se fût réjouit d'une telle affluence et en aurait profité pour faire étalage des richesses de ses étals. Octave, lui, se renfrognait de plus en plus, et commençait à se demander comment il pourrait s'en sortir ... Cramponné à se revue, il les regardait évoluer, curieux, presque soupçonneux ... Mais plus personne ne semblait destiné à entrer et Octave se rasséréna quelque peu. Après tout, les clients étaient en général assez grands pour se débrouiller tout seuls, cela se conclurait sans doute ...

- OCTAAAAVE ! SACRELOTTE ET JARNICOTTONBLEU* ! AAAAAH TU VAS M'ENTENDRE !

Dans le calme et la bonne humeur ? Un ange passe ... Octave cligna des yeux, abasourdi, son oeil courant d'un client à l'autre. De l'arrière-boutique, Raymonde surgit alors en furie ... et en robe de chambre. De son bonnet de nuit s'échappaient quelques mèches brunes, et le froufrou de ses jupons étaient aussi menaçants qu'un vent d'orage. Un court, un infime instant, elle sembla se figer devant les clients - un éclair de panique dans le regard - la librairie est rarement si visitée le matin... et puis la colère reprend le dessus.

- OH ! Et puis c'est très bien comme ça ! Comme si j'avais des choses à cacher, MOI !

- Mais enfin, Raymoooonnnn..., commença le pauvre libraire, de sa voix la plus douce ... en vain.

- AH TU VAS TE TAIRE ! Quand on fait des misères à sa femme, faut s'attendre à du malheur, et puis c'est tout !

Et, se tournant vers les clients, elle désigna Octave. Elle était blanche et ses yeux semblaient prêts à foudroyer sur place le moindre opposant. Un vrai dragon, la vertu et le dévouement transformés en rage. Si l'on savait les ravages du monde sur les honnêtes femmes ... Notre pauvre Raymonde, si réservée habituellement, si serviable, si convenable dans leur petite bohème bourgeoise, elle ne se sentait pas même dérangée par l'idée qu'elle paraissait devant cinq inconnus en bonnet de nuit, papillotes et robe de chambre. Pour elle, rien d'autre ne comptait que le drame qui s'était révélé à elle, ce matin-là ... Elle déclara d'une voix tremblante :

- Messieurs, vous avez devant vous l'exemple parfait du mari indigne ! Je suis une femme abusée, trompée !

Octave tenta de couper court, plus fermement cette fois, mais cela déclencha d'autres cris, plus terribles encore ... Mais soudain, Raymonde se redressa. Avait-elle décelé un mouvement de fuite ou quelqu'un avait-il vraiment tenté de s'enfuir ? Elle fronça les sourcils et tonna de nouveau, terrible :

- AH JE VOUS INTERDIS DE PARTIR ! Pas avant qu'cette histoire soit réglée. Puis c'est bien simple ...

Elle sort de la poche de sa robe de chambre une petite clé, se précipite vers la porte et la ferme de l'intérieur.

- PERSONNE ne sortira avant que justice soit faite.

Et d'un geste théâtral, elle jeta une lettre par terre, d'où s'échappait un objet étrange ... qu'on ne s'attendrait pas à trouver dans un courrier. Octave était verdâtre. Comment se sortir de ce mauvais pas, à présent ... ?

Citation :
* Il n'est pas étonnant que l'épouse d'un tel libraire ait des jurons jarryesques ... quand elle perd le contrôle. Razz

Raymonde dans son état normal
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Augustin Lepic
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 28 Déc - 10:05

Et ne nos inducas in tentationem, sed libera nos a… malo ? De fait, c’est bien le démon lui-même qui semble avoir surgi dans la petite librairie. Eberlué, Augustin a reculé d’un pas et regarde la furie à l’œuvre. Il a complètement oublié pourquoi il est là – le libraire, d’ailleurs, s’est désintéressé de ses potentiels clients bien avant l’irruption de sa femme. L’instituteur hésite ; faut-il s’amuser de cette colérique intervention ? C’est tentant, à vrai dire. Avec une lâcheté toute masculine, il voudrait bien rester extérieur à la petite scène de ménage.

Et puis… son regard tombe sur le bonnet de nuit, qui lui rappelle celui de sa propre femme. Les boucles qui s’en échappent l’émeuvent. L’image de Constance s’impose alors brutalement, le prend au cœur ; rassemblant tout son courage, elle aurait pris la défense de l’épouse trahie, de la malheureuse en robe de chambre ; elle se serait postée aux côtés de Raymonde, aurait relevé le menton et mis ces messieurs au défi de rire. Et Augustin sent bien qu’il ne pourra pas abandonner Raymonde aux sarcasmes sans avoir l’impression d’y livrer sa propre épouse.

En attendant, la situation est délicate. Un silence terrible a accueilli la dernière déclaration de Raymonde. Les voilà tous enfermés pour régler cette affaire à huis clos. Quant à faire justice, Augustin serait bien en peine de savoir comment. L’air est de plomb. Doucement, Augustin se penche pour ramasser la lettre, la parcourt des yeux, pose un regard étonné sur la jolie jarretelle qu’il tient entre ses mains… puis sur le libraire, qu’il n’aurait pas qualifié spontanément de « turbulent ami ». Sans Constance, Augustin aurait volontiers ri. Quelle histoire, vraiment ! Il repose le paquet sur la pile de livres la plus proche, hésite. Il n’a pas vraiment l’âme d’un juge ; les seuls drames qu’il arbitre ont pour décor une cour de récréation.

De sa voix basse, qui contraste tellement avec les hurlements de Raymonde, il tente sans trop y croire le coup de la délicatesse :

« Peut-être que Monsieur pourrait vous fournir des explications en tête-à-tête ? Nous pourrions sortir un moment. »

Et il a un geste vers la porte, sans oser toutefois s’en approcher trop au risque de réveiller la fureur de la gardienne des clés.
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Elke von Herzfänger
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 28 Déc - 12:12

Quelle furie ! Quelle drame ! Quelle actrice ! Il ne s'attendait pas à telle agitation, mais c'était ravissant. Elke se réjouît immédiatement et par anticipation d'une telle scène, s'imaginant déjà en pouffer au prochain dîner mondain : "Vous l'imaginez, le gros bouffi ! Il serait bienvenu pourtant que il prenne sa retraite ! D'abord qui a pu bien vouloir de lui ? Oh si vous avez vu l'objet ! Un belle pièce de lingerie, pourtant, Monsieur paye le luxe de la bourgeoise !"

Nonobstant les mouvements qui naissaient alentours, et par respect pour une comédie si bien soignée, Elke prit les devants de la scène. Allant au secours de l'infortunée pour lui témoigner réconfort, il s'adressa au libraire comme s'il avait été le seul à le faire :
"Un m'avait promis des surprises chez vous, au moins répondez-vous à votre réputation. Mais voilà un évènement pour la ternir. Alors Monsieur Mauperché, le canard n'est-il pas un animal fidèle* ? Ah non, vraiment, Monsieur, comment osez-vous outrager un si belle fleur !" Lança t-il en tendant un bras amical à Raymonde, défaite, afin de lui signifier sa compassion.










* référence quelque peu alambiquée à ceci (un peu vieux, mais délicieux quand même : 3) :
Canard (Larchey, 1865) : Sobriquet amical donné aux maris fidèles. Le canard aime à marcher de compagnie.


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Octave Canard-Mauperché
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Octave Canard-Mauperché

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyLun 14 Jan - 23:49

Octave eut un élan de reconnaissance vers le premier client, un mouvement de haine vers le second. Deux autres gardaient encore le silence et le libraire espérait presque que l'un d'eux briserait la porte ou encore déroberait la clé à sa femme furibonde. Raymonde, d'ailleurs, reprenait déjà :

- Non, non, non ! tempêta-t-elle, si vous me laissez avec lui, nul doute qu'il mourra sous ses SATANES LIVRES !

Cheveux longs, idées courtes, n'est-ce pas ? Elle ricana, par la suite, à la remarque du second client, tandis qu'Octave tentait, bon an mal an, de reprendre les rênes.

- Monsieur, je vous prie de garder vos sarcasmes ! Quant à l'outrage ... - Il se tourna vers l'intransigeante - Comment pouvez-vous penser, mimie ... - AH NE M'APPELLE PAS MIMIE ! - Oh, ma mie ! Est-ce mon genre ? Est-ce de mon âge ? Messieurs, plaidez pour moi ! Ai-je une tête à batifoler ? Vous ai-je déjà manqué de respect ?

L'épouse sembla hésiter un instant - son armure se fissurait-elle déjà ? - mais elle s'assombrit de nouveau, très vite et reprit d'une voix tout aussi décidée :

- Et alors ? S'il a envie de se moquer ! Il peut bien, n'est-ce pas ridicule ?! Messieurs, je vous prends à témoin : j'ai tout donné à ce mariage, je m'occupe du foyer, de la boutique, j'ai dû renoncer aux douceurs de ma vie d'antan - plus de réception, plus de bals ! - et TOUT CA pour un homme qui me bafoue ? Et c'est normal, ça ? Vous, là ! Et vous, qui ricanez dans votre coin ! Vous trouvez ça normal, c'est ça ? Le foyer traîné dans la boue ! Et une créature qui me nargue, moi, une épouse exemplaire ?! Je veux un juge ! Je veux un défenseur !

Sa voix trembla un peu, et une larme coula de son œil. Était-ce de la douleur, de la rage ?Elle semblait chercher du soutien, une consolation parmi les clients, oubliant que leur statut était bien plus celui du mari accusé que celui de l'épouse bafouée ... Raymonde reprit son souffle et réajusta avec pudeur son bonnet de nuit qui tombait, dévoilant des cheveux bruns bouclés, encore beaux.

- Ah je suis peut-être plus très jeune, mais j'me laisserai pas faire, MOI !

Et les clients, ils allaient se laisser faire, eux ?
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Donatien Merveaux
Aristarque des Joyaux
Donatien Merveaux

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMar 15 Jan - 7:03

J'ai eu un petit sursaut lorsque la harpie débraillée est entrée, je l'avoue. Mais une fois la première frayeur passée, c'est l'agacement qui m'a gagné. N'y avait-il plus un seul endroit paisible dans Paris? Fallait-il vraiment que la donzelle vienne faire sa scène de ménage devant nous, clients? Visiblement oui. D'ailleurs elle ne semble pas prête à nous laisser partir, ce qui me chagrine quelque peu, l'estomac me taraudant je suis pressé de rentrer chez moi.

La scène devient un tantinet plus intéressante lorsque la cornue présumée exhibe devant nos yeux de témoins une pièce de lingerie des plus coquette. Je souris, l'amusement me gagnant.
Un des clients tente de subrepticement s'esquiver par une pirouette verbale, mais la mégère montrant les crocs, il se ravise.
Un autre, grand diable noiraud, préfère jouer le rôle de corneille en moquant le pauvre libraire qui paraît de plus en plus désemparé.
Ah non, il se reprend un peu. En commençant par moucher le jeune pédant puis en tentant d'amadouer son cerbère froufroutant. Ce qui ne marche pas outre mesure. En bon diplomate, je décide d'imiter le jeune ténébreux et d'ajouter mon grain de sel. Il faut bien s'amuser, n'est-ce pas?

-Madame, je ne suis pas juge, ni avocat mais permettez moi de vous défendre.

Je me tourne vers le libraire.

-Mon bon monsieur, reconnaissez tout de même que vous y allez un peu fort en traitant ainsi une si fidèle épouse, d'autant plus qu'elle semble nantie de fort nombreuses qualités (à commencer par son superbe organe vocal). Vous êtes un goujat monsieur. On ne cocufie pas pareille créature.... - je jette un rapide coup d’œil à la furie - Même s'il faut reconnaitre qu'elle est hideuse...

Les derniers mots m'ont quelque peu échappés... Mais j'ai des goûts extrêmement stricts en matière de femmes, et celle ci ne rentre dans aucun de mes critères de préférence. Je me sens tout de même comme un apprenti sorcier qui vient de déchainer les éléments.

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Augustin Lepic
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Augustin Lepic

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 18 Jan - 10:05

Augustin n’aime pas se battre.

Contrairement à certains de ses confrères à la main leste, il n’est pas adepte des châtiments corporels. Il a la férule en horreur. Le martinet le répugne. Et si sa règle, parfois, s’abat sur les doigts de l’élève insolent ou paresseux, c’est toujours avec mesure et gravité. L’autorité de monsieur Lepic ne réside pas dans sa baguette.

Augustin n’aime pas se battre. Il n’a jamais aimé.

Des coups, pourtant, il en a donnés. Lorsque, enfant, Joseph l’appelait au secours dans une bagarre ; Augustin posait alors son livre en soupirant, et venait prêter main-forte à son frère. Lorsque, du haut de ses quatorze ans, il avait surpris Pierre Vincheneux en train de fouetter le petit Jeannot de la ferme d’à côté ; il n’avait pas hésité, alors, à jouer des poings.
Car si Augustin a une écriture d’intellectuel, un cœur de pacifiste et une âme de chrétien, il a des bons poings de paysan.

Aussi, quand il entend l’odieuse réplique de ce grand bonhomme au teint gris, il n’a pas vraiment d’hésitation. Sa tête est étrangement lasse ; c'est son cœur qui réfléchit, ce sont ses muscles qui se souviennent.

Son poing se lance.
Avec fermeté, mais sans force. Sans crainte, sans jubilation et sans haine non plus. Avec une absence de passion surprenante.

Demain, Donatien Merveaux aura peut-être un œil un peu plus cerné que l’autre.
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Elke von Herzfänger
Un jour je serais, le meilleur dandy, je moustach'rai sans répit
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMer 30 Jan - 0:46

C'était quelques secondes avant la détente, faussement sympathique, l'allemand récitait sa réplique : "Madame, certainement vous êtes bafouée, et assurément, il n'est pas de vôtre côté, le destin..." Puis le mouvement fut efficace, sans fioriture. C'était d'une élégance raffinée que le garçon approuva dans sa tête, pendant que son bras enjoignait "Raymoooonnnn" à se reculer. Mais sans outrepasser sa compassion, il avança vers le deuxième couple en discorde et passant devant la femme qu'ici, on battait et il lui lança non sans y prendre plaisir : "Monsieur, sachez que vous défendez fort mal !" avant de continuer sa route pour se placer un peu plus loin, au centre.

Puis s'adressant à Mauperché :
"Mais Monsieur, nous savons que la tête ce n'est pas très révélatrice dans ces affaires. Parlez plutôt de les belles choses que vous avez promis à la fille. Ou peut-être de celles que vous avez offerte." Et dans l'élan - car il n'avait cessé de marcher le long de son réquisitoire - il attrapa sur le bureau un ouvre lettre en bois joliment ouvragé, et commença à jouer avec, machinalement.
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La Pie Lazuli

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMer 30 Jan - 0:48

Il lorgnait nonchalamment et à grand peine le curieux assemblage reposant sur les étagères mais aucun bouquin ne lui semblait assez reluisant. Hélas, comme il ne pouvait comprendre la saveur de la stylistique ni l'attrait de la poésie, il était contraint de tout jugé par la couverture... qu'il distinguait assez grossièrement, par ailleurs.

Mais de l'autre côté ça s'agitait, et les cris alarmèrent bientôt l'animal. Le troupeau de bêlant et de bellâtres s'organisait vers les différents points stratégiques. Un coup de poing parti et il n'en fallut par plus à Jeannot pour se fondre dans la masse.

"Ohé on bastonne sans môi !" Il se rua sur un homme, un de taille et de corpulence approximative, certainement l'instigateur de la filade, et lui colla un pain mémorable, qui lui décolla les lorgnons du nez ; lorgnons, on précise, qui pour l'oiseau eût pu être d'une évidente utilité...
"Allez ! C'est qui dit juste ! Elle est ben hideuse la vieille ! Hein l'enflé, qu'est-ce t'as à taper ceux qui disent vrai !" Ajouta t-il verbalement et d'un bon coup de pied dans les côtes du pauvre infortuné qui était tombé.
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Octave Canard-Mauperché
Encore une victoire de canard !
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 1 Fév - 4:09

M. Mauperché ne savait où donner de la tête. Tout d'abord, il y eut l'affront fait à sa femme. Il commença à se récrier, en bon mari qu'il était : Non mais, qu'est-ce qui vous permet ... ! Mais l'un des hommes frappa le premier et Octave demeura abasourdi. Pendant ce temps-là, un allemand l'accusait, à tort, et l'enjoignait à détailler son infamie - et notre libraire, qui avait l'imagination fertile pour certaines choses, ne trouvait rien dans son pauvre esprit afin de se sortir de ce mauvais pas. Bien sûr ! En son jeune temps, il s'était rendu au Bordel - il avait même été un des habitués de la Reine blanche, dans ses vertes années ... Mais cela était révolu, bien révolu ! Et s'il traitait Raymonde de manière bourrue, il ne l'en respectait pas moins ...

- Monsieur, je n'ai rien à dire pour ma défense. C'est une horrible méprise, ou une mauvaise blague. - et se tournant vers Raymonde - Ô ma pauvre femme, on aura voulu vous abuser, vous faire souffrir ... Faites-donc sortir tout le monde, et expliquons-nous ...

Il n'avait pas même songé, tout à sa panique, à venir au secours de son client outragé. Est-ce cela qui causa sa perte ? Un drôle de bonhomme - le plus douteux de tous, à n'en point douter - surgit de la pénombre et lui colla une droite. Octave vit trente-six chandelles autour de sa tête ... et ce fut bien la seule chose qu'il vit, vu que ses lorgnons étaient tombés. Perdant l'équilibre, il tomba au sol... Raymonde poussa un cri étonnamment aigu. Ses cris s'intensifièrent quand l'homme asséna un coup de pied au vieil homme. Raymonde sortit alors la clé de sa poche et se précipita vers la porte d'un air éperdu. En jouant avec la clé dans la serrure, elle hurlait déjà :

- Au secours, on nous attaque ! A l'assassin ! A l'assassiiiiinnn !

A trop chercher la violence, on fait ameuter tout le quartier ... La porte s'ouvrit enfin en toute volée et Raymonde courut dehors, échevelée, les larmes aux yeux, agitant les bras dans sa frénésie. Déjà, des badauds accouraient, moqueurs, bien attentionnés, ou simplement curieux. Raymonde confia ses déboires à sa voisine, d'une voix devenue suraiguë par la panique. La réponse de la voisine n'était pas audible, mais celle-ci partit en courant, comme pour aller chercher quelque chose ... Octave, lui, cherchait toujours ses lorgnons, et marmonnait sonné, perclus de douleur, ravalant des sanglots - de douleur, de honte et de rage :

- Dans ma librairie ! Un tel scandale ... dans ma librairie ! Qui ferait confiance aux hommes, après ça ?

Raymonde revint à ses côtés, et le soutint pour l'aider à se relever, se montrant soudain aux petits soins avec son mari. Qui aurait pu croire que cela donnerait lieu à un tel pugilat ? Elle, qui pensait trouver dans les clients de la librairie des gens raisonnés et raisonnables ... Il n'y avait plus que raillerie et violence, après coup ... Elle pleurait. Puis ses yeux se portèrent sur la jarretelle, oubliée par terre. Ses larmes coulèrent de plus belle. Y aurait-il quelqu'un pour calmer l'incendie qu'elle avait, bien innocemment, allumé... ?
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Lise Champmézières
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptySam 2 Fév - 0:51

- C’bon, le paquet est livré à la librairie, M’dame.
- Parfait, parfait, avait d'abord répondu Lise, un brin distraite.
… Puis : « à la librairie ?? »
- Ben oui c’t’une librairie en fait ! 'Saviez pas ? Oh j’en suis sûre pasque j’ai d’mandé mon ch’min ! J’m’étais un peu perdue… Mais j’ai bien d’mandé M’sieur Canard, hein, vous z’inquiètez pas.
- Monsieur… Canard ?

Oh, la petite avait passé un sale quart d’heure. Un particulièrement sale quart d’heure. Elle avait bien tenté de protester à quelques reprises, lorsque ses sanglots s’apaisaient et que Lise reprenait sa respiration entre deux remontrances :

- Mais c’vous qui m’aviez dit M’sieur Canard…
- Canard ? CANARD ? COLVERT ! Monsieur COLVERT ! Si je vous ai parlé de canard, c’était pour vous aider à vous souvenir de COLVERT, ma fille ! Mais votre cervelle est une chantepleure dont on n’a jamais réussi à fermer le robinet, les instructions qu’on vous donne s’écoulent sans que vous puissiez en retenir une seule ! Vos idées vagabondent à la va comme je te pousse, incapables de se fixer ! COLVERT ! Est-ce si compliqué ? Gustave COLVERT ! Mais que va-t-on faire de vous si vous ne savez rien faire correctement ? Retournez donc à vos moutons, allez jouer du mirliton avec les simplets de votre village !

En colère, Lise pouvait être assez dure et un peu injuste… Après tout, n'était-elle pas la première à oublier les patronymes ?

… Mais la petite bonne n’en finissait plus de pleurer et Lise finit par se lasser de tempêter. Surtout, il fallait récupérer ce paquet au plus vite. S’il avait déjà été ouvert… Oh, elle en était malade. Elle s’enroula dans une cape et traîna la coupable derrière elle jusqu’à la rue (« Oh que si, vous venez avec moi, Berthe. Vous allez présenter vos excuses en personne à Monsieur Canard ! ») où elles empruntèrent un fiacre qui les déposa dans le quartier voulu. Là, Berthe les conduisit jusqu’à une petite rue particulièrement… animée ?

« Mais qu’est-ce que c’est que ce bazar… ? »

Les yeux écarquillés de frayeur, la bonne inarticula quelque chose qui ressemblait à : jcroibienqusélaqujédéposélpaqué

Après un moment d’hésitation, Lise reprit résolument le bras de Berthe et se fraya un passage jusqu’à l’intérieur de la librairie. Sa bouche s’entrouvrit sans un son tandis qu’elle embrassait la scène d’un regard stupéfié. Une femme en robe de chambre pleurait. Deux hommes s’étaient visiblement battus. D’autres s’agitaient, certains se moquaient, d’autres encore demeuraient perplexes. Et au milieu de tout cela trônait la jolie jarretelle rose. Lise se pétrifia en la reconnaissant.

« Oh mon Dieu… Oh mon Dieu… »

Son regard remonta lentement de l’objet jusqu’au couple qui se relevait. La femme qui pleurait. L’homme qui… Oh mon Dieu. Malgré les lorgnons manquants, l’ecchymose naissante et le trouble qui agitait tous ses traits… Lise le reconnut. Canard-Mauperché. Elle l’avait vu chez La Forestière où ils n’étaient séparés que par deux autres convives.

Là, Lise crut avoir atteint le point de non-retour et son cœur manqua un battement. Elle voulut disparaître de la surface de la terre à l’instant même, mais ne réussit qu’à rougir violemment. Un reniflement à ses côtés la sortit de sa tétanie ; Berthe, les yeux rougis, semblait elle trouver un certain intérêt à suivre le drame qui se déroulait là.

Lise, alors, surmonta la honte intense qui l’avait envahie, et avança vers le pauvre homme et son épouse :

« Madame, Monsieur Canard-Mauperché… » Sa voix trembla un peu. « Vous avez été victimes d’une effroyable méprise. »

Un court instant de silence suivit ; elle voulait parler plus fort pour clamer l’erreur, mais les mots s’étranglaient dans sa gorge. Ce fut finalement d’une voix bizarrement rauque qu’elle répéta plus haut :

« Une effroyable méprise ! »

Et, derrière elle, une petite voix mal assurée confirma :

- J’crois ben qu’je m’suis trompée de destinataire, pour c’te lettre.
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Donatien Merveaux
Aristarque des Joyaux
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptySam 2 Fév - 2:52

Je me masse la joue. C'est très désagréable... Le coup n'était pas particulièrement violent mais il était assez professionnel. Je me redresse, prêt à répliquer de mon mieux, lorsque le crasseux de tout à l'heure jaillit d'entre deux rayonnages, visiblement scandalisé que l'on ai pu se battre sans l'en informer, et frappe d'un poing déterminé le libraire, le prenant pour mon agresseur. La situation est tout à fait amusante. Le vieux coureur tombe et le croquant lui colle un coup de pied dans les côtes en confirmant mes propos concernant le physique de Mme Canard.

La suite se déroule assez rapidement. L'Hideuse courut à la porte en hurlant à l'assassin, les badauds se rassemblèrent en bons Parisiens. Je profite de la confusion pour écraser du talon les orteils de Lepic avant de me reculer vivement, de manière à être plus ou moins dissimulé par l'odorant jeune homme ayant frappé Canard. Je jette également un regard haineux à l'allemand narquois, avant de me tourner vers celui me sert de "mur" improvisé.

-Monsieur. Vous ne me semblez certes pas des plus recommandables, ni des plus propres, mais vous avez néanmoins ma gratitude. Encore que vous vous soyez trompé de cible... Mais peu importe, je suis heureux que vous partagiez mon opinion quant au physique de cette femme.

Je lui adresse mon plus beau sourire, c'est à dire que les commissures de mes lèvres se soulèvent légèrement, et lui tend la main.
Je suis certes d'origine aristocratique, mais on ne peut pas dire que ma famille fut des plus nobles, et cela ne me dérange que peu de m'accoquiner avec ce genre de personnes.... Si ça peut me rapporter quelque chose, bien entendu.

Dans le même temps, deux femmes sont entrées. Plus agréables à regarder que l'épouse de Mauperché, par ailleurs. L'une d'elles fait soudain une révélation pour le moins inattendue.

« Madame, Monsieur Canard-Mauperché… Vous avez été victimes d’une effroyable méprise. »

Je cligne des yeux, abasourdi. Toute cette agitation pour.... une "méprise"? C'est que ça en serait presque hilarant.
J'ouvre la bouche pour lancer une pique mais la douleur sous mon œil me signale sans délicatesse qu'il vaudrait mieux que je cesse de me mêler de ce qui ne me regarde que de très loin.
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyVen 8 Fév - 10:43

Le fou furieux surgit et s’acharne contre le libraire. La situation a tellement viré à l’absurde qu’Augustin est d'abord resté abasourdi. Au coup de pied, néanmoins, il a bondi pour s’interposer – un peu tard. Il regarde, effaré, leur huis-clos se teinter d’une violence qu’il ne comprend pas. Est-ce lui qui a déchaîné les éléments ? Lui, Augustin Lepic, lui le sage, le réfléchi, le doux ?

Beati qui lugent quoniam ipsi consolabuntur*.

Le verset envahit son esprit au point qu’il est incapable de tout mouvement. Lorsqu’une douleur aiguë saisit son pied, il ne réagit pas. Il est écrasé par le poids de sa culpabilité. Il se dit, pourtant, qu’il a seulement voulu maintenir sauf l’honneur d’une femme déjà blessée ; il a écouté son cœur, il lui a semblé que là était son devoir. N’aurait-il pas été le dernier des lâches s’il n’avait pas réagi ? … Avait-il le choix ?

Peut-être. Peut-être y avait-il une autre solution.

Et ce « peut-être » le hante soudain. La simple possibilité qu’il ait existé une autre réaction juste qui n’aurait pas mené à ce drame, le glace.

Il revient au réel lorsqu’un Deus ex machina aux traits féminins fait son apparition. Une méprise ? Une méprise ? Comment un tel drame peut-il reposer sur une méprise ? Même Alfred Athys, dans ses pires moments, n’aurait pas osé le scénario !

Il n’y a plus qu’une chose à faire. Sans un regard pour les autres acteurs, Augustin s’avance vers le malheureux couple Canard-Mauperché. Il cherche le regard de Raymonde, puis d’Octave. Sa voix très grave, très douce, ne s’élève que pour eux :

« Je vous demande pardon… »

Puis, rapidement, il sort. Il écarte les badauds, remonte son col et s’éloigne, les sourcils froncés. Ses pas le mèneront, c’est à peu près sûr, à Notre-Dame.

Spoiler:
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La Pie Lazuli

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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptySam 16 Fév - 0:48

A peine était-il entré en scène que ça commençait à s'agiter. Mais l'oiseau avait l'habitude que les badauds à son arrivée s'envolent à tire d'ailes. Cela n'y manqua pas. L’acariâtre sorcière, épouvantée, se jeta sur la porte. Des bruits aigus comme des piaillements lui agressaient l’oreille, et bientôt, la lumière jaillit et des gens entrèrent de toute part. Quelle poisse quand même ! Il allait filer lui aussi mais le prêcheur de bon goût l'arrêta en ces mots :

-Monsieur. Vous ne me semblez certes pas des plus recommandables, ni des plus propres, mais vous avez néanmoins ma gratitude. Encore que vous vous soyez trompé de cible... Mais peu importe, je suis heureux que vous partagiez mon opinion quant au physique de cette femme.

La pie souleva un sourcil désabusé. Qu'est-ce qu'y m'veut ? Pas recommandable moi ! Comme il y s'pavanait le gueux. Il osait même lui tendre la main, pff ! Mais comme il était bon larron, Jeannot saisit l'occasion et, passant lentement sa main dans ses cheveux de gars pas recommandable, il l'approcha ensuite pour conclure l'étreinte. Au moment où il touchait la peau de son vis à vis, et quoique ses yeux furent faibles, il fut frappé par un éclat doré luisant à l'auriculaire de l'élégant. A la bonne heure ! Il mit une vigoureuse fermeté à serre la patte de l'autre. Or le tour de main se jouait ici : au moment de lâcher le rupin, La pie au contraire raffermit l'étreinte et fut secoué violemment, comme foudroyé sur place par un éclair divin. D'un "AIE" qui déchira sa poitrine, il emporta leurs deux bras au dessus de leur tête et relâcha tout avec autant de soudaineté.

Ce qui venait de se passer en réalité, c'était une tentative : il fallait essayer de serrer le précieux anneau dans l’étau de ses doigts mais tout en évitant de racler les phalanges auxquelles on tenter d'arracher la chevalière. Il était en effet important que l'opportun dindon de la farce ne se rendît pas compte qu'on était en train de le délester de quelque poids valeureux.

Or, Donatien avait peut-être senti au creux de ses doigts le bout des doigts de l'inconnu à qui il avait, naïvement, proposé sa main. Cela, seul la providence nous le dira. Ce que nous savons néanmoins, nous le révélons maintenant. Pour justifier son acte, voici ce que notre drôle d'oiseau donna pour explication :
"Oh, mes excuses monsieur, c'était ben l'électricité statique, j'crois. N'avez rien r'senti, vous ?" Après quoi, sans qu'il se soucis le moins du monde de la réponse, il se dirigea vers la sortie...




[HRP :: Les dés sont lancés () : D si ça réussit, il faudra considérer que La pie a pu s'en aller sans problème. Dans le cas contraire, on considèrera que Donatien a encore une chance de rattraper le vilain voleur : p]


Dernière édition par La Pie Lazuli le Mer 10 Avr - 11:25, édité 1 fois
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Elke von Herzfänger
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMer 20 Fév - 1:11

L'agitation prit une telle ampleur que personne ne faisait guère attention à ce qui se passait. Indifférent, Elke restait justement immobile, observateur. Il ne put retenir de pouffer quand Octave se fit tabasser à mort. Il prit appui sur le bureau et cela lui rappela que le bureau existait. L'agitation, disait-on, hein ? Raymonde courait déjà dans la rue hurler à l'assassin, certainement aidait-on Octave à se redresser, deux compères se serraient la main et se tordaient étrangement. Laissant courir son regard sur le bureau Elke n'y vit qu'un tas de factures désordonnées et des piles de livres désordonnés aussi. Un opus interpella son œil en particulier et, sans sourciller, il le prit en main pour mieux le découvrir.

Soudain, un nouvel affolement, le dehors s'accaparait enfin du drame intérieur.

« Vous avez été victimes d’une effroyable méprise. » Elke sursauta. Ciel, cette voix. Il se retourna vivement – précipitant ainsi son mouvement, il mit machinalement le livre dans sa poche intérieure, comme s'il lui avait appartenu. A voir le visage auquel appartenait, manifestement, la voix, il reconnu quasi instantanément Madame de Champmézières – non pas qu'il la connaissait intimement, mais il avait été amené ces derniers temps à mettre en lumière le beau monde et à s'informer sur ces principaux acteurs. Or le souvenir de sa perception première s'était effacé pour faire place à la reconnaissance du visage de Madame, et sa stupéfaction s'était envolé dans le même mouvement.

Il n'y prêta plus attention, et s'ajouta à cet oubli l'information nouvelle – une méprise, Elke fut incroyablement déconfit. Quelle déconvenue. Une méprise ? De toute façon, le spectacle était fini, on en avait épuisé toute la substance.

Décidé à quitter les lieux qui ne l'intéressaient plus, le jeune homme s'en alla franchir le seuil de la porte. Insolamment, il ne put néanmoins éviter quelque remarque :
« Madame », dit-il en la saluant poliment. « Si je dois un jour faire un réception, je ne manquerai pas de louer vos services. Du pur génie, assurément. »

Et il s'en fut, dans un mauvais sourire.
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Octave Canard-Mauperché
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptySam 23 Fév - 2:42

Tout se passait décidément trop vite. Octave chancelait, légèrement assommé, Raymonde lui pressait le bras en versant des larmes amères ... Les larrons se ... congratulaient ? Octave aurait tempête et les aurait mis dehors manu militari s'il n'était pas aussi sonné ... Il remit ses lorgnons - un des verres étaient cassés ... Pendant ce temps, une dame s'était frayée un chemin jusqu'à eux, et avait dévoilé le pourquoi de l'affaire ...

- Une méprise ? s'écria Raymonde, entre ses larmes.

- Une méprise, oui ... Et tu ne voulais pas me croire ... répéta Octave, d'une voix faible.

Il entendit à peine les excuses du bonhomme barbu, le seul qui avait défendu sa femme ... et qui s'éloignait comme un voleur, vraisemblablement honteux, tandis que les malhonnêtes ricanaient. Entre eux et Madame Champmézières - il la reconnaissait à présent - , notre libraire ne savait pas bien quoi faire ... Un autre client s'éclipsa avec un mauvais mot pour la nouvelle venue. Et M. Canard-Mauperché, qui avait pourtant bien peu d'illusions, se demanda pourquoi les hommes étaient parfois si cruels ... Enfin, il glissa à Raymonde :

- Puis-je vous laisser avec Madame, afin d'éclaircir cette histoire ? Je dois m'occuper de quelque chose ...

En effet, il avait deux parasites à jeter dehors ... mais sa femme le retint, et Octave n'osa dire non à ce regard-là ... Pas que ça lui plaisait de laver le linge sale devant des gens aussi douteux, mais ... puisque l'infamie ne les touchait, pas, eux...

- Eh bien, clarifions les choses, alors ... Madame, dites-nous, qu'est-ce que c'est que cette histoire de lettre ? Quoique ... Si vous pouviez attendre un instant ...

Et il se dirigea vers la rue, où les badauds s'étaient attroupés ...

- VOUS N'AVEZ RIEN DE MIEUX A FAIRE ? Allez, OUSTE ! Vous viendrez acheter des livres un autre jour, on ferme ! OUSTE ! DU BALAI !

Il continua jusqu'à disperser la foule, et il était presque touchant à attribuer l'attroupement de curieux à un intérêt quelconque pour sa librairie... En était-il dupe lui-même ? En revenant, il jeta un regard torve aux deux olibrius qui étaient toujours là - pourquoi diable l'un d'eux parlait d'électricité statique ?! - et se tourna enfin vers Lise Champmézières.

- Madame, nous vous écoutons, dit-il alors, d'une voix lasse.

Octave détestait devoir se donner en spectacle.
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Lise Champmézières
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyMar 26 Fév - 8:00

L’odieux Prussien ! Le stupide animal ! Lise lui adressa un regard tueur. Plus de voilette pour faire écran, cette fois.

Mais il y avait des choses autrement plus graves à régler que la pique de l’Est. Entrouvrant la bouche, Lise demeura d’abord muette ; son explication semblait en suspens, tandis que ses joues rougissaient de plus belle. Puis elle se lança, peu assurée :

« Eh bien… »

Par où commencer ? Pouvait-elle expliquer les circonstances dans lesquelles tout avait commencé ? Non, bien sûr. Pour se donner une contenance, elle fit quelques pas pour aller ramasser la jarretelle, puis revint vers les libraires, l’objet en main.

« Je suis entrée en possession de cet objet. Bel objet, au demeurant, vous êtes sans doute de mon avis… Bref. Mais vous comprenez que je devais le rendre à son propriétaire. Enfin… »

Elle rougit encore, s’il était possible. Pourquoi tout était-il si compliqué ?

- Pas à son propriétaire, naturellement, mais à celui qui… enfin… à celui qui était susceptible de connaître la propriétaire…
- M’sieur Colvert, quoi.

Berthe, sentant sa maîtresse embarrassée, avait cru bon de voler à son secours. Elle dut s’étonner de recevoir à son tour un regard tueur.

« Vous savez, en tant que couturière, on connaît parfois des choses sur les gens… Je suis une tombe, croyez bien, c’est pourquoi cette affreuse méprise me bouleverse autant que vous ! »

Libre à eux de ne pas être de son avis, mais Lise était sincère.

« Hélas, mille fois hélas, j’ai eu le malheur de confier le colis à cette petite sotte ! »

Regard exaspéré, cette fois, en direction de Berthe. Celle-ci voulut se défendre :

- Faut dire, Madame, que Colvert et Canard, ça s’ressemble, quand même…
- Voulez-vous vous taire !? Je vous interdis de prononcer un mot de plus ! Ah tiens, non, je vous autorise à ouvrir la bouche pour présenter vos excuses à monsieur et madame Canard-Mauperché ! Je vous l'ordonne, même !

La fille baissa les yeux et eut un air mi-boudeur mi-penaud : jvouprézentmézexcuz… Puis, plus bas : méyapaïdédsapléCANARDossi

Heureusement pour elle, Lise n’entendit pas la fin. Elle s’était déjà retournée vers Raymonde et Octave :

« Je suis navrée. Vraiment navrée. Tout ceci vous a visiblement causé… bien du tracas. »

Elle avait eu un geste flou en direction du bazar qui régnait dans la librairie.

Récupérant la lettre qu’elle serra dans sa main avec la jarretelle, elle n’eut plus qu’une envie : partir le plus loin possible et oublier cet épisode désastreux.

« Il faut venir me voir, dès que vous serez remis… Si, si, j’insiste. » Oui, elle insistait, malgré (ou à cause de, plus probablement) la publicité terriblement contreproductive que sa Maison venait de recevoir. « Je vous offrirai des gants de chevreau, Monsieur, et pour vous, Madame, nous ferons… tenez, une cape en tulle. Vous viendrez, n’est-ce pas ? »
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MessageSujet: Re: Achetez des livres, qu'y disaient ...   Achetez des livres, qu'y disaient ... EmptyJeu 7 Mar - 22:23

L'odieux prussien partit sous le regard foudroyant de la couturière et de Raymonde ... Personne, finalement, ne remarqua le renflement dans sa poche et il poussa la porte sans même qu'on soupçonnât le méfait ... Il faut dire, à la décharge de notre libraire, qu'il y avait bien d'autres choses qui l'occupaient : les deux brigands (rien que ça, oui) qui trônaient toujours à côté avec, en balance, la fameuse explication de toute cette histoire ... Lui et Raymonde assistèrent, un peu sonnés, aux explications confuses de Madame Champmézières et de sa petite employée.

- Mon enfant, vous ... commença Octave, puis il hésita et se tourna vers Raymonde, qui lâcha d'un souffle :"Vous êtes une sotte ... " - vous êtes pardonnée. - Raymonde se crispa légèrement. - Mais je dois vous dire que vous envisagez votre erreur avec un peu de légèreté, j'ai l'impression. Avez-vous idée du discrédit qui tombe maintenant sur cette maison ?

En même temps, la petite était-elle responsable du désastre qui avait eu lieu dans la librairie ? Qui était fautif ? Cet homme qui avait ouvert les hostilités, dans un but qui semblait louable ? Les gens malhonnêtes, qui avaient dénigré Raymonde ? Elle-même qui, croyant à une trahison, avait fait un scandale et exigé réparation ? Ou encore cette femme qui semblait avoir voulu jouer un tour à un viveur ... ? Ou encore lui-même, idiot de libraire, qui avait assez négligé son épouse pour qu'elle ait pu croire à une pareille supercherie ... ? Un peu de tout cela à la fois, sans doute. Ah, c'est qu'elle était belle, la société de la IIIe République !

- Bien du tracas, oui, vous pouvez le dire ... répliqua M. Mauperché, visiblement agacé.

Mais Raymonde posa une main sur son bras et il s'arrêta un temps - juste assez pour laisser Madame parler et comprendre qu'elle était sincèrement désolée ...

- Madame Champmézières, c'est bien cela ? Il serait malheureux que nous nous trompassions de nom à notre tour, dit-il d'un ton ironique.

Raymonde, d'une voix pâle, ajouta :

- Je crois être déjà passée devant chez vous, ce n'est pas loin n'est-ce pas ... ?

Et, saisissant l'assentiment de son épouse, Octave conclut :

- Nous viendrons peut-être, Madame ... Votre proposition est charmante. A présent, si vous voulez bien m'excuser ...

Et il se dirigea vers ces deux messieurs qui étaient encore là, et qui venaient de se serrer la main. Il les houspilla comme il avait houspillé les curieux dehors :

- Alors on n'a pas l'intention d'acheter des livres, la littérature, on s'en f***, hein ? Allez DEHORS, et ne reparaissez plus chez moi !

Le vieil ours qui sommeille en tout bibliophile s'était semble-t-il réveillé ... Pendant ce temps, Raymonde regardait la couturière, les yeux rouges et le rouge aux joues. Dans son regard s'était pourtant allumé une petite lueur - un rien, un petit quelque chose. Et s'adressant à Madame Champmézières, elle demande, naïvement :

- Tout cela n'est donc jamais arrivé ... Ah ! que croire à présent ?

Et dans un geste de pudeur, semblant soudain prendre conscience de son état et de son apparence, elle rajusta son bonnet de nuit, d'où s'échappaient de longs cheveux noirs fort beaux, et ferma mieux la robe de chambre sur sa chemise de nuit de dentelle.

- J'espère, Madame, que vous ne me jugerez pas dans cette mise ridicule ... J'étais si en colère en apprenant - en croyant apprendre - que j'ai oublié tout à fait qui j'étais et comment je devais être ... Après plus de vingt ans de mariage, vous comprenez... ! Mais je vous en prie ... Tâchez d'oublier cette image... Ce n'est qu'à cette condition que j'oserai un jour vous recroiser sans honte ...

Elle qui faisait si bourgeoise, au beau milieu de cette librairie étrange ... !


Dernière édition par Octave Canard-Mauperché le Ven 26 Avr - 2:55, édité 2 fois
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